Étiquette : 2020


  • Jean Marc Sourdillon | Le milan


    Milan royal
    Milan royal [filanciu], Corsica
    Source







    LE MILAN



    Il est apparu très haut sous le plafond gris des nuages, un milan.

    Il planait lentement, un seul trait noir, comme s’il voulait nous couver et nous guider, nous faire savoir qu’il était là, lui qui jamais ne se montre, nous rassurer, simple parole sans autre signification que celle-ci : je suis là.

    Et c’était comme si un chuintement glissait dans le ciel mouillé, comme si quelqu’un s’essayait à chanter sans y parvenir mais chantait quand même par cette absence à la place de sa voix, par le glissement mouillé de son vol dans le silence des nuages,
    comme si quelqu’un chuchotait d’à la fois très proche et très lointain, nous suggérait son secret sans vraiment nous le dire et que cela suffisait, nous suffirait pour toujours, nous donnerait assez de courage pour repartir, pour vivre tout ce qui nous restait à vivre,
    oiseau aperçu très haut, dans l’intervalle et la rupture,
    oiseau aimé,
    oiseau lointain.




    Jean Marc Sourdillon, « La déhiscence », L’Unique Réponse, poèmes, éditions Gallimard, Collection Blanche, 2020, page 11.






    Sourdillon



    JEAN MARC SOURDILLON


    Jean-Marc Sourdillon 2
    Source




    ■ Jean Marc Sourdillon
    sur Terres de femmes


    On naît (autre poème extrait de L’Unique Réponse)
    Comme des frères
    [Cet imperceptible oiseau très loin] (extrait de Dix secondes tigre)
    Au commencement (extrait des Miens de Personne)
    [Deux fois l’an, pendant l’été] (extrait d’En vue de naître)
    Les Tourterelles (lecture d’AP)




    ■ Voir aussi ▼

    une lecture de L’Unique Réponse par Jean-Michel Maulpoix [PDF]




    ■ Note de lecture de Jean Marc Sourdillon
    sur Terres de femmes

    Isabelle Lévesque, Le Fil de givre





    Retour au répertoire du numéro de novembre 2020
    Retour à l’ index des auteurs


    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Esther Tellermann, Corps rassemblé

    par Angèle Paoli

    Esther Tellermann, Corps rassemblé,
    éditions Unes, 2020.
    Vignette de couverture de Claude Garache.



    Lecture d’Angèle Paoli


    Claude Garache Z
    Claude Garache (Source)
    « Sous l’écheveau des couleurs, la poète voit poindre les corps. »










    DU PREMIER GESTE À LA GESTE D’ARIANE





    Cela commence sur un regard voilé. Sur une vision que domine un rouge amenuisé par « les tentures de l’œil ». Le poème initial de Corps rassemblé, tout dernier recueil d’Esther Tellermann, s’inscrit dans un diminuendo chromatique tandis que le final du même recueil ouvre sur un élargissement ébloui du champ visuel et mémoriel, une illumination que rien ne semble devoir assombrir.

    « Aujourd’hui de nouveau

    illumine

    les effluves

    de mémoire

    pour une floraison

    qui jamais ne s’éteint

    jamais

    ne s’enlise

    parmi les ronces. »

    Telle est la vision rayonnante que retient la poète à l’issue de ses rencontres avec Claude Garache, au profond de la plongée dans l’antre féminin que décline à l’infini l’œuvre du peintre.

    Entre les deux poèmes tout à l’opposite du recueil se dit le chant ininterrompu d’Esther Tellermann. Un chant qui s’inscrit — par sa forme, sa tonalité et ses thématiques — dans la continuité des recueils antérieurs et qui s’écrit dans la proximité immédiate des œuvres picturales en train de naître sous le pinceau de Claude Garache. C’est au cœur de cet échange entre la peinture et les mots que se noue le dialogue entre la poète, le peintre et la figure naissante. Dans leur soudain surgissement. À l’origine de l’écriture de ce recueil, il y a un « je », il y a un « il », il y a un « nous ». Un regard, une écoute et un même suspens. Un même partage dans le silence. « 3 pinceaux ». Et trois nuances de rouge pour souligner « la nuque », « la bouche », « les lointains », pour faire irradier l’âme par-delà l’instant. Est-ce le 3 du Troisième qui refait surface pour allier, sous une forme renouvelée, peinture et poésie ? Un 3 investi du pouvoir de réunir, dans une langue de la ferveur, à la fois autre et identique, matières, mots et couleurs ? Un « troisième » qui s’insinue dans le dialogue pour y mêler sa voix, mi-regret mi-désir, remontant à son gré le cours de la mémoire :

    « des fugues laissant

    les ferveurs

    ô mourir

    où fûmes 2

    dans le troisième. »

    Le titre du recueil — Corps rassemblé — ne laisse-t-il pas entrevoir — en lieu et place du fragmenté fracturé désassemblé — la perspective d’une unité nouvelle, désirée avec ardeur ? Ne laisse-t-il pas filtrer la lumière là où l’être entier s’ancrait jadis dans la douleur de ce qui a été, à jamais, perdu ?

