Étiquette : 2020


  • Étienne Faure | Sortir, Éloge appuyé des bancs, Changements de saison


    SORTIR
    (extrait)




    Le harnachement des motardes en juin développe un hippisme léger, une occasion de défiler guillerettes en cuir, casque et robe assortis au scooter, fugace monture chromée qui stoppe au feu rouge, une jambe effilée à terre. Nouvelles chasseresses, crinière au vent, les amazones motorisées soudain accélèrent – vert ! – et filent à toute allure sur le boulevard Diderot puis Voltaire. Hue ! Verve des oiseaux. On dirait la campagne si folâtre au solstice d’été. Herbe et chevaux.


    […]


    ÉLOGE APPUYÉ DES BANCS
    (extraits)




    Usant d’un carnet tête-bêche pour écrire, le remplir à l’endroit de ceci, à l’envers de cela, il sait qu’un jour les deux gageures, vers et prose qui progressent, vont se rencontrer, former un front redouté. L’une gagne du terrain – elle en est presque à la moitié du calepin –, quand l’autre ne hâte pas le pas. Piétine, même, tant l’avancée est mesurée. Prose et poème… Ainsi font les bavards du banc aux côtés des taciturnes – ou des résolument silencieux. Tempos et blancs.


    […]


    Attentifs, les collègues du banc écoutent un des leurs debout, face à eux, qui parle en avançant, recule, fait son théâtre, un bras levé pour asséner son texte, sa certitude. C’est le tribun du jour qui reste en vis-à-vis pour la conversation. Lui parti, les assis poursuivront leur dialogue côte à côte, sans même se regarder, l’œil rivé sur la scène d’en face : une petite fille avec sa maman qui joue à la poupée. « Tu as soif ma chérie ? — Nan. » La poupée parle.



    […]


    CHANGEMENTS DE SAISON
    (extrait)




    En remettant tes fringues d’automne tu retrouves dans tes poches les cueillettes de l’an dernier : trois châtaignes, un gland, deux faines, un colchique fané, et des morceaux de champignons secs. Telle une lecture ininterrompue — et la pensée qui va avec —, on reprend la tournure d’esprit de la saison où on l’avait laissée : mélancolique. Un vrai poème, ce paletot, où traînent encore des mots :

    Sécher ça
    Basse saison
    Sous le pardessus
    Le soleil reviendra
    Qui ne réchauffe rien.




    Étienne Faure, « Sortir » (page 14), « Éloge appuyé des bancs » (pp. 24, 26), « Changements de saison » (pp. 39-40), Et puis prendre l’air des villes et des champs, poèmes en prose, éditions Gallimard, Collection Blanche, 2020.





    Faure montage
    Feuilleter le livre




    ÉTIENNE FAURE


    Etienne Faure  portrait 2
    Source




    ■ Étienne Faure
    sur Terres de femmes

    Et puis prendre l’air (lecture d’AP)
    [Après les rigueurs inhumaines | du gel] (extrait de Ciné-plage)
    Les soirs d’été au pas des portes (extrait d’Horizon du sol)
    Tête en bas (lecture d’AP)
    sur « Le Poète à tête renversée » (extrait de Tête en bas)
    La Vie bon train, proses de gare (extrait)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions Gallimard)
    la fiche de l’éditeur sur Et puis prendre l’air
    → (sur le site de la mél, Maison des écrivains et de la littérature)
    une fiche bio-bibliographique sur Étienne Faure






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  • Marie-Françoise Vieuille, La Barque criblée

    par France Burghelle Rey

    Marie-Françoise Vieuille, La Barque criblée,
    éditions La tête à l’envers,
    58330 Crux-la-Ville, 2020.



    Lecture de France Burghelle Rey


    La beauté peut sauver l’auteur du désespoir et, par là même, le lecteur, comblé par le dernier recueil de Marie-Françoise Vieuille. La Barque criblée. Ainsi, dès l’allusion, dans la présentation, aux lettres d’amour qui arrivaient par mer jusqu’aux châteaux.

