Étiquette : 2021


  • Éric Sarner | Dezir —



    DEZIR —





    Exprimer, par la parole ou par l’écrit.
    Signifier, vouloir dire.
    Ke kyizo dezir, qu’est-ce qu’il a voulu dire ?
    (Faut-il aller jusqu’à demander,
    comme l’auteur du dictionnaire :
    « quel sens caché donne-t-il à ses propos ? » ?)
    Il a dû arriver souvent que la mère
    se retienne de poser une question,
    par crainte d’entrer dans une situation inextricable.
    Por dezir jwego no se kema la boka,
    Ce n’est pas en prononçant le mot feu
    qu’on se brûle la bouche,
    et donc un pronostic d’échec
    n’entraîne pas forcément des choses fâcheuses

    Por no dezir mas,
    on pourrait dire bien davantage.





    Éric Sarner, « Presque un chant d’errance », 80 mots de judéo-espagnol rapportés de voyage, 67, Cœur chronique, Le Castor Astral, 2013, in Sugar et autres poèmes, éditions Gallimard, Collection Poésie/Gallimard n° 558, 2021, page 261. Préface de Jacques Darras.







    Sarner  Sugar



    ÉRIC SARNER


    Eric sarner
    Source




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions Gallimard)
    la fiche de l’éditeur sur Sugar et autres poèmes (Poésie/Gallimard)





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  • Vanda Mikšić, Mes mains d’ail



    Mes mains d'ail 2






    Mes mains d'ail 6







    MES MAINS D’AIL
    (extrait)





    mes mains
    d’ail doivent encore remanier kaštelan
    et déjà elles savent mes mains qu’elles feront
    revenir les crevettes qu’elles hacheront du basilic
    avant de s’attaquer à la conférence de foucault
    sur sade et pendant la journée elles tâcheront
    d’embrasser l’enfant d’embrasser l’homme
    d’embrasser le livre de joindre leurs paumes
    pour former un bol et se remplir de grosses
    gouttes bien chaudes et salées jaillies
    de ma mer médiane





    Vanda Mikšić, Mes mains d’ail, éditions La tête à l’envers, Collection fibre·s animée par Jean-Marc Barrier, 2021. Dessins d’Annabelle Guetatra.






    Vanda miksic couv 1




    VANDA MIKŠIĆ


    Vanda Miksic portrait denim





    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site de l’Université de Zadar [Croatie])
    une notice bio-bibliographique sur Vanda Mikšić
    → (sur le site de Comédie du Livre-Montpellier)
    une notice bio-bibliographique sur Vanda Mikšić
    → (sur le site des éditions La tête à l’envers)
    la fiche de l’éditeur sur Mes mains d’ail




    ■ Voir encore ▼


    le site d’Annabelle Guetatra





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  • Annie Lulu, La mer Noire dans les Grands Lacs

    par Angèle Paoli

    Annie Lulu, La mer Noire dans les Grands Lacs, roman,
    éditions Julliard, 2021.



    Lecture d’Angèle Paoli


    DE IAŞI À GOMA, LE LONG CHEMINEMENT D’UNE PLUME MÉTISSE




    La Mer Noire dans les Grands Lacs. Sous ce titre, aussi beau qu’énigmatique, Annie Lulu signe son premier roman. Titre qui conduit la romancière à établir une passerelle entre deux continents, deux régions du globe que tout différencie. Nili, la narratrice du récit, est le point de convergence de ces deux territoires dont elle tire des origines contrastées et antinomiques. À l’origine de tiraillements et de souffrances, le point de rencontre ne pourra être atteint qu’au prix de luttes douloureuses, de guerres, de conflits sanglants et de deuils ; et d’un choix final, pleinement assumé, ouvert sur l’avenir.

    Tout lecteur peut aisément localiser la Mer Noire sur une mappemonde. Elle est cette mer dont les rives viennent lécher les terres de Turquie, de Bulgarie, de Roumanie, d’Ukraine, ou de la Géorgie et de la Russie. Mais les Grands Lacs ? Où les situer ? En Amérique du Nord, Érié, Michigan, Ontario… ? Afrique, Tanganyika, Victoria… ? L’intitulé du premier chapitre, « La fille roumaine de mon père congolais », laisse entrevoir, non sans un certain humour, une première réponse à ce questionnement. L’incipit du roman, deux pages en forme d’avant-propos, confirme pour partie cet ancrage géographique. Le Congo. Et le précise :

    « Ce lac Kivu au bord duquel nous sommes assis ensemble, sur le ponton de l’étroite maison d’où je te parle ».