    Derrière l’origine immédiate d’une rencontre d’artistes vécue se profilent d’autres origines, lointaines, sans cesse explorées au cours de la quête poétique de la poète. D’autres formes soupçonnées/insoupçonnées s’animent sous le souffle du créateur. Qui soudain existent dans un « elle », puis dans un « Elle ». Une Ève en qui toute femme s’origine, créée par le pouvoir de la poète :

    « et d’Elle je fis

    le sel

    ce qui meut

    l’univers ».

    Cette « sœur » désirée, sœur de toutes et de chacune, prend place peu à peu dans le monde visible de la toile qu’accompagne l’avancée du poème. Une Ariane perdue — laissée sur quelle rive ? — et soudain pressentie, adviendrait-elle, suscitée par le désir de la poète en même temps que par le miracle du geste fondateur du peintre ? Visible et actif, le geste du peintre est toujours premier qui renoue avec une antériorité invisible, enfouie au plus profond de son histoire et de la nôtre. Ainsi, le peintre, par son geste, renouvelle-t-il l’instant de la création. L’impulsion qui l’anime donne naissance à un « corps unique », cependant infini. Dans le même temps, il élargit les horizons et donne à voir, derrière le soyeux de la toile, tout un hors-champ et un hors-cadre qui s’inventent derrière le châssis. C’est ce que perçoit la poète, qui le dit par ces vers :

    « entre les seins

    affleure

    le premier geste

    des horizons de soie

    et des empires. »

    Sous le pinceau de Claude Garache, avec les mots de la poète, l’attente d’une origine perdue prend chair et vie, palpite et brûle, dans une épaule, la courbure d’une hanche, le galbe d’une jambe, les replis d’un bras, le glacis d’une peau. Communauté de désirs et de recherche :

    « J’attendais

    encore

    la première

    couleur

    la première

    argile

    le premier

    noyau

    ce qui est

    sève

    et sang.

    Nous cherchions

    à même la racine. »

    Encore faut-il que la poète fasse l’expérience patiente de la descente, traverse les premiers frémissements, se heurte à l’obstacle de la matière éclatée, affronte la décomposition pour que puisse advenir l’assemblage et la recomposition.

    Mais au centre, au cœur, en dessous, entre voilé et dénudé, là où le paysage devient métaphore du corps, où les linéaments de l’un se fondent dans les courbures de l’autre, le poème sexué prend chair, entre ombre et lumière, dans l’éclosion d’une fleur :

    « la blessure affleure

    annexe

    l’ombre

    de l’églantier

    et du carmin ».

    La poète sans cesse revient sur les origines, celles-là même qui président à la naissance du corps peint. L’Éros est flamboiement, qui se joue pourtant des hésitations entre sang et feu, nuances de couleurs et de formes. Dans le même temps, ce qui obsède et qui interroge, ce sont les frontières, les lisières, les bords, le cadre même de la toile, d’où le corps enclos, ivre de liberté soudaine, semble vouloir s’échapper. Les formes, dans leurs effleurements, brouillent les membres et les volumes. Les lignes s’estompent, se mêlent, qui font frissonner jusqu’aux limites du temps :

    « Un présent

    tremble et précise

    ce que devient

    le jour. »

    L’expérience de la peinture en train de naître sous le geste de la main, au gré des mouvements du pinceau, au gré des hésitations de la matière, a-t-elle le pouvoir d’apaiser la tension que génère le corps-à-corps du peintre avec la figure en train d’apparaître ?

    « Le premier geste

    veut atteindre

    l’épaisseur et

    le visage se

    perd ».

    Le geste premier a-t-il le pouvoir de calmer les appréhensions de la poète ? Dès son entrée dans le monde du peintre – au printemps –, le « je » désirant de la poète observe s’interroge se retire dans sa réflexion intérieure, cherche à saisir ce qui meut la quête du peintre, sa plongée dans l’univers sinueux des courbes. Tandis que l’artiste invente, décline les rouges d’où émergent des corps féminins qui prennent forme sous les yeux de l’une et sous les doigts de l’autre, la poète cherche à percer l’énigme de la présence/absence de la figure émergente. Sous l’écheveau des couleurs, la poète voit poindre les corps. Visionnaire, elle sent et voit au-delà des formes naissantes des paysages des combats. Ce qui prend vie sous les pinceaux, et qui respire, soudain éclate en d’autres formes, en d’autres débordements. Un lent cheminement vers des Orients d’or creuse toile et poème. Exigeante et ardente, la poète nourrit des rêves d’absolus indéfinissables, des désirs d’abstractions temporelles qu’auraient peut-être précisés d’autres couleurs :

    « Je voulais

    des devenirs

    ourlés

    de jaunes

    et de tilleuls. »

    Ainsi, tout au long des poèmes, le corps prend-il chair qui révèle derrière les formes ce qui secrètement préoccupe. La figure triangulaire du sexe retient à elle seule les craintes et les peurs :

    « bras enserre

    un sexe posé sur

    l’inquiétude »

    ou plus loin, ces vers :

    « Puis le

    visage se dessine

    avec les genoux

    qui posent des triangles

    sur la peur ».

