Étiquette : 87330


  • Françoise Lison-Leroy, Le Temps tarmac

    par Philippe Leuckx

    Françoise Lison-Leroy, Le Temps tarmac,
    Rougerie éditeur, 87330 Mortemart, 2017.



    Lecture de Philippe Leuckx



    [JE REFERAI LE VOYAGE]




    Douzième livre de poèmes publié chez Rougerie par l’écrivain hainuyer (à côté d’une quarantaine d’autres édités par Luce Wilquin, L’Arbre à paroles, Esperluète, Tétras Lyre, La Bartavelle, Les Pierres, Cahiers Froissart, Unimuse, etc.) depuis Lieux tressoirs, ce Temps tarmac, constitué de sept sections, mesure combien il est tragique d’être aujourd’hui migrant. Les titres des parties disent assez la situation « barbelée », le statut « toujours un fugitif » de ces êtres bousculés d’une « rive » à l’autre de la vie.

    On sent, dans ces brefs poèmes, la pulsation, l’effroi, la peur, l’inconcevable « course en haleine », l’attente lente, longue d’un avenir jamais ouvert, clôturé de part en part.

    Que reste-t-il à « mâcher » quand tout a été pris ? Quand tout a été tenté en vain ?

    Il en a fallu des sentiers, des grilles, des sables à traverser pour en arriver là… et buter de nouveau contre de nouveaux remparts de sauvegarde.

    « Un camion vient

    un autre

    c’est la loi du dimanche

    Je n’ai pas de levier

    pour déborder la tôle »

    « Je n’ai pas froid

    pas la migraine

    ni droits

    ni faim

    rien qu’une part du paysage

    celle qui m’entre par les yeux »

    La langue de Françoise Lison-Leroy, tissée de vers courts, d’épithètes reconnaissables (« bec et ongles / nous creusons la tanière / le charnier tapageur »), serre en versets ou en proses courtes au phrasé coupé court lui aussi, la tension brusque imposée :

    « Une épave, deux lagunes, le feu mobile des goélands. Un œil et presque l’autre : la lutte me tient en bruine et en vaillance. Si quelqu’un vient, je tire du cil toute barrière. Si quelqu’un manque, je mendie son éveil. »

    Le temps, prisonnier du « tarmac » (quoique ce terme réducteur — selon Le Petit Robert : « Dans un aérodrome, partie réservée à la circulation et au stationnement des avions » — n’embrasse pas toutes les dimensions de traversée, de fugue, d’escarpement franchis par les migrants), boucle le voyage :

    « Et je referai le voyage

    vers le pays meurtri

    Les vagues rouleront à l’envers

    et les nuages

    auront cessé le guet

    Là-bas aussi

    la vie bat fort

    comme une poche

    d’air et d’urgence »

    Un livre qui furète en notre conscience et alerte chez nous et ailleurs. Alain Souchon, dès les années 1990, le disait très fort dans C’est déjà ça :

    « Je sais bien que rue d’Belleville

    rien n’est fait pour moi »

    ou

    « Soudan, mon Soudan,

    pour un air démocratique,

    on t’casse les dents ».

    D’aucuns ne semblent pas avoir compris la leçon. Françoise Lison-Leroy nous l’assène de ses vers coupants.



    Philippe Leuckx
    pour Terres de femmes
    D.R. Texte Philippe Leuckx






    Francoise Lison-Leroy  Le Temps tarmac







    FRANÇOISE LISON-LEROY


    Lisonleroyfrancoise
    Source




    ■ Voir aussi ▼

    le site de Françoise Lison-Leroy
    → (sur Le Carnet et les Instants)
    une lecture du Temps tarmac par Daniel Laroche





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