Étiquette : 58330 Crux-la-Ville


  • Marie-Françoise Vieuille, La Barque criblée

    par France Burghelle Rey

    Marie-Françoise Vieuille, La Barque criblée,
    éditions La tête à l’envers,
    58330 Crux-la-Ville, 2020.



    Lecture de France Burghelle Rey


    La beauté peut sauver l’auteur du désespoir et, par là même, le lecteur, comblé par le dernier recueil de Marie-Françoise Vieuille. La Barque criblée. Ainsi, dès l’allusion, dans la présentation, aux lettres d’amour qui arrivaient par mer jusqu’aux châteaux.

    La barque cependant « noire » est celle d’abord de la mort et le nom de Charon s’impose avec la question immédiate de l’absence conjointe à celle de la présence au cœur de « cette eau de fine soie » et sous un ciel de plomb. Au cœur donc du réel qui sauve sans doute de la folie.

    Un tableau de facture symboliste qui rappelle les magnifiques toiles d’Osbert décrit la femme dans sa marche, « une longue écharpe blanche déployée par le vent », et laisse planer le mystère en magnifiant « l’attente » annoncée :

    « L’odeur des immortelles des sables sous son corps magnifique.

    La dune et la mer en elle, par elle, accordées.

    L’écume de sa joie sur ma bouche et mes mains.

    Et son sourire miraculeux pour moi seule. »

    La poète va-t-elle nous éclairer sur le passé, le présent ou l’avenir ? Ces premières pages de l’opus sont bel et bien chargées d’un vaste potentiel et l’émotion saisit déjà celui qui les lit. Cette émotion qui est celle-là même de la narratrice qui prend discrètement sa lyre pour chanter :

    « L’estran

    L’estrange

    Laisse de mer

    Laisse-moi me quitter, estran ourlé […] »

    L’étang, sans les pins, pourrait disparaître car il s’agit bien de « la métamorphose sans repos du vivant » comme celle des saisons. Tout poète qui en est conscient se fait « le philosophe du concret », selon l’expression de Hugo dans Choses vues.

    Arrive en effet l’été — il y a toujours

    « d’autres juins.

    Ceux des roses fées et des chants d’oiseaux »

    — l’été qui est le prétexte à plus de poésie encore, une poésie si délicate qu’on craint de la commenter et qu’il faut juste citer :

    « Les jeux d’enfants revenus frôlent l’effroi.

    Mais c’est à peine. »

    Puis « Plus de visage » et c’est le chant — voix et sons — qui préserve du deuil et de la mort du regard. Reste aussi « Un souffle laissé près de l’eau vive ».

    Des textes brefs alternent en prose poétique avec d’autres plus longs mimant à la fois le sursaut et le désarroi de celle qui sait le salut par les mots et par la musique. Il faut alors conjurer le mal en écoutant jusqu’au « rebondissement de la joie », « le second adagio du Quintette en sol mineur de Mozart ».

    Cette rédemption par la musique et déjà par l’image de la barque, la poète l’a anticipée dans Ai nostri désir, livre où elle écrit :

    « Elle s’attacha aux accords obstinément jusqu’à ce que la pesanteur disparaisse et la jouissance de glisser sur l’eau en miroir […] se fendit dans une jouissance encore plus grande. »

    Dans la douleur s’entrevoient des solutions, mais c’est alors l’automne ; l’automne, dans le cœur peut-être seulement, lui qui, comme la barque, est criblé. Si la nature sert de terreau aux images, l’écriture des motifs s’exprime alors avec extrême finesse : les feuilles tombent « dans un bruit de porcelaine » et il faut « [s]’en remettre au glissement des nuages ». Et l’accompagnement, cette fois, est celui des Oiseaux tristes de Ravel et des lieder de Schubert, convoqués dans les textes « Quiétude » et « Le repos ».

    La dérive, supportée grâce aux multiples sensations adjuvantes, est aussi celle du temps symbolisé par l’eau qui s’écoule.

    « Tiédeur hors du temps. L’abandon est berceau.

    La terre chantonne.

    La lumière l’inonde.

    Elle est douce comme ce qui pourrait rester sans nom. »

    Au sein de ce décor qui pourrait être celui d’une pièce, des personnages nombreux. Annoncés par les titres « Complicité » ou « Personne, persona, personnage », ces « acteurs » ont des voix, des masques. Des cris au loin et des mendiants. Des femmes aussi, la cavalière et la Maréchale, attendent, au bout de leur marche, le phare de paix et de lumière.

