Étiquette : 2020


  • Janvier 2001 | Muriel Pic, Affranchissements

    Éphéméride culturelle à rebours


    2001



    Quelque chose qui n’a probablement pas existé s’est formé en moi à partir d’échos, de traces, de bribes, l’infra-ordinaire de Jim, le texte en lambeaux d’un monde inconnu que je devais traduire à partir du grimoire magique d’un album de timbres. J’avais entre les mains les dernières années de la vie d’un homme et notre passage au troisième millénaire. Qu’ai-je donc fait de décembre 1998 à janvier 2001 ? J’essaie de retrouver ma propre vie avec chaque timbre, de repasser les saisons, mais en vain, cette époque que j’ai vécue ne m’appartient plus. Une obscure culpabilité m’oblitère, le sentiment d’une dette à rembourser m’obsède. J’ai l’impression de devoir quelque chose. Je ne vois que Jim, je ne pense que Jim. C’est une appropriation réciproque par petites perceptions. Mes efforts cependant sont vains, la page reste blanche, rien ne vient qui pourrait m’aider à la faire revivre. Il me manque le contact entre l’imagination et la vie, il me manque la liberté. Je voudrais, comme lui, sentir les microséismes d’un instant, expérimenter la théorie mathématique des bifurcations, croire que la plus petite particule peut enrailler le système général et lancer des nouvelles dynamiques se ramifiant à toute vitesse et dans toutes les directions. Je voudrais faire de la poésie ma manière d’être seule. Mais j’échoue constamment. Je quitte le clavier, je m’achète un beau carnet et un beau crayon, en vain. Rien ne vient, même s’il est bien là avec moi, plein de sollicitude et d’empathie. Je suis compliquée et ambitieuse, Jim est simple et calme comme un arbre, une fleur, une plante. Mon cœur se déchire à la première passion quand le sien est un asile pour toutes choses. Je me perds dans les mots, quand il lui suffit d’un bref regard silencieux pour s’orienter dans le monde. Un sens lui fait défaut, celui qui lui donnerait prise sur l’amour ou la gloire. Je dois m’en amputer. Il veut n’être rien, je veux être tout. Il est tout, je ne suis rien. Il est sans pourquoi, je ne cesse de me poser des questions, idiote derrière ma loupe, spectatrice ignorante et honteuse des derniers mois de sa vie. Il est là, près d’un talus ou le nez au vent. C’est l’habitant du jardin, une sorte d’ermite ornemental, le bossu dans le parc, avec quelque chose d’un clochard ou d’un ange qui aurait refermé ses ailes. Il aime la nature sans la penser, il l’aime comme il regarde une fleur. Il l’aime sans savoir ce qu’aimer signifie, il est dans l’innocence de ne pas penser, mais d’être spontanément à l’écoute par le dedans, en acceptant que toute chose soit limitée. Mais de tout cela suis-je vraiment sûre ? En réalité, je n’en sais rien.

    Il me faut donc recommencer, repartir du début.

    Jim est au bureau de poste, il choisit des timbres et discute avec la postière. Le bleu de ses yeux est plus intense, son pouls s’accélère, le temps passe plus vite, les nuages occupent tout le ciel en une couche épaisse et sombre. Est-il possible de revivre ce que l’on n’a pas vécu ? Ciel ! Amour ! Liberté ! Quel rêve, ô pauvre folle… Pourtant je le vois, il est là, c’est l’automne 1998, il a déjà un cache-col bleu clair, bientôt ce sera l’hiver. Dans la campagne, la surface des étangs deviendra solide, opaque, la vie en sommeil. Tout semblera figé, immobile, ralenti, saisi par la lenteur de la glace. Mais je vais trop vite, nous ne sommes que le 29 septembre. Jim achète quatre timbres sur le progrès automobile par les records de vitesse. Il regarde d’anciens bolides aux formes allongées qui font des courses sur la plage de Pendine Sands.

    J’ouvre les enveloppes dans l’ordre. Il y en a vingt-six : une pour l’année 1998, douze pour les années 1999 et 2000, une pour 2001. Chacune comprend quatre timbres, il y en a donc cent quatre. Ma main ouvre ce que la main de Jim a fermé. Elle tremble légèrement. Les images tombent sur la table. Je repousse la nostalgie et les dispose en ligne pour bien les regarder. […]



    Muriel Pic, « II. Les enveloppes », Affranchissements, récit, éditions du Seuil, Collection Fiction & Cie, 2020, pp. 71-73.






    Muriel Pic  Affranchissements 2




    MURIEL PIC


    Muriel Pic NB
    Ph. © éditions Macula
    Source





    ■ Muriel Pic
    sur Terres de femmes


    Élégies documentaires (lecture de Gérard Cartier)
    La neige (extrait d’Élégies documentaires)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions du Seuil)
    la fiche de l’éditeur sur Affranchissements
    → (sur le site de la Maison de la Poésie de Nantes)
    une notice de Frédéric Laé sur Muriel Pic





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  • Valéry Meynadier | [Je veux choyer votre absence]


    [JE VEUX CHOYER VOTRE ABSENCE]




    Je veux choyer votre absence
    Lui parler
    Me caresser à travers elle
    La bénir
    Elle existe & vous contient toute entière

    Mais
    Si
    Elle devait persister
    Alors que j’ai dit à mon ventre
    À mon âme

    Si
    Elle rentrait dans la durée

    Attaquée au burin



    Vous ne me manquez pas
    Ce n’est pas du manque
    Plutôt une urgence qui brûle

    J’ai fait ce que j’avais à faire
    Même mourir

    Mes affaires sont en règle

    Je n’ai plus qu’à vous aimer




    Valéry Meynadier, La Morsure de l’ange, éditions Al Manar, Collection Erotica, 2020, pp. 28-29. Encres de Rachid Koraïchi.