    Au corps naissant qui prend sa pose sur la toile, à cette naissance irradiante, répond la descente du « je » jusqu’à l’absence de couleur :

    « je descendais

    jusqu’au blanc

    où s’arrête

    la force. »

    Une catabase initiatique qui s’accompagne d’un dessaisissement de soi propice à la création :

    « Je désapprenais le visible

    pour moduler l’effroi

    de la forme où

    s’amoncelle

    une teinte qui

    s’effeuille et se

    rassemble et

    prolonge ce qui

    l’arrête

    multiplie

    les horizons. »

    Mais toujours revient « le souffle tiède », le pneuma originel qui traverse, donne vie, réunit, réassemble. Toujours revient cette pulsion mystérieuse qui accorde à chacun sa part de rencontre et de rêve sans lesquelles nul horizon autre que le visible n’est possible :

    « Il voulait

    que jamais ne décline

    la présence

    d’un corps absent

    qui la consume. »

    Elle désirait retrouver l’unité perdue et c’est le peintre qui ouvre la voie. Une harmonie secrète les relie l’un à l’autre dans une même modulation. Une même étrangeté musicale, faite de contrepoints ascendants descendants, de suspens, de silences. Le désir que la poète surprend dans le geste de Claude Garache insuffle à Esther Tellermann une poésie inspirée par la geste d’Ariane. Une poésie éblouissante, dépliée déployée en de multiples lignes mélodiques sur des horizons anciens que la poète exhume et qu’elle rend à la vie. Une poésie sensuelle et sensible, toute de vibrations, incisée sur des déclinaisons de rouges insondables. Une poésie en symbiose profonde avec le langage de l’Autre.



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli






    Esther Tellermann  Corps rassemblé






    Esther Tellermann  Corps rassemblé  tirage de tête
    Tirage de tête de Corps rassemblé (tirage limité à 11 exemplaires numérotés de 1 à 11
    sur Vélin de Rives, accompagnés d’une gravure originale de Claude Garache,
    signée, tirée par l’atelier René Tazé à Paris, et d’un poème manuscrit d’Esther Tellermann).
    Source




    ESTHER TELLERMANN


    Esther Tellermann






    ■ Esther Tellermann
    sur Terres de femmes


    [Pour elle il voulut] (extrait de Corps rassemblé)
    [Jours firent de toi ma teinture] (poème extrait d’Afin qu’advienne)
    Carnets à bruire
    Je t’ai vu (poème extrait de Contre l’épisode)
    Éternité à coudre (lecture d’AP)
    [Un écho    un roman] (poème extrait d’Éternité à coudre)
    Voix à rayures (poème extrait du Poème Meschonnic)
    Première version du monde (lecture d’AP)
    Sous votre nom (lecture de Matthieu Gosztola)
    [Un mot encore] (poème extrait de Sous votre nom)
    Sûrement je vous tiendrai (poème extrait de Terre exacte)
    [Je sais vous me disiez de préférer l’ombre] (poème extrait du recueil Le Troisième)
    [Puis se ferme | la porte] (poème extrait d’Un versant l’autre)
    [Onde] (poème extrait de Voix à rayures)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site de la revue de littérature et de critique Le Nouveau Recueil)
    L’indécise exactitude de la terre : Esther Tellermann, par Michaël Bishop
    → (sur Remue.net)
    François Rannou / « D’où un homme est-il visible ? » | une approche de la poésie d’Esther Tellermann
    → (sur Recours au poème)
    une lecture d’Une odeur humaine d’Esther Tellermann par AP





    Retour au répertoire du numéro de novembre 2020
    Retour à l’ index des auteurs
    Retour à l’ index des « Lectures d’@angelepaoli »

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Amina Saïd | [écrire]



    ECRIRE
    Ph., G.AdC







    [ÉCRIRE]






    écrire
    c’est fixer la page blanche
    le souffle comme une parole
    en suspens

    que le silence se mette à notre écoute
    et notre parole entre dans l’obscur

    nous restons confrontés à l’énigme
    qu’en vain nous tentons d’élucider

    reprendre alors les mots au noir de la nuit

    quelques-uns résistent
    au fil du temps devenus
    pierres d’obsession
    éparpillées en des rivages aveugles




    Amina Saïd, Dernier visage avant le noir, éditions Rhubarbe, 2020, page 24. Illustration de couverture d’Ahmed Ben Dhiab.