    Ici, sur les rives du lac Kivu, c’est de Bukavu qu’il est question. Ce Bukavu que l’on retrouve en toute fin d’ouvrage :

    « (À Bukavu, au bord du lac, au bout du ponton menant à la porte d’une petite maison d’où résonnent des voix) ».

    Entre la place que Nili occupait « avant » et celle qui a ouvert « l’après », la boucle est bouclée et le roman peut prendre fin. Mais il faut d’abord que la narratrice entreprenne un long retour en arrière sur elle-même et sur ses origines. Lequel sert d’ancrage au récit, en grande partie autobiographique, qu’elle livre dans La Mer Noire dans les Grands Lacs.

    Le bord du lac est serein, propice à la réflexion. Une réflexion faite de contrastes, que Nili confie à l’enfant qu’elle porte. Il est le fils à qui la jeune métisse s’adresse tout au long de l’histoire qu’elle s’apprête à amorcer et qu’elle va revivre avec lui.

    « Laisse-moi te raconter, comment j’ai cherché mon père, et comment on s’est retrouvés ici, toi et moi. » Dit-elle à son fils.

    Mais, quelques lignes plus haut, la narratrice tient à préciser quels sentiments président à sa parole. « D’abord, je t’aime », déclare-t-elle en caressant son ventre tendu. « Je t’aime et tu viens au monde par la beauté ». La déclaration spontanée de Nili s’inscrit en écho inversé de celle qui hante la jeune femme depuis sa naissance. Un héritage d’une extrême violence légué par sa mère roumaine : « J’aurais dû te noyer quand tu es née, j’aurais dû t’écraser avec une brique. »

    De ce fils que Nili attend et qu’elle a conçu au Congo où elle n’est arrivée que depuis quelques mois, elle dit :

    « Tu es un peu la barque amarrée à un bout de terre ferme qu’on s’est fabriquée par besoin ton père et moi, par convocation du désir en nous, pour vivre et conjurer des tas de défaites ».

    La narratrice peut dès lors remonter le cours du temps et se lancer dans le récit d’une douloureuse épopée nourrie de haines et de conflits sanglants, qu’elle va tenter de transformer en histoire d’amour. Une histoire commune et partagée.

    Née en Bulgarie en 1990, Nili est, de par sa naissance, le lien tissé entre Occident et Afrique. Avec elle s’établit « une lignée bizarre de l’univers ». Lignée improbable entre Europe et Congo ; mère/fils ; mère/fille ; père/fille ; métisse/enfant. Mais c’est du côté de son père, Exaucé Makasi Motembe, et, plus avant dans le récit, d’Omoyi, sa grand-mère paternelle qui lui offre une vraie famille d’oncles, de cousins et d’amis, que Nili cherche sa vérité. Qu’elle traduit par des images chargées de sens :

    « De mes mains à mon ventre, de mon ventre à ce lit pluvial, il y a des cordes de limon, des générations de coquillages placentaires ».

    Car ce père absent la hante. Depuis toujours. Ce Makasi dont elle porte le nom et dont elle incarne la force, ce père qu’elle n’a pas connu, qu’elle n’a de cesse de rechercher et dont elle finira par retrouver la trace, elle a commencé par le haïr. Ne l’a-t-il pas abandonnée alors même qu’elle était encore au berceau ? Ne l’a-t-il pas livrée à la folie maternelle sans se soucier d’elle un seul instant ? De ce père congolais, étudiant brillant venu faire ses études en Roumanie aux temps du Conducător Nicolae Ceauşescu, sa mère ne lui apprend rien. Qui a rayé son amant éphémère de sa mémoire ; comme elle-même a été exclue de sa propre famille. Nili et sa mère, coupables l’une et l’autre. La mère doublement : d’avoir partagé sa couche avec un Noir et d’avoir enfanté, hors mariage, une enfant de couleur, dont elle s’acharne à frotter la peau. Une enfant preuve vivante de la faute de sa mère. Qui répond aux questions de Nili par des gifles et des insultes. Nili, qui comprend qu’elle est le fruit indésiré d’une rencontre estudiantine, passera son enfance dans l’inconfort de se découvrir « alien » dans « le miroir fendu de la salle de bains » mais davantage encore dans le regard malveillant des autres, un « semi-leucoderme », objet de risées racistes insoutenables. Au mieux, une « curiosité locale ».