    Valéry Meynadier  La Morsure de lange 2




    VALÉRY MEYNADIER


    Valéry Meynadier NB 2
    Source




    ■ Valéry Meynadier
    sur Terres de femmes


    Divin danger (lecture d’AP)
    Daou (extrait de Divin danger)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site de la mél, Maison des écrivains et de la littérature)
    une fiche bio-bibliographique sur Valéry Meynadier
    → (sur le site des éditions Al Manar)
    une notice sur Valery Meynadier




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    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Zéno Bianu | Bleu Haïku

    Topique : Bleu



    BLEU HAÏKU



    Profond
    plus profond encore
    dans les montagnes bleues 1


    TANEDA SANTÔKA
    (1882-1940)



    Un homme avance sur des versants ardus. Sans doute un ermite, un homme-montagne, comme disent les sages. Il avance pour aller plus loin – plus loin à l’intérieur de soi. Il s’en va rejoindre le cœur du bleu. Méditer sur la nuance des nuages. Pas à pas, entre ciel et cime, agrippé à la roche nue, relié aux forces vitales de l’univers. Bien loin des rumeurs du siècle.
    Ce haïku, que je lis et relis lentement, au plus intense, m’offre toujours un surcroît de présence, une écoute de toutes les coïncidences. Il met en scène un je-univers, un esprit capable de se laisser habiter, visiter, un corps devenu antenne au diapason de l’espace. Dans une exaltation toujours neuve.

    Dieu ? Une onde, un flux, un abandon bleuté.



    Peu à peu mes poumons         
    se teignent de bleu –
    voyage en mer 2


    SHINOHARA HÔSAKU
    (1905-1936)



    Il y a ici une façon inimitable de faire sourdre l’invisible. Comme une perception accélérée de l’instant. Et mon cœur-esprit résonne. Voici le monde éprouvé pour ce qu’il est vraiment : un espace où se nouent à jamais splendeur et mélancolie, où la nature devient si prenante, si contagieuse que « les poumons se teignent de bleu ».

    Ce haïku suscite en moi un acquiescement à la fois vigoureux et nostalgique, une conscience de la vie comme miracle. Il ravive mon intuition. Tel un frère d’absolu, il m’étreint le cœur avec la plus grande légèreté. Juste un tressaillement complice. Une savante simplicité. L’éclosion spontanée d’une fleur de songe.



    Sifflotant sans cesse      
    ce matin
    dans le bois qui bleuit 3


    OZAKI HÔSAI
    (1885-1926)



    Lisons de plus près — au plus près même —, regardons scintiller cette merveille. Où m’emmènes-tu poème, dans ce tremblement bleu de forêt électrique ? Où m’emmènes-tu ? Tu ouvres tout à coup une brèche dans la réalité. Un espace de reconnaissance infinie que ma lecture échoue à épuiser. Un espace de lucidité. Tu gambades aux limites du bleu tendre. Tu dis vrai.



    Zéno Bianu, Petit éloge du bleu, éditions Gallimard, Collection folio, 2020, pp. 37-39.



    ________________________
    1. Taneda Santôka, in Haïku, Anthologie du poème court japonais, édition et traduction de Corinne Atlan et Zéno Bianu, éditions Gallimard, Collection Poésie/Gallimard, 2002, page 84.
    2. Shinohara Hôsaku, ibid., page 196.
    3. Osaki Hôsai, ibid., page 37.







    Zéno Bianu  Petit éloge du bleu




    ZÉNO BIANU


    Zeno-bianu
    Source




    ■ Zéno Bianu
    sur Terres de femmes


    Credo (extrait d’Infiniment proche)
    Du plus loin… (extrait de Fatigue de la lumière)
    Miroir de tous les doubles (extrait de Satori Express)
    Zéno Bianu | Yves Buin | [Musique antérieure de l’origine océane] (extrait de Santana de toutes les étoiles)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site du Castor Astral)
    une notice bio-bibliographique sur Zéno Bianu




    ■ Voir encore ▼


    → (sur Terres de femmes)
    Anthologie du Bleu





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  • Étienne Faure, Et puis prendre l’air

    par Angèle Paoli

    Étienne Faure, Et puis prendre l’air,
    éditions Gallimard, Collection Blanche, 2020.



    Lecture d’Angèle Paoli


    LES CHUTES DU POÈTE-ÉCUREUIL




    Et puis prendre l’air. Le titre choisi par Étienne Faure pour son dernier recueil de poèmes m’a d’emblée fait sourire. Pour sa formulation familière perçue comme une incitation joyeuse à l’escapade. Pour les non-dits qui se cachent sous cette formulation. Et pour l’humour du poète qui déjà pointe sous cette invitation séduisante. Prendre l’air ? OUI. Peut-être et, paradoxalement, commodément installée dans mon fauteuil pendant que je parcours les pages du livre. Cet ouvrage m’encourage en effet à prendre l’air, sourire aux lèvres.

    Répartis en dix sections, où alternent dehors et dedans, fermé et ouvert, ville et campagne, campagne et littoral, proche et lointain, les poèmes en prose d’Et puis prendre l’air offrent un panaché de possibilités, de saisons et de lieux. D’humeurs. Un éventail très diversifié de portraits pris sur le vif, de natures mortes plus que vives et de saynètes drôles à souhait. Et qu’y avait-il donc antérieurement à ce « et puis » ? La vie, sans doute, avec son contingent d’obstacles, de contraintes et de pesanteurs, d’impedimenta quotidiens. Mais nous n’en saurons rien. Presque rien.

    Sortir donc. Pour quoi faire ? Les réponses sont multiples, comme le suggèrent les intitulés des différents chapitres du recueil (dix au total). « Sortir », intitulé de la première section, « Prendre l’air », intitulé de la dernière section. Entre ces deux pôles, le regard vagabonde, captant au passage des mots que tout semble opposer et que l’on pourrait s’amuser à classer par binômes : bancs/mûres, cloîtres/cave, etc. Une composition mouvante, tout en contrastes, pareille aux tableaux d’une exposition. Animée.

    Sortir donc, pour se ménager des « appels d’air ». Ce que suggère le vers de Charles Baudelaire, choisi par Étienne Faure en exergue de la dernière section de son recueil :

    « Oui, c’est là qu’il faut aller respirer, rêver, allonger les heures… » (Petits poèmes en prose).

    Sortir pour « changer de décor », pour mettre le temps au défi, pour résister à toute propension à l’enfermement ; pour voir la campagne défiler derrière la vitre d’un train, lequel « fabrique dans le paysage une écriture par hypallage, télescopage… » ; pour le bonheur de parler oiseau, de se prélasser dans un champ fraîchement coupé ou de s’adonner à un luxueux farniente sous le soleil des tropiques. Prendre l’air pour se livrer à l’observation de la nature, ce en quoi le poète excelle. Et puis, « prendre les airs » pour mieux « prendre ses distances. »

    Le programme — ou plutôt son envers ; voire son absence — est irrésistible. Et le plaisir du texte et des mots, assuré. Cela commence avec le choix des épigraphes. Qui sont à elles seules autant de fins scrupules (dans l’acception de « petits cailloux ») conduisant nos pas vers la liberté. Ainsi de ce vers d’Armen Lubin, cité en ouverture de la première section « Sortir » :

    « Je me suis fabriqué une fenêtre sans rien autour. » Ou cette autre, sur la même page, empruntée à Jacques Vaché :

    « Nous marchons au petit bonheur, et rien ne peut être prévu. »

    Ou encore cette citation empruntée aux Caractères de La Bruyère, qui annonce, me semble-t-il, la pirouette finale, sur laquelle se clôt le recueil :

    « Je descends dans la ville, où je n’ai pas couché deux nuits, que je ressemble à ceux qui l’habitent : j’en veux sortir. »

    Autant de considérations qui préludent à l’esprit du recueil et éveillent l’intérêt du lecteur, ivre à son tour de liberté grande.

    Plutôt concis dans leur ensemble, les poèmes en prose d’Étienne Faure sont autant de portraits croqués sur le vif. Réduits à l’état de passants ou d’éphémères protagonistes, les humains sont saisis dans une écriture marquée par sa vivacité. Ainsi du premier poème de « Sortir », constitué d’une suite énumérative remarquable de célérité. Une seule phrase interrogative, sans pause, avec des relances. Puis, soudain, une chute inattendue. Un mot pour couper court. Un seul. « Printemps ». Dans d’autres poèmes, ce sont les exclamatives qui donnent le tempo, celui échevelé de motardes, chasseresses vrombissantes dont les chevauchées s’harmonisent avec la « verve des oiseaux ». Le poète, tout comme les personnages qu’il montre en action, ne s’appesantit pas. « Dehors, les hommes sont des passants », écrit Joseph Roth cité en exergue de « Sortir ». Tournant la page, le poète fait de même.

    Cette démarche d’homme pressé n’empêche nullement le poète de prendre son temps. Le temps de l’observation et de l’analyse. Voire de la méditation. Mais, quel que soit le moment et quelle que soit l’humeur, le talent d’observateur d’Étienne Faure est toujours aux aguets. Tous sens en alerte, le poète capte les rumeurs de la ville, reconnaissables à leur compacité. Ainsi les bruits de la vie et les cris des oiseaux varient-ils en intensité selon les saisons. Les odeurs, selon les quartiers. Les images ramènent au premier plan une réalité empreinte de son bruitage habituel. Au passage, le Paris d’antan ressurgit lui aussi, avec ses mots anciens et ses jurons, ses vieilles calèches et ses rumeurs oubliées. Et ce projet qui s’énonce sous la plume enthousiaste du poète :

    « Il faudrait faire un livre rien qu’avec des phrases disparues de Paris, et les bruits qui allaient avec… »

    Les « natures mortes » s’animent, teintées d’une noble exaltation dans l’évocation savoureuse des pommes de terre :

    « … des Bintje, des Fontenay, des Charlotte et des Ratte, et des Roseval… Ô rues reconnaissantes à la chair dure et ferme, fondante ou farineuse, en gratin, en purée ou en robe des champs – ou en hachis. Il rôde une odeur de frites dans les rues adjacentes » (in « Sortir »).