    Amina Saïd  Dernier visage avant le noir




    AMINA SAÏD


    Amina Saïd
    Ph. Michel Durigneux
    Source





    ■ Amina Saïd
    sur Terres de femmes


    alors au pied d’un arbre (extrait de Tombeau pour sept frères)
    amour notre parole (extrait de De décembre à la mer)
    [de ce côté-ci du monde ou de l’autre](extrait de Clairvoyante dans la ville des aveugles)
    Du Vieillard de la mer et de la Source de vie (extrait du Corps noir du soleil)
    enfant moi seule (extrait d’Au présent du monde)
    Jusqu’aux lendemains de la vie (extrait de L’Absence l’inachevé)
    l’élan le souffle le silence (extrait de La Douleur des seuils) [+ une notice bio-bibliographique]
    [si long fut l’exil du jour](extrait de Chronique des matins hantés)
    Les Saisons d’Aden (note de lecture d’AP)
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    le Portrait d’Amina Saïd




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions Rhubarbe)
    la fiche de l’éditeur sur Dernier visage avant le noir
    le site d’Ahmed Ben Dhiab






    Retour au répertoire du numéro de novembre 2020
    Retour à l’ index des auteurs


    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Zéno Bianu | Yves Buin | [Musique antérieure de l’origine océane]


    Santana








    [MUSIQUE ANTÉRIEURE DE L’ORIGINE OCÉANE]




    Musique antérieure de l’origine océane
    beauté des voix ludiques et joyeuses
    qui se retrouvent dans le non-temps de la vie
    où surgissent les puissances
    des fragments continentaux, des embardées savantes,
    et le rythme soudain maître de tout ce qui vit
    et prétend à la trace sublime sur le chemin
    du cœur aimant.

    Notre infini commun
    celui qui ne désertera plus notre bouche
    notre rage intacte et cristalline

    Et le ciel univers toujours splendeur
    épelant sa romance de l’éternité fugace
    des musiciens aux confins des Amériques
    découvrant les mystères passés
    jouissant comme la fleur après l’éveil polaire.

    Je viens de tellement si loin
    marchant sur les hauts fonds
    les nerfs chargés de flambeaux
    je viens de plus que là-bas
    je joue jusqu’aux lèvres de mes mots
    je salue tous mes morts
    j’ouvre
    l’atelier des nuits scintillantes

    L’instrument sur la piste d’un rêve éperdu
    la marque de l’harmonie primitive
    en une longue phrase inachevée
    qui appelle aux amours.
    La musique sait tout ça.

    On dirait que la mort s’est assoupie
    les robes des femmes ont des ourlets
    de tierces mineures
    leurs seins sont des je t’aime
    lancés depuis des vies antérieures
    on dirait que la mort s’est assoupie




    Zéno Bianu | Yves Buin, Santana de toutes les étoiles*, Le Castor Astral, 2020, pp. 16-21.



    ___________________
    * Texte librement improvisé à partir du concert donné par le groupe de Carlos Santana à la Blues House de Las Vegas en mars 2016.






    Santana de toutes les étoiles 3




    ZENO BIANU | YVES BUIN


    Bianu Buin





    ■ Zéno Bianu
    sur Terres de femmes


    Du plus loin… (extrait de Fatigue de la lumière)
    Credo (extrait d’Infiniment proche)
    Bleu Haïku (extrait de Petit éloge du bleu)
    Miroir de tous les doubles (extrait de Satori Express)




    ■ Voir | écouter aussi ▼


    → (sur le site du Castor Astral)
    une notice bio-bibliographique sur Yves Buin
    → (sur le site du Castor Astral)
    une notice bio-bibliographique sur Zéno Bianu
    → (sur le site du Castor Astral)
    la fiche de l’éditeur sur Santana de toutes les étoiles
    → (sur YouTube)
    Santana IV: Live at the House of Blues Las Vegas: Anywhere You Want To Go





    Retour au répertoire du numéro de novembre 2020
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Layli Long Soldier | wahpániča



    Whereas X NB








    WAHPANICA
    (extrait)





    Je commence une ligne au sujet de buttes blanches d’où penchent des visages ciselés aux paupières de pierre cliquetant la nuit, mais j’abandonne. À la place je pousse mon amour dans ce monde et t’envoie une lettre estivale. De la boîte aux lettres à la porte, tu lis les virgules à voix haute. Je suis devenue une épouse d’eau embouteillée virgule eye-liner noir au cil virgule et manches aux poignets. Ces semaines seule seule seule virgule je tire mon corps vers une table aux chaises vides et parfois je ne peux contrôler l’impulsion de commander. Seule seule j’ordonne assieds-toi virgule mange virgule et j’écris en détail pour faire taire un écho virgule la rupture d’une ligne de faille.

    *

    Je voulais écrire au sujet de wahpániča un mot traduit en anglais par pauvre virgule ce qui signifie plus précisément être dans la misère n’avoir rien à soi. Mais cette nuit je ne peux me résoudre à balancer un marteau usé sur la pauvreté afin de frapper les conditions de cette lente frustration. Alors je demande quoi d’autre est là à entendre ? Une virgule m’apprend à diviser une phrase. À m’arrêter. La virgule exige une séquence d’éléments la virgule est césure elle-même. La virgule m’interrompt, silencieuse.

    *

    Jour de la fête des pères virgule je ne suis pas avec toi. Mes yeux fixent une photo noir et blanc de toi virgule mon mari vêtu d’une chemise violette virgule tes cheveux attachés en arrière et tes yeux sur le visage de notre fille endormie. Quand j’écris virgule je m’approche des gens que je veux connaître virgule du langage que je veux parler.

    […]

    Parce que wahpániča signifie n’avoir rien à soi. Rien. Pourtant j’ai l’intention que la virgule signifie ce que nous avons donc je me ralentis pour me souvenir que c’est vrai un enfant réussit mieux quand lié étroitement à un parent avant l’âge de cinq ans virgule intimement. Près de toi virgule notre fille ferme les yeux et vous reposez vos têtes lacs bleu-noir virgule un verre historique renversé sur l’oreiller. Elle le gardera. Et s’il est vrai que ce qui débute comme souci doublera dans le temps soulèvera sa tête comme un point à notre phrase alors j’admets que je réussis mieux avec la musique entre les variations de la voix qui s’élève et monte et descend. Néanmoins je fouille dans mes poches commode tiroirs bibliothèque virgule cueillette méticuleuse virgule parce que je dois l’écrire pour le voir virgule je supplie le dictionnaire d’apprendre un mot pour pauvre virgule dans un langage que j’ose appeler mon langage virgule qui suis-je. Frisson envahissant ma bouche barbouillée simplement de l’huile à la surface virgule parce que je me sens wahpániča je me sens seule. Mais c’est une traduction débordante pour comment je ne réussis pas à dire ce que j’ai à l’esprit virgule la douleur méta-locutoire d’être pauvre en langue.




    Layli Long Soldier, « Première partie, Voici les préoccupations », Attendu que, éditions Isabelle Sauvage, Collection « Chaos », 29410 Plounéour-Ménez, 2020, pp. 53-54. Traduit de l’anglais (américain) par Béatrice Machet.





    Attendu que couv






    I begin a line about white buttes that bend chiseled faces and click stone eyelids at night, but abandon it. Instead, I push my love into this world and mail you a summer letter. From mail-box to door, you read the commas aloud. I’ve become a wife of bottled water comma black liner at the lash comma and sleeves to the wrist. These weeks alone alone alone comma I pull my body to a table of empty chairs and sometimes I cannot stop the impulse to command. Alone alone I instruct sit down comma eat up comma and I write in detail to hush an echo comma the rupture of a fault line.

    *

    I wanted to write about wahpániča a word translated into English as poor comma which means more precisely to be destitute to have nothing of one’s owns. But tonight I cannot bring myself to swing a worn hammer at poverty to pound the conditions of that slow frustration. So I ask what else is there to hear? A comma instructs me to divide a sentence. To pause. The comma orders a sequence of elements the comma is caesura itself. The comma interrupts me with, quiet.

    *

    Father’s day comma I am not with you. I stare at a black-and-white photo of you comma my husband in a velvet shirt comma your hair tied back and your eyes on the face on our sleeping daughter. When I write comma I come closer to people I want to know comma to the language I want to speak.

    […]

    Because wahpániča means to have nothing of one’s own. Nothing. Yet I intend the comma to mean what we do possess so I slow myself to remember it’s true a child performs best when bonded with a parent before the age of five closely comma intimately. Next to you comma our daughter closes her eyes and you rest your heads blue-black lakes comma historic glass across the pillow. She’ll keep this. And if it’s true that what begins as trouble will double over to the end will raise its head as a period to our sentence then I admit I perform best to the music inbetween the rise and fall of the voice. Nevertheless I dig through my pockets dresser drawers bookshelves comma meticulous picking comma because I must write it to see it comma how I beg from a dictionary to learn our word for poor comma in a language I dare to call my language comma who am I. A sweeping chill my stained mouth just oil at the surface comma because I feel wahpániča I feel alone. But this is a spill-over translation for how I cannot speak my mind comma the meta-phrasal ache of being language poor.




    Layli Long Soldier, Wahpániča, Whereas, Graywolf Press, Minneapolis, Minnesota 55401, 2017, pp. 43-44.





    Whereas finalist[…]



    LAYLI LONG SOLDIER


    Layli-Long-Soldier
    Source




    ■ Voir | écouter aussi ▼


    → (sur le site des éditions Isabelle Sauvage)
    une fiche bio-bibliographique sur Layli Long Soldier
    → (sur le site des éditions Isabelle Sauvage)
    la fiche de l’éditeur sur Attendu que
    → (sur Harvard Review Online)
    Whereas by Layli Long Soldier reviewed by Michael Wasson
    → (sur YouTube)
    Poet Layli Long Soldier reads from Whereas (poem 38)
    → (sur YouTube)
    Layli Long Soldier | Whereas || Radcliffe Institute (The poet and artist Layli Long Soldier presents Whereas, a poetry reading [6:26] and discussion featuring Nick Estes [45:24])





    Retour au répertoire du numéro de novembre 2020
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Pierre Maubé | Kaddish pour Rose



    Kaddish 1
    Ph., G.AdC








    KADDISH POUR ROSE
    (extrait)






    Rose frêle, Rose morte, Rose forte,
    éternellement forte de toute sève de la vie,
    face à la mort, face à la haine,
    face au mal.



    Kaddish



    Rose abattue après tant d’années,
    tant de matins où ses yeux s’ouvraient au soleil,
    tant de soirs où son corps accueillait la nuit,
    tant de jours, tant de nuits, tant de vie.



