Étiquette : 29410 Plounéour-Ménez


  • Isabelle Baladine Howald | [Je — court à la mort]




    [JE — COURT À LA MORT]





    Je — court à la mort


    (devancer sans fin la scène des adieux, je —
    court devant— les mains et bras tendus ouverts
    pour/contre)

    Je ne veux pas que le jour commence je ne veux pas
    que le jour finisse        à chaque mort je       pense
    non, pas pensée       mais       épreuve de l’aube et du soir


    Relever, relever
    Ne pas s’en relever. Mais relever : survivons comme /
    les deux extrêmes —


    va — ferme ces doux yeux / — ne sache pas — je me / charge —    continue — / et tu vivras —, me demandant comment vivre avec celui qui travaille dans la forêt — celui qui coupe les arbres ou recueille la sève — avec le faucheur d’herbes, avec le photographe ou le peintre, celui qui écoute ou celui qui parle,  avec celui qui rit aux larmes sur la photo ou celui qui tient sa tête dans ses mains — celui des figurines. Avec le petit mort. Je me souvenais de ceux avec lesquels j’avais vécu, auprès desquels je ne dormais pas

          et je devenu le cheval frappé



    Isabelle Baladine Howald, Hantômes, I, éditions Isabelle Sauvage, Collection présent (im)parfait, 29410 Plounéour-Ménez, 2016, pp. 12-13.







    Howald_hantomes






    ISABELLE BALADINE HOWALD


    Isabelle Baladine Howald
    Source




    ■ Isabelle Baladine Howald
    sur Terres de femmes


    La Douleur du retour (note de lecture d’AP)
    [Je pense à toi qui n’a plus de corps] (extrait de Fragments du discontinu)
    Mouvement d’adieu, constamment empêché (note de lecture d’AP)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions Isabelle Sauvage)
    la page de l’éditeur sur hantômes







    Retour au répertoire du numéro d’août 2016
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Sofia Queiros, Normale saisonnière (extraits)



    Brume possible
    Source








    NORMALE SAISONNIÈRE
    (extraits)



    Some mist is likely to develop, especially towards the coast.


    Elle prend des notes en écoutant les radios anglaises en lisant les livres en regardant les télévisions sur des petits cahiers noirs à lignes sans grands ni petits carreaux. Elle note des mots des expressions et gribouille des figures des silhouettes des faces de rat et des fleurs. Parfois aussi des oiseaux ou des éléphants. Quand le temps s’y prête dans sa véranda sous le soleil plongeant. Elle étire ses jambes. Un chat ou autre se niche et ronronne et elle lui ou autre s’endorment à hauteur de nuages.

    Elle a deux mots nouveaux sous son oreiller.





    Quite chilly in the clear areas.


    Lorsqu’elle fatigue elle fronce davantage à la lumière. Une interrogation et de sillons se creusent à la racine de son nez. Ses paupières s’accélèrent. Le soir l’œil contraint sous la lampe elle recule l’heure du coucher plongée dans des livres ou des images. Elle survole tout et de tout peu lui reste. Qu’importe le moment passé. Tranquille elle se confronte à des mondes effrayants qu’elle tient à distance.
    Elle se frotte les paupières comme une lampe à huile d’où elle s’échappe.





    Cloudy for most parts with a little rain in places this evening and during the night.
    Pollen: low.



    Le jour où elle s’est décidée à écrire elle s’est demandé quoi qu’elle puisse dire rien de nouveau. C’est pourquoi elle ne conserve pas ou peu comme ses dessins qu’elle donne volontiers. Elle n’écrit que sur des morceaux de papier qui volent et écrits qui s’envolent. Pas de traces qui la dévoilent. Non pas qu’elle cherche à dissimuler. Mais plutôt cette pudeur que l’époque a oubliée ; mouchoirs de dentelle et tulle.




    Sofia Queiros, Normale saisonnière, Éditions Isabelle Sauvage, Collection présent (im)parfait, 29410 Plounéour-Ménez, 2014, pp. 52-53-67.





    ________________________________________
    NOTE DE L’ÉDITEUR


    Normale saisonnière, c’est d’abord la banalité du quotidien, pourtant fait d’intimes et profondes violences… Des notations météo en ouverture de chaque page donnent le la, en quelque sorte – qui ont été entendues en anglais comme une petite musique d’accompagnement, comme la bande son de ce qui se déroule dans ces pages. Comme la météo que l’on entend sans l’entendre et qui imprègne cependant nos journées – et alimente nos conversations de rien… Ces notations sont bien le reflet d’une météo intérieure en butte à la réalité qui, bien que normale, de saison, ne peut pas l’être, normale, quand il s’agit des derniers moments du père, de la mort, de la solitude, l’enfance et la vieillesse, de l’attente amoureuse aussi bien…

    Par un décalage constant avec la réalité qu’elle observe, ou plutôt ressent, un décalage de peu, juste une petite distorsion (emploi d’un vocabulaire jouant dans plusieurs directions, syntaxe malmenée…), Sofia Queiros introduit dans la phrase tout un monde onirique qui sauve du quotidien et le transfigure comme comptines à chantonner – devant la peur.

    Une « chronique » d’une grande pudeur qui part d’un « elle » mais se laisse gagner par le « je », avec cette remarque qui est peut-être à la clé de toute écriture : « À la question qui est-elle. Je réponds que je ne sais pas. »






    Sofia Queiros, Normale saisonnière





    SOFIA QUEIROS


    Sofia Queiros
    Source




    ■ Sofia Queiros
    sur Terres de femmes


    Normale saisonnière (lecture d’Isabelle Lévesque)
    et puis plus rien de rêves (extraits)[+ une notice bio-bibliographique]
    [je à la pointe du jour] (extrait de Sommes nous)
    Jour 13 (extrait d’Une même lunaison)





    Retour au répertoire du numéro d’août 2014
    Retour à l’ index des auteurs


    » Retour Incipit de Terres de femmes