    Le temps a passé sur les hommes, sur leurs petites histoires et sur la grande Histoire, mais les clichés du langage demeurent, avec leur accent désuet et cette gouaille d’une autre époque. L’ancien et le nouveau se côtoient et alternent sous la plume alerte et colorée, vive et savoureuse du poète, amoureux des mots et fin analyste de l’humain.

    Au premier volet de « Sortir », tout en mouvement, succède le théâtre des bancs publics, tout en ralentissement, en suspens et en attentes. Le cycle de « L’éloge appuyé des bancs » s’ouvre sur l’expression anglaise : Wait and see, devise de l’observateur patient qui a momentanément délaissé la vitesse urbaine et sa frénésie pour la lenteur qu’offre « l’auberge du banc ». Le cycle se clôt sur l’interjection Go !, signal de prompt départ, qui, en deux lettres et une seule syllabe, invite à une remise en orbite accélérée. En attendant, le poète prend plaisir à décliner toutes les variations qu’offre à son inspiration le banc des squares et jardins. Ici, prendre l’air, c’est avant tout « se tenir hors la pénombre de la cambuse – la turne, la piaule, le cagibi. » Et le banc, contrairement à la piaule, est un lieu ouvert, un lieu « collectif », où toutes les rencontres sont possibles avec les « collègues de planche ». On peut se poser là et se taire ou se lancer dans un discours digne d’un tribun ; on peut s’installer sur « les planches » pour capter sa part de soleil. Squatter pour un temps indéterminé ou, au contraire, ne séjourner que le temps d’un repas pris sur le pouce. Le poète ne craint pas de stationner, l’air de rien, parmi d’autres résidents, ou mêmes gisants, observant les us et coutumes des siégeants, grapillant ici et là des bribes de conversations « dans une langue des jours ouvrables », tendant l’oreille aux propos qui s’échangent et qui, sous sa plume, ne manquent pas de sel. L’occasion pour lui, au passage, de se moquer gentiment de la littérature people qui surgit au hasard de la lecture d’« un magazine oublié » là ; de donner quelques définitions des bancs, « ces noirs récifs que nul regard n’accroche » ; de méditer sur l’osmose qui tôt ou tard se fait entre l’occupant des planches et les planches qui l’hébergent : « Qui sommes-nous ? Pénombre et obstacle ensemble, ombres en peine. Les bancs. »

    Tout un théâtre de passants inconnus s’improvise sur les « planches » des bancs des villes. Échanges qui associent le regard et l’ouïe, ponctués d’exclamations, de jeux sur les mots et sur la polysémie. Chaque poème est un tableau vivant et drôle, dans lequel le poète jongle avec les registres de langue. Le rideau tombe parfois sur un mot unique qui clôt la scène. Ou par une réplique enlevée, à une tonalité inattendue :

    « Puis quittant le banc comme on sort de table, on joue les filles de l’air, salut les mecs, à la revoyure ! ».

    Le lecteur aurait pu imaginer que le Go ! final de la seconde section ouvrirait sur une échappée mouvementée et virevoltante. En réalité, c’est de retour de voyage qu’il s’agit et de retournement de situation. « Changements de saison », changement d’activités, changement d’état d’esprit. L’automne est là. Le voyageur troque son bronzage pour son corps fatigué ; range ses rêves et ses valises et sort son anorak aux poches débordantes de trésors oubliés. Loin des dattiers de Rabat, il renoue avec les natures mortes de l’automne, poires, noisettes et châtaignes :

    « Telle une lecture interrompue — et la pensée qui va avec —, on reprend la tournure d’esprit de la saison où on l’avait laissée : mélancolique. »

    Cependant, l’été indien, chaleureux mais trompeur, ravive les couleurs de l’automne « magnifique de bonté, généreuse saison ». Et rend le poète à ses rêveries enthousiastes. Mais si Étienne Faure, tout au plaisir sensuel de ses observations, se prend au jeu des portraits de l’enfance :

    « Si c’était un tableau — nature morte, je trouverais les couleurs surfaites, trafiquées… »,

    c’est pour revenir, non sans grande modestie, sur son travail d’écriture :

    « Mais ce n’est rien qu’un texte qui donne à voir présentement ce qu’il peut, du haut des mots que chacun utilise, selon sa palette et ses yeux ».

    C’est sans compter avec le grand talent dont le poète fait usage. Car il possède, plus que tout autre, cette « dextérité des mots » qui fait le régal du lecteur. Jouant en espiègle avec le temps, jonglant avec les saisons et les jours, le poète offre au lecteur des tableaux dignes des peintres flamands, lesquels excellaient en natures mortes de « comestibles » … « lièvres, perdreaux… sangliers, viandes faisandées bardées de poils, de plumes, de soies ensanglantées… ». Et le temps s’accélère, les nuits succèdent aux jours, et une saison chasse l’autre. On retrouve l’automne qui fait revenir, avec la chute des feuilles, le temps de l’enfance, « temps des dictées, des clichés, des rédacs, des poèmes, toutes ces feuilles resurgies pâles, jaunes, rousses, qui craquent dans les crânes. Puis le soleil rasant allongeant le pas, les ombres s’allongèrent plus avant. »

