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Étiquette : Angèle Paoli
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Carnets de marche. 5» Retour Incipit de Terres de femmes -
Carnets de marche. 4
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Carnets de marche. 3
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Carnets de marche. 2
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Carnets de marche. 1
Ph./Image, G.AdC
1.
Cinq ans bientôt. Et c’est déjà la fin. Un étau de douleur la tenaille. L’étreint. Elle s’accroche à ses pentes, elle s’accroche à ses cimes ― qui ne lui sont rien. Elle a pensé ― à tort ― qu’elle la bercerait du chant de ses rivages. Un chant qu’elle rejette avec mépris. Rejeté au mépris de la douleur qu’elle lui inflige. Dès lors, la quitter sans bruit. Sans fureur. S’éloigner doucement de celle qui fut, au long de ces années, amie et confidente. Aimée. Tendresse et ruptures. Ne plus penser à elle. Ne plus l’attendre. Ne plus attendre d’écho à sa voix. Ni à son silence.
Tu comprends maintenant. Cette rencontre de jadis fut une erreur, une voie empruntée pour te détourner de l’autre. L’autre à qui tu as infligé des souffrances pareilles à celles qu’aujourd’hui tu endures. Panser les cicatrices. Recoudre les blessures qui s’ouvrent. Qui suintent de l’écorchement vif où tu les tiens. Construire déconstruire reconstruire. Ne plus rien espérer derrière les silences. Ni parole ni sens. Faire fi de ce qui a jalonné de vie ta propre vie. Fleurs séchées entre les pages. Photos blêmies abandonnées au fil des jours. Coquillages et cailloux. À jamais perdus dans l’oubli. L’oubli qui prend forme dans la douleur. Il n’est plus temps. Il faut chercher ailleurs cette voix qui s’absente. Qui t’abandonne au deuil. Pauvre Ariane laissée sur les seuils de ta rive. Rivée à ton désespoir.
Angèle Paoli
D.R. Texte angèlepaoli
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Camaïeux
Photos, G.AdC
CAMAÏEUX
Camaïeux
de verts de bleus de mauves et de gris
de vagues hérissées de cristes-marines
pommelé or des genêts camaïeux de câprier des îles
centaurées de Salonique et du solstice
de silènes à fleurs roses saponaires et scabieuses
camaïeux de jusquiame blanche
et de filaires lancéolées haut perchées
sur leurs ergots de tiges sombres
Camaïeux de fauvettes et de carouges à tête jaune
d’hirondelles Astarté d’alouettes des champs
de passerins Ciris et de pluviers des sables
camaïeux de cailles blés d’Ortygie et faisans de Colchide
d’aigrettes des récifs de butors étoilés
camaïeux de caméléons crocodiles et caïmans
alligators miniatures et geckos des murailles
lézards Mürr filant au gré des lauzes
immortelles dressées odorantes du temps
ivresses du sentier nuages en miroir sur la roche
Camaïeux de vert de turquoise de noir
tiédeur des roches douces ivresses de sel
bouquets de mandragores gorgées de soleil
et du miel de dragons languissants
écharpes de lumière phylactères de brumes sombres
les serpents d’écailles étirent leurs ondes
encerclent les roches vagues bleues crêtes
et voiles d’écume blanche
camaïeux du roulis régulier de la vague
crépitements crêpelés de lumière ambre rousse
grenailles de cailloux de criques aux bruyères
incendiées de folioles
clairs de terre en camaïeux
de chants de cuivre
de cymbales et crotales
de feu
Angèle Paoli, Le Scriptorium, Portrait de groupe en poésie (anthologie poétique), BoD, 2010, pp. 56-57.
D.R.Texte angèlepaoli
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Cheval blanc au miroir
Ph., G.AdC
CHEVAL BLANC AU MIROIR
Dans l’encadrement de la porte
le cheval blanc veille
fixe sur toi le bleu de ses yeux
derrière lui devant au-delà
le labyrinthe mille coudes sans lumière
déplie ses couloirs tu te retires
sur la pointe des pas à reculons du corps
tu empruntes un corridor un autre un autre encore
angles droits privés d’échos Noir humides les murs
longues travées obscures les gravillons crissent sous
ton poids j’avance tu rebrousses chemin sans broussailles
lequel est le vrai qui guide vers la vie
lequel est le vrai qui conduit à la mort
odeurs stagnantes des marais
eaux sans tain
visage absent
miroir sans ivresse
la ténèbre de son regard
ne t’approche plus
Angèle Paoli, Le Scriptorium, Portrait de groupe en poésie (anthologie poétique), BoD, 2010, pp. 55-56.
