Étiquette : Aïcha Arnaout


  • Aïcha Arnaout | Être et désêtre


    Arnaout 4
    Ph. angèlepaoli





    ÊTRE ET DÉSÊTRE


    D’après l’ombre et tes multiples mues
    tu es destiné à l’émersion et l’extinction
    pour toujours

    parmi de fins miroirs
    tes images laminaires se déboîtent
    se pourchassent
    se dévorent

    mystérieux itinéraire
    à perte de souffle
    être et désêtre à tout instant
    sans relâche.

                  Elle dépistait ses images possibles
    dans les vertiges de l’univers
    sur les lèvres des plaies galactiques
    parmi leurres et lueurs

    l’incertitude nourricière ne faisait que commencer

    elle frôlait sa mutation spirale
    dans la lave matrice
    hantait les nulles parts
    pour regagner son espace
    immolait l’errance de ses ombres
    sur l’autel de l’isthme primordial
    et ne trouvait que poussière et cendres

    la voilà de retour au siège de l’éphémère
    vibrante de son immense vertige
    elle s’installe
    rejeton
    dans son exil d’être.

    Du désordre flottant au chaos originel
    de la confusion des sens à l’intuition primale
    de l’imperméabilité des ombres à l’état translucide

    devenir
    savoir comment vraiment mourir
    comment se loger

    tous les jours
    en paix
    dans son cercueil

    détaché des chaînes luxuriantes
    déplumé des accessoires chimériques
    déraciné de son propre nom

    se loger entier
    là où cessent
    le bruissement du cœur
    le bourdonnement des pensées

    devenir
    affleurer à tout instant

    son vif néant
    affranchir de leurs exils
    ses fantômes et ses ombres
    se faufiler
    flou d’images sans confins
    liquidité des formes de l’avant gestation

    devenir
    constamment s’enfanter
    plus familier à soi-même.

    Les mues de l’ombre
    que je suis
    ne sont que les traces
    de mes exils d’être.

    Tu défibres ton corps hétéroclite
    jusqu’aux confins de sèves
    jusqu’à la grappe aînée
    de tes cellules d’embryon

    une vie durant
    tu n’as été qu’un accident de parcours
    parmi des momies frénétiques
    des cadavres ambulants
    des dieux criquets escortés de bouffons

    étrangère pour toujours
    personne n’a parlé de ta moelle fossile
    des triticites de tes champs intérieurs
    la déchirure était ton remède

    le néant ton retour
    le périple du sevrage était lent
    hésitante

    tu palpes ta gestation insolite
    dans le vif argent des miroirs trompeurs

    tu grignotes ta solitude mielleuse
    l’attente blanche au bord de l’iris d’origine
    l’enstase des doigts dans le plasma des mots
    la félicité de l’errance
    la déflexion d’une imperméable lueur
    qui te propulse
    vers l’ambre primordial.

    Être et désêtre
    et nul paradoxe
                 des cendres de chacun renaît l’autre

    les passions conduisent à la vacuité
    la vacuité accueille l’émerveillement
    l’émerveillement seuil de l’extinction
    de l’extinction émane la grande passion
    et nulle frontière

    être et désêtre
    osmose fertile
    sans stigmates
    ni cicatrices.


    Aïcha Arnaout, Être et désêtre, Extraits, in Côté femmes, d’un poème l’autre, Espace-Libre, Alger-Paris, 2010, pp. 13-14-15-16. Poèmes réunis par Zineb Laouedj et Cécile Oumhani.




    NOTE D’AP : ce poème a été dit par Aïcha Arnaout le samedi 19 juin 2010 à la librairie La Terrasse de Gutenberg (75012 Paris), à l’occasion de la publication de l’anthologie Côté femmes, d’un poème l’autre, à laquelle j’ai moi-même participé.





    AÏCHA ARNAOUT

    Arnaout
    Ph. D.R.


    ■ Aïcha Arnaout
    sur Terres de femmes


    Dans les eaux du glacier originel
    La traversée du Blanc
    Aïcha Arnaout, Alain Gorius | La fontaine

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  • Aïcha Arnaout, Alain Gorius | La fontaine




    Restant l-- sur le chemin- dans l-attente des corbeaux(2)
    Photocollage, G.AdC






    ELLE COURAIT



    Elle courait, et le froid qui montait de la terre enneigée la déchirait de ses épines ; elle n’atteindrait peut-être pas la fontaine au pied de la hêtraie ; elle tomberait glacée, sa nudité décharnée restant là, sur le chemin, dans l’attente des corbeaux ; sa servante avait fui, et quand bien même un paysan se serait aventuré à cette heure en pareil endroit, il ne lui aurait été d’aucune aide ; trop de bruits avaient couru sur le château et sa maîtresse vieillie dans la folie ; trop de haine, puis trop d’oubli s’était appesanti sur elle qui était restée, dans l’espoir que pas un de ceux qui lui avaient donné la seigneurie de l’Escalette ne revint de sa croisade.


        Une vieille constellation
        embaumée des relents d’une lente mort
        frémissante de tant de souvenirs
        qui se déchirent et délirent
        Vivre l’ardeur de la chair jusqu’au bout de la veine
        jusqu’à l’abîme
        dans l’alchimie nécromancienne du ravage charnel
        parmi les fleurs séminales des monstres
        aux visages décousus
        qui partagent ta couche

        Vivre les fibres de l’âme jusqu’au bûcher du ciel
        l’autopsie des marées mortes conduites par les anges
        la divergence saisonnière de l’espérance et du doute

        et finir
        en hibernation dans la peau craquante de la démence




    Aïcha Arnaout, Alain Gorius, La Fontaine [troisième titre du Triptyque de Lodève], Al Manar, 2009, pp. 16-19. Dessins de Diane de Bournazel.







    Bournazel
    Diane de Bournazel
    in Aïcha Arnaout, Alain Gorius, La Fontaine,
    Al Manar, 2009, page 17.





    AÏCHA ARNAOUT


    Arnaout
    Ph. D.R.



    ■ Aïcha Arnaout
    sur Terres de femmes

    Dans les eaux du glacier originel
    Être et désêtre
    La traversée du Blanc



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  • Aïcha Arnaout | Dans les eaux du glacier originel

    «  Poésie d’un jour  »


    DANS LES EAUX DU GLACIER ORIGINEL



    « Dans les eaux du glacier originel
    j’étais limpide
    jusqu’à ce que la lune m’ordonne de paraître
    et que la tempête vienne s’allonger sur mon corps

    Impétueux comme l’ivresse des première fontes
    mon cri n’est pas parvenu aux scarabées volants
    Je l’ai étouffé dans le sable

    On entendait autre chose
    que l’écho et le râle des oiseaux
    On voyait autre chose
    que les eaux éplorées et la tornade de l’horizon. »



    Aïcha Arnaout, Fragments d’eau et autres poèmes, Al Manar, Collection Méditerranées, 2003, page 21. Traduction d’Abdellatif Laâbi.





    Fragments_deau





    AÏCHA ARNAOUT

    Arnaout
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    Être et désêtre
    La traversée du Blanc
    Aïcha Arnaout, Alain Gorius | La fontaine


    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions Al Manar)
    une fiche sur le recueil Fragments d’eau



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