Étiquette : Amelia Rosselli


  • Amelia Rosselli | [Filtre entre moi et toi dans la sous-marine une clarté]



    Laisse l’innocence et reviens à l’obscurité, laisse |  la rencontre et reviens à la lumière.
    Ph., G.AdC







    [FLUISCE TRA ME E TE NEL SUBACQUEO UN CHIARORE]



    Fluisce tra me e te nel subacqueo un chiarore
    che deforma, un chiarore che deforma ogni passata
    esperienza e la distorce in un fraseggiare mobile,
    distorto, inesperto, espertissimo linguaggio
    dell’ adolescenza! Difficilissima lingua del povero!
    rovente muro del solitario! strappanti intenti
    cannibaleschi, oh la serie delle divisioni fuori
    del tempo. Dissipa tu se tu vuoi questa debole
    vita che non si lagna. Che ci resta. Dissipa
    tu il pudore della mia verginità; dissipa tu
    la resa del corpo al nemico. Dissipa la mia effige,
    dissipa il remo che batte sul ramo in disparte.
    Dissipa tu se tu vuoi questa dissipata vita dissipa
    tu le mie cangianti ragioni, dissipa il numero
    troppo elevato di richieste che m’agonizzano:
    dissipa l’orrore, sposta l’orrore al bene. Dissipa
    tu se tu vuoi questa debole vita che si lagna,
    ma io non ti trovo e non so dissiparmi. Dissipa
    tu, se tu puoi, se tu sai, se ne hai il tempo
    e la voglia, se è il caso, se è possibile, se
    non debolmente ti lagni, questa mia vita che
    non si lagna. Dissipa tu la montagna che m’impedisce
    di vederti o di avanzare; nulla si può dissipare
    che già non sia sfiaccato. Dissipa tu se tu
    vuoi questa mia debole vita che s’incanta ad
    ogni passaggio di debole bellezza; dissipa tu
    se tu vuoi questo mio incantarsi, — dissipa tu
    se tu vuoi la mia eterna ricerca del bello e
    del buono e dei parassiti. Dissipa tu se tu puoi
    la mia fanciullaggine; dissipa tu se tu vuoi,
    o puoi, il mio incanto di te, che non è finito:
    il mio sogno di te che tu devi per forza assecondare,
    per diminuire . Dissipa se tu puoi la forza che
    mi congiunge a te: dissipa l’orrore che mi ritorna
    a te. Lascia che l’ardore si faccia misericordia,
    lascia che il coraggio si smonti in minuscole
    parti, lascia l’inverno stirarsi importante nelle
    sue celle, lascia la primavera portare via il
    seme dell’indolenza, lascia l’estate bruciare
    violenta e incauta; lascia l’inverno tornare
    disfatto e squillante, lascia tutto — ritorna
    a me; lascia l’inverno riposare sul suo letto
    di fiume secco; lascia tutto, e ritorna alla
    notte delicata delle mie mani. Lascia il sapore
    della gloria ad altri, lascia l’uragano sfogarsi.
    Lascia l’innocenza e ritorna al buio, lascia
    l’incontro e ritorna alla luce. Lascia le maniglie
    che coprono il sacramento, lascia il ritardo
    che rovina il pomeriggio. Lascia, ritorna, paga,
    disfa la luce, disfa la notte e l’incontro, lascia
    nidi di speranze, e ritorna al buio, lascia credere
    che la luce sia un eterno paragone.






    [FILTRE ENTRE TOI ET MOI DANS LA SOUS-MARINE UNE CLARTÉ]



    Filtre entre moi et toi dans la sous-marine une clarté
    qui déforme, une clarté qui déforme chaque expérience
    du passé et la distord en un phrasé mobile,
    distordu, inexpérimenté, expertissime langage
    de l’adolescence ! si difficile langue du pauvre !
    mur brûlant du solitaire ! arrachantes intentions
    cannibalesques, oh la série des divisions hors
    du temps. Toi dissipe si tu veux cette faible
    vie qui ne se plaint pas. Qui nous reste. Toi
    dissipe la pudeur de ma virginité ; toi dissipe
    la capitulation du corps à l’ennemi. Dissipe mon effigie,
    dissipe la rame qui bat sur le rameau en contrebas.
    Toi dissipe si tu veux cette vie dissipée dissipe
    toi mes changeantes raisons, dissipe le nombre
    trop élevé de requêtes qui m’agonisent :
    dissipe l’horreur, déplace l’horreur au bien. Toi
    dissipe si tu veux cette faible vie qui se plaint,
    car je ne te trouve pas, et je n’ose me dissiper. Toi
    dissipe, si tu peux, si tu sais, si tu en as le temps
    et l’envie, si c’est le moment, si c’est possible, si
    sans faiblir tu te plains, cette vie mienne qui ne
    se plaint pas. Toi dissipe la montagne qui m’empêche
    de te voir ou bien d’avancer ; rien ne se peut dissiper
    qui déjà ne se soit raffaissé. Toi dissipe si tu
    veux cette faible vie mienne enchantée à
    chaque passage de faible beauté ; toi dissipe
    si tu veux cet enchantement mien, — toi dissipe
    si tu veux mon éternelle recherche du beau et
    du bon et des parasites. Toi dissipe si tu peux
    mon enfantinage ; toi dissipe si tu veux,
    ou peux, mon enchantement de toi, qui n’est pas fini :
    mon rêve de toi que tu dois forcément seconder,
    pour diminuer. Dissipe si tu peux la force qui
    me conjoint à toi : dissipe l’horreur qui me revient
    vers toi. Laisse que l’ardeur se fasse miséricorde,
    laisse que le courage se délite en tout petits
    bouts, laisse l’hiver s’étirer important dans
    ses cellules, laisse le printemps emporter la
    graine de l’indolence, laisse l’été brûler
    violent et sans prudence ; laisse l’hiver revenir
    défait et carillonnant, laisse tout — reviens
    à moi ; laisse l’hiver reposer dans son lit
    de fleuve à sec ; laisse tout, et reviens à la
    nuit délicate de mes mains. Laisse la saveur
    de la gloire à d’autres, laisse l’ouragan se déchaîner.
    Laisse l’innocence et reviens à l’obscurité, laisse
    la rencontre et reviens à la lumière. Laisse les poignées
    qui recouvrent le sacrement, laisse le retard
    qui ruine l’après-midi. Laisse, reviens, paie,
    défais la lumière, défais la nuit et la rencontre, laisse
    des nids d’espoirs, et reviens à l’obscurité, laisse croire
    que la lumière est une éternelle comparaison.



    Amelia Rosselli, La Libellule [La libellula, Sellerio Editore, Milano, 1985 ; Garzanti Editore, Milano, 1997], Ypsilon Éditeur, 2014, pp. 38-39-40-41-42. Traduction et postface de Marie Fabre.




    ______________________________________
    NOTE d’AP : l’ouvrage dont est issu l’extrait ci-dessus (La Libellule d’Amelia Rosselli) est disponible en librairie depuis le 12 avril 2014.





    AMELIA ROSSELLI


    Amelia_rosselli
    Ph. © Dino Ignani – Tous droits réservés
    Source



    ■ Amelia Rosselli
    sur Terres de femmes

    Amelia Rosselli | Adolescenza (+ notice bio-bibliographique)
    [La tua debolezza è la mia vittoria] (poème extrait de Variazioni Belliche + traduction française par Marie Fabre)
    T’aimer et ne rien pouvoir faire d’autre que t’aimer (poème extrait de “Dialogo con i Poeti”, Serie Ospedaliera 1963-1965)
    11 février 1996 | Mort d’Amelia Rosselli (article de Marie Fabre + extraits de Variazioni Belliche, dans une traduction de Marie Fabre)



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur le site des éditions Ypsilon)
    la page de l’éditeur sur La Libellule (+ un autre extrait)
    → (sur t-pas-net.com)
    une chronique de Jean-Nicolas Clamanges sur La Libellule d’Amelia Rosselli
    → (sur le site des éditions Ypsilon)
    un extrait du Dossier Amelia Rosselli de la Revue Europe (n° 996, avril 2012, pp. 197-201)[PDF]
    → (sur YouTube)
    Amelia Rosselli lisant en français trois des neuf poèmes d’Adolescence
    → (sur YouTube)
    Amelia Rosselli lisant un court extrait de La libellula
    → (sur Rai-TV Radioscrigno)
    d’exceptionnelles archives sonores, dont l’étonnante lecture d’un extrait de Sleep par Amelia Rosselli
    → (dans l’anthologie permanente de Poezibao)
    un extrait de Documento 1966-1973 d’Amelia Rosselli (traduction inédite d’Angèle Paoli)
    → (sur le site de l’Unità)
    « Amelia Rosselli, rivoluzionaria della poesia » par Lello Voce
    → (sur trickster)
    « La traduction chez Amelia Rosselli | Entre désappropriation et appropriation linguistique », par Sarah Ventimiglia





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  • Amelia Rosselli | [La tua debolezza è la mia vittoria]



    Ta religion était un saut dans le noirr
    Ph., G.AdC






    [LA TUA DEBOLEZZA È LA MIA VITTORIA]



    La tua debolezza è la mia vittoria. Perchè la tua vita
    non si perdesse perché la mia si raddrizzasse, perché io
    cantassi ancora liberamente; perché tu potessi giuocare
    ed affermare la tua verità: perché io potessi sapere!
    della tua ingratitudine, della tua incongruenza, per
    la mia ingratitudine per la tua incongruenza facevo salti
    mortali ! ma le divinità (o sono perse?) ma le divinità
    cadevano reciprocamente nel gran buio della mia scala
    poco divina : poco divina era la mia insonnia e la tua
    religione era un salto nel buio.



    Amelia Rosselli, Variazioni Belliche (1960-61) in Le poesie, Garzanti, 1997 ; ried. collana Gli Elefanti, 2007, p. 268. A cura di Emmanuela Tandello. Prefazione di Giovanni Giudici.






    [TA FAIBLESSE EST MA VICTOIRE]


    Ta faiblesse est ma victoire. Pour que ta vie
    ne se perde pas pour que la mienne se redresse, pour que je
    chante encore librement ; pour que tu puisses jouer
    et affirmer ta vérité : pour que je puisse savoir !
    ton ingratitude, ton incongruité, pour
    mon ingratitude pour ton incongruité, pour
    mon ingratitude pour ton incongruité je faisais des sauts
    périlleux ! mais les divinités (ou sont-elles perdues ?) mais les divinités
    tombaient réciproquement dans le grand noir de mon échelle
    peu divine : peu divine était mon insomnie et ta
    religion était un saut dans le noir.



    Amelia Rosselli, Variations de guerre, Ypsilon.éditeur, 2012, page 124. Traduction et postface de Marie Fabre. Précédé de « Comme un soldat en guerre » de Jean-Baptiste Para. Suivi de « Note sur Amelia Rosselli » de Pier Paolo Pasolini.






    Amelia Rosselli, Variations de guerre






    AMELIA ROSSELLI


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    ■ Amelia Rosselli
    sur Terres de femmes

    Adolescenza (+ bio-bibliographie)
    [Filtre entre moi et toi dans la sous-marine une clarté] (poème extrait de La libellula)
    T’aimer et ne rien pouvoir faire d’autre que t’aimer (poème extrait de “Dialogo con i Poeti”, Serie Ospedaliera 1963-1965)
    11 février 1996 | Mort d’Amelia Rosselli (article de Marie Fabre + extraits de Variazioni Belliche, dans une traduction de Marie Fabre)
    Sandro Penna | Un’estate (+ lettre d’Amelia Rosselli à Pier Paolo Pasolini)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions Ypsilon)
    un extrait du Dossier Amelia Rosselli de la Revue Europe (n° 996, avril 2012, pp. 197-201)[PDF]
    → (sur Imperfetta Ellisse)
    la traduction partielle (en italien) de l’article de Marie Fabre publié sur Terres de femmes, traduction accompagnée de poèmes extraits de Variazioni belliche
    → (sur Poezibao)
    un poème d’Amelia Rosselli (extrait de Documento 1966-1973) traduit par AP





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  • Amelia Rosselli |
    T’aimer et ne rien pouvoir faire d’autre que t’aimer



    L’affairement de mes horloges mentales
    Ph., G.AdC





    DIALOGO CON I POETI (brano)


    Amarti e non poter far altro che amarti, inconvenienza
    di cui soffrii una volta e poi non più, per
    poi ricadere. Soffrendoti invitavi: parlare
    più chiaro, lacerare l’aria di piccoli gridi
    ottusi, poi disinfettare l’aria stessa, e
    chiamarla amore anch’essa, che tanto ti divideva
    dalle mie braccia fuse d’invidia, dai miei
    tantrums segreti, dalla tua faccia proclive
    che non biasimava se non quasi, il moi affacendare
    gli orologi della mente intorno al tuo corpo.

    Amare malgrado ottusità, disprezzi
    nati e morti, amare per tutta la lunga via
    che portava al campo dove tu solerte risparmiavi
    le monete gialle, che parlavano d’altri bisticci
    d’altre usure, d’altri incantamenti tutti
    trapiantati in un unico essere se stessi arrampicati
    per un albero. E tenace invitavi: e tenace
    respingevo; la danza dagli orli trapuntati
    il ricamo sì meraviglioso che era non per
    noi che lo sgualcivamo con le nostre tenerezze
    di bassa leva. Non era per noi scendere ai
    patti, non era per voi decidere se quel fil
    di lana portava davvero a quella capanna.