    La barque cependant « noire » est celle d’abord de la mort et le nom de Charon s’impose avec la question immédiate de l’absence conjointe à celle de la présence au cœur de « cette eau de fine soie » et sous un ciel de plomb. Au cœur donc du réel qui sauve sans doute de la folie.

    Un tableau de facture symboliste qui rappelle les magnifiques toiles d’Osbert décrit la femme dans sa marche, « une longue écharpe blanche déployée par le vent », et laisse planer le mystère en magnifiant « l’attente » annoncée :

    « L’odeur des immortelles des sables sous son corps magnifique.

    La dune et la mer en elle, par elle, accordées.

    L’écume de sa joie sur ma bouche et mes mains.

    Et son sourire miraculeux pour moi seule. »

    La poète va-t-elle nous éclairer sur le passé, le présent ou l’avenir ? Ces premières pages de l’opus sont bel et bien chargées d’un vaste potentiel et l’émotion saisit déjà celui qui les lit. Cette émotion qui est celle-là même de la narratrice qui prend discrètement sa lyre pour chanter :

    « L’estran

    L’estrange

    Laisse de mer

    Laisse-moi me quitter, estran ourlé […] »

    L’étang, sans les pins, pourrait disparaître car il s’agit bien de « la métamorphose sans repos du vivant » comme celle des saisons. Tout poète qui en est conscient se fait « le philosophe du concret », selon l’expression de Hugo dans Choses vues.

    Arrive en effet l’été — il y a toujours

    « d’autres juins.

    Ceux des roses fées et des chants d’oiseaux »

    — l’été qui est le prétexte à plus de poésie encore, une poésie si délicate qu’on craint de la commenter et qu’il faut juste citer :

    « Les jeux d’enfants revenus frôlent l’effroi.

    Mais c’est à peine. »

    Puis « Plus de visage » et c’est le chant — voix et sons — qui préserve du deuil et de la mort du regard. Reste aussi « Un souffle laissé près de l’eau vive ».

    Des textes brefs alternent en prose poétique avec d’autres plus longs mimant à la fois le sursaut et le désarroi de celle qui sait le salut par les mots et par la musique. Il faut alors conjurer le mal en écoutant jusqu’au « rebondissement de la joie », « le second adagio du Quintette en sol mineur de Mozart ».

    Cette rédemption par la musique et déjà par l’image de la barque, la poète l’a anticipée dans Ai nostri désir, livre où elle écrit :

    « Elle s’attacha aux accords obstinément jusqu’à ce que la pesanteur disparaisse et la jouissance de glisser sur l’eau en miroir […] se fendit dans une jouissance encore plus grande. »

    Dans la douleur s’entrevoient des solutions, mais c’est alors l’automne ; l’automne, dans le cœur peut-être seulement, lui qui, comme la barque, est criblé. Si la nature sert de terreau aux images, l’écriture des motifs s’exprime alors avec extrême finesse : les feuilles tombent « dans un bruit de porcelaine » et il faut « [s]’en remettre au glissement des nuages ». Et l’accompagnement, cette fois, est celui des Oiseaux tristes de Ravel et des lieder de Schubert, convoqués dans les textes « Quiétude » et « Le repos ».

    La dérive, supportée grâce aux multiples sensations adjuvantes, est aussi celle du temps symbolisé par l’eau qui s’écoule.

    « Tiédeur hors du temps. L’abandon est berceau.

    La terre chantonne.

    La lumière l’inonde.

    Elle est douce comme ce qui pourrait rester sans nom. »

    Au sein de ce décor qui pourrait être celui d’une pièce, des personnages nombreux. Annoncés par les titres « Complicité » ou « Personne, persona, personnage », ces « acteurs » ont des voix, des masques. Des cris au loin et des mendiants. Des femmes aussi, la cavalière et la Maréchale, attendent, au bout de leur marche, le phare de paix et de lumière.

    Orchestré comme un opéra, le spectacle est complet et accompagné jusqu’à la toute fin du recueil de compositions musicales qui participent de sa structure :

    « Cela construit et pourtant glisse comme une barque allégée […][qui] peut aller où elle veut. »



    France Burghelle Rey (novembre 2020)
    D.R. Texte France Burghelle Rey
    pour Terres de femmes






    Marie-Françoise Vieuille  La Barque criblée




    MARIE-FRANÇOISE VIEUILLE


    Marie-Françoise Vieuille NB
    Source




    ■ Marie-Françoise Vieuille
    sur Terres de femmes


    Le trophée (extrait de La Barque criblée)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions La tête à l’envers)
    la fiche de l’éditeur sur La Barque criblée





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  • Serge Basso de March | [La corde à linge est seule]



    LA CORDE A LINGE
    Collage photographique, G.AdC







    [LA CORDE À LINGE EST SEULE]





    La corde à linge est seule et découpe la pluie
    au fil des aventures où les pinces se noient
    Squelettique et déchue sur le fil de ses larmes
    elle n’a plus de raisons au jeu du vent qui passe
    Elle trace au ciel qui pleut une ligne où se meurt
    l’appel des jours passés Elle se souvient d’hier
    quand le linge orgueilleux arborait ses couleurs
    quand le fil se tendait à ME coloriser
    et laissait voir au monde nos humanités
    Au pied de ses poteaux arthritiques et rouillés
    dans le silence épais qui sonne à contre-jour
    le soir gris la tutoie et connaît sa puissance


    Je te laisse le chat qui dort sur le fauteuil
    la couleur de la soupe et l’odeur du café
    Je te laisse un bouton un beau crayon sans mine
    le bout du bout du banc un truc et deux machins
    et la virgule en trop et la cédille en moins
    Je te laisse trois notes au-delà des portées
    et ce livre perdu jusqu’au bout de ses pages
    Je te laisse un vieux seau, trois tomates et un dé
    une ardoise et un sac et qui SAIT quoi encore
    Je te laisse des mots patati patata
    Garde ces trois fois rien qui font déjà beaucoup
    j’ai déjà trop de choses à ranger dans ma vie

    Je parle avec la mort sur le bout de la langue
    avec ce trou creusé sous le hasard des pelles
    Je parle pour savoir si l’envers de l’endroit
    est là-bas ou ici caché sous un mouchoir
    Je parle à contretemps sur l’absolu des mots
    qui resteront gravés sur la pierre établie
    et je radote un peu sur le peu qui me reste
    Je parle sans savoir ce que je ne sais pas
    ce qui me pousse encore depuis les premiers sangs
    à parler jusqu’au bout du silence ET des peurs
    Je parle pour souscrire aux déraisons des os
    qui viendront m’inventer jusqu’à demain déjà




    Serge Basso de March, «Première partie, Chœurs | J’ai la mort à nos pas Qui me sait Et puis quoi ? (Douze Poèmes au carré) », Triptyque d’un horizon aperçu, Oratorio, Avec la mort, un vieux chat et quelques personnages mythologiques égarés, éditions LansKine, 2020, pp. 22-24.






    Serge Basso de MarchTriptyque




    SERGE BASSO DE MARCH


    Serge Basso de March  portrait
    Photo : Adrienne Arth
    Ph. © Adrienne Arth
    Source





    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions LansKine)
    la fiche de l’éditeur sur Triptyque d’un horizon aperçu
    → (sur le Dictionnaire des auteurs luxembourgeois)
    une notice bio-bibliographique sur Serge Basso de March





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    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Marie-Françoise Vieuille | Le trophée


    LE TROPHÉE





    Plus de visage. Plus de mots ni de contours.

    Rien qui s’accroche au révolu comme ces petits flocons de laine que le vent laisse après la tonte sur les barrières des pâtures.

    Ne plus pouvoir se représenter la beauté nue, ni même la rêver vaguement. Le cœur respire.

