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  • Emmanuel Moses | [La pluie donne un soir inachevé]


    Moses 2
    Gravure de Frédéric Couraillon, in Emmanuel Moses, Dona, page 4.








    [LA PLUIE DONNE UN SOIR INACHEVÉ]



    À François Boddaert       



    La pluie donne un soir inachevé
    Je songe à ce corps de chien sur une route de Bourgogne
    À ton ami qui ne verra plus les cerfs dans le blé
    Ce qui manque nous murmure des chansons et des souvenirs
    Des pensées
    Il fait froid à Paris
    Les rues sont vides comme le cœur en chagrin
    Comme ma tête certains matins
    Dieu prenne pitié du chien et de l’homme
    Qui ne connaîtront plus ces hivers d’Europe
    Où le ciel est une muraille
    Où les heures peinent
    Où un peu à la manière de Pénélope devant son métier
    Dans l’attente irraisonnée de son époux royal
    On fait et on défait inlassablement la tapisserie de sa vie.



    Emmanuel Moses, Dona, 3, éditions Obsidiane, Collection Le Carré des lombes, 2020, page 9. Gravures de Frédéric Couraillon. Vignette de couverture de Gérard Titus-Carmel [en librairie le 22 octobre 2020].






    Emmanuel Moses  Dona




    EMMANUEL   MOSES


    Emmanuel_moses_didier_pruvot_flammarion
    Ph. © Didier Pruvot/Flammarion
    Source





    ■ Emmanuel Moses
    sur Terres de femmes


    Dona (lecture d’AP)
    [Mais voilà il y a un au-delà des apparences](extrait de Quatuor)
    La fleur « Shortia » (extrait de Polonaise)
    Ivresse (lecture de Gérard Cartier)
    [Derniers feux](extrait d’Ivresse)
    [Aujourd’hui j’ai ouvert le journal de l’éternité](extrait de Dieu est à l’arrêt du tram)
    [Je ferme les yeux](autre extrait de Dieu est à l’arrêt du tram)
    [Je suis allée au puits](extrait de Comment trouver comment chercher)
    [La mer, à peau de cétacé](extrait du Paradis aux acacias)
    Quatuor (lecture d’AP)
    Tout le monde est tout le temps en voyage (lecture d’AP)
    Tardives (poème extrait de Tout le monde est tout le temps en voyage)
    [Mettre un éléphant dans un poème](extrait d’Un dernier verre à l’auberge)
    [Le cahier vide et le cahier qui se remplit](extrait du Voyageur amoureux)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site Les Découvreurs)
    une lecture de Dona par Georges Guillain





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  • Louis Aragon | Le Voyage d’Italie


    LE VOYAGE d’ITALIE, 3
    (extrait)




    Il pleut La pluie italienne de septembre
    N’est ni jaune ni bleue il pleut sans éclipse il pleut plein les épaules pliées
    Il pleut Ni perles ni paroles ni paraphes d’épées
    Ni poussières ni claques ni paniques d’eau
    Ni passages de pétrels pétrole d’air
    Désespoir de nuées
    Il pleut tout simplement il pleut sans un pli sans une plaie
    Sans gifles aux palais plaquant Sans plomb de grêle
    Sans trombes de sel sur les places
    Il pleut sans plus
    Avec une persévérance égale et jamais lasse
    Et la paupière pâle et pauvre du ciel ne se relève nulle part sur ses pleurs
    Perpétuels on ne voit plus l’œil pur de l’été sur la vie
    On ne voit plus rien que la pluie
    Une pluie éparse ou épaisse
    Sur le piano plat des toits de par ici
    Un plasma tournoyant au platine des platanes
    Un plâtrage d’air une polarisation de poudre une précipitation
    De neige ou de plume un instant par l’espace perdue
    Une possession parallèle une obstination pathétique
    Il pleut pleut pleut sur la pensée il pleut

    […]




    Louis Aragon, « Le Voyage d’Italie », 3 [Les Poètes, Gallimard, Collection Blanche, 1960 ; Collection Poésie/Gallimard, 1976, pp. 71-72], in Marceline Desbordes-Valmore & Louis Aragon, Les Yeux pleins d’églises | Le Voyage d’Italie, éditions La Bibliothèque, Collection L’Écrivain Voyageur, 75017 Paris, 2010, pp. 111-112. Avant-propos de Jean Ristat. Introduction et notes de Claude Schopp.