    Vi è solo ombra attorno alla capanna, solo
    monti morti e vuoti attorno al mio segreto
    solo tu con il tuo sguardo puoi prevedere
    questa solitudine che si quesita per tornare
    ancòra, morta sulla preda.



    Amelia Rosselli, “Dialogo con i Poeti”, Serie Ospedaliera 1963-1965, in Le poesie, Garzanti, 1997 ; ried. collana Gli Elefanti, 2007, p. 400. A cura di Emmanuela Tandello. Prefazione di Giovanni Giudici.






    DIALOGUE AVEC LES POÈTES (extrait)


    T’aimer et ne rien pouvoir faire d’autre que t’aimer, inconvénient
    dont je souffris une fois et puis plus du tout, pour
    retomber ensuite. Dans la souffrance de toi tu invitais : parler
    plus clair, lacérer l’air de petits cris
    obtus, puis désinfecter l’air lui-même, et
    l’appeler amour à son tour, lui qui tant te séparait
    de mes bras fondus d’envie, de mes
    tantrums* secrets, de ton visage penché
    qui ne blâmait pas ou presque, l’affairement
    de mes horloges mentales autour de ton corps.

    Aimer malgré les étroitesses d’esprit, les mépris
    nés et morts, aimer durant toute la longue route
    qui mène au champ où empressé tu épargnais
    des pièces jaunes, qui parlaient d’autres fâcheries
    d’autres usures, d’autres enchantements tous
    transplantés en un unique être nous-mêmes
    grimpés sur un arbre. Et tenace tu invitais : et tenace
    je repoussais ; la danse aux ourlets piqués
    la broderie si merveilleuse qui n’était pas pour
    nous qui la froissions avec nos tendresses
    de bas étage. Accepter le compromis n’était
    pas notre affaire, décider si ce fil de laine menait
    vraiment à cette cabane n’était pas votre affaire.

    Il n’y a que l’ombre autour de la cabane, que
    des monts morts et vides autour de mon secret
    il n’y a qu’avec ton regard que tu puisses prévoir
    cette solitude qui se questionne pour revenir
    encore, morte sur sa proie.



    Amelia Rosselli, « Dialogue avec les poètes », in « Dossier Amelia Rosselli, Une brève anthologie », Revue littéraire Europe, n° 996, avril 2012, pp. 215-216. Traduction de Marie Fabre.




    * Tantrum : mot anglais signifiant crise (de colère), accès de rage.

    NOTE d’AP : ancienne élève de l’École normale supérieure (Lettres et Sciences humaines), Marie Fabre est agrégée d’italien. Après un « master 2 » à l’université de Bologne sur Italo Calvino et Elio Vittorini, elle a soutenu en décembre 2012 (sous la direction de Christophe Mileschi, à l’Université Stendhal – Grenoble 3) une thèse de doctorat sur les rapports entre utopie et littérature chez ces mêmes auteurs. Elle a aussi traduit en français les Variazioni belliche d’Amelia Rosselli pour Ypsilon Éditeur, traduction disponible depuis le 3 mai 2012.






    AMELIA ROSSELLI


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    Ph. © Dino Ignani – Tous droits réservés
    Source




    ■ Amelia Rosselli
    sur Terres de femmes

    11 février 1996 | Mort d’Amelia Rosselli (article de Marie Fabre + extraits de Variazioni Belliche, dans une traduction inédite de Marie Fabre)
    Amelia Rosselli | Adolescenza (+ notice bio-bibliographique)
    [Filtre entre moi et toi dans la sous-marine une clarté] (poème extrait de La libellula)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de Ypsilon Éditeur)
    un extrait du Dossier Amelia Rosselli de la Revue Europe (n° 996, avril 2012, pp. 197-201)[PDF]
    → (sur Imperfetta Ellisse)
    la traduction partielle (en italien) de l’article de Marie Fabre paru sur Terres de femmes, traduction accompagnée des poèmes de Variazioni belliche
    → (sur Littérature de partout, le blog de Tristan Hordé)
    un autre poème extrait de « Dialogue avec les poètes » d’Amelia Rosselli, issu du « Dossier Amelia Rosselli », de la Revue littéraire Europe (avril 2012, n° 996)
    → (sur Poezibao)
    un poème d’Amelia Rosselli (extrait de Documento 1966-1973) traduit par AP
    → (sur Les Carnets d’Eucharis)
    un poème d’Amelia Rosselli traduit par Nathalie Riera
    → (sur Fine Stagione)
    Via del corallo (un article de Bernard Simeone sur Amelia Rosselli + plusieurs poèmes)
    → (sur Terres de femmes)
    Sandro Penna | Un’estate (+ Lettre d’Amelia Rosselli à Pier Paolo Pasolini à propos des écrits de Sandro Penna)





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  • Sandro Penna | Un’estate

    «  Poésie d’un jour  »





    UN-ESTATE
    Ph., G.AdC






    UN’ESTATE
    (VI,VII, VIII, IX)



    VI


                                              Era maggio, tremavo l’esplosione
                                              dello zufolo sotto la cerniera…


    VII


                                              Era giugno, io spiavo, era la sera
                                              che nascosto portasti una smorfiosa
                                              su da noi : la tua mano scomparsa nelle sete
                                              cercava il nido della capinera.


    VIII


                                              Luglio come un garzone neghittoso
                                              abbandonato sopra il muricciuolo,
                                              e io a spiegarti : vedi, che tra noi…
                                              e tu distratto, ilare assiuolo.


    IX


                                              Notti d’agosto tra costellazioni
                                              di fanciulli, fiurtivi lungo il lido :
                                              io senza astronomia
                                              ti trovo senza errori, stella mia.







    UN ÉTÉ
    (VI, VII, VIII, IX)


    VI


                                              C’était mai, je tremblais l’explosion
                                              du chalumeau sous la fermeture


    VII


                                              C’était juin, j’épiais, c’était le soir
                                              où en cachette tu apportas une charmeuse
                                              chez nous : ta main disparue dans les soies
                                              cherchait le nid de la fauvette.


    VIII


                                              Juillet comme un commis indolent
                                              abandonné sur le muret,
                                              et moi qui t’explique : tu vois, nous deux…
                                              et toi distrait, petit-duc radieux.


    IX


                                              Nuits d’août parmi les constellations
                                              de garçons, furtifs sur le rivage :
                                              moi sans astronomie
                                              je te trouve sans erreurs, mon étoile.



    Sandro Penna, De la gourmandise [poèmes poste restante], édition bilingue, Үpsilon Éditeur, 2009, pp. 22-29. Traduction : Daniele Comberiati/Etienne Dobenesque.