    Orchestré comme un opéra, le spectacle est complet et accompagné jusqu’à la toute fin du recueil de compositions musicales qui participent de sa structure :

    « Cela construit et pourtant glisse comme une barque allégée […][qui] peut aller où elle veut. »



    France Burghelle Rey (novembre 2020)
    D.R. Texte France Burghelle Rey
    pour Terres de femmes






    Marie-Françoise Vieuille  La Barque criblée




    MARIE-FRANÇOISE VIEUILLE


    Marie-Françoise Vieuille NB
    Source




    ■ Marie-Françoise Vieuille
    sur Terres de femmes


    Le trophée (extrait de La Barque criblée)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions La tête à l’envers)
    la fiche de l’éditeur sur La Barque criblée





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  • Marie-Françoise Vieuille | Le trophée


    LE TROPHÉE





    Plus de visage. Plus de mots ni de contours.

    Rien qui s’accroche au révolu comme ces petits flocons de laine que le vent laisse après la tonte sur les barrières des pâtures.

    Ne plus pouvoir se représenter la beauté nue, ni même la rêver vaguement. Le cœur respire.

    Juste dans l’air quelque chose. Comme un vol à peine entrevu. Comme une appoggiature.


    À peine un parfum qu’elle n’aurait pas choisi. Un souffle laissé près de l’eau vive par le repiquage des fleurs.




    Marie-Françoise Vieuille, La Barque criblée, éditions La tête à l’envers, 58330 Crux-la-Ville, 2020, page 27.






    Marie-Françoise Vieuille  La Barque criblée




    MARIE-FRANÇOISE VIEUILLE


    Marie-Françoise Vieuille NB
    Source




    ■ Marie-Françoise Vieuille
    sur Terres de femmes


    La Barque criblée (lecture de France Burghelle Rey)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions La tête à l’envers)
    la fiche de l’éditeur sur La Barque criblée





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  • Régis Lefort | [Le temps avait passé]



    [LE TEMPS AVAIT PASSÉ]




    Le temps avait passé. La peau aurait pu se friper comme l’azur. Et sans doute l’air était-il pour quelque temps encore comme empreint d’une épaisseur qui l’empêchait de respirer. Mais il était parvenu au lieu d’herbe. Ou plutôt au rocher de l’enfance, là où lui avait poussé la colonne d’air. Là où l’impulsion première, il s’en souvenait, lui avait rendu la liberté. Depuis, l’errance avait été sa loi, ou plutôt comme une nécessité selon laquelle son œil s’attachait à chaque fois à ce qui précédait sa vision. Il était devenu l’aigle de son enfance, l’aigle au collier de perles. Son vol dominait, d’une beauté, d’une majesté sans pareilles, l’espace ouvert d’un désert au-dessous. Le vent sifflait et soufflait sous ses ailes. Il changeait d’altitude selon sa puissance, sa chaleur, le bruit tumultueux ou doux qui le menait toujours plus loin. Ainsi porté par une forme de pureté et d’innocence, il écartait la possibilité d’une elle. Il connaissait maintenant l’ordre des particules, la poussière sous le soleil, le mouvement elliptique de la mémoire et l’incroyable fleuve du temps où jamais plus un corps ne tomberait.



    Régis Lefort, Il, et sa nuit, I, éditions La tête à l’envers, 58330 Crux-la-Ville, 2020, page 23.





    Régis Lefort  Il  et sa nuit





    RÉGIS  LEFORT


    Régis Lefort





    ■ Régis Lefort
    sur Terres de femmes


    [le poème s’en allant]




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions La tête à l’envers)
    la fiche de l’éditeur sur Il, et sa nuit
    → (sur Terre à ciel)
    une page sur Régis Lefort (dont un entretien avec Cécile Guivarch)






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  • Julien Bosc, Elle avait sur le sein des fleurs de mimosa

    par Angèle Paoli

    Julien Bosc, Elle avait sur le sein des fleurs de mimosa,
    La tête à l’envers, 58330 Crux-la-Ville, 2018.
    Préface d’Édith de La Héronnière.
    Peinture de couverture de Cécile A. Holdban.