    « Dans la ville où je suis née, je n’étais qu’une moitié de primate, ou bien un être surnaturel pour les plus niais d’entre eux, pas une personne normale en tout cas. C’est ça mon pays. »

    La rage de Nili est inépuisable, tant envers ce père lâche qu’envers le pays qui l’a vu naître, elle, l’enfant métisse. Qui ne connaît que la haine. Haine qu’elle nourrit à l’égard du père et haine qu’elle reçoit des autres. Haine, enfin, qu’elle éprouve pour elle-même.

    « Il n’y a pas un jour où je ne lui en aie voulu à m’en briser les os, à mon père, pas un jour de mon enfance dans ce vieux coin pourri de l’Europe où je ne lui en aie voulu d’être absent, de ne m’avoir jamais téléphoné, de se contenter d’être une espèce de plaie poisseuse enduite sur ma peau à la naissance ».

    Au fil du temps et des recherches, hasardeuses et complexes, Nili remonte la chaîne embrouillée qui la sépare encore d’Exaucé Makasi Motembe. Elle apprend que son révolutionnaire de père, grand adorateur de Lumumba, rappelé au Congo pour aider son pays à s’affranchir de l’oppresseur belge et de la colonisation, son père, « un idéaliste promis à une grande carrière dans son pays, un panafricain qui voulait fonder les États-Unis d’Afrique » — un Simon Bolivar d’Afrique en quelque sorte — n’a cessé d’écrire à sa fille. Et de supplier Elena de lui permettre de parler à Nili. Et si Nili n’a jamais eu connaissance de ces lettres – dont certaines sont insérées dans le récit — , c’est qu’Elena Abramovici, sa mère, les lui a dérobées. Car la très blonde, la très brillante Elena au corps de déesse, uniquement préoccupée par ses études, thèses, diplômes, carrière universitaire, n’a pour critères d’existence que les valeurs intellectuelles. Rien d’autre n’existe ni pour elle-même ni pour sa fille. « Tu existes parce que tu as un cerveau. Sinon tu n’as aucune valeur pour moi », lui rappelle sa mère. Nili, niée. Élevée dans les livres de littérature française et anglaise, afin d’obtenir d’elle qu’elle se déleste de toute trace de l’Afrique ; Nili, privée de tendresse maternelle, torturée par l’absence du père, devra attendre sa vingt-cinquième année pour découvrir qu’elle s’est trompée, parce que sa mère l’a trompée. Qu’Exaucé Makasi, son père, s’est lui aussi trompé sur la femme qu’il aimait. Elena mea. Une prise de conscience qui va permettre à Nili de se libérer de la chaîne qui la tenait assujettie à sa mère ; de se dégager de son emprise et de déployer toute son énergie vitale pour rejoindre l’Afrique :

    « Je me suis trompée, mon fils, nous le savons tous les deux, je me suis trompée. Maintenant que j’ai les lettres que mon père m’a écrites des années durant. »

    Dès lors, la haine qu’elle éprouvait pour elle-même change d’objet :

    « Je n’ai pu m’empêcher de me sentir coupable et de me haïr moi-même de l’avoir haï. »

    Assise au bord du lac Kivu, Nili revoit les rives de la Mer Noire. C’était à Constanţa. L’unique fois où Elena Abramovici avait emmené sa fille loin de Bucarest. Un moment décisif pour Nili qui comprend que ce jour-là sa mère a renoncé à la tuer. Les mains baignant dans l’eau du lac, elle retrouve la teneur de leur échange. Nili confie tout cela à son fils. Elle lui confie sa réconciliation récente avec elle-même et sans doute aussi avec sa mère.

