Étiquette : André Rougier

  • Gracquiennes

    Le billet de Nestor

    Le billet hebdomadaire de Nestor (13)



    Icone se tenant sur le seuil
    Ph., G.AdC






    GRACQUIENNES



        Rejoints les reflets, les vêpres brunes, veillés les regrets. Choisir. Que tes sillons s’accomplissent, en départs inventés, ici et maintenant, même barbouillés de mousses vigoureuses, de feux sans bannières. Mais vite. Car tu ne recommenceras pas.


        Dans la maison des débuts il y a de lèvre à lèvre la fêlure délivrée des preuves riveraines.
        Dans la hutte aux parois de lierre il y a la moiteur dissipée, voyante aux plis opaques dont s’écarte toute voilure.
        Dans la tour vrillée il y a comme un goût de graines inquiètes, de gaudes dévorées.
        Aridité et hôtesse enfin confondues.


        Quelle fuite, alors que le centre est tu ?
        Routes alors inlassables, captives embuscades, arc équivoque de l’absence qui fit de ton visage ce masque de jeune pharaon à l’heure du plaisir, des alcools incurvés, des rixes de minuit…


        Icône se tenant sur le seuil, dans l’ombre de l’ombre, vers l’oubli de l’oubli – qui t’enlève les choses sans que tu les perdes ou que tu puisses les garder par l’illusion de les avoir perdues…
        Faux-pas du désir qui, d’un bond sans pourtour, franchit déjà la ligne, trahie, éperdue…


        Nous sommes tous des variantes de la même ombre, condamnée à ne coïncider qu’avec son déguisement, alliance du renvoi et de l’envol, du plomb et du vide, de ce qui, en cette heure, n’a ni visière, ni visage, ni orgueil, ni droit à faire valoir, ni ténèbre à expier…


        Nuits sur le promontoire, fêtes immobiles.
        L’accueil, puis l’essor séparé, les racines à revendre.
        À qui sans bris marcha vers cet automne dont la moiteur pourtant lui resta inconnue – de les avoir vues, sœurs, brumeuses, dès l’aube enlacées en un cri élargi, pressenti le silence du blé dans la noire.
        Il n’aurait pas dû, mais il est resté, comme avant, quand le monde était encore. Pour tout nous dire.
        Les portes s’ouvrant, lentes sous la paume des archipels, aux réveils, par les mers rabrouées.


        Entame aux rives enfin soupesées pour que rien, jamais, n’y soit en leurs souches blessé, désemparé, enlevé ou éteint, pour qu’on n’ait plus à monter au temps par autrui, par le bond ou l’énigme, ni par l’essaim souverain, ni par ces feintes qui le dévêtent, l’accroissent ou l’accompagnent, parfois ressaisi, ici et là dépris ou repeint, jamais en vain…
        Don de chevaucher les creux, les brumes qui affluent sur les contrées des sorts, murailles couvertes de graffitis affûtés par l’instant, délavés par la succession, sourdes parcelles de cet enfer où gît ta réalité féroce, insubornable…



    André Rougier
    D.R. Texte André Rougier

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  • Vaghe stelle dell’Orsa…

    Le billet de Nestor

    Le billet hebdomadaire de Nestor (12)





    Chirico La_matin_e_angoissante__1912
    Giorgio De Chirico
    La Matinée angoissante, 1912
    Huile sur toile, 81 x 65 cm
    Museo di arte moderna e contemporanea
    di Trento e Rovere
    Source






    VAGHE STELLE DELL’ORSA…



    Aux frères d’un autre temps, à ce qu’ils sont, à ce qu’ils furent, où qu’ils soient…



    L’image déjà s’altère, laissant le monde loin derrière nous, poison qui s’étend et déforme, nains bavards, apôtres aux bouches tordues, adulateurs fardés, morts consumés…


    Des regards le prisme lointain, des voiles la patience et le don, des confins le scabreux achèvement, en nous et entre nous déplié, dernier rempart face aux blessures du monde.


    Dans le présent qui ferre, rien ne soulage du don échu , ne suspend l’appel, ne sépare ce qu’on ne sait gravir, ni oubli du Retour, ni aube des feux, ni ce qui, deux fois tué, s’égale pourtant au monde.


    Noms se consumant dans d’âcres feux, cosses du réel sans rédemption… Le sachant, traverser sans hâte la petite cour, prendre garde à ne pas faire crisser le gravier, ôter aux pires choses leur gravité…


    Tu l’envers, le jumeau d’ombre, tu l’envol qui fait tache, ignore les sources, destitue les confins, fabrique pour nos seules parades des prothèses, des miniatures, des stèles, des proverbes, des nomades…


    Aucun acte n’est du, le mystère est en nous, pas dans nos mots, soupesant sans leurre les choses et les fins, rapprochant ce que le temps durcit et sépare, démêlant ce qu’on se plut à brouiller, pétrissant l’ombre, éparpillant le miel empoisonné…


    Au Malin de dire ce qu’est réel, groins dormants, esprit des lieux, flux, gisements, pistes, échos, feux, miels, voies, racolages, émeus, nids, ruses, miettes, masques, coulées et fins se renvoyant, démâtant des chevauchées comme de l’enclos le fard, le pli, l’envol, la voyance…

    Le regard ne respecte pas l’autre s’il prétend ou imagine fonder ce qu’il vise : c’est pourquoi l’ < étéron > des Grecs à jamais nous affranchit de toute tentation d’avilir autrui comme de nous y soumettre…



    corolles éparses dans l’embrasure
    au ras des tuiles le vert étouffe à
    vif sur le triangle des routes menant
    à l’insoumise et nos profils au seul
    travail des lentes tumeurs ô lumières
    galets humés que jamais plus la
    bride sa propre glu et l’hameçon en
    détritus de sang ne dérivèrent dans
    la fêlure les fentes où le pollen des
    algues reflue golfes sans débuts sans
    pieuvres auxquelles nerfs des repères
    nous buvions nous déplissant dans
    l’aire femelle flaminaire à la petite
    semaine parmi les dernières allures
    de la houle fiel désossé dans l’appât
    des flancs illumine nous glisse entre
    leurs sexes rive spasme ignorant la
    rêche âpre électrique du vent de tes
    lunules en îles débit en marge des
    flux sur le croissant du clair là au
    noeud des crochets déménageant la
    frange stalactites de la fixe pleuvante
    genèse lettres du sursaut pluies de
    genoux dans les menottes se cambrant
    sur les rides de cendre parmi les éventrées
    suintent sur les reptiles tannés repris en
    battements en fin plurielles phonies au
    bout des griffes que balbutient nos souples
    signes à l’extrême ciel criard comme l’avant-cendre
    à tête de voyages de toutes les manières l’autre
    possible louve désarticule les pavillons érige
    la femme enclose des bords repeint le mât en
    lèvres de lèpre s’étrangle qui retient dégouline
    sans bouger la fouineuse dressée en flux des
    glas antennes chercheuses irriguant nos cratères
    arc entre les dorsales où clignotes te délies phare
    de la vaginale durable érafle les langues recluses
    charcute en nous la vide clôture des sourdes
    vibre dans la friable fenaison la pénètre ô soulagée
    par nos incendies traverse avec ou sans nids sur
    la plus chaude révulsion des dons si pesante
    submerge le bas des masques percute la dispersion
    avec juste autour des plis en guise d’ardoise râle
    sur le givre temps des fragments sur tes cuisses nos
    vues rebues t’engendrent plus ou mal polluent l’envie
    des cicatrices se dissipant aux bestiaires du feu la
    cireuse aspirante où du premier goût erre de toutes
    les vacantes la verticale les gonds des dents sur la
    plus ronde jetée la fermeture de cap en roc flanche
    s’arrime directe sur la peau des gouttes dedans l’envers
    en manque de prothèses si seulement nous pouvions ne pas
    si seulement oui nous suffire sans le revirement des pores
    sinon nous insinuant encore sables chevauchant complices
    nous prend qui rôde d’emblée qui sort des crissements à
    nos mesures exige dans le métal transportant les battues
    alors toujours séparées couchent les villes hautes frappent
    des naseaux dans les environs où habite l’assise parure
    où jamais ne saignent les distances non fissures se
    déridant du soleil non


    L’obscur n’a pas d’ennemis, des contradicteurs seulement. Il n’en est pas de même des lumières que l’on imagine.


    Tout doit s’effacer, tout s’effacera. Le reste est indécence des seuils, babil…


    Se laisser apprivoiser par l’écart, jamais par l’origine, déjà perdue, toujours perdue…


    Les croisés de l’Ouvert ne reculent devant rien, ni devant l’offrande, ce nom propre de l’être, ni devant les veilles du soupçon, du défi des premières clartés, de ce rien inlassablement investi dans la toute-présence…


    Comment ne pas arriver à être ceux que, désormais, nous serons pour toujours, passant d’une pénombre à l’autre, la course du soleil nous rendant à nos fourmilières ?


    Ô l’instant que nulle chance ne dépossède ni s’approprie, celui qui à chaque fois est < tout > le temps en < même > temps…


    Cette dernière heure comment l’ériger pour qu’elle demeure, ce souvenir pour que nous ayons faim de tout changer ?


    Tous les mêmes, vous chez qui la contradiction ne bute pas sur la substance, mais sur ses formules, cette réification des causes, des forces, des songes…




    André Rougier
    D.R. Texte André Rougier



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  • il gattopardo

    Le billet de Nestor

    Le billet hebdomadaire de Nestor (11)


    Luchino visconti
    Image, G.AdC







    IL GATTOPARDO
    (« siamo vecchi, molto vecchi… »)


    Aux ombres de Luchino Visconti




        Nous survécûmes à tous les étonnements, sans lambeaux, sans liens, sans harnais…
        Tentation de l’enfantement, la pire de toutes. Plus de prochaine fois, nous ne sortirons plus. Nous ne nous échangerons pas contre la promesse du jour. Notre sagesse toute fraîche ne s’en ira pas de sitôt.
        L’arrêt autour, sans bleu ni cuivres. L’arrêt comme si vous y étiez. Rien de bien connu. Des étendues bonnes à dire.