    Lecture d’Angèle Paoli




    ENTRE CHARMES ET SORTILÈGES




          Elle avait sur le sein des fleurs de mimosa.



    La petite musique du titre agit comme une brûlure légère, comme une épine ensorcelante. Une nostalgie qui s’immisce sous les mots, glissant d’un poème à l’autre, dans la rondeur du silence et dans la rumeur des vagues.


    Elle avait sur le sein des fleurs de mimosa.



    Ce titre leitmotiv imprime sa broderie tout au long des neuf chants qui composent le recueil de Julien Bosc. Une broderie tout en ajours, tout en finesse et tout en mélancolie.

    À la croisée du ciel et de la mer a lieu la rencontre. À la croisée de quatre couleurs se nouent les prémices du récit, dans le mystère de ses mots à elle, « dont le dernier mot / est l’écho silencé du premier ».

    La rencontre se poursuit entre. D’autres couleurs, plus vives, plus chaudes mais toujours dans l’interstice de l’entre-deux.

    « Entre bleu et vert » / « entre gris et noir » d’abord. Puis « entre orange et rose » / « entre rouge et jaune ».

    Entre estran et terre.

    Et, très vite, entre amour et mort.

    Mais ce sont ses mots à elle — « les mots du corps » — qui servent de sésame à l’écriture. C’est avec eux que le récit aurait pu prendre son essor. Et que pourtant celui-ci se brise pour renaître plus avant de ses cendres :


    « Ainsi du semblant du récit ne resta-t-il plus qu’une ombre
    imparfaite et mouvante
    agitée par des courants violents et contraires. »



    Puis, plus loin, « des versets s’amuïssant refluèrent », qui ouvrirent la voie au poème et aux « mots à venir ».

    De cet échange de voix, il reste entre nos mains ce recueil d’une poésie lyrique ciselée jusque dans sa beauté extrême, jusque dans son extrême recherche. Sans pour autant que l’émotion qui s’en dégage en soit affaiblie. Tout au contraire. Les ciselures avivent l’émotion d’une touche singulière qui fait de chaque poème un chant alterné à deux voix, un carmen ouvragé et mystérieux.

    C’est à travers son regard à lui — « la vigie du poème » —, regard de poète attentif à l’autre et au moindre détail saisi au vol, qu’elle survient, dans les différentes phases de ses apparitions. Annoncée, toujours, par le leitmotiv « elle avait sur le sein des fleurs de mimosa ». Le refrain égrène à sa suite de menues variations, comme le vent emporte dans les embruns la robe de la belle. « La dévoilant longue et blanche », nue et liane, « vent debout dans la nuit faussement silencieuse ». Qui est-elle ? D’où vient-elle ? Que fait-elle sur ce promontoire, livrée à la violence des rafales, dans ce paysage marin-cosmique, à la croisée du rêve où tous les possibles se rencontrent et se confondent ? De quel deuil cherche-t-elle le pansement ? Qu’est son amour devenu ? Amant défunt dont elle s’abîme à ranimer les braises. Quel est cet autre qui s’avance à sa rencontre ? À qui s’adresse-t-elle, perdue-éperdue, sinon au vent : « Ah vent errant de la parole désœuvrée » ? Se sont-ils parlé ? Du bout des lèvres peut-être, « la voix sans voix ». Ce qu’il reste de leur échange est peu de chose. Ce sont


    « [l]es mots en réserve du poème inlassablement replié
    sur lui-même
             Les à peine deux ou trois larmes de rien contre lesquelles on ne
    peut mais ».



    Et dans la bouche cet « âpre goût d’inachevé ».

    Entre confidence et échange, le récit se poursuit. La belle continue d’habiter le poème et de laisser sa vie dériver sous les mots. Jusqu’à appréhender — peut-être — le désir enivrant de « conjurer la mort. » Mais la mort toujours rôde et le vent déraisonne qui sème le doute et repousse à plus tard « l’avant-silence du récit. » Elle est fille des flots, quelque peu magicienne. Aventurière malmenée par le deuil et renaissant sans cesse de ses blessures. La poursuite inassouvissable de son amant se révèle un leurre et les gestes qu’elle s’essaie à reconduire la laissent endolorie :


    « Au réveil        
    De ce poème qui le maintenait vivant
    Je ne sus plus que les premiers mots. »



    Le temps s’écoule et les saisons, qui ramènent la belle endeuillée sur la rive. Dans un murmure, elle livre les mots de son chant :


    « J’avais sur le sein des fleurs de mimosa. »



    Mais les mots eux-mêmes échappent, qui se dérobent. Restituer ce qui fut dit de leur dernier échange, et qui parlait de cet amour, se compte sur les doigts de la main.