    « Le Congo m’a guérie. Au bord du lac Kivu. Il m’a guérie de cette maladie du rejet… ».

    Tout au long du roman et des trois grandes parties qui le composent, l’histoire personnelle de Nili croise la grande Histoire. Celle de la Roumanie d’un côté et celle du Zaïre (redevenu Congo) de l’autre. Dictatures et révolutions, pogroms et exterminations de masse, soulèvements et manifestations abolies dans le sang. Populations déplacées et malmenées. Tortures et viols. Conflits armés avec les États limitrophes (Rwanda, Angola, Ouganda). De part et d’autre règne le chaos. Annie Lulu jongle avec le temps et avec l’espace. De Iaşi à Bucarest, de Bucarest à Paris, de Paris à Kinshasa, de Kinshasa à Bukavu, de Bukavu à Goma, sur le lac Kivu. C’est à Goma, dans des circonstances violentes, que Nili fait la rencontre de Kimia Yamba, père de l’enfant à naître. Sous la plume acérée et agile d’Annie Lulu, les civilisations et les langues se croisent et s’affrontent. Ramenant de rives déjà lointaines mais restées gravées dans la mémoire, les noms du génocidaire Ceauceşcu, du leader indépendantiste Patrice Lumumba, de Mobutu Sese Seko, responsable de la zaïrisation du Congo, et de Laurent-Désiré Kabila, chef des Tutsis et responsable de la chute de Mobutu. Pour ne citer que les personnalités les plus célèbres. Mais entre Roumanie et Afrique, c’est de loin le Congo qui est mis en avant. Et le Congo-Kinshasa n’a plus de secrets pour Annie Lulu.

    Roman passionnant, inscrit dans une réalité mise à vif, La Mer Noire dans les Grands Lacs surprend par la motilité de l’écriture. Une écriture originale, riche et foisonnante de trouvailles. « Flamboyante ». La romancière passe, avec la fluidité de fondus enchaînés, d’un registre de langue à l’autre, du langage parlé « coup de poing », cru et violent —lorsqu’elle transpose le discours maternel ou lorsqu’elle s’en prend à l’« Europe pourrie » — à un lyrisme imagé proche de la langue poétique lorsqu’elle s’adresse à son fils pour évoquer le Congo qui l’a accueillie. Ainsi dans cet extrait du chapitre « Na lingi yo (je t’aime) » :

    « Sache-le bien, le Congo est comme une île. On n’a besoin de rien. On a le fleuve. Le fleuve et les premières radiances de l’abondance dans ce domaine bas et foisonnant. Des essaims d’étoiles ont semé chez nous la couleur, les fruits, des centaines de rivières, les Grands Lacs, le poisson nourricier, le premier homme, les mathématiques, Dieu. Alors, mon fils, plus tu vas t’éloigner d’ici, vers le monde pourri que moi j’ai quitté, plus tu seras ignorant, un illettré en veste, avec des mocassins et des manches longues inadaptées à ce pays, c’est-à -dire, à la vie, un homme habillé, un mythomane, un tordu. Vraiment tu dois le savoir, je n’ai aucune estime pour la fille morbide et égoïste que j’étais. »

    Au terme de cette première expérience d’écriture et de partage éditorial, le temps semble venu pour Annie Lulu de se réconcilier avec l’« Europe pourrie » d’où elle est par moitié issue. Car il est probable que, sans le « grand éditeur français » qui a su reconnaître un réel talent sous la plume métisse d’Annie Lulu et sans l’accueil élogieux de la critique, La Mer Noire dans les Grands Lacs dormirait peut-être encore dans les tiroirs, somnolant entre Roumanie et Congo.

    Peut-être le temps est-il aussi venu de considérer d’un œil nouveau et harmonieux son métissage. Un métissage parfaitement réussi, qui doit sans doute autant au goût enragé d’une mère pour la littérature qu’à l’amour d’un père absent, trop tôt disparu.