    PASOLINI-PENNA
    Sandro Penna et Pier Paolo Pasolini
    Ph. © copyright Mario Dondero






    LETTRE D’AMELIA ROSSELLI À PIER PAOLO PASOLINI
    (À PROPOS DE LA RÉÉDITION DES ÉCRITS DE SANDRO PENNA)



    31/10/1968

    Lungotevere Sanzio 5
    00153- Roma


    Caro Pier Paolo,


    Ti scrivo riguardo agli scritti di Sandro Penna, che ho conosciuto bene ultimamente, e che come tu saprai, non sta affatto bene credo da parecchio. Anzi ora non può uscire di casa, e addirittura non esce di letto – lo curano per disintossicarlo: e infatti credo che abbia molto abusato di pillole varie e sonniferi, da anni.

    Mi ha espresso la sua preoccupazione per il libro « Poesie », che non viene ristampato da Garzanti. Mi ha anche detto che nel passato Citati voleva occuparsi a fondo dei suoi scritti, ma che lui stesso per la sua pigrizia (o angoscia) non l’aiutò minimamente. Vorrebbe una ristampa di « Poesie », senza però dover aggiungere altre poesie, o toglierne alcuna (questo invece era quel che suggeriva Bertolucci). So che il suo contratto è del 1957: Penna crede di ricordare che non vi fosse clausola che si riferisse ad una precisa priorità alle ristampe da parte di Garzanti : comunque non sono riuscita a veder il contratto, e non so, nel caso che invece esista questa priorità, per quanti anni valga (20 anni?) (o dieci?)

    Ho suggerito a Mondadori il fare una « opera omnia » delle prose e poesie di Penna. A Penna ciò interesserebbe, ma per ora non vuole, o sopratutto non può, occuparsene. Si tratterebbe di circa 2 volumi.

    Ma certo andrebbe chiarito se Garzanti intende o no ristampare « Poesie ». Vorrei proprio pregarti (anche a nome di Penna) di informarti 1) della clausola – se esiste o no sul contratto 2) se Garzanti sì o no vuole ristampare il testo. E’, del resto, obbligato a prendere una decisione. Nel caso che non volesse ristampare il testo tale e quale, ho l’impressione che a Mondadori interesserebbe assai. Anzi penso proprio che miri a questo libro, ma non voglia scrivere a Garzanti chiedendo della situazione contrattuale, proprio perché teme che Garzanti allora si precipiti a infatti ristampare.

    Penso che sei tu la persona che meglio può informarsi presso Garzanti (come tu sai io non sono più in buoni rapporti con la sua casa editrice). Quel che conta, trovo, è far si che almeno « Poesie » venga ristampato : fu mal distribuito, ed è ora esaurito – è impossibile trovarne una copia da parecchio tempo.

    Quanto ad un eventuale « opera omnia » (l’idea mi sembra molto buona, ma è chiaro che solo Penna può decidere cosa includervi) è da proporsi per più tardi : Penna mi dice ripetutamente che per ora non sta abbastanza bene. Trovo che in ogni caso il ristampare « Poesie » senza chiedere cangiamenti non graditi a Penna, sia necessariamento – e doveroso.

    Vorrei eventualmente interessarmi all’« opera omnia », quando Penna si rimetterà. Questo nel senso di aiutarlo nelle cose pratiche, nel prendere contatti ecc. Per me è indifferente con quale editore Penna voglia eventualmente pubblicarla (non lavoro per alcun editore come consulente) : suppongo che a Garzanti non interessi. Nel caso però che anche a Garzanti più tardi una impresa simile possa attrarre io però dovrei « dilequarmi » (per i sopramenzionati « cattivi rapporti »…).

    Spero proprio d’aver qualche notizia, oppure che tu possa telefonare a Penna dandogli chiarimenti o buone notizie per « Poesie ».

    Il mio nuovo numero di telefonico è : 5813890
    ti ringrazio –
    con molti auguri


    Amelia Rosselli




    Amelia Rosselli, Lettere a Pasolini 1962-1969, a cura di Stefano Giovannuzzi, Edizioni San Marco dei Giustiniani in Genova, 2008, pp. 57-58-59.






    ■ Sandro Penna
    sur Terres de femmes


    L’automne me parle déjà
    Chroniques de printemps (+ notice bio-bibliographique)
    [Nuit : rêve de fenêtres] (poème extrait de Croix et délice)
    [La vie… c’est se souvenir d’un réveil]




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur italialibri) une
    bio-bibliographie (en italien) sur Sandro Penna
    → (sur Imperfetta Ellisse) une
    note très pertinente (en italien) de Giacomo Cerrai à propos du centenaire de la naissance de Sandro Penna
    → (sur Terres de femmes)
    11 février 1996 | Mort d’Amelia Rosselli






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  • 11 février 1996 | Mort d’Amelia Rosselli

    Éphéméride culturelle à rebours
    Invitée du jour : Marie Fabre



    Amelia Rosselli 3
    Source








    PER AMELIA ROSSELLI


    Amelia Rosselli se suicide, dans l’après-midi du dimanche 11 février 1996, du haut d’une mansarde de la via Del Corallo à Rome. Trente-trois ans, jour pour jour, après le suicide de Sylvia Plath (11 février 1963).






    « Ce n’est plus le moi qui est dans l’histoire, mais c’est l’histoire qui est maintenant dans le moi. »


    On range souvent Amelia Rosselli aux côtés de Sylvia Plath, dont elle fut la traductrice italienne, dans la catégorie de la « poésie confessionnelle » féminine. Cette catégorie est pratique, mais un peu facile, puisqu’elle permet, à la faveur de similitudes thématiques et stylistiques certaines, d’éluder au moins deux éléments qui font toute la spécificité d’Amelia Rosselli dans le paysage poétique italien, et au-delà. Ces deux éléments sont intimement liés dans la vie et dans la poésie de Rosselli : ce sont l’histoire de la Seconde Guerre mondiale et le plurilinguisme. La portée de l’autobiographisme rossellien, les voix, les déchirements et les obsessions qui le traversent, ne peuvent se comprendre qu’à partir de cette histoire, qui est aussi directement celle de la langue du poète.

