Étiquette : A

  • Hélène Lanscotte / Ma femme, cette animale / L’espérance

         << Poésie d’un jour

     

     

    BOA

     

                      

     

     

     

     

     

     

    Photo-collage  → G.AdC   source photos: Google 

     

     

     

    L’ESPÉRANCE 

     

    Ma femme espère les êtres dans les êtres, les êtres dans les choses, et parfois les choses dans les êtres.
    Elle dit qu’elle voit le ciel dans l’oiseau, l’arc- en- ciel dans le renard, qu’elle entend la plainte dans l’arbre et le rire dans l’herbe.
    Nous marchons côte à côte sur le sentier du bois.
    Je songe à la souris dans la chauve-souris, au moineau dans le chat, à la grenouille dans le bœuf, à la parole dans le singe.
    Mais ce n’est pas du nom dans le nom, ni du mangé dans le mangeant, ou du petit dans le grand, que ma femme espère.
    Je lui parle des ancestralités gigognes, le lézard dans le geai, la musaraigne dans le marcassin, le poisson dans le serpent.
    Elle répète qu’elle voit le ciel dans l’oiseau, l’arc-en-ciel dans le renard, qu’elle entend la plainte dans l’arbre et le rire dans l’herbe et que cela l’emplît car elle- même ne sait pas très bien ce qu’il y a en elle. 
    Je pense à toutes nos vies dans notre vie, à tous les morts dans les vivants et aux vivants dans le vivant. Je pense à ma femme dans ma vie. 
    Nous contournons le vaste champ, l’air est de plus en plus doux. 
    Dans ses cheveux, je discerne un vent d’inquiétude et sur ses mains, des années de lumière et de nuit; à sa cheville, la course d’un lièvre et sur sa joue, une plaie de fourrure.

    Le silence nous rejoint. Sa marche me devance un peu. Alors je crois distinguer, au lieu de l’écharpe de laine verte et grise qui s’enroule autour de son cou, un long et large serpent recouvert, non d’écailles, mais de plumes aux mêmes teintes vertes et grises. Le mot boa me vient à l’esprit. Il correspond à la taille de l’animal mais non aux plumes légères et frivoles qui lui sont ordinairement associées ; ces dernières s’agencent parfaitement, comme chez n’importe quel oiseau. 
    Quelques pas plus loin, je vois le reptile se desserrer lentement puis se réinstaller plus confortablement sur les épaules de ma femme. 
    Sans se retourner, elle me tend la main pour que je me rapproche d’elle et nous poursuivons notre promenade tous les trois. 

    Ma-femme-cette-animale

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Hélène Lanscotte, Ma femme, cette animale, CHEYNE Éditeur , Collection Grands Fonds, La voix est libre, 2024, pp.9, 10.

     

     

    Performance

     

     

     

     

     

     

    Source

    ♦ Son → site

     


  • Jacques Goorma | [À la bonne parole]




    [À LA BONNE PAROLE]




    À la bonne parole

    le poète écrit lui-même
    son évangile



    À la poésie

    dans ta nuque
    tu sens le souffle
    du premier matin



    À l’ultime question

    il n’est point de réponse
    mais tu seras saisi par le silence



    À l’impuissance

    ce rêve où tu dois fuir
    avec des sabots de pierre



    À l’alliance des fées

    l’eau des fontaines
    enroule ses bagues translucides
    autour des doigts



    À nos collines

    mots bosselés
    paumes dociles
    ce qui nous distingue
    ce qui nous assemble
    ce sont nos pentes



    Jacques Goorma, À, Hommages, adresses, dédicaces, Éditions Arfuyen, 2017, pp. 56-57.






    Jacques Goorma  A 2






    JACQUES GOORMA


    JACQUES GOORMAphoto de Reha Yunluel-1
    D.R. Ph. Reha Yunluel
    Source





    ■ Jacques Goorma
    sur Terres de femmes


    Propositions XXXVII, XXXIX, XXXXI, XXXXIX




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions Arfuyen)
    une fiche bio-bibliographique sur Jacques Goorma
    → (sur le site des éditions Arfuyen)
    la fiche de l’éditeur sur À de Jacques Goorma





    Retour au répertoire du numéro de mai 2017
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • 23 janvier 1904 | Naissance de Louis Zukofsky

    Éphéméride culturelle à rebours




    Le 23 janvier 1904 naît à New York City le poète américain Louis Zukofsky. Assumant sa double ascendance russe et juive, Louis Zukofsky apprend l’anglais et s’inscrit à l’université de Columbia où il fait de brillantes études. Dès 1926, le jeune intellectuel à l’érudition surprenante publie sa première œuvre poétique importante : Poem Beginning “The” / “Le”, dans laquelle Zukofsky tente de concilier idéal politique et idéal poétique. En 1928, il entreprend la création de “A” , son œuvre maîtresse. Cette « œuvre ouverte » gigantesque, à la fois « épique et historique » (selon les mots du poète), considérée comme hermétique, le tient jusqu’en 1974. Structurées en vingt-quatre parties, les huit cent pages qui composent le poème font entendre, en une partition complexe, les voix multiples du monde contemporain.

    Zukofsky énonce sa méthode dans “A 12” :

    « À propos de ma poétique/musique/discours/Une intégrale/Limite inférieure discours/Limite supérieure musique ».

    Quel sens donner à ce “A” ? Le caractère polysémique du titre permet plusieurs interprétations, lesquelles se combinent et se recoupent. Selon Serge Gavronsky, le “A” désigne en premier lieu l’article indéfini anglais “A” : “Un” . Qu’il est possible de compléter selon Zukofsky par “A poem of a life” ; « Un » poème d’une vie. Mais “A” peut aussi désigner le nom propre du poème, la ligne de métro qui amenait le poète à Brooklyn. Ou encore « le sixième accord de la gamme en do majeur » dans le solfège anglais.






    “A” — 18 (EXTRAIT)




    Exhumer
    est-ce une fois pour toutes
    ma Valentine
    que je dis ça maintenant.
    Je le sais depuis toujours
    me voilà déjà mort
    et si j’en arrive là

    quel chagrin de
    te savoir toute seule.
    Je pense à toi
    privée de moi
    privé d’ans et
    privé d’heures
    ainsi va le temps.
    Égoïste je
    te souhaite vraiment
    de vivre
    assez longtemps

    sans occuper
    tout le temps
    à penser à moi
    ça n’a pas de sens
    car dans ta pensée
    je serai bien mort.
    Ne pleure pas
    je t’en prie
    dans le sens où
    je serai bien incapable
    de penser
    que je suis mort
    car je ne serai
    plus là
    près de toi
    je te dis
    maintenant
    ce que tu pressens
    depuis longtemps.

    Je suis ici laissons vivre les jours
    au fil des jours duvet d’oiseau soufflé sur
    les fils d’un grillage griffonné
    qui donnera vie à des pages.
    c’est iob (Job) qui ne veut donner sens aux majuscules
    swift aurait su d’emblée se lamenter à chaque anniversaire
    Yovad yom yahweh médecin major, forte houle
    haute comme le mât d’un navire nippon soleil
    levant sur le drapeau du grand mât
    il vogue après une semaine de mouillage dans
    les tourments d’une brume crépusculaire
    qui se lève à l’est et à l’ouest se couche.
    typee tatoué dans la trame mouillée
    et quand le major opéra une autre blessure il vit
    aussitôt la dictame tatouée SWAN nota plus tard
    après la guérison du marin c’est charmant quel à-propos et
    la balise dérive’ s’écria SWAN ! c’était SASKATCHEWAN
    […]



    Louis Zukovsky, “Aˮ (section 13 à 18), Éditions Virgile, Collection Ulysse Fin de Siècle, 2012, pp. 193-194. Traduction de Serge Gavronsky et François Dominique.







    Zukofsky A





    LOUIS ZUKOFSKY


    Louis Zukofsky
    Ph. : Ann Charters (1970)
    Source




    ■ Louis Zukofsky
    sur Terres de femmes

    « A » 9 (première partie)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Poezibao)
    “Aˮ (section 13 à 18) de Louis Zukofsky (lecture de René Noël)
    → (sur le blog de La Quinzaine littéraire)
    Louis Zukofsky, « A » par Yves di Manno
    → (sur le site d’Éric Pesty Éditeur)
    la page consacrée à Louis Zukofsky





    Retour au répertoire du numéro de janvier 2016
    Retour à l’ index de l’éphéméride culturelle
    Retour à l’ index des auteurs


    » Retour Incipit de Terres de femmes