    Avec « Claustrales », d’une tonalité toute différente, nous pénétrons dans le monde clos de la méditation, un monde incisé dans la pierre — peut-être à la manière de Callot ou de Rembrandt — et habité par les ombres. Guidé par un vers extrait de Gaspard de la Nuit … « [v]os pas y heurteront sous l’herbe des pierres qui ont été des clés de voûtes », le poète met ses pas dans les pas du poète Aloysius Bertrand et entraîne le lecteur à sa suite dans une promenade au cœur d’un cloître « où l’ombre tourne autour des piliers » (in Gaspard de la Nuit, « École Flamande, Le Maçon »). Ombres et lumières qui jouent sur les chapiteaux ou dans les feuillages du jardin ; ombres des mots anciens qui circulent encore, tel le mot Réfectoire, chargé des souvenirs d’une « vie antérieure de moine ». Les poèmes se conforment aux déambulations du poète guidé par un « il » sans visage confondu avec l’ombre de son corps. « L’ombre de nos corps est moins dense que celle de l’if ou du cyprès, et nous la déplaçons avec nos bures… » confie le « il », soudain rejoint par des « voix aux contours mystiques », avant qu’il ne regagne le silence où règne le seul murmure du ruisseau.

    Un tout autre air succède à l’air révolu et nostalgique des cloîtres. C’est de « l’air du temps » que bruissent les lieux courus de la ville. « Cocktails, vernissages et théâtres ». La vie nocturne a aussi ses adeptes, « les fêtards, les noceurs, les noctambules de toutes plumes qui prospèrent nuitamment dans les caves… ». Le poète reprenant pied dans la vie sociale, in medias res, côtoie les masques qui déambulent, verre à la main, dans les salons à lambris. Il retrouve sa verve et sa langue tant ajustée, suit parfums et regards, observe les accolades amicales et les œillades, attrape au passage des bribes de conversation, suffisamment pour se faire une idée de la belle et de son « charme de butineuse », reprend à son compte — pour varier et agrémenter les tableaux de son prochain livre — les travers du langage à la mode :

    « à cette heure de la soirée le tic le mieux partagé, ce retour régulier d’un mot, d’une expression, tu vois, le mécanisme pendulaire à l’intérieur de soi qui ponctue la phrase, la scande et la relance à nouveau, tu vois, laisse un instant le temps mort des idées se reprendre, respirer puis repartir de plus belle, tu vois… ».

    C’est dans la section « Aux coins du globe » que je retrouve sous la plume d’Étienne Faure le mot « scrupule » employé supra dans le sens de « caillou ». C’est sans doute que je l’avais remisé dans un coin de ma mémoire après avoir lu les poèmes sur la Guyane. « Cayenne, vieux cailloux, faux scrupules » :

    « Disant Cayenne, c’est caillou qui surgit, cassé, roulé, descendu des ravines envahies de lianes, ou alors un oiseau excentrique, exotique, incompris, un cayenne aux plumes d’or et d’argent, rouge et bleu, qui caquette, non, cancane, non carcaille au passage des pirogues… ».

    Les sauts de puce dans les Caraïbes se poursuivent, où l’on croise, outre la Caravelle de Christophe Colomb et sa cohorte de flibustiers, une profusion tropicale, riche en formes et couleurs, mais étouffante. L’occasion pour le poète de s’adonner aux plaisirs de la langue et de tourner autour du participe passé offusqué, en déployant le champ lexical du feu/fournaise/touffeur/étouffement/asphyxie…

    Le retour hors du « bleu outremer » s’accompagne d’une certaine amertume face au côté dérisoire de ce qu’il reste du rêve. Et, sans doute, contrairement à la grande majorité des voyageurs friands d’exotisme, Étienne Faure est-il de ceux qui gardent pour eux leurs souvenirs égotistes :

    « Je ne vous envoie pas ma photographie », écrivait Arthur Rimbaud dans sa Correspondance.

    En revanche, Étienne Faure rapporte dans ses bagages quelques touches assez drôles sur lui-même et une philosophie de la vie exotique ramenée à l’essentiel :

    « Vivre en tongs fut longtemps son rêve…

    La vie envisagée via les doigts de pieds ».

    De retour à la ville, le poète voyageur s’active dans d’autres escapades. Entrer/sortir. Revenir/repartir. Les poèmes d’« Hôtels et retours » déclinent les passages d’un lieu à un autre, d’une région à l’autre. Égrener les noms vieillots des hôtels de France est déjà en soi une invitation au voyage, même si un peu compassée, comme les photos jaunies des albums. Une forme de poème en somme. Dans la chambre qui lui échoit, le voyageur « caméléon » s’adapte aux couleurs du temps et des lieux, observe, fidèle à lui-même, les va-et-vient, les mouvements, les apparitions/disparitions, les changements de rôles. Tout un théâtre de silhouettes prend vie derrière la fenêtre. Zone frontière, limen. Entre dedans et dehors. Lieu idéal d’observation. Tout cela sur fond d’ambiguïtés de sens et de jeux sur les mots. « Courant d’air » / « l’air au piano » / « à l’air libre » / « air fendu ». Il arrive qu’au gré d’une promenade dans les rues de la ville à découvrir, les choses s’inversent. « Tête en l’air », le poète se faufile en imagination derrière jalousies et persiennes. De l’extérieur où il se trouve, il tente une percée dans les intérieurs. Le linge qui flotte aux fenêtres fournit quelques indices, mais rien de ce qui est imaginé n’est assuré. Si ce n’est que les « drapeaux qui […] frémissent » sont « des étendards aux mille patries — aux apatrides. »

    Au hasard des poèmes et de l’écriture d’Étienne Faure, on croise d’autres poètes : André Breton, Charles Baudelaire (de manière implicite), Joseph Conrad, Jules Laforgue, Madame de Staël. Et Oscar Wilde — présent dans le poème sous le pseudonyme de Sébastien Melmoth — mort en 1900 à l’Hôtel d’Alsace (sis rue des Beaux-Arts, à Paris).