    Amelia Rosselli est née le 28 mars 1930, à Paris, de Carlo Rosselli, fondateur avec son frère Nello Rosselli du mouvement antifasciste « Giustizia e Libertà », et d’une mère anglaise, Marion Cave. Carlo Rosselli et son frère avaient été obligés de fuir l’Italie fasciste, continuant en France leur activité politique avant de se joindre aux troupes républicaines pendant la guerre d’Espagne, puis de revenir à Paris, Carlo étant blessé. En 1937, les deux frères sont sauvagement assassinés par les fascistes, laissant Marion Cave et ses deux enfants seuls à Paris. C’est le début d’une longue fuite en avant, dans laquelle se passent l’enfance et l’adolescence d’Amelia Rosselli : la famille se réfugie d’abord en Suisse, puis, chassée par l’arrivée des nazis en France, arrive en Angleterre, et va enfin s’installer aux États-Unis en passant par le Canada. De cette naissance en exil et de cette enfance passée sous les bombardements, dans de continuels déplacements, la poésie de Rosselli garde de nombreuses traces – et sa langue en porte définitivement la marque, divisée entre le français, l’anglais et l’italien. Elle récuse ainsi la définition de Pasolini qui parlait à son sujet de cosmopolitisme : « Est cosmopolite qui choisit de l’être. Nous n’étions pas cosmopolites, nous étions des réfugiés », et se définit comme « fille de la Seconde Guerre mondiale ». Comme le dit justement Alessandro Baldacci, « le plurilinguisme rossellien n’est pas le signe d’une festive vitalité de la langue, ce n’est pas un euphorique jeu babélique » : c’est la marque de la persécution, de l’appartenance perdue, dont la poésie d’Amelia Rosselli gardera toujours la trace, la violence et peut-être surtout le rythme.



    Traduire une traductrice


    Le retour d’Amelia en Italie n’advient qu’au début des années 1950, et c’est à ce moment-là que sa passion pour la musique, dont elle possède la pratique et la théorie à un très haut niveau, cède très progressivement le pas à sa seconde passion, la poésie. Elle commence à écrire dans les trois langues, puis livre avec La Libellula, en 1958, son premier long poème composé entièrement en italien. Ses premières tentatives d’écriture dans les trois langues sont marquées par de nombreuses contaminations, glissements d’une langue à l’autre, autotraductions. Mais ce processus de traduction spontanée ne cesse pas avec le passage à l’italien comme langue poétique unique : Rosselli intègre dans le corps de sa Libellula de nombreuses citations, littérales ou altérées, d’auteurs étrangers et italiens qu’elle connaît dans le texte, avec entre autres Lautréamont, Rimbaud, Shakespeare, Montale, Campana, Rilke ou encore Mallarmé. Les Variazioni Belliche, écrites sous le signe de Kafka, comportent elles aussi de nombreuses citations – par exemple un Français reconnaîtra aisément des expressions, des procédés ou des vers entiers empruntés à Rimbaud et retranscrits en italien. Son éducation et ses influences en font déjà un cas particulier en Italie : alors que les poètes italiens sont en dialogue constant avec leur tradition poétique nationale, on sent qu’Amelia Rosselli puise à des sources multiples (poésie anglo-saxonne et française) et que la tradition italienne n’est pas son unique berceau, même si elle l’étudie avec acharnement dès son retour en Italie.

    Ce rapport de semi-étrangère avec la langue italienne est l’une des grandes originalités de sa poésie, où elle conserve volontairement des fautes de grammaire, des éléments de syntaxe française ou anglaise traduits littéralement, ou encore un grand nombre de néologismes – ce qui la rend parfois si difficile à traduire. Mais plus profondément, c’est toute sa poésie qui est marquée par ce travail de la langue italienne comme quelque chose d’« extérieur » : sa manière de saisir et de réutiliser des expressions idiomatiques, d’en court-circuiter le sens, de rapprocher des mots incongrus sur la base de leur sonorité. Pasolini encore, dans son introduction de 1963 à la poésie de Rosselli (dans Il Menabò), avait parlé de « lapsus » à l’intérieur du texte – mais ces altérations des sonorités, ces glissements de sens sont bien un choix poétique conscient.

    Ce rapport à la langue fait d’Amelia Rosselli un cas unique dans la poésie italienne, car si la littérature française a été marquée par plusieurs cas d’auteurs étrangers écrivant en français, si bien que Deleuze a pu théoriser cette spécificité avec le « balbutiement » de Ghérasim Luca, Amelia Rosselli est à ma connaissance le seul écrivain à avoir choisi l’italien parmi d’autres langues, et à l’avoir enrichi par cette approche de plurilingue.



    Variazioni belliche


    Inédits en français*, les poèmes de Variazioni belliche ont probablement été écrits entre 1958 et 1961 ; ils constituent le premier recueil (169 poèmes) complet de l’auteur en italien. Comme dans deux autres de ses recueils, Serie ospedaliera et Impromptu, le titre met en avant un genre musical qui sera exploité comme modèle durant tout le livre. On a déjà dit qu’Amelia Rosselli avait une grande passion pour la musique (surtout pour la musique contemporaine), passion éclatante dans sa poésie, qu’elle semble travailler visuellement et rythmiquement à la manière d’une partition – par ailleurs il suffit d’entendre un enregistrement d’Amelia Rosselli lisant ses poèmes, ou de faire soi-même l’expérience d’une lecture à voix haute, pour savoir à quel point cette poésie se transforme vite en un chant tantôt entraînant, tantôt discordant. N’oublions pas que juste après ce recueil, l’auteur publie Spazi metrici, un article théorique où elle indique la nouvelle méthode de versification et la technique typographique à partir desquelles elle compose ses poèmes. Variazioni belliche est ainsi construit comme une série de « variations » autour de thèmes, expressions, mots, motifs rythmiques qui reviennent de manière récurrente, cyclique, dans tout le livre. Les variations se déploient aussi à l’intérieur même des poèmes, à travers un procédé anaphorique récurrent, dont on pourra se rendre compte dans les traductions. Les thèmes fondamentaux du recueil sont la relation amoureuse, entre méfiance et désir de fusion, la recherche spirituelle et morale, les traces de la guerre. Sa poésie est incroyablement violente, dramatique, parfois mystique, et intègre en même temps des éléments d’ironie, de parodie ou de sarcasme surprenant. Ce mélange de passion torturée, presque innocente, et de distance ironique restera l’un des traits fondamentaux de la poésie de Rosselli.


    Marie Fabre
    D.R. Texte inédit Marie Fabre
    pour Terres de femmes




    ______________________________________________________
    * Note d’AP : depuis la mise en ligne de cet article (février 2009), Marie Fabre a entrepris la traduction en français des Variazioni belliche pour les éditions Ypsilon. Cette traduction est disponible en librairie, sous le titre Variations de guerre, depuis le 3 mai 2012.











    EXTRAITS DE VARIAZIONI d’AMELIA ROSSELLI





    1  Un rebelle défait par sa propre disposition
    Ph., G.AdC





    Negli alberi fruttiferi della vita si
    dibatteva l’ultima mosca. Un ribelle
    disfatto dalla sua propria disposizione
    al bene si sorvegliava ansioso di finirla
    con il male. Il mondo sorvegliava molto
    stanco della prigionia. La sua propria
    disposizione al bene lo imprigionava.


    Amelia Rosselli, Variazioni (1960-1961) in Variazioni Belliche, Le poesie, Garzanti, 1997 ; ried. collana Gli Elefanti, 2007, p. 254. A cura di Emmanuela Tandello. Prefazione di Giovanni Giudici.


