Étiquette : américain


  • Layli Long Soldier | wahpániča



    Whereas X NB








    WAHPANICA
    (extrait)





    Je commence une ligne au sujet de buttes blanches d’où penchent des visages ciselés aux paupières de pierre cliquetant la nuit, mais j’abandonne. À la place je pousse mon amour dans ce monde et t’envoie une lettre estivale. De la boîte aux lettres à la porte, tu lis les virgules à voix haute. Je suis devenue une épouse d’eau embouteillée virgule eye-liner noir au cil virgule et manches aux poignets. Ces semaines seule seule seule virgule je tire mon corps vers une table aux chaises vides et parfois je ne peux contrôler l’impulsion de commander. Seule seule j’ordonne assieds-toi virgule mange virgule et j’écris en détail pour faire taire un écho virgule la rupture d’une ligne de faille.

    *

    Je voulais écrire au sujet de wahpániča un mot traduit en anglais par pauvre virgule ce qui signifie plus précisément être dans la misère n’avoir rien à soi. Mais cette nuit je ne peux me résoudre à balancer un marteau usé sur la pauvreté afin de frapper les conditions de cette lente frustration. Alors je demande quoi d’autre est là à entendre ? Une virgule m’apprend à diviser une phrase. À m’arrêter. La virgule exige une séquence d’éléments la virgule est césure elle-même. La virgule m’interrompt, silencieuse.

    *

    Jour de la fête des pères virgule je ne suis pas avec toi. Mes yeux fixent une photo noir et blanc de toi virgule mon mari vêtu d’une chemise violette virgule tes cheveux attachés en arrière et tes yeux sur le visage de notre fille endormie. Quand j’écris virgule je m’approche des gens que je veux connaître virgule du langage que je veux parler.

    […]

    Parce que wahpániča signifie n’avoir rien à soi. Rien. Pourtant j’ai l’intention que la virgule signifie ce que nous avons donc je me ralentis pour me souvenir que c’est vrai un enfant réussit mieux quand lié étroitement à un parent avant l’âge de cinq ans virgule intimement. Près de toi virgule notre fille ferme les yeux et vous reposez vos têtes lacs bleu-noir virgule un verre historique renversé sur l’oreiller. Elle le gardera. Et s’il est vrai que ce qui débute comme souci doublera dans le temps soulèvera sa tête comme un point à notre phrase alors j’admets que je réussis mieux avec la musique entre les variations de la voix qui s’élève et monte et descend. Néanmoins je fouille dans mes poches commode tiroirs bibliothèque virgule cueillette méticuleuse virgule parce que je dois l’écrire pour le voir virgule je supplie le dictionnaire d’apprendre un mot pour pauvre virgule dans un langage que j’ose appeler mon langage virgule qui suis-je. Frisson envahissant ma bouche barbouillée simplement de l’huile à la surface virgule parce que je me sens wahpániča je me sens seule. Mais c’est une traduction débordante pour comment je ne réussis pas à dire ce que j’ai à l’esprit virgule la douleur méta-locutoire d’être pauvre en langue.




    Layli Long Soldier, « Première partie, Voici les préoccupations », Attendu que, éditions Isabelle Sauvage, Collection « Chaos », 29410 Plounéour-Ménez, 2020, pp. 53-54. Traduit de l’anglais (américain) par Béatrice Machet.





    Attendu que couv






    I begin a line about white buttes that bend chiseled faces and click stone eyelids at night, but abandon it. Instead, I push my love into this world and mail you a summer letter. From mail-box to door, you read the commas aloud. I’ve become a wife of bottled water comma black liner at the lash comma and sleeves to the wrist. These weeks alone alone alone comma I pull my body to a table of empty chairs and sometimes I cannot stop the impulse to command. Alone alone I instruct sit down comma eat up comma and I write in detail to hush an echo comma the rupture of a fault line.

    *

    I wanted to write about wahpániča a word translated into English as poor comma which means more precisely to be destitute to have nothing of one’s owns. But tonight I cannot bring myself to swing a worn hammer at poverty to pound the conditions of that slow frustration. So I ask what else is there to hear? A comma instructs me to divide a sentence. To pause. The comma orders a sequence of elements the comma is caesura itself. The comma interrupts me with, quiet.

    *

    Father’s day comma I am not with you. I stare at a black-and-white photo of you comma my husband in a velvet shirt comma your hair tied back and your eyes on the face on our sleeping daughter. When I write comma I come closer to people I want to know comma to the language I want to speak.