    Juste dans l’air quelque chose. Comme un vol à peine entrevu. Comme une appoggiature.


    À peine un parfum qu’elle n’aurait pas choisi. Un souffle laissé près de l’eau vive par le repiquage des fleurs.




    Marie-Françoise Vieuille, La Barque criblée, éditions La tête à l’envers, 58330 Crux-la-Ville, 2020, page 27.






    Marie-Françoise Vieuille  La Barque criblée




    MARIE-FRANÇOISE VIEUILLE


    Marie-Françoise Vieuille NB
    Source




    ■ Marie-Françoise Vieuille
    sur Terres de femmes


    La Barque criblée (lecture de France Burghelle Rey)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions La tête à l’envers)
    la fiche de l’éditeur sur La Barque criblée





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  • Martine Rouhart | [L’insomnie a veillé sur moi]




    Jackie Fourmiès
    Ph. Jackie Fourmiès








    [L’INSOMNIE A VEILLÉ SUR MOI]






    L’insomnie
    a veillé sur moi
    comme un grand oiseau
    planant
    sans fin
    sans fin



    La pluie
    fait battre
    le cœur des choses
    on entend même
    chanter
    les pierres
    et le silence
    sourire
    entre les gouttes



    La dernière feuille
    qui tombe

    légèreté
    gravité
    dans le même geste
    ralenti
    de danse

    on dirait
    une feuille
    qui pense

    ou qui se souvient



    Martine Rouhart, Saisir l’instant, éditions Feuillage, 2020, pp. 36-40. Photos de Jackie Fourmiès.






    Martine Rouhart  Saisir l'instant




    MARTINE ROUHART


    Martine-rouhart NB
    Source




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site de l’Association des écrivains belges)
    une notice bio-bibliographique sur Martine Rouhart
    Photos nature de Jackie Fourmiès
    → (sur EUROtribune)
    une lecture de Saisir l’instant





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  • Aurélie Foglia | [décrire peindre écrire dépeindre désécrire]



    Aurélie Foglia bandeau







    décrire peindre écrire dépeindre désécrire



    écrire m’a appris à peindre



    faire des tableaux de peaux

    avec de la toile tendue

    sur mes os bat comme

    un tambour l’éclosion

    cardiaque de la couleur



    ou la nature retrouvée

    comme une sauterelle morte

    dans un tableau de Van Gogh



    il est plein



    de n’être pas



    signé



    mon corps est-il



    mon œuvre



    aucune eau ne marque comme l’encre la peau



    on la poésie mange


    n’importe quoi


    se met


    de la mort jusqu’aux oreilles



    les mots à présent sont

    de trop sous la main

    ne me manquent pas


    peindre représente

    la possibilité

    de ne pas peindre

    avec des mots


    j’aime me passer

    des mots ne marquent

    pas ne ren

    voient à rien


    avoir autre chose dans le corps

    que la langue pénible difficile

    manque quand on la demande


    mais les doigts tout de suite

    à la poursuite du geste

    qu’ont les arbres quand ils

    s’échappent de leurs troncs


    et qu’ils dansent là-haut

    en lançant leurs antennes

    se détachent sur fond

    d’hommes jusqu’à percer


    je m’écrie l’arbre

    tient à la langue

    par toutes ses racines


    nous remâchons

    de la viande de bois

    à chaque repas

    on me regarde

    j’avale de travers

    laisse mon poignet

    suivre le fil


    à tâtons


    ma main peint

    avec ma langue peint

    à la main


    je mélange des douleurs


    ternes font crier les vives


    la mort rougit la terre


    le sexe en creux



    Aurélie Foglia, « Saison III. Peindre avec la langue », Comment dépeindre, éditions Corti, Domaine français, 2020, pp. 74-81.