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli





    Annie Lulu  La Mer Noire dans les Grands Lacs 2




    ANNIE LULU


    Annie Lulu Denim
    Ph. Francesco GATTONI
    /Opale via Leemage
    Source




    ■ Annie Lulu
    sur Terres de femmes


    Haraka, haraka, haina barakade (extrait de La mer Noire dans les Grands Lacs)



    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site de la Libre Afrique)
    une lecture de La mer Noire dans les Grands Lacs, par Karin Tshidimba





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  • Samira Negrouche | [Un doigt réaligne les fils]


    Postic 3
    Nathalie Postic in Samira Negrouche, Traces
    « La surface immobile
    qui vibre, qui vibre
    qui fait voile au-dedans
    souffle au-dedans. »









    [UN DOIGT RÉALIGNE LES FILS]




    Un doigt réaligne les fils /// un doigt coupe /// un doigt retourne /// un doigt presse /// un doigt glisse /// un doigt va et revient /// un doigt retourne les fils /// un doigt voltige /// un doigt te donne à boire /// un doigt goûte /// un doigt mesure /// un doigt trempe dans le mercure /// un doigt enroule les fils /// un doigt te suit /// un doigt te mesure et en te mesurant, il mesure la distance /// un doigt te scrute à la loupe /// un doigt te repose la question /// un doigt file les fils /// un doigt secoue /// un doigt rabote /// un doigt essuie le coin de l’œil /// un doigt te signe l’invitation /// un doigt te traverse.





    Mes mains se balancent, elles répètent sans cesse les mêmes gestes, ils sont inscrits en moi.
    Le geste est nombreux.
    Dedans les gestes, il y a un amoncellement de gestes, que je répète. Je ne me souviens pas les avoir appris, ils sont entrés en moi, par magie ou par nécessité.

    Il n’y a pas eu d’effraction entre nous, pas de viol.

    Les gestes que je répète sont comme le silence, ils ne me dérangent pas, ils ont leur propre vie, j’ai la mienne qui observe le marécage, l’enfant sorti traîner dans le marécage qui ramasse ce qu’il ne devrait pas ramasser, sur cette surface chargée de ce qui ne devrait pas être là.
    L’enfant sorti flâner ramasse.





    Le geste est nombreux
    il fait silence en moi
    et c’est ainsi que je vois.
    C’est ainsi que je te vois
    nombreux.
    C’est ainsi que je te touche.
    La surface immobile
    qui vibre, qui vibre
    qui fait voile au-dedans
    souffle au-dedans.





    Samira Negrouche, Traces, 6, Fidel Anthelme X, Collection “La Motesta”, Marseille, 2021, pp. 23-25. Photographies de Nathalie Postic (3).






    Traces 5




    SAMIRA NEGROUCHE


    Samira Negrouche Guidu
    Image, G.AdC




    ■ Samira Negrouche
    sur Terres de femmes


    [J’aborde la plus haute rive](extrait de Quai 2 | 1)
    Six arbres de fortune autour de ma baignoire (lecture d’AP)
    [Des sillons se creusent] (extrait du Jazz des oliviers)
    Tes vagues (+ notice bio-bibliographique) [extrait d’Iridienne]
    [Tu ne te résignes pas] (extrait de Six arbres de fortune autour de ma baignoire)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    Il se peut




    ■ Voir | écouter aussi ▼


    → (sur YouTube)
    Samira Negrouche – Portrait d’une poétesse (Voix de la Méditerranée, Lodève, juillet 2011. Réalisation de Sonia Viel. Propos recueillis par Thierry Renard. Production Espace Pandora)





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  • Philippe Leuckx, Nuit close


    Nuit close
    « prends cette nasse de temps
    qui s’ouvre
    vers la mer »
    Source











    NUIT CLOSE
    (extraits)






    IX

    Tu tournes vers la nuit
    ton visage reposé
    apprivoise
    ton souffle
    prends cette nasse de temps
    qui s’ouvre
    vers la mer






    X

    Vas-tu seulement saisir
    à plein sang
    la tourmente
    qui dépose
    sur l’épaule
    le lent registre du cœur ?






    XI

    En nous tremblent des lois
    déjà mortes dans l’ombre
    la langue a pris le fil
    des eaux qui troublent
    la voix
    le cœur





    Philippe Leuckx, Nuit close, sixains, éditions Bleu d’Encre, 2021, pp. 15-17.