    […]

    Because wahpániča means to have nothing of one’s own. Nothing. Yet I intend the comma to mean what we do possess so I slow myself to remember it’s true a child performs best when bonded with a parent before the age of five closely comma intimately. Next to you comma our daughter closes her eyes and you rest your heads blue-black lakes comma historic glass across the pillow. She’ll keep this. And if it’s true that what begins as trouble will double over to the end will raise its head as a period to our sentence then I admit I perform best to the music inbetween the rise and fall of the voice. Nevertheless I dig through my pockets dresser drawers bookshelves comma meticulous picking comma because I must write it to see it comma how I beg from a dictionary to learn our word for poor comma in a language I dare to call my language comma who am I. A sweeping chill my stained mouth just oil at the surface comma because I feel wahpániča I feel alone. But this is a spill-over translation for how I cannot speak my mind comma the meta-phrasal ache of being language poor.




    Layli Long Soldier, Wahpániča, Whereas, Graywolf Press, Minneapolis, Minnesota 55401, 2017, pp. 43-44.





    Whereas finalist[…]



    LAYLI LONG SOLDIER


    Layli-Long-Soldier
    Source




    ■ Voir | écouter aussi ▼


    → (sur le site des éditions Isabelle Sauvage)
    une fiche bio-bibliographique sur Layli Long Soldier
    → (sur le site des éditions Isabelle Sauvage)
    la fiche de l’éditeur sur Attendu que
    → (sur Harvard Review Online)
    Whereas by Layli Long Soldier reviewed by Michael Wasson
    → (sur YouTube)
    Poet Layli Long Soldier reads from Whereas (poem 38)
    → (sur YouTube)
    Layli Long Soldier | Whereas || Radcliffe Institute (The poet and artist Layli Long Soldier presents Whereas, a poetry reading [6:26] and discussion featuring Nick Estes [45:24])





    Retour au répertoire du numéro de novembre 2020
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Galway Kinnell | Vente aux enchères


    THE AUCTION



    My wife lies in another dream.
    The quilt covers her like a hill
    of neat farms, or map of the township
    that is in heaven, each field and pasture
    its own color and sufficiency,
    every farm signed in thread
    by a bee-angel of those afternoons,
    the tracks of her inner wandering.
    In this bed spooled out of rock maple plucked
    from the slopes above the farm, saints
    have lain side by side, grinding their
    teeth square through the winter nights,
    or tangled together, the swollen
    flesh finding among the gigantic
    sleep-rags the wet vestibule, jetting
    milky spurts into the vessel
    as secret as that amethyst glass
    glimpsed once overlaid with dust
    in the corner of an attic.



    Galway Kinnell, “The Auction”, I, When One Has Lived a Long Time Alone, Alfred A. Knopf Inc., New York, NY 10019, 1990, p. 12.






    Galway Kinnell  When One Has Lived a Long Time Alone







    VENTE AUX ENCHÈRES



    Ma femme se repose dans un autre rêve.
    L’édredon la recouvre, forme une colline
    aux fermes proprettes, évoque la carte d’un village
    au paradis : chaque champ, chaque pâturage,
    est doté de couleurs et de ressources siennes,
    chaque ferme signée du fil d’une tisseuse —
    ange-abeille de ces après-midi-là —
    suit le tracé de ses déambulations intérieures.
    Sur ce lit, fruit d’un érable à sucre abattu
    sur les pentes en amont de la ferme, des saints
    se sont allongés côte à côte, serrant très fort
    les dents pendant les nuits d’hiver,
    ou enchevêtrés l’un dans l’autre, la chair
    tumescente se frayant un chemin parmi d’infinis
    lambeaux de sommeil jusqu’au vestibule humide,
    faisant jaillir sa giclée lactée dans un vaisseau
    aussi mystérieux que ce verre améthyste
    aperçu un jour, tout recouvert de poussière,
    dans le coin d’un grenier.



    Galway Kinnell, Quand on a longtemps vécu seul, La Nouvelle Escampette éditions, Collection Poésie, 2017, page 27. Traduit de l’américain par Pascale Drouet.






    Galway Kinnel  Quand on a longtemps vécu seul






    GALWAY KINNELL


    Galway kinnell 2
    Source




    ■ Voir aussi ▼

    le site Galway Kinnell
    → (sur le site Poetry Foundation)
    une notice bio-bibliographique (en anglais) sur Galway Kinnell
    → (sur poets.org)
    une notice bio-bibliographique (en anglais) sur Galway Kinnell





    Retour au répertoire du numéro de novembre 2017
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes