Étiquette : Allen Ginsberg


  • 3 juin 1926 | Naissance d’Allen Ginsberg

    Éphéméride culturelle à rebours



    GINSBERG PAR RANCILLAC
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    Le 3 juin 1926 naît à Newark, dans le New Jersey, Irwin Allen Ginsberg. Il est le fils puiné – son frère Eugène a cinq ans de plus que lui – de Louis et Naomi Ginsberg. Son père, professeur d’anglais et poète, est un Juif social-démocrate ; sa mère, « immigrante russe hallucinée » est communiste. En raison des graves troubles psychiques dont elle est affectée, Naomi Ginsberg subit une première hospitalisation qui sera suivie d’autres périodes d’internement.

    Après des études brillantes au lycée de Paterson, Allen entre à l’Université de Columbia, à New York, en septembre 1943. En décembre de la même année il fait la connaissance de Lucien Carr qui lui présente d’autres amis. David Kammerer et William S. Burroughs. Ensemble ils forment les premières composantes de la « Beat Generation » dont feront partie Neal Cassady, rencontré à Denver (Colorado) en 1946. Jack Kerouac fera de Cassady le héros de ses deux grands romans : Sur la Route et Visions de Cody.

    En juin 1944, la rencontre de Jack Kerouac marque un moment décisif dans la vie de Ginsberg. L’amitié qui lie les deux jeunes gens sera indéfectible. L’épopée beatnik prend son essor. Tout en se faisant le porte-parole de ses amis écrivains, Allen Ginsberg se consacre au texte poétique qui prendra le titre de Howl (Hurlement). Dédié à Jack Kerouac, à William Burroughs, Neal Cassady et Carl Salomon, le poème de « Howl » – qui donnera son titre au recueil publié en 1956 et préfacé par William Carlos Williams – est lu pour la première fois par Ginsberg à la Six gallery de San Francisco le 7 octobre 1955. Lecture-performance mémorable qui remporta un vif succès, inaugura sous la plume d’un journaliste, l’apparition de l’expression « beat generation » ainsi qu’une nouvelle ère poétique. Marquée par l’esprit de révolte et de contestation des valeurs américaines tant politiques que religieuses ou institutionnelles, la « beat generation » se déclare être l’adepte des voyages et explorations intérieures inédites dans lesquels les drogues dures, associées à l’alcool, jouent un rôle fondamental. Quant à l’écriture, liée à ces expériences nouvelles, elle s’attache à trouver des formes non encore exploitées jusqu’alors.

    Dans le même temps, Ginsberg se tourne vers les pratiques bouddhistes, considérant la poésie comme un « antique yoga ».

    En 1961, Ginsberg publie Kaddish (prière pour les morts) commencé à Paris en 1957. Ce recueil tout à la fois « poème, récit, cantique, lamentation, litanie et fugue » est inspiré à Allen par Naomi Ginsberg dont l’histoire tourmentée est à l’origine des troubles psychiatriques, délires et folie, qui l’accompagneront jusqu’à sa mort.

    Ginsberg entreprend une série de voyages, au Maroc et en Europe avant de rentrer aux États-Unis. Puis il effectue un séjour en Indes (1962-1963) avec son ami Peter Orlovsky. Il rentre seul aux Etats-Unis. Il écrit The Change puis Back to the wall.

    Influencée par le bouddhisme en même temps que par la tradition judaïque, la poésie de Ginsberg est également ancrée dans la modernité et le quotidien. Le poète pratique les collages, les ruptures de rythme, l’éclatement syntaxique. La musique « pop » et le jazz ont leur place dans cette écriture dont l’objectif est de recouvrir l’ensemble des expériences humaines.

    Être « beat », c’est affirmer avec Ginsberg : « La liberté c’est juste un mot qui signifie plus rien à perdre .»






    EXTRAIT DE SUR LA ROUTE DE JACK KEROUAC


    « Un soir, grande fête chez Burdford – sa mère était partie en voyage. Il a commencé par appeler tous ces potes, en leur disant d’apporter du whisky ; ensuite il a pris son carnet d’adresses pour les filles, et là il m’a laissé parler presque tout le temps. Il en est venu une sacrée bande. J’ai décroché le téléphone pour appeler Allen et savoir ce que Neal faisait. Allen l’attendait à trois heures, je les ai rejoints après la fête. L’appartement d’Allen était un sous-sol sur Grand Street, dans un vieux meublé en brique rouge, près de l’église. Il fallait prendre un passage entre deux immeubles, descendre quelques marches, pousser une porte mal équarrie et traverser une sorte de cave pour atteindre sa porte de planches – on se serait cru chez un saint russe. Un seul lit, une chandelle allumée, des murs qui suintaient, et une drôle d’icône de fortune, fabriquée par lui pour la circonstance. Il m’a lu son poème, qui s’appelait « Déprime à Denver ». Il se réveillait le matin pour entendre les « pigeons vulgaires » se chamailler devant sa cellule ; il voyait les « tristes rossignols » agiter leur tête dans les branches ; ils lui rappelaient sa mère. Un linceul gris s’abattait sur la ville. Ces Rocheuses magnifiques, qu’on voit se dresser à l’ouest où qu’on soit dans la ville, étaient pour lui des montagnes en « papier mâché ». Tout l’univers était fou, louche, carrément bizarre. Neal, « fils de l’arc-en-ciel », portait son tourment dans sa bite-martyre. Il l’appelait Eddie l’Œdipe, lui qui grattait le chewing-gum collé sur les carreaux. Brierly devenait Maître de ballet de la Danse Macabre. Dans son sous-sol, Allen ruminait son énorme journal, où il consignait tout ce qui se passait tous les jours que Dieu faisait – tous les faits et gestes de Neal. Il m’a raconté sa virée en car : « Pendant qu’on traversait le Missouri, un orage miraculeux a éclaté, le firmament n’était plus qu’un pandémonium électrique. Dans le car, tout le monde était terrorisé. J’ai dit : “N’ayez pas peur, ce n’est qu’un Signe”. » […]



    Jack Kerouak, Sur la route, Le rouleau original, Éditions Gallimard, Collection Du monde entier, 2010, pp. 179-180. Édition établie par Howard Cunnell. Préfaces de Howard Cunnell, Penny Vlagopoulos, George Mouratidis et Joshua Kupetz. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Josée Kamoun.






    ALLEN GINSBERG


    Ginsberg
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    ■ Allen Ginsberg
    sur Terres de femmes

    Kenji Myazawa
    11 octobre 1961 | Allan Ginsberg, Journal 1952-1962
    Sabine Huynh, Avec vous ce jour-là / Lettre au poète Allen Ginsberg (note de lecture d’AP)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de Christian Bourgois éditeur)
    une fiche descriptive d’Allen Ginsberg
    the website of the Allen Ginsberg Estate





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  • Allen Ginsberg | Kenji Myazawa






    Alan Ginsgberg by  Jan Herman








    KENJI MYAZAWA
    (extrait)



    All is Buddhahood
    to who has cried even once
    Glory be? ”
    So I said glory be
                        looking down at a pine
                                           feather
    risen beside a dead leaf
    on brown duff
    where a fly wavers an inch
                        above ground
    midsummer.


    Could you be here?
    Really be here
                  and forget the void?
    I am, it’s peaceful, empty,
    filled with green Ponderosa
          swaying parallel tops
    fan like needle circles
    glittering haloed
    in sun that moves slowly
          lights up my hammock
                       heats my face skin
                                                  and knees.


    Wind makes sound
                 in tree tops
    like express trains like city
                                machinery
    Slow dances high up, huge
                 branches wave back &
                                            forth sensitive
                 needlehairs bob their heads
    — it’s too human, it’s not
                 human
    It’s treetops, whatever they think,
    It’s me, whatever I think,
    It’s the wind talking.



    […]







    BOUDDHA
    Ph., G.AdC







    KENJI MYAZAWA
    (extrait)



    « Tout est Bouddha
    Pour qui s’est écrié même une seule fois
    Que soit la Gloire ? »
    Je dis donc que soit la gloire
                        regard posé sur une aigrette
                                              de pin
    s’élevant près d’une feuille morte
    sur le terreau noir
    où une mouche oscille tout
                        près du sol
    plein été.


    Pourriez-vous être là ?
    Vraiment là?
                  et oublier le vide ?
    Moi je suis là, c’est paisible, vide,
    empli de pins verts
          agitant leurs cimes parallèles
    cercles d’aiguilles en éventail
    halo étincelant
    dans le soleil qui bouge lentement
          éclaire mon hamac
                       réchauffe mon visage
                                                 mes genoux.


    Le vent bruisse
                 à la cime des arbres
    comme des trains rapides comme les machines
                                des villes
    Tout là-haut des danses lentes, des branches
                 énormes se balancent d’avant
                                            en arrière, sensibles
                 des têtes remuent leur chevelure d’aiguilles
    — c’est trop humain, ce n’est pas
                 humain
    Ce sont les cimes des arbres, quoi qu’elles en pensent
    C’est moi, quoi que j’en pense,
    C’est le vent qui parle.



    […]



    Allen Ginsberg, Souffles d’Esprit [Mind Breaths, 1972-1977], in Poèmes, édition bilingue, Christian Bourgois éditeur, 2012, pp. 444-447. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Claude Pélieu et Mary Beach et par Yves Le Pellec et Françoise Bourbon.








    ALLEN GINSBERG


    Ginsberg
    Source



    ■ Allen Ginsberg
    sur Terres de femmes

    3 juin 1926 | Naissance d’Allen Ginsberg
    11 octobre 1961 | Allan Ginsberg, Journal 1952-1962
    Sabine Huynh, Avec vous ce jour-là / Lettre au poète Allen Ginsberg (note de lecture d’AP)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de Christian Bourgois éditeur)
    une fiche descriptive d’Allen Ginsberg
    the website of the Allen Ginsberg Estate







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