        Accéder, détourner : seules traces de ce lointain qui porte en lui nos vœux et marges…


        Ensemble, en terre, en fumée, en poussière, en ombre, en rien…



        Que craignez-vous en ces fêtes sordides où le lierre s’épanche, à l’heure où les feux
        tirent au noir, au plus sourd des nœuds, du demi-sommeil rassasié, des faux éveils
        nourris de mimes et de gloses, faiblement embuant le bassin ébréché, l’envol de la
        guêpe, la chair enchâssée en sa louche coquille qu’étrangle la perle dès longtemps
        nommée et caressée, naissant cristal vous dépeçant dans une odeur de volutes, de chasses
        opaques cambrées à tout rompre…



    Ne rien quérir, ni la visée, ni l’épreuve, ni la séparation qui en viendra à saper leur prolifération, leur écartèlement…



        Rien racheté, pourtant, rien effacé de cette libre durée où à votre insu nous glissions de sommeil incurvé en cascade, humions les lames de demain, et les trêves dans la grêle, sur les nuques et les cruches assouvies, simplement, pour l’anéantie à venir…
        Fuite qui n’entame ni sépare cette lumière délinquante, de quel côté qu’on la brise, aux retours.



    Nous ne savons que ce dont nous nous souvenons, l’acquiescement qui va du nombre au chant…


        Lune paludiquement dépliée, halètement, souffles usés, l’ombre si peu foulée qui fit trembler herbes et feuilles, ce fleuve qui ne croit désormais qu’en ce qu’il croise…



        Incurables automnes ne valant que par l’ombre panique de l’entre-deux, de nos
        marges, des doubles de soi que sont ces dieux qui ne nous ont jamais rien promis, ni le
        meilleur, ni le pire…



    Tranchant arrachant les bourreaux à leur hébétude, clairière du noyé fouillant le reflet dans l’onde qui juge, pénétrant ce qu’elle a elle-même engendré, renvoyant à l’ébauche de son absolution…


    Ô feux qui font mûrir en jouant, qui cernent le lieu, aplatissent la durée, qui voient, mais ne se laissent pas voir…



        Peur des rives et des failles, du oui comme du non, de rester, de détacher, peur de faiblir ou de recueillir, de ce qui entoure, de ce qui rompt, des présences et des recels, de vider et de dire…



    Ô miel des fins, des impasses, déchirant l’édit de la foi en l’Autre comme au Même, ces chimères…


    Miroir taillé par les jeunes mains, jadis, heurts, legs, sortilèges, aplomb de ce que jour offre et nuit reprend, le bond lézardé, le feu irréfléchi…



        Le long des routes désertes que le vent dissèque, tisonne et momifie, seules tournent nos
        lanternes magiques, fuite des reîtres, arbres de blasphème, fracas,
        replis gorgés d’ombre…
            Mûre blondeur d’avoine, rousseur de pain, houle blanc et or en ces
        futaies que l’image se garde de troubler, semis, terres tassées, cadrans aux heures
        mortes, verdure ourlée de roux, prophètes roublards, sentiers aux aisselles pâles… Tenez-vous prêts aux jours raturés, aux fêtes de l’aveugle enceinte, aux heures crépitant de
        fables, de faucilles domptées, de ces chants que tisse l’aiguille que ni l’exil des
        feux, ni le cliquetis des brindilles, ni l’approche du lieu cousu de malignes charrues et des promesses de la chiourme jamais ne firent presser le pas…



    Guérison dévoyée à moins tard, mordillant la claire douceur qui jamais ne se remit à un futur du temps…


    Secret du passage, dépossédant sans rien cacher…



        Les foudres blondes nous coucheront en plein essor. Ainsi irons-nous, couverts de fardeaux paisibles, vers la plaine ouverte et la rade attentive, vers cette blancheur prisonnière des sentiers divergents. L’heure renversée à dessein ne repoussera pas. Tout sera conquis en pure perte.