    Philippe Leuckx  Nuit close 4




    PHILIPPE LEUCKX


    Philippe Leuckx
    Ph. Christelle Dossche




    ■ Philippe Leuckx
    sur Terres de femmes


    [Le soir](poème extrait de Ce long sillage du cœur)
    Ce long sillage du cœur (lecture d’AP)
    D’obscures rumeurs (lecture d’AP)
    [Il reste au-dessus du jour quelque vœu d’enfance](poème extrait de D’obscures rumeurs)
    [Laisse la nuit s’éclairer sous tes yeux](poème extrait de Doigts tachés d’ombre)
    [On ose à peine la lumière](poème extrait de L’Effeuillement des choses vers les confins)
    [On a vécu sous le verre] (poème extrait de L’imparfait nous mène)
    [J’assume mes greniers d’enfance](poème extrait de Maisons habitées)
    Le Mendiant sans tain (extraits)
    Poèmes du chagrin (lecture d’AP)
    [Tu marches dans ta ville] (poème extrait de Poèmes du chagrin)
    Piéton de Rome, 13 (poème extrait de Rome rumeurs nomades)
    [Parfois il est bon de s’égarer](poème extrait des Ruelles montent vers la nuit)





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  • Sophie Brassart | Dans l’allée


    CHAT
    Ph., G.AdC








    DANS L’ALLÉE
    (extrait)



    À Salah Stétié                 




    Un chat se couche – les yeux pleinement verts

    Son regard me défait
    de la vision                   des subterfuges
    de la mort

    Dans l’intime soudure
    d’un murmure à moi-même


    Beau de l’après-midi

    Dans l’intuition de la fleur




    Sophie Brassart, « Dans l’allée », Ardentes patiences, éditions du Cygne, Collection « Le Chant du Cygne » dirigée par Ismaël Billy, 2021, page 41. Préface d’Hélène Fresnel.






    Sophie Brassart  Ardentes patiences 2



    SOPHIE  BRASSART


    Sophie Brassart 4
    Source




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions du Cygne)
    la page de l’éditeur consacrée à Ardentes patiences
    le blog de Sophie Brassart




    ■ Voir encore ▼


    → (sur Terres de femmes)
    Hélène Fresnel | En avançant vers l’Est





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  • Pierre Dhainaut | [Que respirent avant tout les mots]



    DHAINAUT FENÊTRE
    Ph., G.AdC


    [QUE RESPIRENT AVANT TOUT LES MOTS]





    Que respirent
    avant tout les mots,
    ensuite
    ce sera notre tour.



    On égare une clé,
    les noms restent,
    des amis
    que l’on croit disparus.



    On n’en a pas fini
    avec « murmure »,
    il a bien plus
    que deux syllabes.



    Avec les ondes
    dès leur naissance
    apprendre
    à renaître éphémères.



    Libres, les enfants
    font mieux
    que nous rendre
    visite.



    S’ils tiennent
    debout, ces murs,
    c’est grâce
    aux herbes folles.



    Sonorités
    qui ne se fécondent
    que si l’on tient compte
    des intervalles.



    Elle résonne
    toute l’année, la sève,
    l’épaule
    en est certaine.



    Le front sans rides,
    l’averse est nue,
    les fenêtres
    sont ouvertes.





    Pierre Dhainaut, « Prises d’air », Ici, éditions Arfuyen, Collection Les Cahiers d’Arfuyen n° 247, 2021, pp. 46-48.