    Kaddish



    Tant de vie en toi, Rose,
    qu’ils ne pourront jamais te faire disparaître,
    tu es l’homme en blanc de Goya
    face aux soldats qui tirent.



    Kaddish



    […]



    Rose, ta vie fut acte de résistance et de mémoire,
    et cette résistance, cette mémoire
    ne finissent pas avec toi,
    tu nous les lègues,


    nous en faisons notre héritage,
    nous en faisons notre force de vie.




    Kaddish



    ___________
    à la mémoire de Rose Mallinger, 97 ans

    et des dix autres personnes
    assassinées parce que juives
    dans la synagogue de Pittsburgh
    le samedi 27 octobre 2018 :

    Joyce Fienberg,
    Richard Gottfried,
    Jerry Rabinowitz,
    Cécil et David Rosenthal,
    Daniel Stein,
    Bernice et Sylvan Simon,
    Melvin Wax,
    Irving Younger.





    Pierre Maubé, Kaddish pour Rose in Étrange suivi de Onze kaddishim pour Rose, Les Lieux-Dits éditions, Cahiers du Loup Bleu, 2020, s.f.






    Pierre Maubé  Etrange 8



    PIERRE MAUBÉ


    Pierre Maubé





    ■ Pierre Maubé
    sur Terres de femmes


    [tes jours défilent sous tes yeux] (extrait de Psaume des mousses)




    ■ Voir aussi ▼


    Poésie maintenant, blog de Pierre Maubé
    → (sur La Cause Littéraire)
    une lecture d’Étrange suivi de Onze kaddishim pour Rose, par Philippe Leuckx







    Retour au répertoire du numéro de novembre 2020
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Anne-Marie Zucchelli | [Sûrement un ciel s’éveille dans mes yeux]


    [SÛREMENT UN CIEL S’ÉVEILLE DANS MES YEUX]




    Sûrement un ciel s’éveille dans mes yeux
    quand mes yeux s’ouvrent.
    Et ce ciel élève au-dessus du jardin
    les cartes de territoires
    tous inconnus.


    Di certo un cielo si sveglia nei miei occhi
    quando si aprono.
    E questo cielo, sopra il giardino, alza
    mappe di territori
    totalmente sconosciuti.




    ***



    L’heure la plus haute
    improvise un refrain
    et nous métamorphose
    en pulsations.
    Nous voilà traversés,
    rendus à notre densité.

    Ainsi, les deux notes chantées par un oiseau
    remuent dans l’air la matière.


    L’ora più alta
    improvisa un ritornello
    e ci trasforma
    in pulsazioni.
    Eccoci attraversati,
    tornati alla nostra densità.

    Così, le due note cantate da un uccello
    muovono nell’aria la materia.




    ***



    Une pie tourne sur le toit.
    Elle jacasse en haut du cerisier.
    Cris et bonds
    Portent les nouvelles du monde.

    Je crie aussi

    et

    je

    m’envole.


    Una gazza gira sul tetto.
    strida in cima al ciliegio.
    Gridi e salti
    portano le notizie del mondo.

    Grido anch’io

    e

    volo

    via.



    Anne-Marie Zucchelli, « Mouvements », Espace d’un instant | Nello spazio di un istante, éditions Pourquoi viens-tu si tard ?, Collection Poésie n°30, 2020, pp. 52, 53, 56, 57, 58, 59. Traduction en italien : Marilyne Bertoncini. Textes et photos : Anne-Marie Zucchelli.





    Anne-Marie Zucchelli 2



    ANNE-MARIE ZUCCHELLI






    ■ Voir aussi ▼



    → (sur le site de l’Agence régionale du Livre Provence-Alpes-Côte d’Azur)
    une fiche sur Espace d’un instant





    Retour au répertoire du numéro de novembre 2020
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Erwann Rougé, Proëlla

    par Angèle Paoli

    Erwann Rougé, Proëlla, éditions Isabelle Sauvage,
    Collection présent (im)parfait,
    29410 Plounéour-Ménez, 2020.



    Lecture d’Angèle Paoli


    GALETS
    Ph., G.AdC







    CAR LES « GALETS SONT SANS REMORDS »





    Sur un temps très bref — quelques heures à peine d’un dimanche-à-lundi — s’énonce la parole du poème. Proëlla. Cinq chants et un contre-chant — entre lesquels s’intercalent des moments balisés par l’écoulement d’un temps qui embrume ses contours, stagne dans l’indéfini, s’immobilise aussi parfois — composent le poème qu’Erwann Rougé dédie à la mémoire des disparus. En mer ou sur terre. Tous les disparus torturés par mille maux et cruautés avant d’être néantisés dans l’horreur par les guerres et les conflits, ou les naufrages : pour un énième disparu en mer ou ailleurs. Ainsi rassemblés dans le recueil poétique, les chants d’aujourd’hui renouent avec un vieux rite funéraire breton accordé aux défunts disparus en mer ; rite symbolisé, selon la tradition qu’Erwann Rougé remet en lumière, par une croix en cire déposée sur un linceul&nbs;:

    « l’inconnu est croix de cire sur un linge blanc. »

    « la croix de cire se pose sur le linge blanc. »

    Renouant un lien entre divers lieux du monde, entre vie et mort, entre passé et présent, les poèmes sont autant de stèles de silence dédiées à tous ceux que la mer (ou la terre) a emportés et qui demeurent sans sépulture.