    Entre rêve et rumeur de la mer, le poème achève de se dévoiler. Libérant un à un, entre charmes et sortilèges, les secrets d’un thrène sans pareil.



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli






    Bosc mimosa





    JULIEN BOSC


    Julien Bosc
    Source




    ■ Julien Bosc
    sur Terres de femmes


    [Nue-pâle sous sa toilette de satin noir] [extrait d’Elle avait sur le sein des fleurs de mimosa]
    Le coucou chante contre mon cœur (lecture d’AP)
    [Nous pourrions dire une forêt] (extrait du Coucou chante contre mon cœur)
    La Demeure et le Lieu (lecture d’AP)
    [marcher chaque jour] (extrait de La Demeure et le Lieu)
    Goutte d’os (lecture d’AP)
    (Et toi, qui es-tu ?) [extrait de Je n’ai pas le droit d’en parler] (+ une notice bibliographique)
    [Hormis les lèvres où mourir] (extrait de De la poussière sur vos cils)




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de la mél, Maison des écrivains et de la littérature)
    une fiche bio-bibliographique sur Julien Bosc
    → (sur le site des éditions la tête à l’envers)
    la fiche de l’éditeur sur Elle avait sur le sein des fleurs de mimosa
    → (sur le blog Mediapart Outre l’écran)
    Julien Bosc (par André Bernold), par Jean-Claude Leroy





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  • Philippe Leuckx, Ce long sillage du cœur

    par Angèle Paoli

    Philippe Leuckx, Ce long sillage du cœur,
    éditions La tête à l’envers, 58330 Crux-la-Ville, 2018.
    Préface de Françoise Lefèvre.



    Lecture d’Angèle Paoli



    LA POÉSIE DE PHILIPPE LEUCKX, UN « LIMON DE PASSAGE »




    « L’enfant blessé d’ombre

    se recoud au soleil »

    Ainsi se clôt, sur ces deux vers, le dernier recueil de Philippe Leuckx : Ce long sillage du cœur. On trouve là, rassemblés en peu de mots, les motifs essentiels qui courent au long des poèmes. L’enfance omniprésente, bien que devenue floue par le « temps incertain » laissé par les souvenirs, en est un des leitmotive. Enfance paysanne blessée, vécue dans les paysages du Hainaut. Talus fenaisons chapardages de fruits, jeux de peu, la modestie draine la vie du jeune garçon livré le plus souvent à la solitude :

    « J’avais pour compagnie

    Un ruisseau

    À peine sorti des talus

    Que déjà encavé

    Je m’égarais alors

    À lire entre les fils

    De clôtures

    Les taches

    De vaches pie. »

    Rêves inaboutis d’écorché, sentiment d’incomplétude bercent l’ordinaire des jours. Tout cela qui affleure est suggéré plutôt que dit. Tout dans la poésie de Philippe Leuckx s’écrit dans la douceur. Et si blessure il y a, durable, têtue, solidement ancrée dans le cœur ‒  cœur omniprésent lui aussi et polymorphe dans les images qui le nomment ‒, émergent dans la sensibilité du poète des moyens de remédier aux failles et sillons creusés par la souffrance. Si l’ombre joue sa partition au même titre que le gris – « L’air soudain a ses petites morts grises » ‒, la lumière joue aussi la sienne qui contribue, comme les mots, à ravauder et à apaiser ce qui longtemps a souffert de déchirure :

    « […] Je bêche quelques mots ‒ il y a au jardin une pensée profonde

    Creuse

    Creuse

    […]

    Le ciel fait ce qu’il peut s’il est gris

    Je range la bêche à l’étroit

    Dans la langue du sol. »

    Le soleil réparateur, c’est peut-être celui de la Grèce et des îles que le poète oppose (à quelques pages d’intervalle, et sans insistance ni plainte) à la grisaille mélancolique des terrils.

    « Traversant Treherbert notre enfance avec ses maisons minières minces et grises

    […]

    Traversant Treherbert comme une longue mélancolie en mode mineur. »

    Et, plus avant, dans un autre poème :

    « Nauplie déplie ses venelles et les rues montent avec la lumière

    Dans le jour plein et dense écrire épuise l’ombre… »

    Mais jamais, chez lui, d’accablement, de révolte, de désespoir. Tout est calme et presque serein dans le paysage mental du poète du Hainaut. Comme dans ce poème aux accents hugoliens :

    « Au-delà des rumeurs

    La lumière ruse

    À l’heure où les herbes

    Vont boire

    Un abri sous les fleurs »

    Tout se joue en demi-teinte dans les six sections qui forment le recueil. Sans lyrisme excessif ni excès d’aucune sorte. Qu’elle se présente sous la forme de poèmes ou sous celle de petites proses parfois réduites à peu de lignes, la poésie de Philippe Leuckx est celle d’un « pèlerin tranquille » qui va au plus profond chercher les mots qu’il reconduit sur la page, vers la lumière. Voyageur mélomane, attaché à accueillir « l’intime partition du jour qui fuit » ou à bercer son « chagrin nomade », le « wanderer des Flandres » dont Françoise Lefèvre chante l’éloge dans sa préface, est depuis longtemps « pèlerin de soi », ce « promeneur [plus] pressé d’en découdre avec lui-même ». Et qui y parvient, grâce à « ces bribes de poèmes qu’effleure le paysage ».

    « Chaque poème rend pèlerin de soi », écrit Philippe Leuckx en fronton d’une page vierge. Une affirmation qui rend bien compte de l’esprit du poète vagabond qui creuse loin en lui ; de son goût pour « cette langue douce de l’errance » qui est la sienne. Ne laisser derrière soi qu’un « limon de passage », ce peu de traces ‒ « ces petits leurres du lexique » ‒ , qui témoignent, par les coutures qui affleurent ici et là, dans le tremblé de la main, d’une « enfance manquée » que le cœur du poète, tantôt « plein d’épingles », tantôt « plein de fenêtres / [e]t d’étoiles vers les confins », frôle, à peine.



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli






    Philippe Leuckx  Ce long sillage du coeur





    PHILIPPE LEUCKX


    Vignette PHILIPPE LEUCKX
    Ph. Christelle Dossche




    ■ Philippe Leuckx
    sur Terres de femmes


    [Le soir](poème extrait de Ce long sillage du cœur)
    D’obscures rumeurs (lecture d’AP)
    [Il reste au-dessus du jour quelque vœu d’enfance](poème extrait de D’obscures rumeurs)
    [Laisse la nuit s’éclairer sous tes yeux](poème extrait de Doigts tachés d’ombre)
    [On a vécu sous le verre] (poème extrait de L’imparfait nous mène)
    [On ose à peine la lumière](poème extrait de L’Effeuillement des choses vers les confins)
    [J’assume mes greniers d’enfance](poème extrait de Maisons habitées)
    Le Mendiant sans tain (extraits)
    Nuit close (extraits)
    Poèmes du chagrin (lecture d’AP)
    [Tu marches dans ta ville] (poème extrait de Poèmes du chagrin)
    [Parfois il est bon de s’égarer](poème extrait des Ruelles montent vers la nuit)
    Piéton de Rome, 13 (poème extrait de Rome rumeurs nomades)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions La tête à l’envers)
    la fiche de l’éditeur sur Ce long sillage du cœur
    → (sur La Cause Littéraire)
    une lecture de Ce long sillage du cœur par Patrick Devaux
    → (sur le site de la revue Texture)
    une lecture de Ce long sillage du cœur par Jacques Morin
    → (sur le site de la revue Texture)
    une lecture de Ce long sillage du cœur par Michel Baglin





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  • Dominique Maurizi | [Mais qu’ai-je dit ?]



    [MAIS QU’AI-JE DIT ?]