    Aragon montage



    LOUIS ARAGON

    Aragon 2
    Source




    ■ Louis Aragon
    sur Terres de femmes


    → (sur Terres de femmes)
    Le Discours à la première personne (autre poème extrait des Poètes)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur Terres de femmes)
    8 avril 1973 | Mort de Pablo Picasso (+ poème « La Belle Italienne » de Louis Aragon)
    → (sur Les Lettres françaises N° 76)
    Voyages d’Italie, par Michel Bulteau





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  • Jacques Goorma | Propositions XXXVII, XXXIX, XXXXI, XXXXIX


    PROPOSITIONS




    Proposition XXXVII


    sablier vivant
    dans un ciel clair

    qu’attends-tu
    pour habiter le temps ?




    Proposition XXXIX


    l’espace entre les corps
    le silence entre les mots

    l’invisible nous tisse
    et se faufile




    Proposition XXXXI


    dans le papier jauni
    du vieux livre

    le papier frissonne
    juvénile




    Proposition XXXXIX


    si le silence
    disparaissait

    il emporterait avec lui
    toutes les paroles



    Jacques Goorma, Propositions, 3, éditions Les Lieux-Dits, Collection Jour & Nuit, Strasbourg, 2020, pp. 49, 51, 53, 61.






    Jacques Goorma  Propositions 2




    JACQUES GOORMA


    JACQUES GOORMAphoto de Reha Yunluel-1
    D.R. Ph. Reha Yunluel
    Source





    ■ Jacques Goorma
    sur Terres de femmes


    [À la bonne parole] (poème extrait de À)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site de la Maison de la poésie et de la langue française, Namur)
    une notice bio-bibliographique sur Jacques Goorma
    → (sur Terre à ciel)
    un entretien avec Germain Roesz, par Cécile Guivarch
    → (sur Monde en poésie de Brigitte Maillard)
    Jacques Goorma, Propositions
    → (sur Recours au Poème)
    Jacques Goorma : une po-éthique du dépouillement lumineux, par Muriel Stuckel





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  • Jean-Charles Vegliante | [La lente] [L’étourdie] [L’Africaine]



    [LA LENTE]



    Tu sens bien que le vert ne reviendra pas
    C’est un avril fichu, un autre printemps
    L’acharnement des mouettes fait frissonner
    La ville cède par des détails infimes…
    Il y a une carie dans le ciment
    On voit dans le net la honte d’une langue
    Chaque jour qui passe corrompt ses racines
    Il y a comme des radicelles pourpres
    Dans les yeux la fureur de sa propre fin
    Les fondations que l’on voulait oublier
    Les chevilles gonflées penchent vers la terre

    Elle cherche un mot où être tout entière.






    [L’ÉTOURDIE]



    Ma vue me trahit, je n’ai que mes petites
    choses, je ne suis plus qu’un arbre de veines,
    une « demeure vide » aux coups de boutoir
    des ans… Tu ne sais pas combien. Et j’aspire
    à tant de choses ! de nouvelles antennes,
    et puis je ne sais plus ce qu’on me voulait.
    Je ne veux presque rien mais rien ne remplit
    cette vacance, ce froid où je me perds.
    Les matins semblent voler avec les merles.
    Les soirs me crient : tu devrais chercher ailleurs,
    oublier ce qui t’a soutenue, rêvée…

    Lis : « perdre sa vie après les oiselets »…


    (Purgatoire, XXIII, 3)





    [L’AFRICAINE]



    Elle entre au fond de soi dans le noir du noir
    là où personne ne sait, n’ose affronter
    ce sifflement continu du vent d’en bas
    qui porte aussi les souffles de disparus
    chaque fois au bord de se faire comprendre
    mais trop tard, trop tard, le bruit assourdissant
    de sa vie la distrait une fois de plus.
    Elle a cru une fois qu’elle remontait
    le fleuve-mer, qu’elle avait le fil du rêve
    vers l’autre rive – mais rien jamais ne rend
    la question lancée comme dans l’eau d’un puits.

    Comme fond au noir un souvenir d’été.




    Jean-Charles Vegliante, Onze visites (et un post-scriptum) in Les Carnets d’Eucharis, Portraits de poètes #3, « Au pas du lavoir | Poésie & Prose», 2020, pp. 147 et 149.






    Eucharis 3 ter




    JEAN-CHARLES VEGLIANTE


    Jean-Charles Vegliante portrait
    Source




    ■ Jean-Charles Vegliante
    sur Terres de femmes


    [Un petit garçon passe] (extrait de Fragments de la chasse au trésor)
    Celle qui dort… (extrait des Oublies)
    Fenêtre (extrait de Trois cahiers avec une chanson)
    [Au fond de moi est un animal sauvage] (extrait d’Où nul ne veut se tenir)
    Où nul ne veut se tenir (lecture de Joëlle Gardes)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur Recours au Poème)
    une notice bio-bibliographique sur Jean-Charles Vegliante (+ 6 poèmes choisis)




    ■ Voir encore ▼

    le site Les Carnets d’Eucharis





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  • Angèle Paoli | L’Aviatrice, III


    Sarla_Thakral
    Source








    L’AVIATRICE (suite)



    III

    .

    et si c’était une danseuse ?

    Une danseuse élancée
    à ce point habitée
    par le souffle d’Icare
    que des éléments      elle oublie
    de considérer la violence
    et leur tourne
    le dos

    cuirassée casquée ailée de voiles
    légère — lourde
    la danseuse se prépare à l’envol
    toiles gonflées sous les brisants
    flots secoués par la bourrasque

    elle évolue
    se fait oiseau géant
    bernache des confins
    ouette cendrée
    de magellan
    et des terres glacées

    pieds tendus vers ~~~
    ~~~ l’élévation prochaine

    .

    elle adhère au sable
    fouettée par les vagues
    cuisses et ventre enrobés
    dans la mouvance des flots
    bras en croix
    et tête émergeant
    dans les vents

    coiffée de

    l’exponentielle voilure

    la navigatrice se déploie

    femme

    cerf-volant

    oiselle

    éolienne éblouie

    elle caresse ses ailes      s’ébroue
    s’invente       femme-oiseau
    s’élève       dans son rêve
    de verre

    idéal

    .

    insensée       alourdie par les ors
    des écailles

    condamnée dans les airs
    à un exemplaire naufrage
    que son aveuglement
    l’empêche d’entrevoir

    virevolte
    dans le vide

    O Captain! My Captain! Our fearful trip is done

    chante la poète éperdue

    de désirs insondables
    de rêves et d’émois

    glacés dans l’air

    d’airain.






    AVIATRIX



    III

    .

    and if this was a dancer?

    A slim dancer
    in this instant inhabited
    by the breath of Icarus
    with its many qualities       she forgets
    to regard the violence
    and turns her back
    on them

    armoured helmeted sail-winged
    airy – heavy-weight
    the dancer readies for lift-off
    a billowing of canvases before the breakers
    waves whipped up by a squall

    she’s re-made
    changes herself to a giant bird
    borderland brant goose
    ash-grey goose
    off the straits of Magellan
    the frozen shores

    feet stretched towards ~~~
    ~~~ the next height

    .

    she sticks in the sand
    lashed by waves
    belly and thighs smothered
    in the shift of the tides
    arms folded
    and her head floating high

    capped by

    the exponential sail

    the navigator unfurls herself

    woman

    kite flying

    little bird

    dazzling windmill

    smooths her wings                   shakes herself
    invents herself       bird-woman
    lift-off          in her dream
    of glass

    perfect

    .

    madness      encumbered by gilding
    of scales

    doomed in the air
    to an exemplary shipwreck
    her blindness
    prevented her seeing

    she’s tail-spin
    in the void

    O Captain! My Captain! Our fearful trip is done

    the frantic poet sings

    of immeasurable wishes
    dreams and commotions

    ice-locked in air

    of brass.


    Translated by Martyn Crucefix



    Angèle Paoli, Rêve de Verre | Glass Dream, 2018 in Agenda, Anglo/French issue, vol. 53, Nos 1-3, Winter 2019/2020, Mayfield, East Sussex, pp. 15, 16, 18, 19.





    Agenda 1





    AGENDA


    Agendas





    ■ Voir aussi ▼


    L’Aviatrice, I & II
    le site d’Agenda





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  • Franck Venaille | [J’attendais]



    [J’ATTENDAIS]



    J’attendais qu’elles s’arrachent de la terre.
    Je les entendais souffrir de naissance.
    Scrutant le sol, je les vis : croître.
    Vous disiez, vous.
    Ne vouloir laisser aucune trace.

    Ainsi, étais-je partagé.
    Déchiré.
    Une page blanche.

    Ainsi devais-je trancher :
    Jonquilles : un aimable bouquet qui, jamais ne se fane.
    Vous : l’admirable souci de disparaître,
    de vous enrouler nue dedans la terre nue.
    Le bruit du vent parmi les feuilles.
    Le soleil blanc aux lèvres froides.

    Le bruit du vent aux lèvres froides.
    Le soleil blanc parmi les feuilles.




    Franck Venaille, « Tragique : 3, Royal Botanic Gardens Kew », Tragique [Obsidiane, 2001], in La Descente de l’Escaut suivi de Tragique, Éditions Gallimard, Collection Poésie/Gallimard (n° 459), 2010, pp. 271-272. Préface de Jean-Baptiste Para.






    Venaille






    FRANCK  VENAILLE


    Franck Venaille




    ■ Franck Venaille
    sur Terres de femmes


    [J’avais mal à vivre] (extrait de Ça)
    [Ce que je suis ?] (extrait de C’est à dire)
    Dans le sillage des mots (extrait de C’est à dire)
    [On marche dans la fêlure du monde] (extrait de La Descente de l’Escaut)
    [Quand la lumière née de l’estuaire] (autre extrait de La Descente de l’Escaut)
    Un paysage non mélancolique (extrait de C’est nous les Modernes)
    San Giovanni (extrait de Trieste)




    ■ Voir aussi ▼



    → (sur remue.net)
    Au plus près de Franck Venaille, par Jacques Josse





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  • Philippe Mathy | [Le fleuve hésite entre les îles]




    1


    Le fleuve hésite entre les îles. À quelle rive offrir les caresses de son eau ? Celle qu’il choisira connaîtra l’usure, la perte.



    […]



    4


    Peut-être faudrait-il que je dise l’horreur qui ronge les alentours, proches ou lointains.

    Cet invisible couteau, je le porte en travers de la gorge. S’il m’empêche de parler, il n’empêche pas mes mains d’écrire. Quand les jours sont trop sombres, je récolte des mots, petites lucioles sur les sentiers d’ici, loin des connexions qu’impose le monde.

    Si l’encre ne peut éclairer la blancheur du papier, où nos cœurs pourraient-ils découvrir la lumière dont ils ont besoin, battre au tempo d’un temps qui s’accorde à la durée ?



    […]



    6


    Dans nos gorges étranglées, la beauté bâtit parfois son nid de ronces.

    Nous demeurons là, stupéfaits, impuissants, ne sachant si nos larmes irriguent un feu de joie où brûlent dans le ruisseau des heures. Entre terre et ciel, s’envoler ou se noyer dans le courant des jours. Moments précaires ; toujours l’eau du temps nous ramène au petit plancher de notre barque.



    […]



    10


    De petits riens. Les bruissements les plus sobres. Vols de bourdons. Chants d’oiseaux. Feuilles qui frémissent dans le vent.

    Le murmure d’une voix s’élève pourtant. Une invisible voix. Elle délivre une parole qui respire, dont on peine à comprendre le chuchotement doux. Pour peu que nous l’écoutions avec une totale attention, elle nous conduit jusqu’au chant.




    Philippe Mathy, « Fenêtres sur Loire 3. Automne », Veilleur d’instants, poèmes de Pouilly-sur-Loire, éditions L’herbe qui tremble, 2017, pp. 87-90-92-96. Peintures de Pascale Nectoux.






    Philippe Mathy  Veilleur d'instants.jpg 2



    PHILIPPE MATHY


    Philippe Mathy
    Source





    Philippe Mathy
    sur Terres de femmes


    [Une voix dans le silence] (extrait d’Étreintes mystérieuses)
    Philippe Mathy, l’ombre portée de la mélancolie (Chronique de Marie-Hélène Prouteau)




    ■ Voir aussi ▼


    le site de Philippe Mathy
    → (sur le site de la revue Texture)
    une lecture de Veilleur d’instants par Michel Baglin
    → (sur le blog-notes littéraire d’Eric Allard : Les Belles Phrases)
    une lecture de Veilleur d’instants par Philippe Leuckx





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  • Bruno Grégoire [J’ai pris (…) un papillon de nuit]



    [J’AI PRIS (…) UN PAPILLON DE NUIT]



    J’ai pris durant une ou deux secondes
    à la fenêtre
    un papillon de nuit
    pour tes doigts qui me faisaient signe,
    m’annonçaient ton retour.




    Et si ton amour
    parvenait soudain à effrayer
    les gouffres qui ont survécu
    à mon amour ?

    Si tu avais des preuves que non…




    Je ne t’ai jamais menti,
    j’ai seulement cherché
    à ce que la vie t’épargne
    l’envers des météores.



    Bruno Grégoire, L’Épingle du jeu (traits d’union, 3), suivi de Sans, Obsidiane, Collection Les Solitudes, 2014, pp. 21-22-23.