    Singulière pudeur que de se refuser de partager avec d’autres les mystères qui les ordonnent…


    Réalité rendue et subvertie, s’en allant avec chaque mort…



        Prunelles éclairant les haches levées, les neuf cieux caducs où l’on contemple
              notre image, carrefours du lisse, puis de l’aveugle, piétinant l’heure, cinglant les liens
        du regard, terreaux fumés de sang, embrasés comme l’ouverte pivoine guettant les
              sourdes volières des reines…



    Tout revient, tout reviendra, tout déjà et de toujours revenu pour peu que ça ne soit, n’ait jamais été le présent, cette imposture, l’issue sournoisement dérobée que tous, pourtant, peuvent rejoindre pour frôler le lieu sans confins dont elle dénoue l’approche en en mimant l’interdit…



        Tu nous revois, le masque repeint, penchés sur la moindre falaise.
        Enfants criblés de recels, régnant sur les creux et le sel de la place, sous la grande rumeur de fortune.
        Il pleuvait, de partout. Mais pas sur la terrasse où nous circulions, affublés du versant inouï, au dernier son des tambours.
        Imagine-nous, enfin – loin des fournées publiques – comme du temps où nous nous embarrassions de l’apparence des noces.


        Mieux vaut mourir entier que s’éprouver prophète.


        Le désert ayant défenestré ses ajoncs, l’écluse n’émancipant plus, sinon ces transhumances voûtées, cribles blancs des routes, la détonation hissant ses couleurs jusqu’au sommeil des langues, on nous dira que la violence est partout…
         Allons, messieurs, du calme ! Ce paysage n’est pas de fantaisie. La glaciation n’est pas une vue de l’esprit. Flèche ou enclume, le choix n’est pas si aisé qu’on l’eût cru. Dilapidez, dilapidez, même de haut, même de loin, il en restera toujours quelque chose. Mais voilà, le cancer effrange ses griffes, l’étau se cabre, l’esquisse de cercle dilate ses derniers guetteurs, les mains disparates rendent presque insoutenable la marge…
        Elle ne sert plus à rien, à RIEN, l’étrave repue, compagnons d’hier, et posthumes, puisque demain frileusement se dérobe. Nous ferions comme si vous nous aviez compris, insensibles à la défaite comme à son épilogue, n’ayant pas plus à dire qu’à faire, sachant peu, mais fort, comme l’urgence de cette heure où nos sangs, bonds et entames désertés, se coucheront joyeusement sous les sabots.
        Au havre des pas amarrer l’habitude. L’avenir nous appartient. L’extinction des feux se fera dans la dignité qui convient, le fracas est une denrée périssable, le scalpel jamais ne surgira d’entre les lignes. Au réveil, pour mémoire, il était à peu près midi.



    André Rougier
    D.R. Texte André Rougier






    IL GATTOPARDO


    Gattopardo3
    Site Visconti


    Voir/écouter aussi :

    – (sur Terres de femmes)
    23 mai 1963/Palme d’or pour Le Guépard de Luchino Visconti ;
    – (dans les archives de Rai.it)
    une interview radiophonique (en italien) de Luchino Visconti à propos du Gattopardo ;
    – (sur le site de la Cinémathèque française)
    fiche bio-filmographique sur Luchino Visconti, dont une fiche sur Le Guépard ;
    – (sur le site Visconti)
    la fiche du film Il Gattopardo.



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  • Confins d’empire

    Le billet de Nestor

    Le billet hebdomadaire de Nestor (10)


    sachant que tu as troqué cette fois-ci, peut-être pour la toute première fois, [...] les refuges pour une demeure...
    Ph., G.AdC





    CONFINS D’EMPIRE



    SEVENTIES




    * Tu dormais impérieusement, la houle à ton flanc, dans l’apparence lacérée. Ta paume, ouverte à cette intimité où vacille le sable, semblait attendre.
    J’enviais ton achèvement, ton autonomie, cette intransigeance qui déjà te mettait loin, le dehors où je me cogne à tes plaies, à l’heure close, à tout…
    Car si tu souriais, c’était à la solitude de ton rite, à rien d’autre, pas même aux sévices du voyage, à celle qui te traverse, que tu rachètes, presque, d’être seul en elle.
    Combien de fois, pourtant, ai-je respiré la fissure, entrevu la dérive, dans la lumière de cuivre brûlé, accrue obstinément, et pauvre, où nulle demeure n’osait te rejoindre ?
    Combien de fois me suis-je couché là moi aussi, sans partage ni dégoût, à espérer la fin des simulacres, du mouvement qui mutile, des dispersions sans lieu ?
    Mais aujourd’hui, trop tard venu, ou trop tôt – à tant me perdre dans d’autres inexorables fêtes – j’ai accepté d’être là, là où indéfiniment, je te regarde, et t’envie…
    Je ne sais toujours pas lequel de nous a frôlé la loi, s’est joué de la nuit, s’est reconnu dans sa morsure…
    Car tout est sans détours dans l’inondation muette qui à l’orée de moi, insensée, me lie au risque de t’aborder de face, où le bris sans fin se remplit, où je te ressemble, oui, te ressemble.