    Soudain la grisaille, les criailleries des mouettes et les monticules d’ordures ont raison du poète. Partir devient une urgence. Quitter l’Hôtel de la plage et « fuir fuir foutre le camp, mettre les bouts et jouer la fille de l’air pour quitter la ville avec la pluie sans bruit, sans heurts comme à la cloche de bois. »

    Tout cela qui a fini par s’accumuler et qui a rejoint ce que la mémoire a engrangé au fil du temps, constitue un lot de souvenirs. Souvenirs de voyage et souvenirs d’enfance, menus objets hétéroclites témoins ordinaires d’un temps et d’un lieu qui ont été ceux du poète. Objets exhumés qui ramènent à la surface des moments oubliés, des mots passés de mode, des jeux de vacances aujourd’hui inconnus, garants intemporels qui parent à l’ennui. C’était le temps des « lointaines éternités ». Dont le poète, étonné, recrée l’existence déposée dans les poèmes du « Voyage à la cave » :

    « On grattait les murs, la rumeur de la plage déferlait avec la voix d’un ténor, les variétés, le Tour de France, les échappées d’un pays en vacances, en ce vaste temps mort ignorant qu’un jour on écrit, surpris, serré comme on reprise dix fois un texte ajouré, la rature, laissant passer trop de clarté de soi, cœur à l’étroit, de joie après la peine. »

    Il faudrait que le lecteur prenne aussi le large, abandonne le poète à ses « rêves plumitifs », dégote une chute digne de celles dont le poète a le secret. Et je vois bien que la mélancolie me gagne à l’idée de refermer ce livre admirable. Alors ? Jouer les filles de l’air ? Le temps ne s’y prête guère. Me glisser dans les « jardins d’enfance chez une aïeule ou une voisine antique » pour me livrer à la cueillette des mûres, « membres étirés vers le ciel » ? La saison est passée et les mûres ont depuis longtemps déserté les buissons. Une seule chose à faire. M’en remettre à la plume d’Étienne Faure et boucler ma lecture par le poème de l’écureuil et du poète, section « Prendre l’air ». Et sourire.

    « Fuir, esquiver, changer d’arbre est une manie chez l’écureuil qui s’épargne ainsi la vie, croit-il, en sautant dans les airs, et contre la pesanteur reste en suspens, ne chute jamais, amasse des idées, les oublie, n’en finit pas d’aller de branche en branche ainsi qu’un écrivain — nouveaux chapitres, paragraphes, à la ligne —, ne sachant s’arrêter, s’y résoudre et comment atterrir, s’il faut atterrir, prévoir un rebondissement, craignant le faux mouvement qui terminerait l’aventure par inertie, sans rien qui relance et qui sauve : nul panache, mauvaise chute. »

    Comment ne pas sourire ?



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli





    Faure montage
    Feuilleter le livre




    ÉTIENNE FAURE


    Faure portrait
    Source




    ■ Étienne Faure
    sur Terres de femmes


    Sortir, Éloge appuyé des bancs, Changements de saison (extraits d’Et puis prendre l’air)
    [Après les rigueurs inhumaines | du gel] (extrait de Ciné-plage)
    Les soirs d’été au pas des portes (extrait d’Horizon du sol)
    Tête en bas (lecture d’AP)
    sur « Le Poète à tête renversée » (extrait de Tête en bas)
    La Vie bon train, proses de gare (extrait)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site À la littérature de Pierre Campion)
    une lecture d’Et puis prendre l’air, par Henri Droguet
    → (sur le site Les Découvreurs)
    une lecture d’Et puis prendre l’air, par Georges Guillain
    → (sur le site des éditions Gallimard)
    la fiche de l’éditeur sur Et puis prendre l’air
    → (sur le site de la mél, Maison des écrivains et de la littérature)
    une fiche bio-bibliographique sur Étienne Faure






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  • Isabelle Junca | L’île-mer


    L’ÎLE-MER
    Photomontage, G.AdC







    L’ÎLE-MER
    (extrait)





    Mon père l’affirmait : il y a des îles-mer et des îles-terre.

    La Corse et la Sardaigne seraient des îles-terre et Chypre, une île-mer.

    Un carrefour, aussi. Je ne sais pas pourquoi, mais c’est là que je vais.

    Peut-être pour la Vénus de Botticelli ; ou peut-être simplement, pour aborder aux rivages de l’île d’une Aphrodite écumant de désir. Engendrée par Aphos, née de l’écume marine, portée par Zéphyr jusqu’à son rivage,

    la belle posa les pieds sur un rocher.

    Au commencement étaient le Ciel et la Terre,

    était l’infini du désir.

    Crépuscule rougissant d’un monde embrasé, comme ceux dont les soirs du sud tapissent nos ciels de lits.

    Puis vint le temps et son recommencement.
    Et le ciel et la mer eurent le bleu en partage, et

    l’horizon comme fusion.

    Tout homme qui regarde la mer regarde peut-être vers Chypre et l’immortalité.

    Chypre, aérée et bienheureuse.
    Chypre, entre Orient et Occident, saluée par Homère comme « l’île au large ».

    Chypre, cette île où le soleil donne, brillant d’un éclat cuivré ondulant surs ses mèches échappées.

    Mon échappée.

    La tienne : le ciel.



    Isabelle Junca, « III. L’île-mer », La Pier de C. ou La mer regarde, éditions Al Manar, Collection Poésie, 2020, pp. 20-21. Peintures d’Abdallah Sadouk.






    Isabelle Junca  Le Pier de C




    ISABELLE JUNCA


    Isabelle Junca
    Source




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions Al Manar)
    la fiche de l’éditeur sur Isabelle Junca





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  • Ada Mondès | [Viajar con una hamaca]


    Digonnet VIII bis
    Josette Digonnet, VIII in Ada Mondès, Paysages cubains avec pluie |
    Paisajes cubanos con lluvia, éditions du Petit Véhicule, 2020.






    [VIAJAR CON UNA HAMACA]




    Viajar con una hamaca; un pedazo de libertad.
    Cabes entera en la tela de paracaídas. Acurrucada en busca del silencio, recuerdas otras alas.
    Se puede crecer ojos tapados, oídos sordos: ¿cómo se puede extrañar lo que nunca fue probado?
    Pero tú del Viejo Mundo.
    La inocencia salta entre charcos y lodazales, las manos llenas de canicas.
    A lo lejos resuena la canción desdentada del pregonero.

    La calle es un teléfono ocupado – la vida, una fila de espera.







    [VOYAGER AVEC UN HAMAC]




    Voyager avec un hamac ; un pan de liberté.
    Tu tiens toute entière dans la toile de parachute. Blottie à la recherche du silence, tu te souviens d’autres ailes.
    On peut grandir yeux bandés, oreilles sourdes : comment peut-on manquer de ce qu’on ne connaît pas ?
    Mais toi qui viens du Vieux Monde.
    L’innocence saute entre les flaques et les bourbiers, les mains pleines de billes.
    Au loin résonne la chanson édentée du crieur.

    La rue est un téléphone occupé – la vie, une file d’attente.




    Ada Mondès, Paysages cubains avec pluie | Paisajes cubanos con lluvia, VIII, poèmes en bilingue, éditions du Petit Véhicule, collection « L’or du temps », 2020, pp. 64-65. Aquarelles, encres et gravures de Josette Digonnet.






    Ada Mondès  Paysages cubains avec pluie 4




    ADA MONDÈS


    Ada Mondès NB
    Ph. Source



    ■ Ada Mondès
    sur Terres de femmes


    J’écris pour vaincre les silences
    Orígenes | Origines
    Puyo | El Valle (+ une notice bio-bibliographique sur Ada Mondès)




    ■ Voir | écouter aussi ▼


    → (sur vimeo)
    une interview d’Ada Mondès à la Maison de la Poésie d’Avignon (22-23 novembre 2019)
    → (sur Recours au Poème)
    une page sur Ada Mondès
    → (sur Terre à ciel)
    une sélection de textes





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  • Michaël Glück | [Certains matins les mots]


    [CERTAINS MATINS LES MOTS]




    23/04/2011


    Certains matins les mots
    se dispersent

    s’in-disciplinent

    vont vers une autre page
    un autre livre
    oublient
    le premier poème

    comme l’homme trop affairé
    oublie sa douche

    certains matins
    la prose du jour happe
    celui qui s’éveille
    le prend aussitôt
    dans l’étau de l’utile

    certains matins
    les paupières encore cousues
    il faut laisser aux mots
    la chance de se chercher
    seuls




    Michaël Glück, « Jour après jour, la verdine », Tenir debout dans le grand silence, Poésie, éditions La Passe du vent, 2020, page 63.






    Michaël Glück  Tenir debout dans le grand silence





    MICHAËL GLÜCK


    Gluck Portrait
    Source




    ■ Michaël Glück
    sur Terres de femmes


    Choral des Septantes, 6 (extrait de Ciel déchiré, après la pluie)
    « cette chose-là, ma mère… »
    [commence une phrase] (extrait de …Commence une phrase)
    …Commence une phrase (lecture d’AP)
    L’Enceinte (lecture d’AP)
    Matières du temps (extrait de D’après nature)
    [le ciel emporte le reflet des îles](extrait d’Errances célestes)
    [nous sommes venus d’un ciel à l’envers] (extrait d’Un livre des morts)
    [où de vivants piliers] (extrait de Poser la voix dans les mains)
    Passion Canavesio | Passion-Judas (lecture d’AP)
    [toujours avoir à se justifier devant la norme] (extrait de Tournant le dos à)
    Tournant le dos à (lecture d’AP)
    Jean-Pierre Chambon | Michaël Glück, Une motte de terre (lecture de Sylvie Fabre G.)
    Jean-Pierre Chambon | Michaël Glück, Une motte de terre (extraits)




    ■ Voir | écouter aussi ▼


    → (sur YouTube)
    Michaël Glück – portrait d’un poète (Portrait réalisé par Sonia Viel. Propos recueillis par Thierry Renard. Production Espace Pandora. Festival Voix de la Méditerranée, de Lodève, juillet 2011)





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  • Bernard Grasset | [J’ai soif encore]


    La terre et le ciel  Une énigme entre nos mains 3
    Photocollage, G.AdC








    [J’AI SOIF ENCORE]




    J’ai soif encore
    Du haut pays de lumière.
    L’ancre, le vaisseau,
    Les rochers et la mer,
    Trouver le chant nouveau.
    La terre et le ciel,
    Une énigme entre nos mains.
    En creusant la vigne des mots
    Devenir un homme nouveau.