    « Sabratha, dans le nord-ouest de la Lybie », Alep ou Bodrum. Partout « le va-et-vient de l’eau harcèle la poussière cèle dans les nuques dans les dos un reste de bleu. » (à quatre heures de lundi).

    Le recueil dans son entier est un long thrène sur les violences qu’infligent les hommes à leurs pairs, sur le malheur que beaucoup traversent sans retour, condamnés à mourir engloutis. Un texte très fort qui place le lecteur devant un chant qui dérange, car, comme l’écrit le poète breton :

    « on supporte mal d’entendre

    le poème qui enroule

    une parole autre. »

    Le poème d’ouverture — non titré —, donne d’emblée la tonalité sombre de cette partition. Et pose les premiers accords d’une écriture de la sobriété. Les strophes sont brèves, disjointes par des lignes intercalaires et par un point final. Sans qu’aucune majuscule initiale vienne perturber l’homogénéité de l’ensemble des pavés de texte. Laquelle s’harmonise, à mes yeux, avec l’anonymat des « ils », des « lui ». Ou celui des « qui » anaphoriques sans antécédents du chant un et du contre-chant un :

    « qui chante

    les lèvres fermées.

    qui douceur sans fin […]

    qui d’errance

    demande le semblable » (chant un)

    « qui le dos contre terre

    attend »

    « qui vers l’avant se balance » (contre-chant un)

    Ou avec l’absence de pronoms personnels devant les verbes. Dans le poème d’ouverture comme dans d’autres poèmes :

    « derrière les barrières

    se mord les doigts se mord la langue

    se vide le dedans

    égare ce dont il a besoin

    s’accroche au temps

    aussi droit qu’il peut. »

    Les corps sont sans visage et « au large les morts ne sont nulle part. »

    Le décor initial est celui d’une procession silencieuse qui se conforme au rite ouessantin de la « proëlla » :

    « sur un linge blanc

    une croix de cire

    veille sur le va-et-vient des morts et des vivants. »

    Tout se déroule comme à l’ordinaire, comme il se doit, chaque fois qu’un marin est porté disparu. Avec la même économie de mots, les mêmes gestes alentis dans la sidération. Tout se déroule à l’identique, tout se clôt « avec la sterne qui dit la coulée verticale. » Que dire de plus, une fois le corps disparu dans les hauts fonds ? « rien de plus. » Tout le reste serait vain. Inutiles les larmes inutile tout pathos.

    Le temps soudain a fait irruption, un temps d’aujourd’hui rythmé par l’écoulement des heures. Un être surgit, privé d’identité et de corps, réduit à sept mots :

    « sans nom

    sans épaule

    se tient là. »

    Un être archétypal, symbole de milliers d’autres de son espèce, voués comme lui au même sort, au même malheur, au même vide. À la même mort. Un être vidé de lui-même, vidé de sa vie, vidé de ses mots, réduit à rien. Un être en négatif. Nié :

    « ne se demande pas », « ne parle pas ne se parle plus », « n’imagine pas la douleur », « ne se demande pas »…

    En quelques vers se dessinent sa mort, sa descente progressive dans « la tranquillité noire ». Sa plongée irrémédiable

    « dans le trou de mer

    qu’il creuse

    d’avoir trop crié. »

    Il arrive que des voix s’élèvent, des voix off qui commentent succinctement ou ponctuent un poème en forme de constat et de péroraison :

    « au fond, il n’y a plus de pourquoi. »

    « et nous n’avons rien vu, comme d’habitude. »

    « sur la berge ils sont mis dans un sac blanc devenu corps. »

    « la cruauté est une brûlure. Se sert de la cloque pour desquamer l’entour d’une âme. »

    Mais la voix dominante de cet ensemble et qui met au jour l’architecture secrète du poème, c’est la voix sans visage du chant. Celle qui se réitère de façon séquentielle, et qui revient comme la vague à l’instant du ressac. Elle est la voix qui guide dans la traversée du poème, celle qui conduit la marche au-delà de l’heure blanche, à la recherche d’un ailleurs. Dans « la courbure d’une dune » et dans le « cri d’un sirli ». Peut-être appartient-elle à ce gamin de douze ans qui court le long de la grève dans l’attente de la beauté. Laquelle se rencontre dans un « battement d’ailes », dans le frôlement d’une plume, ou dans le vacillement invisible du vent. Pourtant, au cœur même de la vie qui fait battre le sang dans les veines, demeure un noyau impénétrable, car les « galets sont sans remords ».