    * Ton heure de vol
    Par-delà la chaleur béante
    Des villes

             Cette guerre que tu arraches
             Comme une arcade de doigts noyés

             Pour voir la moitié sûre



          SUTURES


        * Bien avant la distance et le repli, quelque chose qui aurait pu être la vie guettait
        pour toi : des voyages, une maladie secrète et presque oubliée, des ébauches, des refus,
        des projets…
               Lentes bouteilles, lourdes mers, miroirs enfin face à face coagulant les reflets
        comme pour eux seuls, grand saule près du clos ne rassemblant que ce qui EST pour peu
        à peu l’affermir, heure d’à côté, refuge où de toi tout se joue, la frêle clef qu’un geste
        ou un saut donneraient, les soutes, les venins, les tourments, la ferme corruption
        que tu nommas mémoire et qui te fit combler, à force de maux, l’abîme vivace…



        * Tu aimes te souvenir des choses autant que les vivre, les vivre comme en sachant
        qu’elles ne sont jamais perdues, comme si les morts pouvaient arrêter un autre temps que le leur…


        * Dans la nuit qui couve, par ces rues disjointes, siamoises, incernables, que ceux
        qui furent un et qui s’éloignent jamais n’éprouvent cet effacement comme la
        blessure qu’ils se seraient infligés l’un à l’autre…


        * Ô silence des longs navires sans pavois, des cartes où seul demeure ton lent
        voyage à contre-mort…
        Je sais que cela t’attristait de te sentir en marge, de regarder tous ces gens du
        dehors, en patient, obscur entomologue. Mais qu’y faire, c’est toujours la même
        chose, tu as même fini par apprivoiser cette aptitude de ne jamais te compromettre
        jusqu’au fond en quoi que ce soit. Du moins jusqu’à hier…
        Comment puis-je te faire offense en affirmant ou en niant, alors que j’ignore quand
        et comment tu l’as décidé : pourquoi pas dès l’enfance ? Au nom de ces liens que
        années ne parvinrent ni à rompre ni à éclairer, du limpide besoin de parcours éclos
        en ces lointains printemps, je consens enfin à la gaucherie des rumeurs, au vil
        effondrement des preuves, à tant de déserts lucides, sachant que tu as troqué cette
        fois-ci, peut-être pour la toute première fois, les ruissellements pour un seuil, les
        envols pour un mot qui ne soit pas de passe, les refuges pour une demeure…


        * Comme tu les envies, lapidaires, comme indifférentes à ce qui n’est pas la substance
         des choses, hors, non pas du Temps, mais des temps privés et contingents… Ainsi
        de la littérature, de ce fleuve emportant les fléaux et les voix qui l’ourdissent, dont
        la tienne si tant est que, sans exhibition, il en est une que tu reconnaisses telle…
        Une sorte de classicisme si tu osais, non pas nouveau car rien ne l’est vraiment, mais
        charriant l’écho des singuliers et inclassables de toute époque, relevé par tant de noms
        incommensurables, tel celui de l’aveugle qui aurait moqué le terme sans le renier…


        * Pourquoi le sujet aurait-il à se nommer et à se dire autrement qu’à sa façon,
        brouillant les pistes, effaçant les traces, changeant les poteaux indicateurs,
        laissant le chasseur à ses doutes et son néant, en ces forêts sans recours, en cet
        enfer qui, étant de tous, n’est plus rien ni à personne…


        * Qui n’est pas avec toi, dans ta séparation et dans ta nuit, ne t’est rien.



    André Rougier
    D.R. Texte André Rougier



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  • Ostia

    Le billet de Nestor

    Le billet hebdomadaire de Nestor (9)







    Ostia_-_mare_dAprile_-_geometrie_2488-1-
    Source






    OSTIA




        Tu reprendras ton sommeil à tout rompre, entre humus et pierre, inconstante proie, fruit allégé des dévotions, du voyage.

         Tu seras vigie, impalpable sur chaque bouche ramassée, puis dévêtue de bonds, impuissante.

         Et ne craindras, au creux des nerfs du seul matin, que cette vigueur s’élargissant tendue à ton côté, cherchant tes doigts, tes laves, et les départs au bout de toi.



         Tout est à refaire, jeux, écluses fouillées, haleurs à l’écart, sans fausses caresses.

         Tu effleurais tes chances, aux plis des frondaisons, seul conscient de ton domaine, cette halte, noire et verte, à la pointe parcourue, fertile de sources.

         La longue incandescence se retire du bout des îles, les éraflures se font plus lentes encore, il n’y a plus rien à renvoyer. Qu’à saisir le pré, clos en toi, à la trame interdite, en plein soleil…



         Les golfes se couvrent de pluies souples.

         Les visages, de sommeils croupis.

         Obstinément, ta saison.



         Élargissons le tableau. Très loin, les retrouvées incrustent leur semence. Juste devant nous, l’écaille des souffles, ton sang dedans les ports encore sans plis. Ton sang, parmi les maisons aveugles, dans l’étendue franchie que tu es seul à connaître.



         Oublie-la, éperdue, s’achevant parmi les débris de la houle. Son secret n’est pas là.

         Il a éclos sur ta tige, suzerain, comme si l’adieu qui, pourtant, la précédait, ne devait jamais se faire entendre.