    […]



    Chant du désert
    Et de la promesse,
    En blanc et bleu
    Tu demeures.
    Copeaux des jours,
    Songe et silence,
    Brun charpentier
    Au pas fidèle.
    Lampe et lucarne,
    D’âge en âge,
    Intérieure vérité,
    Regard qui écoute.



    […]



    Au temps du désert
    Luit une lampe.
    Sycomore et figuier,
    Promesse de vie.
    Lac légendaire,
    Porte de l’étranger.
    Des ombres s’approchent,
    Paroles et dialogue.
    Tu graves dans le cœur.




    Bernard Grasset, Brise (2006-2008), Jacques André éditeur, Collection Poésie XXI N° 62, 2020, pp. 34, 37, 41.






    Bernard Grasset  Brise 2





    BERNARD GRASSET


    Bernard_grasset_2019 NB
    Source




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site de Jacques André éditeur)
    une fiche bio-bibliographique sur Bernard Grasset
    → (sur Terre à ciel)
    une page sur Bernard Grasset
    → (sur Recours au Poème)
    une lecture de Brise de Bernard Grasset, par Ghislaine Lejard
    → (sur le site À la littérature de Pierre Campion)
    une lecture de Brise de Bernard Grasset, par Marie-Hélène Prouteau
    → (sur La Pierre et le Sel)
    un entretien de Bernard Grasset avec Pierre Kobel





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    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Jacques Robinet | [Le ciel hésite]


    Renaud Allirand 4
    Renaud Allirand in Jacques Robinet, Brèches,
    éditions L’Ail des ours, Collection Grand Ours/n°6, 2020, page 61.








    [LE CIEL HÉSITE]




    Le ciel hésite
    entre pluie et neige

    Un oiseau tombe
    les ailes glacées

    L’herbe crisse
    L’attente demeure
    Tout est silence

    Le vent froisse
    la première neige




    Jacques Robinet, Brèches, éditions L’Ail des ours, Collection Grand Ours/n°6, 2020, page 38. Illustrations de Renaud Allirand.






    Jacques Robinet montage





    JACQUES ROBINET


    Jacques Robinet portrait
    Source




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur Les belles phrases)
    une lecture de Brèches de Jacques Robinet par Philippe Leuckx
    → (sur Recours au Poème)
    Chronique du veilleur (20) – Jacques Robinet, Feux nomades, par Gérard Bocholier
    → (sur Ce qui reste)
    Neiges, Jacques Robinet, Renaud Allirand
    → (sur Terre à ciel)
    Lumières d’avril – Poèmes Jacques Robinet – Gouaches Renaud Allirand





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  • Lambert Schlechter | [J’ai deux fois l’âge maintenant]


    Under the tree
    Lysiane Schlechter, under the tree
    in Mais le merle n’a aucun message, éditions Phi, 2020, page 101.








    [J’AI DEUX FOIS L’ÂGE MAINTENANT]





    J’ai deux fois l’âge maintenant
    de celle qui fut mon épouse

    n’est-il pas temps de dire
    enfin que c’est assez

    mais je clopine & lambine toujours
    respire dans le bonheur de respirer

    exultant exalté, ivre de vivre
    comblé par la tendresse de mes enfants

    je reste, mon amour, je reste encore un peu



    sinistré passager clandestin
    dans la cale du vaisseau fantôme

    toutes voiles dehors sous la bourrasque
    dans les louches tiédeurs du Gulf Stream

    les dauphins en oublient leurs pitreries
    et les requins redeviennent bigots

    empoignant la bouée de sauvetage
    je m’exerce en discours indirect

    disant je dis que je dis que je dis




    Lambert Schlechter, Mais le merle n’a aucun message, 99 neuvains, VIe série, éditions Phi, 2020, page 100. Dessins de Lysiane Schlechter.






    Lambert Schlechter  Mais le merle n'a aucun message 2





    LAMBERT SCHLECHTER


    Lambert Schlechter portrait NB
    Source




    ■ Lambert Schlechter
    sur Terres de femmes


    [liste des choses arrivées…] (extrait d’Agonie Patagonie)
    Inévitables bifurcations (lecture d’AP)
    3 mars 1994 | Lambert Schlechter | [cahier mou brouillon]
    4 décembre 2008 | Lambert Schlechter, Les Parasols de Jaurès
    [on ne sait plus où se réfugier] (extrait de L’Envers de tous les endroits)
    [trop de murs] (extrait de Milliards de manières de mourir)
    [Je ne sais pas ce qu’elle devient] (extrait de Monsieur Pinget saisit le râteau et traverse le potager)
    [Sans agrafe ni trombone] (extrait d’Une mite sous la semelle du Titien)




    ■ Voir aussi ▼


    → (dans le dictionnaire des auteurs luxembourgeois du site du Centre national de littérature du Luxembourg)
    une fiche bio-bibliographique sur Lambert Schlechter
    Le Murmure du monde, le blog de Lambert Schlechter





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