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli






    Erwann Rougé  Proëlla





    ERWANN ROUGÉ


    Erwann Rougé
    Ph. Michel Durigneux
    Source





    ■ Erwann Rougé
    sur Terres de femmes


    [même si cela ne sert à rien] (extrait de Proëlla)
    [la brûlure a une odeur de fleuve] (extrait de L’Enclos du vent)
    [on ne fait qu’écrire] (extrait de Voa, Voa)
    Passerelle, Carnet de mer (lecture de Sylvie Fabre G.)
    [quand le ciel est ainsi] (extrait d’Étais de Jean-François Agostini)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions Isabelle Sauvage)
    la fiche de l’éditeur sur Proëlla d’Erwann Rougé
    → (dans la poéthèque du site du Printemps des poètes)
    une fiche bio-bibliographique sur Erwann Rougé





    Retour au répertoire du numéro de novembre 2020
    Retour à l’ index des auteurs
    Retour à l’ index des « Lectures d’@angelepaoli »

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Jean-Louis Rambour | poèmes-diapos


    POÈMES-DIAPOS (3)




    Les deux segments du fléau ressemblent aux aiguilles
    de l’horloge. Sauf que celle pour les heures tourne
    beaucoup plus vite que celle des minutes,
    elle tourne, claque, injecte le temps, le dépasse :
    cela devient folie, cruauté. Le fléau
    passé sur le blé d’un chariot donne la taille
    d’une vie humaine. À peine né et déjà
    le cœur froid. Dix ares, pas davantage, résument
    la collection des peurs et des éclats de rire,
    le compte de gauloises, d’enfants et de femmes.



    ***



    Bien sûr qu’au début on est un humble apprenti :
    la taille du marbre ne s’improvise pas.
    On n’est pas Michel-Ange, on n’est pas François Rude.
    On ne taille pas dans le marbre statuaire,
    pas de Pietà, ni de pêcheur napolitain :
    on découpe, dresse, frotte, supprime, ajoute,
    on doucit, on polit. Cette plaque sera
    pour le pilier sud de l’Arche de la Défense,
    peut-être pour un escalier, la cheminée
    d’un hôtel, la tombe d’un enfant mort trop tôt.



    ***



    Quant au métier d’écrire des lignes de mots
    le travail fait peur. On a des lèvres, des mains
    pour certaines phrases, d’autres pas. On ne sait
    quoi dire au silence blanc d’une salamandre.
    On fait défiler les diapos d’un projecteur
    comme les feuilles glissent noircies de dessous
    l’imprimante. Ou l’inverse. On fait aussi la grève
    et défile dans sa chambre. On pense compter
    pour un peu dans la richesse du monde, on plie
    son échelle avant d’aller trop haut, trop fragile.




    Jean-Louis Rambour, Le Travail du monde, 100 poèmes-diapos, éditions L’herbe qui tremble, 2020, pp. 15, 42, 122. Peintures de Jean Morette.






    Rambour-le-travail-du-monde




    JEAN-LOUIS RAMBOUR


    Jean-Louis_Rambour NB
    Ph. © Jean-Louis Rambour
    – CC BY-SA 3.0
    Source





    ■ Voir aussi ▼


    → (dans la Poéthèque du site du Printemps des poètes)
    une fiche bio-bibliographique sur Jean-Louis-Rambour
    → (sur le site des éditions L’herbe qui tremble)
    la fiche de l’éditeur sur Le Travail du monde de Jean-Louis-Rambour





    Retour au répertoire du numéro de novembre 2020
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Marie-Christine Masset | Dans la blancheur de l’horizon


    IN THE WHITENESS OF THE HORIZON




    Those who strike
    the grasses at night
    with their long sticks
    say the waters
    never sleep.

    The words they utter
    are like a trickle
    of red blood.

    Clothing their eyelids,
    they stun the rivers
    and make dreams drift
    in a broken lifeline.

    Under the flesh,
    a landscape comes alive
    in the darkness, neither double,
    nor path. Insane
    the one who then hears
    child’s laugher resonate
    and in the trembling
    of dawn writes it
    on the ground.







    DANS LA BLANCHEUR DE L’HORIZON




    Ceux qui frappent
    les herbes la nuit
    de leurs longs bâtons
    disent que les eaux
    ne dorment jamais.

    Les mots qu’ils prononcent
    ressemblent à un fil
    de sang rouge.

    En fermant les paupières,
    ils étourdissent les rivières
    et font dériver les rêves
    dans une ligne de vie brisée.

    Sous la chair,
    s’anime un paysage
    dans ombre, ni double,
    ni chemin. Fou
    celui qui entend alors résonner
    un rire d’enfant
    et dans le tremblé
    de l’aube l’écrit
    sur la terre.




    Marie-Christine Masset, L’Oiseau Rouge | The Red Bird, Oxybia Éditions, 06520 Magagnosc, 2020, pp. 152-155. Traduction d’Andrea Moorhead.






    Marie-Christine Masset  L'oiseau rouge




    MARIE-CHRISTINE MASSET


    Masset





    ■ Marie-Christine Masset
    sur Terres de femmes


    [Le chemin ne changera rien]
    Visage natal
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    Rêve




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site de l’Agence régionale du Livre | Provence-Alpes-Côte-d’Azur)
    une fiche sur L’Oiseau Rouge | The Red Bird





    Retour au répertoire du numéro de novembre 2020
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes