Étiquette : Aencrages


  • Maud Thiria | [tu te demandes si]



    Encre de Jérôme Vinçon
    Encre de Jérome Vinçon
    Première de couverture de Blockhaus









    [TU TE DEMANDES SI]




    tu te demandes si un mot contient tout le reste
    un seul mot toute une vie derrière —

    et ça te reste au fond de la gorge
    comme un tuyau te permettant de respirer
    blockhaus cette longue respiration en toi




    l’ennemi est dans la place
    c’est toi
    cheval de troie en abri armé
    au cœur du jardin
    de l’enfance habitée
    tu tends les bras vers elle
    ce mot d’enfant qui te reste
    au fond de la gorge
    mot étranger
    corps étranger
    ton trésor de guerre
    finale
    où tu te bats sur un lit à présent
    face au métal froid des barreaux qui t’encerclent
    comme des bras




    Maud Thiria, Blockhaus, éditions Æncrages & Co, Collection Ecri(peind)re, 2020, pp. 60-61. Encres de Jérôme Vinçon. Préface de Jean-Michel Maulpoix.






    Maud Thiria  Blockhaus



    MAUD THIRIA


    Maud Thiria
    Source




    ■ Maud Thiria
    sur Terres de femmes


    Blockhaus (lecture d’AP)
    Brindilles (extraits)
    [chercher à prendre corps] (extrait de Mesure au vide)
    Sous les fauteuils, 1




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site personnel de Maud Thiria)
    une notice bio-bibliographique sur Maud Thiria
    → (sur Terre à ciel)
    Maud Thiria Vinçon : poésie et traces
    → (sur le site des éditions Æncrages & Co)
    la page de l’éditeur sur Blockhaus
    → (sur le site Les Découvreurs)
    une lecture de Blockhaus par Georges Guillain





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  • Sabine Huynh, Parler peau

    par Angèle Paoli

    Sabine Huynh, Parler peau,
    Æncrages & Co, collection Voix de chants, 2019.
    Dessins de Philippe Agostini.
    Exergue de Philippe Rahmy.



    Lecture d’Angèle Paoli




    LE GRAND POÈME DE LA CHAIR




    Parler peau. Quel titre que celui-là ! Fascinant parce qu’incisif ! Concentré dans l’alternance serrée de l’allitération en [p] à l’initiale des deux mots. Et des voyelles ouverte | fermée | ouverte. Un titre qui claque et qui roule, qui claque et qui déferle. Trois syllabes pour amorcer un programme dont la peau est l’objet. Par le choix d’un tel titre (si évident et si naturel qu’il en devient quasi exceptionnel), Sabine Huynh annonce son désir d’aller droit au cœur de l’échange amoureux, au plus proche dans le corps-à-corps du dire la parole amoureuse : poétique et physique. Ou inversement. Peu importe tant les deux sont liés, intimement arrimés l’un à l’autre.

    Le programme annoncé par le titre est repris en exergue par une longue citation empruntée à Phil Rahmy. Une manière de rendre hommage au grand ami si tôt disparu.

    Dans la citation en trois temps de l’exergue, il est question « des corps fragiles » et du « don total de nous » ; de la primauté du langage : « Rien, hormis la transformation du corps en langage » ; puis de la guérison : « Je guéris. Je ne sais pas de quoi. Mais je guéris ».

    Après la page d’exergue, une dédicace ajoutée entre parenthèses explicite le projet :

    « (Rapprochements physiques pour H.) ».

    Mais le projet tient-il sa promesse ?

    OUI, dans les moindres replis et jeux de langues, jeux de mains et jeux du corps entier, cils à cils. « Mots semés sexe à sexe ». Les poèmes sont brefs, qui se suivent sans relâche, sans ponctuation et sans majuscules, souffle à souffle. Petits pavés esthétiques jetés sur la page.

    Le recueil de Sabine Huynh suit la trajectoire de Phil Rahmy. Au plus près et au plus fidèle. En quelques strophes, la poète évoque d’abord le ravage, solitude immense, désertion du corps, manque et soif, langue raidie, mal-être intense, mots de bris et de violences, guerres et tourments, inconsolables, béance d’une plaie ancienne, cicatrices jamais refermées.

    Vient alors le temps inespéré du don total qui passe par l’appel intime et feutré du « viens » :

    « viens nous connaissons l’eau la pluie nous attend » […] « viens c’est fortune de mer » […] « viens ».

    Temps des projets où se jointoient l’éros et l’universel : « nos langues iront laper la source d’un monde recommencé ».

    Temps qui réconcilie les contraires en des arabesques infinies « dessus » ͠ « dedans » ͠ « dehors » ͠ « partout ». Danse de mots brûlants qui abolit les frontières et inscrit les amants dans un présent éternel :

    « ça vole papillons partout ».

    Vitesse de l’écriture qui fuse de page en page dans une voltige de fricatives voisées, vent visage vertige, gerbe foisonnante d’allitérations en [v].

    Le poème parfois se mue en une composition où se condense la syllabe finale du titre, ce [po] qui se réitère pour dire à travers l’aveu la fluidité des caresses, pour dire l’obsession des corps :

    « le corps frémit de l’envie de toucher la peau pense aux mains – vibrer encore et encore parler peau – pencher vers demain peut-être les caresses composent ce qui ressemble aux premiers serments ».

    La poète connaît l’art de dire beaucoup du corps-à-corps amoureux, avec ce peu de mots qui file de page en page. C’est avec ce peu qui « contient tout » que commence la réparation. Les orages anciens s’éclipsent, mémoire en retrait, effacement momentané des horreurs du présent. Tout à son « trésor » de peau, le langage réconcilié retrouve la langue fertile, moisson de mains et de paumes qui gomment les traces jusqu’alors indélébiles.

    Ce qui se vit ici, c’est l’urgence du dire, urgence du parler peau ; urgence de retenir entre les doigts le flux qui innerve les corps et la langue ; urgence de la restauration de soi qui passe par la fête des sens et par la fête des mots. Une urgence à dire qui bouscule la grammaire. Invente – dans l’ardeur d’une « langue sauvée des eaux » – un ordre nouveau qui ouvre un chemin inédit de lumière et de joie. Le corps de l’amant invente le monde. Un paysage mouvant prend forme sous les caresses, qui rassemble dans un même tempo rondeurs et « torsions », « trajets » et « arcades », « enroulements », « renversements » et « égarements ». Miracle de la mosaïque amoureuse qui recrée le temps de l’innocence. Ainsi se compose le grand poème de la chair, riche de promesses et du désir de vivre.

    Rarement poème d’amour, tout en saveur érotique, force et tendresse conjuguées à l’envi, n’a atteint semblable splendeur. Magnifique.



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli





    Sabine Huynh  Parler peau





    SABINE  HUYNH


    Sabine Huynh. Photo Miriam Alster 2016
    Ph. Miriam Alster (2016)
    Source





    ■ Sabine Huynh
    sur Terres de femmes

    [sans attaches] (extrait de Parler peau)
    Avec vous ce jour-là / Lettre au poète Allen Ginsberg (note de lecture d’AP)
    Les Colibris à reculons (note de lecture d’Isabelle Lévesque)
    Les Colibris à reculons (note de lecture de Sabine Péglion)
    Kvar lo (note de lecture d’Isabelle Lévesque)
    Kvar lo (note de lecture d’AP)
    [Au fond de ta gorge] (extrait de Kvar lo)
    La Mer et l’Enfant (note de lecture d’AP)(+ une notice bio-bibliographique)
    Lettre à Tieri Briet (chronique)
    [Pourquoi toujours ma voix se brise avec ces mots] (extrait de Tu amarres les mots)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    Là où elle naît
    Sabine Huynh | Roselyne Sibille, La Migration des papillons (extrait)




    ■ Voir aussi ▼

    presque dire (le site de Sabine Huynh)
    → (sur le site d’Æncrages & Co)
    la fiche de l’éditeur sur Parler peau




    ■ Notes de lecture de Sabine Huynh
    sur Terres de femmes

    Matthieu Baumier, Le Silence des pierres
    Blandine Longre, Clarities
    Sylvie-E. Saliceti, Je compte les écorces de mes mots
    Romain Verger, Fissions





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  • Nicolas Grégoire | [tendre tendue]



    Bitc3







    [TENDRE TENDUE]




    tendre tendue, on pense à ces mots liés par Armand. Le peu d’espace entre. Image quartier sale revient, les restes  de  soi  qu’on traîne et colle. Avec son poids de mots (morts non loin de toujours s’écrire) simples dont on n’arrive plus à se défaire. Détenu d’être au bord, s’y jeter — on voit cet homme, tête frappe la route, s’écrase de vivre trop — seul avec des paroles douces pour ne pas






    ne pas, on se réduit. Table à fixer les coulures d’une tasse ou l’image floue de Bergounioux. Limite. Limite des mots et d’être,  de n’être là qu’à tenir vague sans certitude du bien-fondé de la chose.  Juste  ne pas trop grouiller avec. Voire ne plus



    ne plus.  Reprise  simple  pour  s’agripper  aux  bruits  des  jeux,   ce  pour  quoi  on ne tombe pas tout  à fait —  on lisse les mots,  encore  —    avec  la  crainte  de
    tout emporter
    tout s’écarte
    on bloque
    tait
    notre faiblesse
    l’incertitude pour laquelle
    on vit ?



    Nicolas Grégoire, « Même », S’effondrer sans, Æncrages & Co, Écri(peind)re, 2017, s.f. Peintures de Daphné Bitchatch.






    Nicolas Gregoire






    NICOLAS  GRÉGOIRE


    Gregoire
    Source



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site d’ Æncrages & Co)
    la fiche de l’éditeur sur S’effondrer sans
    → (sur Terre à ciel)
    Un ange à notre table ~ Extraits de Ses restes / en somme (Le Taillis Pré, 2011), suivis d’un court entretien avec Cécile Guivarch





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  • Sabine Huynh | [Au fond de ta gorge]




    [AU FOND DE TA GORGE]



    Au fond de ta gorge
    parfois des murs
    se veulent horizon
    avant le voyage
    car les hommes frappés
    d’amnésie croient
    pouvoir dompter les vents

    Ce qui s’éloigne défile
    traversé comme une lance
    éperonne les certitudes
    comme un corps chute
    dans un silence mat

    silence de fuite absolue



    Sur les routes
    ce qui faisait sens n’est plus
    (ce que tu as appris)
    que la pluie qui bat
    et s’évapore
    sur tes paupières

    Aux bifurcations, pendue
    au coin des lèvres, l’hésitation
    fait perler le sang
    ta langue fourche
    et bégaye tes pas



    Se réveiller quand même
    avec la vision sonore
    d’une demeure sans
    chagrin, sans tache
    indélébile, une demeure
    qui aurait à peine vécu
    où on aurait à peine su
    babiller

    se réveiller



    Sabine Huynh, Kvar lo, Æncrages and Co, Collection Ecri (peind)re, 2016, s.f. Encres de Caroline François-Rubino. Postface de Philippe Rahmy.







    Kvar lo






    SABINE HUYNH


    SabineHuynh-AnneCollongues
    Ph. Anne Collongues
    Source



    ■ Sabine Huynh
    sur Terres de femmes

    Kvar lo (lecture d’Isabelle Lévesque)
    Avec vous ce jour-là / Lettre au poète Allen Ginsberg (lecture d’AP)
    Les Colibris à reculons (lecture d’Isabelle Lévesque)
    Les Colibris à reculons (lecture de Sabine Péglion)
    La Mer et l’Enfant (lecture d’AP)(+ une notice bio-bibliographique)
    Lettre à Tieri Briet (chronique)
    [Pourquoi toujours ma voix se brise avec ces mots] (extrait de Tu amarres les vagues)
    Parler peau (lecture d’AP)
    [sans attaches] (extrait de Parler peau)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    Là où elle naît
    Sabine Huynh | Roselyne Sibille, La Migration des papillons (extrait)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Presque dire, le site de Sabine Huynh)
    une notice autobiographique de Sabine Huynh
    le site de Caroline François-Rubino
    → (sur le site des éditions Éditions Æncrages & Co)
    la fiche de l’éditeur sur Kvar lo



    ■ Notes de lecture de Sabine Huynh
    sur Terres de femmes

    Matthieu Baumier, Le Silence des pierres
    Blandine Longre, Clarities
    Sylvie-E. Saliceti, Je compte les écorces de mes mots
    Romain Verger, Fissions





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    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Sabine Huynh, Kvar lo

    par Isabelle Lévesque

    Sabine Huynh, Kvar lo,
    Éditions Æncrages & Co,
    Collection Ecri(peind)re, 2016.
    Encres de Caroline François-Rubino.
    Postface de Philippe Rahmy.



    Lecture d’Isabelle Lévesque


    […] dans ta tête
    des talismans rescapés
    de l’enfance crevassée
    écho de voix abîmées

    S.H.



    Sur ce qui n’est plus, fonder. Trouver les mots qui garderont ravage et destin brisé. Kvar lo : en hébreu, le titre du dernier livre de Sabine Huynh, traductrice de cette langue, poète de ce qu’elle rassemble pour libérer son identité singulière, légèreté d’oiseau colibri, élaborée au fil des livres en une mue douloureuse et féconde. Sabine Huynh précise en fin de livre que ce titre pourrait se traduire par déjà plus.

    Le recul, l’avancée, le trouble des frontières traversées, et tout ce qui tombe dans le fleuve d’oubli. L’épigraphe de Paul Celan commence par « Ce n’est plus » et semble attendre le nom à venir. L’identité et la langue sont en question. Et la deuxième épigraphe, celle de Kafka (« Nous creusons la fosse de Babel ») prolonge cette question vers celle de la diversité des langues. Ainsi sont réunis deux auteurs de langue maternelle allemande.

    Paul Celan qui n’a jamais voulu quitter sa langue maternelle, celle des bourreaux nazis, pour écrire créa à partir d’elle une sorte de « contre-langue » à la syntaxe éclatée, au vocabulaire comportant des néologismes venus parfois de l’hébreu. Il avait acquis la nationalité française, celle du pays où il avait choisi de vivre et dont il parlait couramment la langue. Celan pouvait écrire en français ou en hébreu, mais il a mené son combat contre et dans sa langue maternelle.


    L’auteur de Kvar lo, pour initier ce long poème, utilise donc un mot hébreu, inconnu de beaucoup de ses lecteurs français, qui peut se doter des sens que le livre lui offrira : gage de poème, offrande sémantique fondée sur ce qui a disparu, paradoxe venu occuper le territoire incertain d’une langue perdue.

    Particulièrement frappante en ce début de livre, la multiplicité des prépositions « sur », « en » : quête d’assise, ce sur quoi fonder la langue alors que sont martelées les négations totales qui entérinent un processus de perte. Voilà le poète, sur le seuil d’une langue à inventer :

    « pour tenir droite

    illusion en équilibre

    sur ce rien

    échangé

    entre elle

    et toi »

    Apprendre, entreprendre un mouvement fécond qui, « voyage sans ancre », écartera le temps du désastre pour un « verbe », « à la source/des secousses ».

    Deuxième personne prégnante, « toi / tu » en tête, adresse en dédoublement pour initier l’élan, le suivre sans hésiter — sans regarder derrière, sans regarder la mère, ou sur le bord l’engloutissement, « sur le point de / basculer ». L’espace, blanc, devient matière du vide, autour tout un monde disparaît. Rudes traversées, guerres, massacres :

    « Toujours les guerres ont coupé

    des parents        des langues »

    Ce blanc entre les deux groupes nominaux semble établir une équivalence et le sens propre du nom « langue » double l’acte de mutilation de significations symboliques : langue coupée de sa source (d’émission) ou bien réfutée comme outil pour communiquer et joindre les êtres, au point d’incarner « cette séparation lancinante ». Jusqu’au bégaiement signifiant, le vers peut se clore sur des syllabes répétées — entretuées :

    « langue introuvable

    tu(e)

    te tais »

    Au vertige d’une identité niée, le préfixe invite à se pencher sur la négation de nouveau qu’il faut accepter pour bâtir sur ce « kvar lo ». Pour cela, le terreau des sons répétés : « phonèmes » criés en pur « anathème », la violence à naître est figurée dans la langue de secousses portées par le poème et procède d’une volonté de rassembler un trésor dispersé, pas encore des mots, des sons :

    « Certains jours tout est tel

    que tu n’es rien

    ton cœur se jette

    contre les larmes » 1

    Ces sonorités, protections, bris du silence, bâtiront « des murs à l’odeur de mots », une verticalité rassurante (?), que les encres de Caroline François-Rubino d’encre restituent, des « signaux de fumée ». Entre pierres érigées et lettres qui se dressent, noir, les traits larges tiennent. Pour chaque encre, un sème : le trait tiré, élevé sur la page, grandit, prend corps, avec le poème (stèles liant pierre et texte, parade contre le temps qu’il faut patiemment cerner de peu).

    L’histoire personnelle et celle du pays, la guerre (personnelle et intérieure par extension), peuvent couper de la langue maternelle et donc de la mère. Sabine Huynh a évoqué dans Les Colibris à reculons 2 le Viêt Nam, sa naissance dans une ville qui avait changé de nom après sa naissance (Saïgon devenue Ho-Chi-Minh-Ville), et puis l’exil précipité.

    On sait que le nouveau-né, dans ses vocalisations, prononce les phonèmes de la plupart des langues (babil de Babel), mais qu’à partir du sixième mois son babil retient principalement ceux de sa mère. La poète devenue mère peut observer cette construction linguistique chez sa fille. Mais justement, quelle langue maternelle pour cette enfant dont la mère a refusé sa propre langue « maternelle » et dont le combat ne peut cesser ?

    Le corps est présent dans cette lutte, par la bouche muette encore ou par le cœur lancé « contre les lames » : toute force jetée dans la bataille d’inventer pour « toi l’orpheline », se dit-elle, avec le « mot amour ». Lettres italiques pour ce dernier, seule fondation qui puisse tenir alors que les parenthèses portent (dénombrent) les fragilités nombreuses :

    « (et l’air est vieux)

    (parler est un geste

    une caresse à embrasser) »

    Nombreuses phases, à passer chaque étape (le « babil ») qui mènera vers la langue, la nostalgie pour creuser et retourner « jusqu’à la cassure ». Or la langue jamais ne se dénoue de « salive » et « langage inarticulé », les sons que la voix livre « friables » devront surmonter « le secret / d’une telle désertion ». Entre « tu » et la langue, une confusion : « le temps t’a évidée », une profusion propice à traduire l’effort pour naître à soi, au poème.

    Traverser la mémoire, les manquements d’une mère (langue trouée), « une pensée culbutée gît ». Les chutes sont nombreuses, le terreau retourné révèle de macabres restes engloutis qui ne deviendront rien. Un tri s’impose pour le poète archéologue de sa mémoire et de sa vie. Mère souvent surgie pour accroître l’inanité, mer (mère) qu’il faut traverser comme un champ de bataille constellé de corps mort-nés. « Langue de lait », dents dévorantes de celle qui a manqué d’aimer, le blanc régurgité par celle à qui manque, « tourne blanche / tourne folle ».

    Une voie n’a pas été tracée depuis le passé, une voix s’est éteinte et demeure si peu qu’il faut pour se l’approprier retourner chaque son. Demeurer sans voix : impossible, le cri poussé sera l’augure de la langue enfin conquise, celle de saccade (haute lutte), envers de « vestes carrées », « robes raides » taillées par la mère – à couturer les lèvres, pas un son ne sortait. Alors « couture » et « déchirure », en vis-à-vis, ce « presque dire » 3 ou ce bord terrible et nécessaire où l’on ne s’établit pas.

    On s’y penche, on tremble, on voudrait y proférer sur des « ruines » (mot seul sur un vers tenant tant bien que mal). La scansion, « ce qui reste », anaphorique, murmurée dresse un rempart de trois mots, Kvar lo. L’interdiction initiale, maternelle et sans appel, « tes mots portent / malheur », est bravée par le poème, réponse intangible, foi encore pour demeurer signe, langue de destin brisé que l’on réinvente par « un magnolia en fleurs / un accident de lumière », un miracle :

    « dedans le caché

    déhanche la vie »

    Toujours les phonèmes concaténés qui frétillent et signifient que bat encore un « foyer linguistique ». Syntaxe modifiée d’un verbe intransitif recevant un complément d’objet, à contre-courant de la grammaire, le sens trébuche pour se relever :

    « ta langue fourche

    et bégaye tes pas »

    Le manque, constitutif de ce processus, comme fondement intangible, sème dans la langue l’hébreu « ga-agouïme », écho dissonant de qui s’enfante, à coup de fourche (langue fourchue prenant les sons pour les mots), en soi – ventre nommément et ses « faces aphones ». L’hymne et l’amour pour que soit la langue, invoquée, suscitée. « [M]embre fantôme », la répéter ancre enfin sa disparition. Place à la résurrection, au devenir ! Elle peut s’épanouir en « doigts aimants » car elle est acte. Le déterminant possessif de première personne impossible, « ma », s’inscrit désormais « comme une cicatrice ». Entre les deux, l’union des italiques, l’espace penché de la traversée, « distance dure ».

    « [D]e là », écrit la narratrice poète, de cette valeur temporelle et spatiale de l’adverbe, elle tire cette langue entre « si peu » et « leur sillage s’élargit » car paradoxalement le manque enfante, l’« exilée » puise en elle et ses drames le dit du poème. « [S]oif », puis « faim », synthétisées en « – absolue nécessité » alors qu’enfin des poèmes en forme de stèles gardent en leur surface le grave projet de durer.

    Le poète qui, après le Viêt Nam, a vécu dans plusieurs pays (France, Angleterre, États-Unis, Canada…) et maintenant Israël, garde le temple d’une Babel restituée. Le pluriel des « langues » 4 a dépassé le singulier menacé, le poème enfin révélé apporte cette preuve radicale, essentielle et légère d’une forme de syncrétisme sans foi, « les mots debout », « [d]’aphone à polyphone ». Sur la page, les mots ne se tordent plus, ils « roulent / leur houle autour de ton cœur », ce foyer de résurrection (de résistance). L’encre élève sa stèle dans une correspondance active entre le texte et le dessin non figuratif et parlant, la dernière encre ne conserve du mouvement que l’élévation, l’ascension langagière figurée comme un accomplissement fragile. Elle absorbe la douleur : s’en nourrit pour rejoindre la formulation. « [L]angue-fille / hybride » devenue « ta langue » :

    « poésie haletante

    bringuebalante

    – puisque tu respires »

    La langue du poème est donc un français dans lequel viennent des mots hébreux. Leur traduction est précisée en fin de livre mais ils peuvent se comprendre, ou au moins s’interpréter, dans le contexte et par leur musique. Parfois le terme hébreu est à l’origine du mot français et ces deux langues se rejoignent formant une langue double, « hybride » qui « fourche » :

    « Il n’y a pas

    de miracle, pas

    de conclusion, pourquoi

    ne pas t’unir à cette langue

    to-hou-va-vo-hou, tohu-bohu

    sans forme début ni fin

    flot incessant en toi

    qui te lave, te réveille »

    C’est le « maëlstrom » 5 de la vie, des mots qui voyagent, des langues qui parfois se mélangent et s’accueillent. On pense à l’adage italien : « Traduttore, traditore ». Celle qui pense en plusieurs langues peut-elle rester en une seule, contrainte à se traduire elle-même, au risque de se trahir (« à défaut / tu te trahis ») ?

    « Tu te traduis

    en hébreu – tout en gvanime

    nuances – le labeur

    étoffe ta maigreur

    dépareille tes panime

    ou visages »

    Ainsi le poète crée la langue du poème au vocabulaire mélangé, parfois disloqué, à la syntaxe personnelle qui connaît les brisures et les failles et que le silence habite, loin de la langue maternelle.


    Mais quel est le nom de cette langue qui est celle de sa fille ? Elle semble passer de la fille à la mère, elles la partagent et elle les unit. Reste à inventer le nom de cette contre-langue maternelle :

    « Ta fille est

    la parole

    originelle

    doucement

    tu en viens

    en lui parlant »



    Isabelle Lévesque
    D.R. Texte Isabelle Lévesque
    pour Terres de femmes





    ________________________________
    1. C’est nous qui soulignons et utilisons des caractères gras.
    2. Les Colibris à reculons, Éditions Voix d’encre, 2013.
    3. Presque dire est le nom du site internet de Sabine Huynh : https://www.sabinehuynh.com/
    4. Langues apprises : français, anglais, espagnol, italien, suédois, chinois, yiddish, hébreu (« langue de nomade »). Le vietnamien : « égaré mort », « sa langue », celle de la mère.
    5. Mot aux quatre orthographes : maëlstrom, maelstrom, malstrom et maelstroëm (chez Victor Hugo). Mot voyageur venu des Pays-Bas par la Norvège.






    Kvar lo






    SABINE HUYNH


    SabineHuynh-AnneCollongues
    Ph. Anne Collongues
    Source



    ■ Sabine Huynh
    sur Terres de femmes

    Kvar lo (lecture d’AP)
    [Au fond de ta gorge] (extrait de Kvar lo)
    Avec vous ce jour-là / Lettre au poète Allen Ginsberg (lecture d’AP)
    Les Colibris à reculons (lecture d’Isabelle Lévesque)
    Les Colibris à reculons (lecture de Sabine Péglion)
    La Mer et l’Enfant (lecture d’AP)(+ une notice bio-bibliographique)
    Lettre à Tieri Briet (chronique)
    [Pourquoi toujours ma voix se brise avec ces mots] (extrait de Tu amarres les vagues)
    Parler peau (lecture d’AP)
    [sans attaches] (extrait de Parler peau)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    Là où elle naît
    Sabine Huynh | Roselyne Sibille, La Migration des papillons (extrait)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Presque dire, le site de Sabine Huynh)
    une notice autobiographique de Sabine Huynh
    le site de Caroline François-Rubino
    → (sur le site des éditions Éditions Æncrages & Co)
    la fiche de l’éditeur sur Kvar lo



    ■ Notes de lecture de Sabine Huynh
    sur Terres de femmes

    Matthieu Baumier, Le Silence des pierres
    Blandine Longre, Clarities
    Sylvie-E. Saliceti, Je compte les écorces de mes mots
    Romain Verger, Fissions




    ■ Autres notes de lecture (54) d’Isabelle Lévesque
    sur Terres de femmes


    Max Alhau, Les Mots en blanc
    Marie Alloy, Cette lumière qui peint le monde
    Gabrielle Althen, Soleil patient
    Françoise Ascal, Noir-racine précédé de Le Fil de l’oubli
    Edith Azam, Décembre m’a ciguë
    Gérard Bayo, Jours d’Excideuil
    Mathieu Bénézet, Premier crayon
    Véronique Bergen, Hélène Cixous, La langue plus-que-vive
    Claudine Bohi, Mère la seule
    Paul de Brancion, Qui s’oppose à l’Angkar est un cadavre
    Laure Cambau, Ma peau ne protège que vous
    Valérie Canat de Chizy, Je murmure au lilas (que j’aime)
    Fabrice Caravaca, La Falaise
    Jean-Pierre Chambon, Zélia
    Françoise Clédat, A ore, Oradour
    Colette Deblé, La même aussi
    Loïc Demey, Je, d’un accident ou d’amour
    Sabine Dewulf, Et je suis sur la terre
    Pierre Dhainaut, Après
    Pierre Dhainaut, Ici
    Pierre Dhainaut, Progrès d’une éclaircie suivi de Largesses de l’air
    Pierre Dhainaut, Vocation de l’esquisse
    Pierre Dhainaut, Voix entre voix
    Armand Dupuy, Mieux taire
    Armand Dupuy, Présent faible
    Estelle Fenzy, Rouge vive
    Bruno Fern, reverbs    phrases simples
    Élie-Charles Flamand, Braise de l’unité
    Aurélie Foglia, Gens de peine
    Philippe Fumery, La Vallée des Ammeln
    Laure Gauthier, kaspar de pierre
    Raphaële George, Double intérieur
    Jean-Louis Giovannoni, Issue de retour
    Cécile Guivarch, Sans Abuelo Petite
    Cécile A. Holdban, Poèmes d’après suivi de La Route de sel
    Sabine Huynh, Les Colibris à reculons
    Lionel Jung-Allégret, Derrière la porte ouverte
    Mélanie Leblanc, Des falaises
    Gérard Macé, Homère au royaume des morts a les yeux ouverts
    Béatrice Marchal, Au pied de la cascade
    Béatrice Marchal, Un jour enfin l’accès suivi de Progression jusqu’au cœur
    Jean-François Mathé, Retenu par ce qui s’en va
    Dominique Maurizi, Fly
    Dominique Maurizi, La Lumière imaginée
    Emmanuel Merle, Dernières paroles de Perceval
    Nathalie Michel, Veille
    Isabelle Monnin, Les Gens dans l’enveloppe
    Jacques Moulin, L’Épine blanche
    Cécile Oumhani, La Nudité des pierres
    Emmanuelle Pagano, Nouons-nous
    Hervé Planquois, Ô futur
    Sofia Queiros, Normale saisonnière
    Jacques Roman, Proférations
    Pauline Von Aesch, Nu compris





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  • Colette Deblé | Figure(s) libre(s)

    Chroniques de femmes – EDITO

    Chronique d’Isabelle Lévesque


    Colette Deblé, La même aussi,
    Éditions Æncrages & Co,
    Collection Oculus, 2009.
    Texte et linogravures originales (3) de Colette Deblé.





    Colette Deblé 1





    Figure(s) libre(s)
    COLETTE DEBLÉ





    Je suis la généalogie de ce qui n’est plus.
    C.D.



    Lire et voir La même aussi, de Colette Deblé, dans la collection de livres-autoportraits d’artistes des éditions Æncrages& Co.

    Oculus. Et la voix. Par le hublot de la première de couverture, percevoir l’abstraction filée, couleur soleil (jaune, orange en bascule). Le feu et l’air, l’envolée. Il faut tourner la page pour saisir l’ensemble : un visage, une femme. Chevelure dentelée, autoportrait.

    Les noms seront puisés dans l’histoire de l’Art, la couleur inventera le présent. Projet construit d’extraire des toiles les femmes. Redevenues, elles tremblent, leurs couleurs composées se métamorphosent. Pas question de les fixer : en terre, argile, la roue tourne. Pas pétrifiées, le dégradé figure le devenir et l’osmose. Une femme lit en peignant le destin. Le destin des fées devient, non un fil brisé, une relecture brillante et signifiante de ce que fut (est/sera) : la femme. Légère, en lutte, assoiffée : ce qui est commun, c’est ce pochoir infaillible et relu. Voici La même aussi, pas un manifeste, le creuset des années passées à dévoiler l’être d’une femme, à travers toutes les autres.

    « La vérité n’est que dans la répétition, l’acharnement à être. »

    À s’en mordre les doigts vivants, à saigner, à ressusciter. L’oubli est fossoyé, terre livrant les corps enchantés, désabusés, victorieux. Dès le premier texte, l’« arrachement » : ce mot exprime la méthode. Long, violent effort pour que la mémoire se fonde sur l’extraction (la naissance) d’un détail. Topique, le modèle, la femme érigée devenue « elle-même », une autre donc grâce à la reproduction singulière, la re-lecture de Colette Deblé. Pas une oubliée ne restera tapie (cachée) au fond du puits de l’histoire.

    Après l’autoportrait en ouverture, deux autres linogravures accompagnent le texte. La première vient de la Madonna del Parto, de Piero della Francesca, peinte vers 1455. Sur la fresque visible à Monterchi, en Italie, Marie est entourée de deux anges exactement semblables, mais symétriques, en miroir dirait-on, reflet dont les couleurs sont inversées. Le peintre aurait utilisé le même carton. Ces deux anges écartent les pans de rideaux d’un baldaquin. Dans la gravure de Colette Deblé, seule figure la femme enceinte, une main sur la hanche, l’autre glissée dans l’entrebâillement de la robe, sur son ventre rond. Fini, le décor irréel qui lie cette femme à un destin voulu par d’autres. Elle est là, seule ― de tout son poids.





    Colette Deblé, La Madonna del parto





    La deuxième gravure est extraite d’un autoportrait d’une femme au destin d’exception : Sofonisba Anguissola 1. Née à Crémone, en Lombardie, entre 1528 et 1535. Son père, noble et humaniste, lui fit apprendre la peinture. Elle excellait en particulier dans l’art du portrait et, pour cela, fut appelée à la cour du roi d’Espagne Philippe II. Vasari et Michel-Ange louèrent son talent. Étant noble, elle ne pouvait pratiquer la peinture comme profession, mais obtenait des cadeaux et faveurs pour ses toiles. Van Dyck, qui fit son portrait en 1623, dit qu’elle avait 96 ans, qu’elle n’y voyait plus guère et conservait un esprit très vif. Elle n’avait cessé de peindre que lorsque sa vue ne lui avait plus permis de continuer. Elle mourut à Palerme en 1625 ou 1626. Elle réalisa, tout au long de sa vie, entre dix et vingt autoportraits. La Sofonisba que nous voyons ici jouait du clavecin, mais le clavecin a disparu. Disparus aussi, le fond sombre, et cette autre femme qui regarde le spectateur, sans doute une servante. Sofonisba a les mains tendues vers le clavier. Elle a été arrachée à son siècle, à son âge, mais aussi à l’ombre du tableau, au noir de sa robe, à sa condition sociale et à ses veuvages.

    « Virgo parturia », pour la première silhouette, une femme peintre qui ajoutait « virgo » à son nom quand elle signait ses tableaux avant son premier mariage. Femmes qui naissent et font naître, à qui appartient leur corps ? à qui leur vie ?

    Toutes deux vivent parmi nous, en notre temps.

    S’obstiner, garder tête haute et l’effort :

    « J’arrache, extrais, isole, ravis, détache, extirpe la femme du contexte, paysage, situations, activités, compagnons, compagnes, représentations, places, mises en scène mythologiques, toilettes, intimités, vanités, époques, patrie. »

    Loi d’exception qui ferait de chacune l’unique mais, en sa descendance, toutes les autres unies : un sort commun pour valoir force faite femme. Et nous, face au temps, La même aussi : dressée. La figure tout à coup surgie – reste suspendue, ici et ailleurs, vibre partout. Colette Deblé, à la main, découpe le tissu léger, enfante, sage-femme faite sœur de toutes. « [A]rrachement », dit-elle : extraction, découpe et elles-toutes roulées voyagent pour être vues. Tour du monde, les femmes dépliées puis accrochées vont dans chaque galerie réveiller les murs d’un cri, pas lamentation, le premier né infini (la femme s’enfante en renaissant). À proliférer, « urgence ». J’aime ce multiple assigné au papier, l’hyperbole infinie de la destinée au féminin en grâce et en lutte :

    « Je suis le trait qui retient les choses, le trait de l’apparition, la mémoire, celui qui reste contre la mort. »

    Être ou suivre (ambiguïté de l’homonymie « je suis ») ? Fil de la vie, chemin que nous sommes. Confusément orchestrés : je et le trait. L’inéluctable bifurque. Les femmes de Colette Deblé ne sont ni des saintes ni des vierges figées. Vivantes, elles officient du côté polymorphe et hirsute de la vie (paysannes, révolutionnaires, religieuses, indiennes : fleurs en faune, attraction de l’archétype et typologie du divers contre tout ce qui fige). De ceux qui ne sont plus là, peintres, hommes souvent épris de silhouettes peintes, l’artiste a gardé le vivant vivace et tournoyant. La danse folle ne finit pas, à son commencement elle remonte toujours pour ne pas perdre.

    Les lavis de Colette Deblé n’épuisent pas la couleur : ils ôtent les traits, donnent au cœur de l’œuvre l’impression glissée d’un passage insensible, l’eau dilue ce qui pourrait être fixe :

    « Je suis le trait qui reste sous le lavis, l’eau qui efface le trait. »

    Mère de chacune, comme s’il s’agissait pour Colette Deblé de prolonger sa propre mère en utilisant la figure multipliée de toutes les singularités puisées dans les toiles. Sauver chacune, lui rendre sa généalogie inventée et devenir, à chaque fois, cette femme peinte qui traverse le temps pour vivre ici et aujourd’hui, « [d]e se fondre. / D’être en fusion. » Peindre pour apprivoiser la peur.

    « Je suis le trait.

    Je suis celui qui suit.

    Celui qui est. »

    Et face à la toile nous rêvons, surpris lorsque nous retrouvons le contexte (clos) de la toile d’origine. La libération a eu lieu, le décloisonnement n’a pas exclu le contexte originel, il l’a fait glisser vers le mouvement infini de la re-présentation et de la couleur fuyant le point fixe qui pourrait l’entraver.



    D.R. Texte Isabelle Lévesque
    pour Terres de femmes





    ________________________________
    1. Sur Sofonisba Anguissola, lire : « Les autoportraits de Sofonisba Anguissola, femme peintre de la Renaissance », par Michelle Bianchini – Revue Italies n°3/1999 – https://italies.revues.org/2600







    Colette Deblé, La même aussi






    COLETTE DEBLÉ


    Colette deblé 6
    Ph. D.R. Steve Seiler
    Source




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de Thierry Delcourt)
    Colette Deblé, entre appropriation et subversion, par Thierry Delcourt
    → (sur Arts-Up)
    Chimie de Colette Deblé ou les Elles du désir, par Jean-Paul Gavard-Perret



    ■ Notes de lecture (55) d’Isabelle Lévesque
    sur Terres de femmes


    Max Alhau, Les Mots en blanc
    Marie Alloy, Cette lumière qui peint le monde
    Gabrielle Althen, Soleil patient
    Françoise Ascal, Noir-racine précédé de Le Fil de l’oubli
    Edith Azam, Décembre m’a ciguë
    Gérard Bayo, Jours d’Excideuil
    Mathieu Bénézet, Premier crayon
    Claudine Bohi, Mère la seule
    Paul de Brancion, Qui s’oppose à l’Angkar est un cadavre
    Laure Cambau, Ma peau ne protège que vous
    Valérie Canat de Chizy, Je murmure au lilas (que j’aime)
    Fabrice Caravaca, La Falaise
    Jean-Pierre Chambon, Zélia
    Françoise Clédat, A ore, Oradour
    Loïc Demey, Je, d’un accident ou d’amour
    Sabine Dewulf, Et je suis sur la terre
    Pierre Dhainaut, Après
    Pierre Dhainaut, Ici
    Pierre Dhainaut, Progrès d’une éclaircie suivi de Largesses de l’air
    Pierre Dhainaut, Vocation de l’esquisse
    Pierre Dhainaut, Voix entre voix
    Armand Dupuy, Mieux taire
    Armand Dupuy, Présent faible
    Estelle Fenzy, Rouge vive
    Bruno Fern, reverbs    phrases simples
    Élie-Charles Flamand, Braise de l’unité
    Aurélie Foglia, Gens de peine
    Aurélie Foglia, Gens de peine
    Philippe Fumery, La Vallée des Ammeln
    Raphaële George, Double intérieur
    Jean-Louis Giovannoni, Issue de retour
    Cécile A. Holdban, Poèmes d’après suivi de La Route de sel
    Sabine Huynh, Les Colibris à reculons
    Sabine Huynh, Kvar lo
    Lionel Jung-Allégret, Derrière la porte ouverte
    Mélanie Leblanc, Des falaises
    Gérard Macé, Homère au royaume des morts a les yeux ouverts
    Béatrice Marchal, Au pied de la cascade
    Béatrice Marchal, Un jour enfin l’accès suivi de Progression jusqu’au cœur
    Jean-François Mathé, Retenu par ce qui s’en va
    Dominique Maurizi, Fly
    Dominique Maurizi, La Lumière imaginée
    Emmanuel Merle, Dernières paroles de Perceval
    Nathalie Michel, Veille
    Isabelle Monnin, Les Gens dans l’enveloppe
    Jacques Moulin, L’Épine blanche
    Cécile Oumhani, La Nudité des pierres
    Emmanuelle Pagano, Nouons-nous
    Hervé Planquois, Ô futur
    Sofia Queiros, Normale saisonnière
    Jacques Roman, Proférations
    Pauline Von Aesch, Nu compris





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    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Armand Dupuy | [l’eau fermée]



    Agostini
    Sérigraphie de Philippe Agostini






    [L’EAU FERMÉE]




    l’eau fermée
    s’ouvre
    se ferme

    jamais rompue

    on cède sans flancher

    tu poses les yeux
    dans ces temps différents —

    une claque les arrache





    le bleu s’enfonce
    en lui-même

    s’enfonce et
    respire

    récite

    cet enfoncement —
    ce doigt qui manque à ma vue

    manque à ma tête





    on reste avec ça

    ça si maigre et
    clos

    maigre et jusqu’à
    l’autre bleu des draps

    pois blancs

    emballer ma tête

    et sombrer




    Armand Dupuy, « Mer » in Ce doigt qui manque à ma vue, Æncrages & Co, Collection voix de chants, 2015, s.f. Sérigraphies de Philippe Agostini.






    Armand Dupuy, Ce doigt qui manque à ma vue




    ARMAND DUPUY


    Armand Dupuy Denim
    Source




    ■ Armand Dupuy
    sur Terres de femmes


    Mieux taire (lecture d’Isabelle Lévesque)
    [On cherche avec les yeux] (extrait de Par mottes froides)
    Présent faible (lecture d’Isabelle Lévesque)
    Une première fin des questions
    8-12 février [2017] | Armand Dupuy | [je m’entends parler du temps qu’on serre] (extrait de Selfie lent)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site d’Æncrages and Co)
    la page de l’éditeur sur Ce doigt qui manque à ma vue d’Armand Dupuy
    → (sur Recours au poème)
    une page sur Armand Dupuy





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    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Stéphane Korvin | [le vent se bombe]



    [LE VENT SE BOMBE]




    le vent se bombe, tous les oiseaux penchent
    ailleurs se renverse

    je bois très fort

    revenu au centre de ta foulée
    je parle le cyrillique des peu

    je tombe un peu, je t’aime un peu

    et toi larme, pente
    tu inventes un nouveau cours d’eau
    le récit d’une fois qui ne décolère pas



    Stéphane Korvin, bas de casse, Æncrages & Co, Collection Voix de chants, 2015, s.f. Dessins de Caroline Sagot-Duvauroux.






    Basdecasse






    STÉPHANE KORVIN


    Korvin_stephane
    Source



    ■ Stéphane Korvin
    sur Terres de femmes

    [on déplace les muettes] (poème extrait de Noise)



    ■ Voir aussi ▼

    le site de Stéphane Korvin
    → (sur le site des éditions Æncrages & Co)
    la page de l’éditeur consacrée à bas de casse de Stéphane Korvin





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    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Françoise Ascal | [tu aurais voulu l’oublier]



    [TU AURAIS VOULU L’OUBLIER]



    Tu aurais voulu l’oublier
    ou ne jamais l’entendre
    mais tu tendais l’oreille stationnais près de la margelle guettais malgré l’interdit

    tu guettes encore

    tu ne veux pas manquer le moindre de ses murmures mélopées sanglots litanies bercements tout cela qui vacille dans l’ombre de jour comme de nuit tout cela qui coule et roule dans sa voix secrète sa voix d’eau souterraine sa voix cachée retirée du monde mutique volontaire campée dans un refus de forêt noire non pas de pacte avec la lumière pas d’étreinte avec le bleu du ciel toujours elle veillera le malheur

    elle n’entend pas les vivants qui l’appellent elle a quitté leur table depuis longtemps elle est avec eux les morts ses morts pour eux seuls sa langue se délie elle leur parle les rassure ils sont nombreux ne vieillissent pas à celui en tenue de soldat elle confie qu’elle ne tardera pas à cet autre elle chant une comptine

    tu cherches les morts tu te demandes si toi aussi tu as des morts partout dans la maison tu les cherches les siens les tiens tu crois les apercevoir entre les cloisons ajourées de la grange les surprendre dans le craquement du plancher il leur arrive de te frôler quand tu t’attardes dans les friches un soir de lune tu les devines terrés au fond du puits

    est-ce que les morts parlent
    tu lances tes mots dans l’énigme la peur te répond
    la peur trace des cercles au centre tu perds ton nom

    tu aurais aimé l’oublier
    ou ne jamais l’entendre
    mais tu guettes encore

    tu ne l’entends plus

    elle est devenue ton ombre



    Françoise Ascal, Des voix dans l’obscur, Éditions Æncrages & Co, Collection Ecri(peind)re, 2015, s.f. Dessins de Gérard Titus-Carmel.







    Ascal desvoixdanslobscur





    FRANÇOISE ASCAL


    Francoise Ascal par Michel Durigneux
    Ph. © Michel Durigneux
    Source





    ■ Françoise Ascal
    sur Terres de femmes


    [longtemps j’ai mâché | vos grains de grès](extrait d’Entre chair et terre)
    [Carnet, 2004] (extrait d’Un bleu d’octobre)
    [Carnet, 2011] (autre extrait d’Un bleu d’octobre)
    Des voix dans l’obscur (note de lecture d’AP)
    Levée des ombres (note de lecture d’AP)
    Lignées (note de lecture d’AP)
    [Je ferme les yeux et laisse le mot venir] (extrait de Lignées)
    Noir-racine précédé de Le Fil de l’oubli (note de lecture d’Isabelle Lévesque)
    Mille étangs
    L’Obstination du perce-neige et Variations-prairie (lectures d’AP)
    Rouge Rothko
    16 juillet 1796 | Françoise Ascal, La Barque de l’aube | Camille Corot
    5-10 août 2017 | Françoise Ascal, L’Obstination du perce-neige




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site de la mél)
    une fiche bio-bibliographique sur Françoise Ascal
    le site des éditions Æncrages & Co





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    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Déborah Heissler, Sorrowful Songs

    par Angèle Paoli

    Déborah Heissler, Sorrowful Songs,
    Collection voix de chants,
    Éditions Æncrages Co, 2015.
    Préface de Claude Chambard.



    Lecture d’Angèle Paoli



    SOUS LES SILENCES DE BLANCHE, UNE POÉSIE DE L’ESQUISSE ET DE L’EMPREINTE



    «  Un triomphe, une querelle d’ongles à la cloison des feuillées. Toucher absolu de la distance qui nous sépare désormais. »

    Ainsi s’ouvre, par ces deux phrases mystérieuses et quasi antithétiques, Sorrowful Songs de Déborah Heissler. Deux phrases qui obsèdent par leur douceur et qui ne cèdent leur part d’étrangeté qu’à la lecture. Lecture lente grave triste mais paisible cependant, et recueillie, de ces admirables « petites proses ». La séparation est au cœur de ces pages. Séparation irrémédiable d’avec l’être aimé emporté un soir par la mort. Séparation — d’avec le monde des vivants — d’avec ceux qui ont péri dans le monde obscur des camps de la mort. Pourtant, au cœur même de la tragédie humaine qui se devine dans l’estompe, la beauté demeure, insolente parfois dans son « triomphe », « querelle d’ongles à la cloison des feuillées. » Mais le chant qui irrigue ce recueil est avant tout celui, doux et lent / fusionnel de l’amour.

    « Ton visage

    est celui que je cherche. »

    ou encore :

    « Bruissements du ciel comme une main. Blanche.

    Je te visage. » (in II, « Rien que le ciel ouvert »)

    Ou encore, dans le final :

    « aimée Tu

    qui me nocturnes. » (in III, « Chambre où te perdre »)

    Trois mouvements guident nos pas dans la valse triste de Sorrowful Songs. Trois chants de tristesse ponctués par quatre dessins de Peter Maslow. Trois compositions introduites par un poème-exergue de Thomas Johnson (« Soprano »), dont les vers annoncent les espaces mentaux du nouveau recueil de Déborah Heissler. La musique et ses octaves la fenêtre qui donne sur le jardin la branche d’un arbre la courbe bleue d’une veine qui s’incurve dans le cou (d’une femme ?). Un glissement feutré s’opère sur le seuil entre dedans et dehors, extérieur et intime. Tempo dominant et récurrent, la lenteur, qui engendre tristesse douceur et paix.

    Le titre choisi par la poète — Sorrowful Songs — fait référence de manière explicite à la Symphonie des chants plaintifs écrite par le compositeur polonais Henryk Górecki en 1976 — l’année même de la naissance de la poète. Cette Symphonie n°3 (opus 36), composée de trois mouvements lents, est une œuvre dédiée à ceux qui ont péri dans les camps de la mort. Le registre de cette œuvre ne peut être que grave, et l’impression qui s’en dégage est celle d’une plainte monotone qui jamais ne cesse. D’une répétitive tristesse qui longuement s’étire. Les visages invisibles de la Shoah s’insinuent entre les lignes, se glissent sous le visage paisible de Blanche.

    D’autres notes musicales affleurent entre les pages de Sorrowful Songs de Déborah Heissler, références explicites à d’autres compositeurs et à d’autres créations musicales. Bach / Stravinsky. Exaudi orationem meam. La Symphonie des psaumes pour chœur et orchestre. Ici le psaume 38 de David. « Exauce ma prière ». Boulez et Char : Le Marteau sans maître. Et Claude Debussy. Le prélude pour piano Des pas sur la neige. Lente douceur effacement.

    Le premier chant donne sur le jardin d’une belle endormie « Jardin – Elle Endormie », dans la simplicité naturelle d’une énonciation : « Blanche est morte. Elle est morte hier soir. » De l’autre côté de la fenêtre commencent les journées sans elle, dans le bourdonnement vacant de « l’essaim des heures ». Elle morte, lui sur le seuil se regarde vieillir ; vieillard épris de poésie, emprise discrète de Philippe Jaccottet. Elle, de musique. Une vie s’efface un peu plus loin, derrière la fenêtre, rideau de pluie papiers épars sur le bureau, quelques notes encore présentes mais déjà lointaines, des traces à peine d’un passé encore vibrant de ses étreintes, de ses ferveurs, et qui lentement s’en va vers l’oubli.

    « Passez. Oubliez tout.

    Oubliez qu’elle était devenue arbre et qu’elle lui tendait les bras, ombre au soleil, chèvrefeuille noué au cœur, cathédrale à la chute du jour, gisant », dit l’amant devenu vieillard.

    Blanche ou l’oubli. Souvenir d’un titre qui s’immisce malgré moi, « là où la vérité doit être inverse » ; Blanche comme la neige qui s’annonce dans les jours à venir de Sorrowful Songs. Tout cela à pas feutrés. Les petites proses, comme des tableaux en demi-teintes. Pour dire la vie la mort, la traversée dans le silence, la modestie, le presque effacement. Avec des touches de bleu pour tenter de cerner la brûlure des « corps lyriques ».

    « Trêve des corps précipités et bleus. Je ne sais ni quelle étreinte, ni même l’image, qui pourraient les prolonger. »

    Tonalités tristes sans repos d’une tristesse sans retour. Ainsi le laissaient entendre les vers de Thomas Johnson :

    « A garden

    Where the terne, restless

    On a plum branch

    Prepares to migrate

    Down the blue curve

    Of that veine

    Deep in your neck ».

    Pourtant, par-delà la mort, le chant de la vie continue de s’immiscer dans la mémoire de celui qui accompagne, derrière la cloison, la présence-absence de l’autre. Tout ce qui hante encore un lieu — elle « devenue arbre » ; énigme d’un espace qui parle d’Elle tout en suggérant ce qu’elle n’est plus.

    « Je me souviens    De deux petites filles

    qui gravissent l’escalier. »

    Il est vrai que celui qui l’aimait continue de lui parler, de s’adresser à elle depuis les frondaisons des arbres, et jusque dans le gisant du jour. Tout, dans ces lignes, se noue dans le doigté, le suggéré, l’effleuré, à peine, de manière légère. Ainsi le temps progresse-t-il au rythme de la neige, de sa brûlure indolore :

    « Dans quelques jours – demain peut-être même, il neigerait. Debussy résonne tout près de la fenêtre. »

    De même la mort se vit-elle dans cet espace à peine souligné qui convient si bien à Blanche. Et qui ne tardera pas à devenir aussi celui de l’autre.

    « Elle était devenue ombre et lui tendait les bras

    Blanche

    murmures d’ombre et d’ébène… »

    Chaque poème — parfois deux, qui se font écho — est annoncé par un titre — il conviendrait de faire une lecture spécifique des titres — et la neige qui tombe vient encore adoucir les mots qui demeurent ; ensevelir sous sa chute douce ce qu’il reste d’images, « les arbres et leurs fruits de bure, givrés légèrement », comme cernés dans la blancheur et le silence. Les silences de Blanche, de quels non-dits sont-ils tissés ? Seul l’instrument de musique, dans ses envols dans ses excès dans ses silences mêmes, peut parvenir à susciter une attente que la poésie, selon Blanche, ne parvient nullement à combler.

    La poète, elle, avance à pas feutrés dans l’esquisse et les empreintes. Tout ce qui entoure la mort se vit dans la nuance d’un chant crépusculaire. Dans la lumière cendrée du jour à son déclin. Ainsi de la présence discrète des oiseaux (messiaeniques oiseaux au Pays de la Meije ?), lesquels n’existent que dans le titre Oiseaux, neiges et fruits. Et que le lecteur perçoit pourtant « derrière les rideaux » et dans le ciel. Au point qu’il est convaincu de les avoir croisés dans le poème.

    C’est sans doute au cœur de cette énigme que se tient la force poétique de Déborah H. C’est dans ces esquisses qu’elle puise son talent. C’est sur ces lacis de traces à peine suggérées que se construit son écriture. Sur ce décalage permanent entre le dit et le non-dit qui innerve l’œuvre de la poète, et qui fait de la voix de Déborah Heissler l’une des plus singulières de la poésie contemporaine. Autant de qualités qui ne nuisent jamais à la musicalité bouleversante de Sorrowful Songs.



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli






    Déborah Heissler, Sorrowful Songs




    DÉBORAH HEISSLER


    Deborah Heissler Guidu
    Image, G.AdC




    ■ Déborah Heissler
    sur Terres de femmes


    Les Nuits et les Jours (lecture d’AP)
    Je ne peux oublier (poème extrait des Nuits et des Jours)
    « Des pas dans la neige » (poème extrait de Sorrowful Songs)
    La protection des pierres (poème extrait de Près d’eux, la nuit sous la neige)
    Près d’eux, la nuit sous la neige (lecture d’AP)
    sur l’herbe sèche ce jour (poème extrait de Chiaroscuro)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    loin (poème extrait de Comme un morceau de Nuit, découpé dans son étoffe)
    → (dans la galerie Visages de femmes) le poème « 
    Errance »



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Wikipedia)
    l’article consacré à Déborah Heissler
    le blog de Déborah Heissler



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