    André Rougier

    D.R. Texte André Rougier



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  • Cerbères

    Le billet de Nestor

    Le billet hebdomadaire de Nestor (8)






    CERB-RES
    Ph., G.AdC






    CERBÈRES



        *** Trêves, souffles maquillés dans l’habitude des villes – vous rêvant des nuits, là-bas, entre acier et roues…
        Ire, vent salubre sur les détours, j’avance vers l’horizon recomposé, dans l’intimité sans soumission du jour qui se perd, j’avance, poignard à la hanche vers la grande odeur salée, j’avance vers la défaite devinée, j’avance en me jouant des visages furtifs ou inépuisables, j’avance sans compter, sans oublier, j’avance pour qu’après, bien après, vous renforciez le pacte…


        *** Tu t’enfermais dans des villes barbouillées de collines. L’heure était aux promesses. On te prêtait une intensité fluviale, des mains furtives, que sais-je encore…
        Tu rayonnais, jusque dans l’argile, de danses écarquillées. Au-dessus des marais, l’aube semblait durable.
        Tu souriais, tu laissais faire. On ne t’avait rien proscrit, les reflets étaient encore hauts, tu ne tenais qu’à travers leurs jeux, t’ouvrant aux seuls dangers, de crue en crue, trop près des chutes…
        Puis tu es reparti. Certains reconnaîtront leur sang, puis s’oublieront dans le quêteur prêt à tout rompre, sur l’autre orgueil des routes.
        On parlera de ton secret. Les femmes se l’arracheront, avec ta chasteté, l’immense.
        Retrouvons-nous après le partage, habillés de nos seuls vœux, avant que le monde ne t’éveille, hésitant, entre les ors et les pages…

        *** Les fêtes ont cessé de remuer. Les portes ne donnent que sur l’ombre apprise, riveraine, engloutie, là où il attend, entend, de tous métiers l’exclu, tantôt le brisement, tantôt la succession d’îles ou le déclin des fables.
        N’appelez pas clarté ce soleil en sursis, au-dessus du lent recueillement de ses cascades. Que d’autres mains désormais l’égrènent, la paume ouverte, loin de toute contamination.
        Ces montées, ces rencontres, le bourgeonnement aux carrefours, ces proliférations chaudes dans son sillage… Qui lui parla de faute, d’intouchables merveilles ? Menteurs, il n’en sut rien, ou alors ― tant il nous ressemble ― celui qui s’égrène partout, et en plein jour, l’a rendu aux grandes pauvretés de ce feu…
        Il s’en souvient à peine, fort de son incommensurable enfance, de ces mouvements d’avant le renouvellement des mers.
        Par les voies inséparables, toujours loin des parois, ses jeux attisés
            Sur ce front, à l’orée du monde, où d’une brûlure fascinée il divise
                  Son silence.


    André Rougier
    D.R. Texte André Rougier


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  • Timeo Danaos et dona ferentes

    Le billet de Nestor

    Le billet hebdomadaire de Nestor (7)







    Timeo 3
    Laocoon et ses fils, Ier siècle apr. J.-C.
    Marbre, hauteur : 2,42 m.
    Cour du Belvédère, musées du Vatican, Cité du Vatican, Rome
    Source






    TIMEO DANAOS ET DONA FERENTES



          Revenir sur tes pas, ne donnant et ne prenant que ce temps auquel les signes pesants ont renoncé, qui t’éloigne sans te contraindre, te traverse sans te vouer, désespérément, à l’Unique…

          Donner à lire, c’est permettre et non transmettre ; voilà pourquoi il n’y a pas, il n’y a jamais eu de RÉEL : parce qu’il n’y a pas de faits, seulement des interpolations…

          Naïve vanité que de croire que les choses ont mieux existé quand tu les as mises en mots.

          Seul le déni nomade demeure… Ce que tu sais, c’est pour tous que tu le sais : les marques, les incisions, les gestes…

          Bénis l’impuissance des mots, accouplement de qui nous ignorions…

          Du monde dont tu t’es détaché, du geste que l’on t’adressa, il ne restera qu’une image, une trace imperceptible… Royaume double, royaume mort, masque de plâtre.

          De tes trois pesées, la plus légère est celle dont tu es aujourd’hui l’unique dépositaire, sans pouvoir avec quiconque la rejoindre : les autres sont morts ou doublement effacés depuis si longtemps que si tu les rencontrais, vous n’auriez même pas à faire semblant de ne pas vous voir…

          Le désir n’est jamais vierge, il ne s’appartient plus, il est à qui en clôt la torsion, là où dire n’est pas faire, pas encore, sauf à frôler le pressenti comme tremplin, comme soubassement, comme entrailles…

          Choisir c’est refuser, monde qui n’est que s’il est traversé, ébauche qui ne tend que vers ce qu’elle renvoie…

          Ne s’aboucher qu’au Tout, jamais à ses ébats…

          Libre, comme s’il était soudain devenu ce pur voyeur jamais blessé par ce qu’il démêle ou appréhende…