    Pierre Dhainaut  Ici




    PIERRE  DHAINAUT

    Pierre dhainaut profil 3





    ■ Pierre Dhainaut
    sur Terres de femmes


    Ici (lecture d’Isabelle Lévesque)
    Après (lecture de Sylvie Fabre G.)
    Après (lecture d’Isabelle Lévesque)
    Voir de face (poème extrait d’Après)
    [Ne nous en prenons pas à l’invisible] (poème extrait d’État présent du peut-être)
    [Sortir sous l’averse] (poème extrait d’Et même le versant nord)
    Pour voix et flûte (lecture de Sabine Dewulf)
    D’abord et toujours, 4 (poème extrait de Pour voix et flûte)
    [Ce qu’est devenue la couleur] (poème extrait de Progrès d’une éclaircie)
    [Dès le seuil remercie] (poème extrait de Voix entre voix)
    Horizons, fontanelles… (poème extrait de Vocation de l’esquisse)
    [Nous étions seuls, de trop, dans nos miroirs] (poème extrait de De jour comme de nuit)
    [Orage, tempête, séisme] (poème extrait de La Nuit, la nuit entière)
    Passerelles
    Printemps dédié (poème extrait de L’Autre Nom du vent)
    Progrès d’une éclaircie suivi de Largesses de l’air (lecture d’Isabelle Lévesque)
    [Soudain la tête se redresse] (autre poème extrait de La Nuit, la nuit entière)
    [Où que tu ailles] (poème extrait de Rudiments de lumière)
    Rituel d’adoration (poème extrait de Transferts de souffles)
    Vocation de l’esquisse (lecture d’Isabelle Lévesque)
    Voix entre voix (lecture d’Isabelle Lévesque)
    Pierre Dhainaut | Caroline François-Rubino, Paysage de genèse, 10
    Pierre Dhainaut | Caroline François-Rubino | [Laissons les mots sourdre d’eux-mêmes] (autre extrait de Paysage de genèse)
    Pierre Dhainaut | Isabelle Lévesque | L’origine de l’écriture | [Si léger… tu cours] (extraits de La Grande Année)
    Pierre Dhainaut | Isabelle Lévesque, La Grande Année (lecture d’AP)




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions Arfuyen)
    une page consacrée à Pierre Dhainaut





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  • Corse_3 Étienne Orsini | [Je voudrais pleuvoir]



    Etienne Orsini pluieSource







    [JE VOUDRAIS PLEUVOIR]




    Je voudrais pleuvoir
    Comme la pluie
    Étoiler
    Comme l’étoile
    Ensoleiller
    Comme le soleil

    Le jour se lève
    Je ne fais que
    Me perdre

    Sans savoir où
    Ni si ce lieu existe

    Ah, si seulement me perdre
    Pouvait me donner des ailes
    De perdreau !



    Naufragé d’une terre gaste
    Où tant de paradis
    Avaient fini par dessécher
    Je voyais le monde
    Finir de partout



    Rivé au télescope
    Mon exil est
    Astronomique


    Je cherche une planète
    Où ne pas habiter


    Était-il une fois
    Quand je t’ai connue ?




    La nuit dedans sa bogue
    Je la voudrais dormir
    Une nuit bien ronde
    Et sans lueur

    D’une ombre à décevoir





    Étienne Orsini, Débusquer des soleils, éditions Le Nouvel Athanor, 2021, pp. 24-26. Préface de Corinne Atlan.






    Etienne Orsini  Débusquer des soleils 2




    ÉTIENNE ORSINI


    EtienneOrsini Denim
    Source




    ■ Étienne Orsini
    sur Terres de femmes


    [J’ai laissé filer des rivages] (extrait de Gravure sur braise)
    [J’ai longtemps cru qu’ailleurs était un nom de lieu] (extrait de Répondre aux oiseaux)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur Recours au poème) une notice bio-bibliographique sur Étienne Orsini





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  • Cathy Jurado | [Seul et multiple]



    Seul et multiple
    Ph., G.AdC






    [SEUL ET MULTIPLE]




    Seul et multiple, je n’ai plus peur
    j’ai franchi le grand effroi tapi au fond des barques
    j’ai noué ma mémoire à mon désir
    et je suis fort des rêves de tous les cœurs qui battent
    à l’approche de la rive

    mon cœur est une montagne traversée de chants d’oiseaux
    un ciel nocturne à la pulsation stellaire
    un espoir répété depuis le premier souffle
    un drapeau dont les vœux
    palpitent dans le vent
    mon cœur est le refuge
    et le feu

    mon cœur est un souffle libre
    courbe comme le blé couché par l’orage
    mon cœur est une arche sur la houle
    une rose noire
    abandonnée à son parfum
    une dune démultipliée
    le sable d’une empreinte
    mon cœur est la sève
    et la racine

    mon cœur est une eau vive
    une lampe-tempête
    un rire fou déréglant le balancier du temps
    mon cœur a la fraîcheur d’une main
    sur le front fébrile
    il est l’astre en son reflet liquide
    mon cœur est le chemin
    le fruit qui fait ployer la branche
    mon cœur est le visage
    et le miroir





    Cathy Jurado, Ceux qui brûlent, Odyssée, éditions Musimot, Poésie, 2021, pp. 40-41.