    Aurélie Foglia  Comment dépeindre




    AURÉLIE FOGLIA


    Foglia
    Source




    ■ Aurélie Foglia
    sur Terres de femmes


    Comment dépeindre (lecture d’AP)
    Entrées en matière (lecture de Tristan Hordé)
    Entrées en éléments (extrait d’Entrées en matière)
    Gens de peine (lecture d’Isabelle Lévesque)
    [Gens ne s’appellent pas] (extrait de Gens de peine)
    [tic-tac de la pluie] (extrait de Grand-Monde)




    ■ Voir aussi ▼


    le site d’Aurélie Foglia
    → (sur le site des éditions Corti)
    la fiche de l’éditeur sur Comment dépeindre d’Aurélie Foglia





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  • Jean-Théodore Moulin | Change est mon paradis


    CHANGE EST MON PARADIS, I
    (extrait)




    En ce temps-là
    je me perdais
    dans le miroir aux alouettes

    que me tendait
    un petit dieu pervers.

    En ce temps-là
    le temps ne passait pas,

    Je lisais
    les Chasses du Comte Z.
    et vivais dans l’effroi
    de LA voir surgir
    de l’ombre giboyeuse.

    Profitant
    d’un reste de jour

    je suis sorti,

    le soir tombait
    l’orage grondait encore
    du côté de Montsalvy.

    Je regardai
    le paysage dévasté,
    l’éboulement du temps
    les chemins effondrés…

    Plus rien
    ne venait à sa place…

    des bêtes rôdaient
    autour de la maison

    Il y avait
    sur le pas de la porte
    un enfant triste
    qui regardait
    le soleil se coucher.

    Sorti de la tanière
    à l’heure

    où la première fouine

    naît au poulailler…

    Parti sur les pas
    de l’Homme à la lanterne,
    je me jetai dans l’ombre.

    Le jour couinait
    dans l’entrebâillement

    des portes.



    Jean-Théodore Moulin, Change est mon paradis, I, éditions Obsidiane, Collection Le Carré des lombes, 2020, pp. 9-11. Encres de Pierre Lelièvre.






    Jean-Théodore Moulin  Change est mon paradis




    JEAN-THÉODORE MOULIN


    Moulin
    Source




    ■ Jean-Théodore Moulin
    sur Terres de femmes


    [Mais qui pleure là] (extrait de Bestes & Panneaux)




    ■ Voir aussi ▼


    → (dans la revue numérique de littérature Secousse, Troisième Secousse)
    plusieurs poèmes de Jean-Théodore Moulin [PDF]





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  • Claude Albarède | [Tu fouilles dans la haie]


    [TU FOUILLES DANS LA HAIE]



    Tu fouilles dans la haie
    et tu arraches des fruits sauvages

    Ils ont une âpreté qui mord
    il leur fallait l’attente mûrissante
    d’un jour d’hiver

    Mais toi, tu t’es jeté sans attendre
    dans les verbiages du buisson



    Angles des pierres pleines
    où s’étale au soleil
    la rivière épuisée

    Pour mourir et renaître
    et s’en aller mourir
    au fil de sa paresse

    S’arrête et se contemple
    d’elle-même éperdue
    en souvenir du temps
    où, source, elle était bue.



    Être assis devant
    ce qui ressemble
    à soi-même :

    La vieille grange
    le tas de paille
    l’outil blessé

    Et regarder là-bas
    la déité rupestre
    d’un vieux berger

    debout dans le soleil.




    Claude Albarède, Buissonnières (L’espace et la brisure), Poèmes, éditions L’herbe qui tremble, 64140 Billère, 2020, pp. 37-39. Aquarelles de Joseph Orsolini.






    Albarede-buissonnieres




    CLAUDE ALBARÈDE


    Claude Albarède





    ■ Claude Albarède
    sur Terres de femmes


    [Nouée au chemin par le vent] (extrait du Dehors intime)




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site du Printemps des poètes)
    une fiche bio-bibliographique sur Claude Albarède
    → (sur le site des éditions L’herbe qui tremble)
    la fiche de l’éditeur sur Buissonnières de Claude Albarède





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  • Béatrice Marchal | Dans l’écho de pas anciens


    DANS L’ÉCHO DE PAS ANCIENS
    (extrait)




    Maintenant que s’est apaisé le chagrin de ta mort,
    quand dans l’action d’une journée, surgit
    ta pensée, j’en use avec elle

    comme de ces impressions fugaces
    qui errent échappées des profondeurs
    aux lisières de la conscience,
    ténues, prêtes à s’évanouir
    faute d’une attention aigüe,
    je tâche à la tenir au second plan, je la réserve
    de peur que son parfum ne se dissipe,
    ne se fige ton image vivante
    chatoyante, riche en contrastes,

    le calme revenu je la retrouve,
    mèche de cheveux oubliés au fond d’une armoire,
    qu’on retourne entre ses mains
    sans savoir que faire de ce gage.

    De ce que j’ai écrit sur tes dernières
    années, j’attends avec angoisse et impatience
    de le partager avec d’autres
    comme si, pour me rendre quelque chose
    de toi, de ta présence, de ce que nous fûmes
    l’une par l’autre,
    l’une pour l’autre,
    ces pages avaient besoin de les traverser,
    de réveiller en eux,
    comme un rai de lumière dans l’obscurité,
    des souvenirs trop lourds pour les affronter seuls,

    qui comprendra
    que ce livre est une pierre nécessaire qu’à coups
    d’indifférence les passants descellent,
    la construction, inachevée, vacille,

    je n’en maçonne que plus soigneusement de nouvelles
    briques, je les encastrerai dans la béance
    exacte de ma chair, je me redresserai.



    Béatrice Marchal, « Dans l’écho de pas anciens », Élargir le présent suivi de Rue de la Source, éditions Le Silence qui roule, Collection « Poésie du Silence », 2020, pp. 24-25.






    Marchal




    BÉATRICE MARCHAL


    Béatrice Marchal  portrait
    Source




    ■ Béatrice Marchal
    sur Terres de femmes


    Au pied de la cascade (lecture d’Isabelle Lévesque)
    [Ce sera l’hiver] (poème extrait de L’Ombre pour berceau)
    Un jour enfin l’accès suivi de Progression jusqu’au cœur (lecture d’Isabelle Lévesque)
    [Quelle part de soi a-t-elle sombré] (poème extrait de Résolution des rêves)
    [Ce que tu as cru voir courir à vive allure] (poème extrait d’Un jour enfin l’accès)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site de Marie Alloy | éditions Le Silence qui roule)
    la fiche de l’éditeur sur Élargir le présent de Béatrice Marchal





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  • Jean de Breyne | Les Formes de la lumière


    Haleh Zahedi bis
    Haleh Zahedi
    Source







    LES FORMES DE LA LUMIÈRE
    (extrait)




    La lumière
    Peut avoir pris
    La forme des mots


    Rien ne tombe
    Que pluie de soleil
    Dans la mer

    Qui s’élève
    Aux yeux


    L’éclair de la mouette
    Un éclair qui crie
    Qui ne tonne pas


    Quelques fois nuée blanche
    En affolement


    En face du jais
    D’une mémoire
    Comment dire ?

    Que cela vient
    Part en éclairs

    Soyons juste
    N’éclaire rien


    C’est le matin
    Seulement des cris




    Jean de Breyne, Les Formes de la lumière, in Haleh Zahedi | Jean de Breyne, L’Attention L’Incertitude, La Part allouée suivi de Les Formes de la lumière, Les Lieux dits éditions, Collection 2Rives dirigée par Claudine Bohi et Germain Roesz, 2020, s.f.






    Haleh Zahedi couv



    JEAN DE BREYNE


    Jean de Breyne NB 2
    Source




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site de l’Agence régionale du Livre Provence-Alpes-Côte d’Azur) une fiche bio-bibliographique sur Jean de Breyne
    → (dans la Poéthèque du site du Printemps des poètes) une fiche bio-bibliographique sur Jean de Breyne
    → (sur Recours au Poème) une page sur Jean de Breyne
    le site Haleh Zahedi





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