    Bruno Grégoire, L'Epingle du jeu







    BRUNO GRÉGOIRE


    Bruno Grégoire
    Source



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions Obsidiane)
    une fiche bio-bibliographique sur Bruno Grégoire
    → (sur Mediapart)
    une lecture de L’Épingle du jeu (traits d’union, 3), par Bernard Demandre
    → (sur Recours au poème)
    une lecture de L’Épingle du jeu (traits d’union, 3), par Philippe Leuckx





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  • Richard Berengarten | Nada : hope or nothing

    « Poésie d’un jour »
    choisie par Sabine Huynh



    NADA : HOPE OR NOTHING




    Like a windblown seed, not yet rooted
    or petal from an impossible moonflower, shimmering,
    unplucked, perfect, in a clear night sky,


    like a rainbow without rain, like the invisible
    hand of a god stretching out of nowhere
    to shower joy brimful from Plenty’s horn,


    like a greeting from a child, unborn, unconceived,
    like an angel, bearing a gift, a ring, a promise,
    like a visitation from a twice redeemed soul,


    like a silent song sung by the ghost of nobody
    to an unknown, sweet and melodious instrument
    buried ages in the deepest cave of being,


    like a word only half heard, half remembered,
    not yet fully learned, from a stranger’s language,
    the sad heart longs for, to unlock its deepest cells,


    a blue butterfly takes my hand and writes
    in invisible ink across its page of air
    Nada, Elpidha, Nadezhda, Esperanza, Hoffnung.




    Richard Berengarten, The Blue Butterfly in The Balkan Trilogy, Selected writings 3, Part 1, Salt Publishing, 2006 & 2008 ; Shearsman Books, 2011, page 9.







    Richard Berengarten, The Blue Butterfly







    NADA : L’ESPOIR OU RIEN



    Comme une graine portée par le vent, pas encore semée
    ou un pétale détaché d’une fleur lunaire improbable, scintillante,
    non effeuillée, parfaite, dans un ciel nocturne clair,


    comme un arc-en-ciel sans pluie, comme la main invisible
    d’un dieu, surgie de nulle part
    pour répandre la joie débordant d’une corne d’abondance,


    comme l’appel d’un enfant, pas encore né ni conçu,
    comme un ange, porteur de présents, une bague, une promesse,
    comme la visite d’une âme par deux fois rachetée,


    comme un chant silencieux psalmodié par le fantôme de personne
    à un instrument inconnu, doux et mélodieux
    enfoui depuis une éternité au plus profond de la caverne de vie,


    comme un mot à moitié entendu seulement, à moitié évoqué,
    pas encore tout à fait appris, de la langue d’un étranger, dont le cœur
    désolé, dans le désir de libérer ses cellules les plus intimes, se languit,


    un papillon bleu prend ma main et écrit
    à l’encre invisible à travers sa page d’air
    Nada, Elpidha, Nadezhda, Esperanza, Hoffnung.


    Traduction inédite de Sabine Huynh





    RICHARD BERENGARTEN


    Richard Berengarten
    Source



    (notice bio-bibliographique et note éditoriale établies par Sabine Huynh)

    Descendant d’une famille de musiciens, Richard Berengarten (connu antérieurement sous le nom de Richard Burns) est né à Londres en 1943. Il a vécu en Italie, en Grèce, aux États-Unis et en ex-Yougoslavie. Il vit aujourd’hui à Cambridge (Angleterre), où il enseigne à l’université et où il a fondé en 1975 le Cambridge Poetry Festival. Davantage que poète britannique, il se revendique comme poète européen écrivant en anglais. Ses poèmes ont été traduits en une trentaine de langues (publiés soit sous le patronyme de Berengarten, soit sous celui de Burns).


    The Blue Butterfly (« Le Papillon bleu ») fait partie d’un ensemble de cinq volumes. Il en constitue le troisième volume, publié en 2006 & 2008 dans la série des Textes choisis de Richard Berengarten (Selected Writings, Salt Publishing). Il est aussi le premier volet de sa Trilogie des Balkans (Balkan Trilogy), suivie de In a Time of Drought et d’Under Balkan Light. The Blue Butterfly s’inspire en premier lieu du massacre perpétré à Šumarice, aux abords de la ville de Kragujevac, en octobre 1941, mais aussi de la rencontre entre l’auteur et un papillon bleu, au même endroit, en mai 1985. Les poèmes sont accompagnés de documents, de photographies, d’une postface et d’un ensemble de notes, qui informent le lecteur sur le contexte, les dates et les lieux de rédaction du recueil. En octobre 2007, l’auteur a reçu le Veliki skolski čas prize lors de la commémoration annuelle du massacre de Kragujevac, et le poème « Le Papillon bleu » a servi de fil conducteur pour l’oratorio de la cérémonie en plein air de commémoration des victimes.


    Le site officiel de Richard Berengarten => http://www.berengarten.com/site/





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