    Mais qu’ai-je dit ? Dit
    que j’écris. Dire qu’au
    galop rutilant c’est la rétine
    qui a soif, qui clique,
    claque.
    Dire. Comme voûte du
    ciel j’ai l’odeur de ta peau.
    La terre pour l’heure est
    fruit gorgé dès qu’il fait nuit.
    Nuit —
    Mon ventre sur ton dos,
    galop rutilant qui claque,
    — dire que même dans
    mes rêves je t’écris !,
    telle la fleur ou le crapaud,
    rutilante
    je t’écris. Tu es mon tourment,
    ma neige. Ne t’en va pas, je
    m’avance vers toi.
    Dire que même au galop dans mes
    rêves, j’appelle, je t’écris !



    Dominique Maurizi, Septième rive, Éditions La Tête à l’envers, 58330 Crux-la-Ville, 2017, page 52.






    Dominique Maurizi, Septième rive








    DOMINIQUE MAURIZI


    Vignette Maurizi




    ■ Dominique Maurizi
    sur Terres de femmes

    Dans l’odeur des algues (extrait du recueil Langue du chien)
    Fly (lecture d’Isabelle Lévesque)
    La Lumière imaginée (lecture d’Isabelle Lévesque)
    [Intérieur] (extrait de La Lumière imaginée)
    Il y a quelqu’un (extrait du recueil Les Tables des matières)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de la revue Texture)
    une lecture de Septième rive, par Jacques Morin
    → (dans la Poéthèque du site du Printemps des poètes)
    une fiche bio-bibliographique sur Dominique Maurizi





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  • Julien Bosc | [Hormis les lèvres où mourir]



    [HORMIS LES LÈVRES OÙ MOURIR]




    Hormis les lèvres où mourir.
    Hormis le seuil
    (et sa pierre bafouée).
    Hormis la porte
    (et ses vitres de verre
    — caillassées dans la nuit).


    À la lisière de la forêt de hêtres, un inaudible dialogue :

    — Avez-vous vu le choucas tirer les feuillets du pierrier ?

    — En équilibre entre deux branches hautes d’un arbre,
    j’ai vu, oui, un livre inachevé dont les sept cahiers étaient
    cousus par les très fines brindilles jaunes d’un signe.

    — Que dit ce livre ?

    — Le tourment d’un récit.

    — Qui l’a écrit ?

    — Une voix perdue.

    — Quelle est la première phrase du livre ?

    — Celle survivante d’une blessure.

    — Et la dernière phrase du livre ?

    — Celle d’une énième répétition bégayée de la première ?

    — Tel, sûr hélas de ce qu’il avait vu, le choucas replia
    ses ailes et se jeta dans le vide ?

    — Oui, telle la luciole qui sans cesse va vient d’un côté
    l’autre du chemin.

    — Quel est le tracé du chemin ?

    — Une ligne de fuite.

    — Où conduit-elle ?

    — Aux tremblants pétales du coquelicot.

    — Tel le signet virevoltant dans la nuit ?

    — Tel, oui, le visage qui s’efface à contre-jour de la
    lumière d’une lampe — condamnée à brûler.

    — Tel votre visage ?

    —Tel votre visage, oui.


    Ah forêt

    Ah forêt-de-hêtres

    Ah hache dans l’écor-

    ce




    Julien Bosc, De la poussière sur vos cils, Éditions la tête à l’envers, 58330 Crux-la-Ville, 2015, pp. 41-42.







    Julien Bosc, De la poussière sur vos cils





    JULIEN BOSC


    Jb © Noël Bourcier
    Ph. © Noël Bourcier




    ■ Julien Bosc
    sur Terres de femmes


    Le coucou chante contre mon cœur (lecture d’AP)
    [Nous pourrions dire une forêt] (extrait du Coucou chante contre mon cœur)
    La Demeure et le Lieu (lecture d’AP)
    [marcher chaque jour] (extrait de La Demeure et le Lieu)
    [Nue-pâle sous sa toilette de satin noir] [extrait d’Elle avait sur le sein des fleurs de mimosa]
    Elle avait sur le sein des fleurs de mimosa (lecture d’AP)
    Goutte d’os (lecture d’AP)
    (Et toi, qui es-tu ?) [extrait de Je n’ai pas le droit d’en parler] (+ une notice bibliographique)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site de la mél, Maison des écrivains et de la littérature)
    une fiche bio-bibliographique sur Julien Bosc
    le site des éditions la tête à l’envers
    le site des éditions Le phare du cousseix
    → (sur le blog Mediapart Outre l’écran)
    Julien Bosc (par André Bernold), par Jean-Claude Leroy





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