    Cathy Jurado  Ceux qui brûlent 2.jpeg
    Couverture ©Hassan Echair




    CATHY JURADO


    Cathy Jurado portrait Denim
    Source




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions Musimot)
    la page de l’éditeur sur Ceux qui brûlent
    → (sur Calaméo)
    parcourir quelques pages de Ceux qui brûlent





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  • Annie Lulu | Haraka, haraka, haina baraka


    HARAKA, HARAKA, HAINA, BARAKA




    Quand tu vas traverser le fleuve de ma vie, il faudra bien te souvenir que je ne suis rien, à part une petite entaille insolente dans la peau de deux peuples qui ne se sont jamais connus en dehors d’un rêve fou. Quand tu seras né, mon fils, plus rien ne comptera aux yeux du monde que ton petit cataclysme qui nous obligera, constamment, à la prudence, à respirer peu fort et à marcher lentement. Aller vite, la vitesse, mon fils, n’est pas une bénédiction. Toutes les affaires précipitées de ce bas-côté de monde nous le rappellent quand elles nous poussent au bord de ses charniers puants. Il faudra être lent et discret. Mon fils, je n’ai rien à t’offrir. Qu’un sel contaminé par l’érosion d’une jouissance dont le cadavre embrasé me poursuit toutes les nuits. Je ne suis rien et je ne suis pas une mère. Ne t’attends pas à trouver ici un autre mouvement que le balancement d’un corps toujours sur le point de renoncer, avec toi qui grandis dedans. Ne cherche nulle part autre chose que la cadence moribonde des fruits aux larmes sèches que je te partage. Il n’y a nulle part un taillis de perles pour t’accueillir dans la fusion joyeuse, nulle part l’ombre bienveillante d’un arbre à repentance, tu nais au vent humide de vouloir tout recommencer. Si je pouvais plonger au fond du lac amniotique de mes souvenirs et effacer l’amour qui m’a fécondée, je le ferais sans hésiter. Que jamais tu ne sois ce tamis de feuilles à moisir qu’on utilise contre les mouches du temps, un tapis de goyaves déversées entre les bestioles affamées de regrets qui me réclament un cri, les bêtes à douleur, le fourmillement de toutes les craintes réunies en une seule grande peur qu’est pour moi ta naissance. Je ne peux rien te donner. J’en suis très consciente. Un jour, c’est obligé, tu seras triste. Tu seras malade. Tu auras le poing grand ouvert de la faim dans les côtes. Et je ne pourrai rien faire. Je ne pourrai rien inventer pour te sortir de là. Qu’une autre blessure peut-être. Dans ma nuit déjà tienne.



    Annie Lulu, « Disparaître », La mer Noire dans les Grands Lacs, roman, éditions Julliard, 2021, pp. 48-49.



    _____________
    NOTE DE L’AUTEURE – haraka, haraka, haina baraka (kiswahili) : « la vitesse, la vitesse, n’est pas une bénédiction », proverbe swahili. La culture de l’est de la République démocratique du Congo est partie de la civilisation swahilie, développée notamment par interaction entre les mondes africain et arabe depuis le IXe siècle. L’usage de proverbes, appelés kangas, y est extrêmement pratiqué, jusque sur les vêtements des femmes, dont le kanga, pagne hybride arborant un proverbe à l’intention d’autrui, est un exemple typique.






    Annie Lulu  La Mer Noire dans les Grands Lacs 2




    ANNIE LULU


    Annie Lulu Denim
    Ph. Francesco GATTONI
    /Opale via Leemage
    Source




    ■ Annie Lulu
    sur Terres de femmes


    La mer Noire dans les Grands Lacs (lecture d’AP)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site de la Libre Afrique)
    une lecture de La mer Noire dans les Grands Lacs, par Karin Tshidimba





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