          Vain espoir que l’oubli ne nous oublie pas trop, lois tordues, passage des captifs, apaisement de qui réapprend la pénombre, où ceux qui mirent le feu toujours s’enfuient devant nos femmes…

          Aigu du désir, de ce que tu ne nies et n’appréhendes que pour aller au-devant du gardien des louanges…

          Reviens, guetteur de l’épars, tremplin du tisserand d’ombres, qui ploie, qui danse…

          Tu sais qu’il n’y a rien à comprendre, c’est là ta paix, et ton triomphe. Mais à quoi bon si les autres toujours te questionnent, rouvrant ces blessures oubliées qui nous firent adultes, nous poussant dans cette histoire qui sinon n’en serait pas devenue une, oublieuse d’elle-même, se dispersant, ne s’éprouvant que dans le désaveu…


    André Rougier
    D.R. Texte André Rougier


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  • Route grande

    Le billet de Nestor

    Le billet hebdomadaire de Nestor (6)






    BONHOMMIE ATROCE DES BATISSEURS
    Ph., G.AdC






    ROUTE GRANDE



         *** La loi se disperse, nulle migration n’attise ta paume, l’aveuglante. La route des cicatrices s’épuise en clairières. Le dehors est sans fissure, la force seulement pressentie. Inhabité s’achève l’incendie, à l’aube étroite.
         Qui dissout ton sillage, que nul n’a saisi ni guéri, pas même celui de trop loin surgi dans la fête consommée ?
         Nous le SAVIONS, veilleurs de l’imposture, dépeupleurs chassés sur la même grève, oublieux des parapets, des ralenties, de ces retraites dans le dédoublement qui fut…
         Je t’imagine, à la nuque intacte du sommeil, reniant un à un tes mirages. Je revois tes doigts dilatant, caniculaires, les digues anciennes, la bonhommie atroce des bâtisseurs, le flux qui déferle, à l’embrasure multipliée, rouge au front de l’hiver durable. Derniers haleurs, mais de quel poids face aux paresses sans signes qui furent nôtres, et jusqu’aux attraits de celle, offerte, en qui nous choisîmes de ne jamais recommencer ?
         Puis d’autres aborderont l’immense mouillage que prépare le déclin des remous et des rives, alors que l’écueil sans cri nous rassemble, et les pressent, dans ce reversement des gorges en friche.
         Quand repartons-nous ?










        

    *** Il crut au sommeil, au jour sans contour, à d’autres choses sans nom. Il crut à la dispersion en son centre. Il rêva du silence comme défi. Son envol, pour qui s’en souviendra, s’épuisa en fêtes lancinantes, avec ces doubles qui, eux, revinrent, mais de si loin que la grande discordance demeura…
         Fin de partie perdue, torpeur des mots, échange dernier pressentant, machinal, sa pénombre, mais que sûrs comme peut-être jamais ils appelèrent chance, au-delà du balbutiement qui s’appesantira sur elle.
         Non pas le jour distant, le jour compté, mais celui dont jusqu’aux chairs, à l’aune du LIEU vous mesurez l’inadaptable feinte.



    André Rougier
    D.R. Texte André Rougier


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  • Circulades

    Le billet de Nestor

    Le billet hebdomadaire de Nestor (5)






    CIRCULADES
    Ph., G.AdC




    CIRCULADES



         Proche est le terme. À tes côtés, la nuit des marécages guettant, arrachant du visage soupçonné la clé des bans, l’enclos piétiné, les crinières baies, l’ombre des lances, les pas multipliés…
         Gauche, oscillante fumée où nous goûtons la durée pliée à l’état pur, ce qu’on appellera bonheur plus tard, avant de tâtonner dans l’encre de seiche, de toucher aux brouillards, de se forger des attitudes…
         Ô brèche ouverte dans tes remparts, devinant et colmatant celles de l’oubli, elle qu’on ne parachève qu’une fois, poreuse aux complots, précieusement précaire, scellant les confins que tu guettas, pétrifiés en une seule béatitude…
         Guet à peine, déni, prélude, rangée de tournesols muets, pal, chaleur blanche, puanteur, poussière à chaque pas soulevée… Ce n’est qu’une heure plus tard, ou demain, ou dans un an, à la prochaine saison des pluies ― le temps, ici, ne compte pas ― que viendront s’ébrécher les murmures aux touffes de gentiane ou de genévrier exhalant leurs dorures d’alchimie, trappes ou rejets, miroirs inachevés dans leur germe, mutilés comme dans l’ombre ultime…
         Ne redouter que cela, l’énigmatique rapport de la créature et du guérisseur, sourde voix mêlée à ses échos, grappes voraces, étrave dernière sur laquelle tu vins courber tes gestes, te resserrant, te figeant avant que la pourriture ne vienne noircir l’air, ternir l’image…
         Tout, là-haut, t’obscurcit, baies, vides, murs fauves, vieilles empreintes… Plus jamais tu ne regagneras la rive, dans le cliquetis des bracelets et des joncs, à l’aube où les soupirs se taisent de part et d’autre, trêves dilapidées, louves, scribes, empailleurs, funambules, barbiers, charmeurs de rats, apprentis-bourreaux…
         Sur le quai, l’enfant jetant des pierres dans l’eau croupie : elles sautent, claquent, font deux ou trois ricochets avant de disparaître. POUR TOUJOURS.
         Un cri bref, puis le silence, lente couche de poussière couvrant le sentier, les feuilles que chaleur tord. Ça et là, fragments de murs, palissades, troncs, glaisières oubliées de l’heure qui fut, celle qui n’extirpe ni t’omet, poids sevré des choses que le réel enfin efface…
         Qui te saisit à la gorge ? Qui te cloue au sol ? Qui te poignarde ? N’est-ce pas cela l’avenir, silence coagulé, pénombre cendrée protégée des solitudes et des créances ?
         Tu flamberas, flétriras, oublieras : les pas, les duels, les fers, les espaliers, les fagots, les prunelles, les terreaux affleurant, le dos effrangé, les galets qu’à chaque reculade tu éboulais avec ce cri séparant tes yeux de l’écume, fucus à jamais démis des liens, heures vouées à l’épine, au ressac, à l’ortie…
         Vaine parole qui te venge des chronologies, te répand dans la distance, enrichi de la milice des ténèbres, des fournaises qui te frôlent, toi et tes rugissements, tes dagues, tes voltiges…


    André Rougier
    D.R. Texte André Rougier


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  • Midis

    Le billet de Nestor

    Le billet hebdomadaire de Nestor (4)






    Portrait de Joë Bousquet par Jean Dubuffet (détail)
    Jean Dubuffet (1901-1985)
    Détail de Joë Bousquet dans son lit, janvier 1947
    Huile sur toile, 46,3 x 114 cm.
    Museum of Modern Art, New York City
    Source





    MIDIS




        I. OCCITANE


         La trêve est rompue. La flamme plus vaste s’avance, par les quatre voies, avec la soie, les voyantes, sous ce ciel inégal : bruit du soir ici-bas déployé, sur nos bouches reconnaissantes, et de tous côtés, où traînent nos clefs, nos chaînes, nos foules.
        (Ailleurs, c’est de face que nous regardions l’ancienne science. Nous étions trop sauvages. Le monde qui émerge paraît insoupçonnable.)
         Rien n’est perdu, de qui s’éparpille. Les enfants peuvent s’approcher. L’alliance se renoue.

        Bientôt commencera la vraie bataille, soudée, reprise, rougissant sous tous les oriflammes.




        II. VENT D’AUTAN

    À Joë Bousquet


        Le crépuscule éperdument effrangeait ses griffures essaimant en jeux obliques, en torches d’ombre, corrompant peu à peu le silence, le grand ciel incurvé, balayé par la sauvagerie, rabaissant l’argent terni des oliviers, couchant les cyprès, faisant virevolter les pétales d’amandier. Ni norme ni absolu, tous les écarts sont permis, là où tout s’enchevêtre, se confond, distances, angles, volumes, en cette orée du monde parée de fauve et de safran, où le brouillard du coup renaît, où les traces s’effacent, le monde autour se cabrant, s’affaissant, vacillant, glissant en cette nappe d’obscur que le soir mue en or liquide, limbes que seule la prémonition des rumeurs vient sceller…
        Inlassablement tu fais de nos questions réponse, sûr de n’avoir su apprendre que ce que de tout temps tu savais ; aide-nous à oublier le doute, oublier de n’avoir choisi d’être que ce qui dans la dissémination nous retrouve, la main un peu froide nous conduisant par de singuliers méandres au lieu où elle s’efface nous laissant à jamais seuls, murmure sans trace, par-delà les galets, les aimants, les remous, jusqu’à l’enfer de la trop longue parole, toujours apprivoisant, toujours égarant…




        III. MARINE SÉTOISE


        Tu te jettes dans l’éveil, tu tutoie les épaves – comme d’autres cette proche escale à ton flanc incarnée.

         Car c’est hors torpeurs que tu veux diviser, rassasier cette lente asphyxie rocailleuse, et partout les déployer : elle, et ce qu’il faut de conques attentives pour se répandre dans la mort enfin nouvelle.




        IV. BOUSQUET


        Nous sommes comme toi. Respirant. Rien de plus.
        Au même voisinage, dévissant cet orgueil, cette exigence, jusqu’aux lies.



    André Rougier
    D.R. Texte André Rougier






    JOË BOUSQUET

    Voir aussi :
    → (sur Terres de femmes)
    Décembre 1938 | Lettre de Joë Bousquet à Poisson d’or
    → (sur Terres de femmes)
    Joë Bousquet/Passer
    Serge Bonnery et Alain Freixe, Les Blessures de Joë Bousquet (lecture d’AP)




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