    Dans les arbres fruitiers de la vie se
    débattait la dernière mouche. Un rebelle
    défait par sa propre disposition
    au bien se surveillait impatient d’en finir
    avec le mal. Le monde surveillait très
    las de l’emprisonnement. Sa propre
    disposition au bien l’emprisonnait.


    Traduction inédite de Marie Fabre










    2  amères déceptions
    Ph., G.AdC





    Se non è noia è amore. L’intero mondo carpiva da me i suoi
    sensi cari. Se per la notte che mi porta il tuo oblio
    io dimentico di frenarmi, se per le tua evanescenti braccia
    io cerco un’altra foresta, un parco, o un avventura: ―
    se per le strade che conducono al paradiso io perdo la
    tua bellezza : se per i canili ed i vescovadi del prato
    della grande città io cerco la tua ombra: ― se per tutto
    questo io cerco ancora e ancora: ― non è per la tua fierezza,
    non è per la mia povertà: ― è per il tuo sorriso obliquo
    è per la tua maniera di amare. Entro della grande città
    cadevano oblique ancora e ancora le maniere di amare
    le delusioni amare.



    Amelia Rosselli, Variazioni, op. cit. supra, p. 292.



    Si ce n’est ennui c’est amour. Le monde entier m’arrachait ses
    chers sens. Si dans la nuit qui m’apporte ton oubli
    j’oublie de me freiner, si dans tes bras évanescents
    je cherche une autre forêt, un parc, ou une aventure : ―
    si dans les routes qui mènent au paradis je perds
    ta beauté : si dans les chenils et les évêchés du pré
    de la grande ville je cherche ton ombre : ― si dans tout
    cela je cherche encore et encore : ― ce n’est pas pour ta fierté
    ce n’est pas pour ma pauvreté : ― c’est pour ton sourire oblique
    c’est pour ta manière d’aimer. Dedans la grande ville
    tombaient obliques encore et encore les manières d’aimer
    les amères déceptions.


    Traduction inédite de Marie Fabre










    3  tes yeux simulaient le braquage
    Ph., G.AdC





    Per tutto l’inverno che fu come un gelo tra le
    tue braccia io fuggivo desolata per una vasta, grande
    pianura color ambra. Non era per gelosia che sfumavano
    le grandi ombre dei grattacieli; non era per il
    gelo che io disdegnavo l’amico. Disegnavo attentamente
    grandi trionfi che sfumavano anch’essi al primo
    vano apparire del sole. Il sole forse era la tua
    ombra sagace e sadica, la tua mano era piena di ombre
    e i tuoi occhi simulavano la rapina, il sale e
    i trionfi.

    Arrestandomi su dei marciapiedi guardavo attentamente
    muoversi il fiume. Non era chiaro se la città
    si vendicasse!



    Amelia Rosselli, Variazioni, op. cit. supra, p. 321.




    Pendant tout l’hiver qui fut comme un gel entre tes
    bras je fuyais désolée à travers une vaste, grande
    plaine couleur ambre. Ce n’était pas par jalousie que s’estompaient
    les grandes ombres des gratte-ciels ; ce n’était pas à cause du
    gel que je dédaignais l’ami. Je dépeignais attentivement
    de grands triomphes qui s’estompaient eux aussi à la première
    vaine apparition du soleil. Le soleil peut-être était ton
    ombre sagace et sadique, ta main était pleine d’ombres
    et tes yeux simulaient le braquage, le sel et
    les triomphes.

    En m’arrêtant sur des trottoirs je regardais attentivement
    le fleuve se mouvoir. Il n’était pas clair que la ville
    se vengeât !


    Traduction inédite de Marie Fabre










    4  une lanterne pour mes yeux obliques
    Ph., G.AdC





             Tutto il mondo è vedovo se è vero che tu cammini ancora
    tutto il mondo è vedovo se è vero! Tutto il mondo
    è vero se è vero che tu cammini ancora, tutto il
    mondo è vedovo se tu non muori! Tutto il mondo
    è mio se è vero che tu non sei vivo ma solo
    una lanterna per i miei occhi obliqui. Cieca rimasi
    dalla tua nascita e l’importanza del nuovo giorno
    non è che notte per la tua distanza. Cieca sono
    chè tu cammini ancora! Cieca sono che tu cammini
    e il mondo è vedovo e il mondo è cieco se tu cammini
    ancora aggrappato ai miei occhi celestiali.



    Amelia Rosselli, Variazioni, op. cit. supra, p. 333.



             Le monde entier est veuf s’il est vrai que tu marches encore
    le monde entier est veuf si c’est vrai ! Le monde entier
    est vrai s’il est vrai que tu marches encore, le monde
    entier est veuf si tu ne meurs pas ! Le monde entier
    est à moi s’il est vrai que tu n’es pas vivant que tu n’es
    qu’une lanterne pour mes yeux obliques. Je suis restée aveugle
    depuis ta naissance et l’importance d’un jour nouveau
    ne m’est que nuit dans ta distance. Je suis aveugle
    parce que tu marches encore ! Je suis aveugle parce que tu marches
    et le monde est veuf et le monde est aveugle si tu marches
    encore agrippé à mes yeux célestiels.


    Traduction inédite de Marie Fabre


    Photos (4), G.AdC





    ___________________________________________________________
    NOTE d’AP : ancienne élève de l’École normale supérieure (Lettres et Sciences humaines), agrégée d’italien, Marie Fabre est depuis 2013 maître de conférences en études italiennes à l’ENS de Lyon. Après un « master 2 » à l’université de Bologne sur Italo Calvino et Elio Vittorini, elle a soutenu en décembre 2012 (sous la direction de Christophe Mileschi, à l’Université Stendhal – Grenoble 3) une thèse de doctorat sur les rapports entre utopie et littérature chez ces mêmes auteurs. Marie Fabre a aussi participé à un dossier “Amelia Rosselli” pour la revue littéraire Europe (n° 996 | avril 2012) [pp. 216-223] et traduit en français l’intégralité des Variazioni Belliche d’Amelia Rosselli, traduction disponible aux éditions Ypsilon depuis le 3 mai 2012.







    Rosselli






    ■ Amelia Rosselli
    sur Terres de femmes

    Adolescenza (+ bio-bibliographie)
    [Filtre entre moi et toi dans la sous-marine une clarté] (poème extrait de La libellula)
    [La tua debolezza è la mia vittoria] (poème extrait de Variazioni Belliche + traduction française par Marie Fabre)
    T’aimer et ne rien pouvoir faire d’autre que t’aimer (poème extrait de “Dialogo con i Poeti”, Serie Ospedaliera 1963-1965)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions Ypsilon)
    un extrait du Dossier Amelia Rosselli de la Revue Europe (n° 996, avril 2012, pp. 197-201)[PDF]
    → (sur libr-critique)
    Amelia Rosselli, Variations de guerre, par Jean-Nicolas Clamanges (7 juin 2013)
    → (sur Imperfetta Ellisse)
    la traduction partielle (en italien) de l’article de Marie Fabre, accompagnée des poèmes de Variazioni belliche
    → (sur Imperfetta Ellisse)
    deux poèmes d’Amelia Rosselli traduits en corse par Nurbertu Paganelli
    → (sur Poezibao)
    un poème d’Amelia Rosselli (extrait de Documento 1966-1973) traduit par AP
    → (sur Les Carnets d’Eucharis)
    un poème d’Amelia Rosselli traduit par Nathalie Riera
    → (sur Terres de femmes)
    un autre article de Marie Fabre sur L’Art de la joie de Goliarda Sapienza





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    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Amelia Rosselli | Adolescenza

    «  Poésie d’un jour  »



        Terres de femmes propose ci-dessous deux poèmes écrits en français par Amelia Rosselli et traduits en italien par Giacomo Cerrai. Ces poèmes, extraits d’« Adolescence » (Esercizi poetici 1954-1961, in A.R., le poesie, Garzanti, 2007) ont été initialement publiés dans le recueil Primi scritti 1952-1963 (Guanda, 1980).





    Retrouvemoi_sous_les_pieds_des_ga_2
    Ph., G.AdC







                                                       I


    Que c’est drôle je parle et je parle avec le moi-même
    en me disant que c’est beau le ventre le bras nu
    d’une femme même d’un homme
    et les énormes arbres du quartier gras.
    Gentiment gentiment pousse-t’il la bicyclette
    muette. Sa femme cherche une pharmacie elle est de très mauvaise
    humeur il pousse la bicyclette-bonheur ;
    bonheur bonheur retrouve-moi sous les pieds des géantes
    marines aux pieds des géantes
    femmes aux bras tendus flaccides
    du quartier gros, promène-toi à la table avec la bouteille de bière
    en face, brune.


    (1954)



    Che buffo io parlo e parlo con me stessa
    dicendomi che bello il ventre il braccio nudo
    d’una donna così come d’un uomo
    e gli enormi alberi del quartiere grasso.
    Gentilmente gentilmente spingi la bicicletta
    muta. Sua moglie cerca una farmacia è d’un cattivo
    umore lui spinge la bicicletta-felicità;
    felicità felicità ritrovami sotto i piedi dei giganti
    marine ai piedi dei giganti
    donne dalle flaccide braccia tese
    del quartiere grosso, vai a spasso alla tavola con la bottiglia di birra
    in faccia, bruna.



    Traduction inédite de Giacomo Cerrai.





                                                 II


    maintenant tu t’en vas de la table de l’hôte
    ça ne finira jamais cette promenade
    poétique et les grandes palmes qui te regardent
    de derrière un mur bas. La palme est haute
    la maison-bureau plus haute encore elle sert de fond
    puis les frondaisons lui piquent le toit et ensuite
    le ciel qui ne dit jamais rien de superflu
    car il parle par allusions. Les oiseaux pointus
    montent la garde en couples sont appelés en mission
    de quartier en quartier. Moi je tombe de sommeil
    ne résiste plus m’en vais. Comment faire
    sinon vivre jusqu’à en mourir jeune ?


    (1954)



    ora te ne vai dalla tavola dell’ospite
    questo non finirà mai questa passeggiata
    poetica e le grandi palme che ti guardano
    da dietro un basso muro. La palma è alta
    la casa-ufficio ancor più alta essa serve da sfondo
    poi il fogliame le punge il tetto e ancora
    il cielo che non dice mai niente di superfluo
    perchè parla per allusioni. Gli uccelli puntuti
    montano la guardia a coppie sono chiamati in missione
    di quartiere in quartiere. E io casco dal sonno
    non resisto più me ne vado. Come fare
    se non vivere fino a morirne giovane?



    Traduction inédite de Giacomo Cerrai.



    Amelia Rosselli, Adolescenza, Esercizi poetici 1954-1961, Primi Scritti, Guanda, 1980 in Amelia Rosselli, Le poesie, Garzanti, 1997 ; ried. collana Gli Elefanti, 2007, pp. 35-36. A cura di Emmanuela Tandello. Prefazione di Giovanni Giudici.







    Amelia_rosselli
    Ph. © Dino Ignani – Tous droits réservés
    Source







    BIO-BIBLIOGRAPHIE


    Biographie


    Née à Paris le 28 mars 1930 d’une mère d’origine anglaise (Marion Cave) et d’un leader antifasciste italien exilé en France (Carlo Rosselli, fils de l’écrivaine et dramaturge vénitienne Amelia Pincherle Moravia et fondateur du mouvement Giustizia e libertà), Amelia Rosselli assiste au double homicide de son père Carlo et de son oncle (Nello Rosselli). Le 9 juin 1937 à Bagnoles-de-l’Orne (Normandie). Un assassinat commandité par Galeazzo Ciano et Benito Mussolini, et perpétré par un commando de neuf cagoulards (miliciens fascistes). Traumatisée par ces morts violentes, Amelia Rosselli reste psychiquement marquée à vie. Régulièrement accueillie dans des hôpitaux psychiatriques pour dépression nerveuse, Amelia Rosselli se dit aussi atteinte, à partir de 1969, de la maladie de Parkinson.

    Après avoir effectué de nombreux déplacements entre l’Europe et les États-Unis, Amelia Rosselli s’installe en Italie en 1948. À Florence d’abord, puis à Rome. Elle partage son temps entre les études ― littérature, philosophie, mathématiques ― , la recherche musicale (à Darmstadt, elle côtoie John Cage dont elle devient l’amie) et la traduction. Elle traduit notamment les œuvres d’Emily Dickinson et de Sylvia Plath. Dans le même temps, elle se lie d’amitié avec Rocco Scotellaro (qui l’introduit dans le milieu littéraire romain), Carlo Levi, Niccolò Gallo, Renato Guttuso.

    À la fois musicienne et poète, Amelia Rosselli commence à écrire en 1950. Elle poursuit l’objectif de « faire du poème une pièce poétique ». Dans son essai Spazi metrici (1962, publié dans Variazioni belliche, 1964), Amelia Rosselli déclare n’avoir jamais dissocié, dans son travail sur la langue, problématique musicale et forme poétique. La recherche d’un langage universel qui coïnciderait avec la libération immédiate, à l’intérieur de la langue, des mécanismes psychiques profonds présidant à sa formation, aboutit à une sorte « d’esperanto émotif », à peine contrôlé par la conscience.

    Le poème « La libellula », écrit en 1958 (publié en 1969 dans le recueil Serie ospedaliera, puis en 1985 chez Sellerio), rend compte de l’originalité de « l’expérience associative » à laquelle Amelia Rosselli est attachée. L’expérience privée d’un plurilinguisme « apatride », associée à des lectures personnelles très poussées, contribuent à l’élaboration d’une écriture poétique très particulière, qu’Elio Vittorini sera l’un des premiers à reconnaître, et Pasolini à définir ; la qualifiant d’« écriture de lapsus » dans l’avant-propos de la publication de vingt-quatre des poèmes d’Amelia Rosselli (revue littéraire Il Menabò 6, Giulio Einaudi Editore, Torino, 1963). Lapsus comme « erreur créatrice » ou révolution sémantique, cette poésie écrite-parlée rend compte, à la manière d’un décalque, du désarroi métaphysique qui conduira Amelia Rosselli au suicide, dans l’après-midi du dimanche 11 février 1996, du haut d’une mansarde de la via Del Corallo à Rome. Trente-trois ans, jour pour jour, après celui de Sylvia Plath (11 février 1963).




    Bibliographie


    Les œuvres d’Amelia Rosselli ont d’abord été publiées dans des revues. Puis rassemblées dans différents recueils. Variazioni belliche* voit le jour chez Garzanti en 1964 (avec une postface de Pier Paolo Pasolini). Viennent ensuite :
    Serie ospedaliera [comprenant le poemetto « La Libellule »] (Il Saggiatore-Alberto Mondadori, Milano, 1969) ;
    Documento 1966-1973 (Garzanti, 1976) ;
    Primi scritti 1952-1963 (Guanda, Parma, 1980) ;
    Impromptu (Edizioni San Marco dei Giustiniani, Genova, 1981, rééd. 2003** ; trad. fr. Éd. Les feuillets de Babel, 1987. Traduction de Jean-Charles Vegliante) ;
    Appunti sparsi e persi 1966-1977 (Cooperativa Editoriale Ælia Lælia, Parma, 1983 ; Edizioni Empirìa, collana Sassifraga, Roma, 1997) ;
    La libellula (Sellerio Editore, Milano, 1985 ; ried. 1996 ; trad. fr. Ypsilon Éditeur, 2014. Traduction et postface de Marie Fabre) ;
    Antologia poetica (Garzanti, 1987. Édition établie par Giacinto Spagnoletti. Préface de Giovanni Giudici) ;
    Sleep. Poesie in inglese [1953-1966]*** (Rossi & Spera, Roma, 1989 ; Garzanti, 1992. Traduites en italien par Antonio Porta et Emmanuela Tandello sous la supervision de l’auteure ; Sonno-Sleep, Edizioni San Marco dei Giustiniani, Collana Quaderni del tempo, Genova, 2003. Préface de Nino Lorenzini) ;
    Diario ottuso 1954-1968 [unique livre de prose publié par Amelia Rosselli] (IBN [Istituto Bibliografico Napoleone] Éditions, collana La ruota, Roma, 1990. Préface d’Alfonso Berardinelli ; Edizioni Empirìa, collana Euforbia, Roma, 1996) ;
    Le poesie (Garzanti, 1997 ; ried. collana Gli Elefanti, 2007. Préface de Giovanni Giudici. Édition établie par Emmanuela Tandello) ;
    Una scrittura plurale. Saggi e interventi critici (Interlinea, collana Biblioteca di Autografo, Novara, 2004. Édition établie par Francesco Caputo) ;
    La furia dei venti contrari, Variazioni Amelia Rosselli. Con testi inediti e dispersi dell’autrice (Le Lettere, Collana Fuori Formato, Firenze, 2007. Édition établie par Andrea Cortellessa) ;
    Lettere a Pasolini, 1962-1969 (Edizioni San Marco dei Giustiniani, collana Quaderni del tempo, Genova, 2008. Édition établie par Stefano Giovannuzzi).


    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli




    * Une traduction française de Variazioni belliche est disponible depuis le 3 mai 2012 : Amelia Rosselli, Variations de guerre (+ 14 photos), Ypsilon Éditeur, 2012. Traduit de l’italien par Marie Fabre | Préface de Jean-Baptiste Para | « Note sur Amelia Rosselli » par Pier Paolo Pasolini. ISBN 978-2-35654-020-1.
    ** Cette réédition est accompagnée d’un CD audio où l’on peut entendre la voix d’Amelia Rosselli lisant l’intégralité de ce poemetto.
    *** Un des poèmes (non inclus dans l’édition italienne) a été traduit en français par Jean-Charles Vegliante pour Le Nouveau Recueil n° 87, octobre 2008. On ne peut que regretter que ne nous soient pas communiqués en regard l’original en anglais et la traduction en italien qu’en avait faite Amelia Rosselli elle-même (une question de droits probablement…). Les privilégiés pourront cependant les retrouver dans l’Italian Poetry Review, 2007, N°2, pp. 40-45, publiée par la SEF (Società Editrice Fiorentina).





    AMELIA ROSSELLI


    Amelia_rosselli
    Ph. © Dino Ignani – Tous droits réservés
    Source



    ■ Amelia Rosselli
    sur Terres de femmes

    [Filtre entre moi et toi dans la sous-marine une clarté] (poème extrait de La libellula dans une traduction française de Marie Fabre)
    [La tua debolezza è la mia vittoria] (poème extrait de Variazioni Belliche + traduction française par Marie Fabre)
    T’aimer et ne rien pouvoir faire d’autre que t’aimer (poème extrait de “Dialogo con i Poeti”, Serie Ospedaliera 1963-1965)
    11 février 1996 | Mort d’Amelia Rosselli (article de Marie Fabre + extraits de Variazioni Belliche, dans une traduction de Marie Fabre)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur YouTube)
    Amelia Rosselli lisant en français trois des neuf poèmes d’Adolescence, dont les deux poèmes ci-dessus (lecture du 13 avril 1987)
    → (sur le site des éditions Ypsilon)
    un extrait du Dossier Amelia Rosselli de la Revue Europe (n° 996, avril 2012, pp. 197-201)[PDF]
    → (sur Imperfetta Ellisse)
    les deux poèmes d’Amelia Rosselli ci-dessus, traduits en corse par Nurbertu Paganelli
    → (sur Rai-TV Radioscrigno)
    d’exceptionnelles archives sonores, dont l’étonnante lecture d’un extrait de Sleep par Amelia Rosselli
    → (dans l’anthologie permanente de Poezibao)
    un extrait de Documento 1966-1973 d’Amelia Rosselli (traduction inédite d’Angèle Paoli)
    → (sur le site de l’Unità)
    « Amelia Rosselli, rivoluzionaria della poesia » par Lello Voce
    → (sur trickster)
    « La traduction chez Amelia Rosselli | Entre désappropriation et appropriation linguistique », par Sarah Ventimiglia





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