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La caisse claireJournal
Ph., G.AdC
LA CAISSE CLAIRE
Maussade, temps maussade, mi-figue, mi-raisin. Du vent ― par à-coups ―, des menaces de pluie, peut-être pour demain. Rien de précis, rien de net. Ni vraiment beau ni franchement mauvais. Ni l’un. Ni l’autre. Un temps indécis qui anéantit en moi les décisions prises la veille, réduit à peu de choses les projets du jour. Je tourne, sans parvenir à me décider. Les promesses d’hier, lumière tendre dans la chaleur du petit port, se sont dissoutes. Noyées dans la ouate de cette journée hésitante. Il ne me reste plus qu’une échappée sous la maison, dans les piani aux asphodèles. J’emporte avec moi mes « Juliau », quatre volumes-six recueils, quatre beaux livres qui vont bientôt fleurer la terre sèche et les feuilles de chêne. La Face nord de Juliau (celle-là exclusivement !) me cherche, me provoque, me harcèle. Variations sur le même, exaspérantes, insaisissables, la colline, ses motifs, ses verts et ses jaunes, ses courbes féminines disséminées sous le nom viril et un peu clown de Juliau. L’écriture, les phrases-cercles qui se resserrent, d’un recueil à l’autre, de plus en plus. De sorte que Juliau 6 se réduit, se condense, si stringe sur lui-même, se dissout jusqu’à disparition. Prévisible. Progressive. Extinction. Histoire d’un petit pan de montagne jaune (Juliau, en Ardèche) et de « son » écriture. De sa réécriture dans l’espace et dans la page. Difficulté d’écrire. Impossibilité à dire cette montagne-là, impossibilité de s’en défaire; difficulté, pour celui qui s’accroche à l’écriture de Pesquès, à dire la poésie de Pesquès. Ses cercles concentriques enserrent le lecteur. L’étau jaune de Juliau.
Lupinu s’élance droit devant moi. Je lis dans ses yeux toute la fierté qu’il a à m’accompagner dans mon escapade. Il exulte, déborde de frénésie et d’enthousiasme. Il veut m’éblouir, déploie pour moi tout son arsenal de séduction ! Il me montre tout ce qu’il sait faire, courir un cent dix mètres haies, prendre les virages au cordeau, sauter à l’assaut d’un papillon, grimper à toute vitesse dans les arbres, faire déguerpir d’un coup de patte un lézard qui file sous la lauze, en dénicher un autre sous la pierre. Il me rapporte ses trophées, joue un moment avec le minuscule reptile qu’il a coupé en deux. Il ne reste de lui qu’un ventre qui palpite sous ses griffes et un bout de queue qui se tortille dans les herbes. Lupinu le considère déjà d’un œil distrait. Il flaire bien d’autres plaisirs qui vibrent sous la mousse. Oreilles aux aguets, il hume l’air tiède et se gratte aux herbes folles. Un obstacle soudain l’arrête, médusé. Une masse informe lui barre la route. Un tronc d’arbre ? Une outre abandonnée, avec cornes et sabots ? Un cadavre ! Un énorme cadavre d’animal ! Une vache ? Non, une chèvre, plutôt. Un bouc !
Allongée sur la terre, la grande carcasse gît. Crâne émacié, tourné vers le soleil couchant. Le monocle vide de l’œil absorbe la lumière. Contorsions immobiles. Pattes disjointes et ongles désossés, énucléés de leur muscle. Plus une once de chair. Quelques touffes de poils durs s’accrochent encore aux canons de la jambe, au chanfrein de son mufle. Le chat, prudent, se risque sous le crâne, renifle, grimpe sur l’outre borgne de la panse, flaire le coup fourré, se détourne, laisse l’outre blanche à sa dessiccation.
Le bruit de caisse claire de la carcasse creuse.
Canari, le 1er octobre 2008
Angèle Paoli
D.R. Texte angèlepaoli
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Lalla ou le chant des sables

Lalla ou le chant des sables
aux éditions Terres de femmes
récit-poème

tirage de tête limité à 80 ex. numérotés sur rives tradition vélin
photo originale de Guidu Antonietti di Cinarca
avant-propos de Cécile Oumhani
Qui est cette jeune femme qui a traversé les heures étourdie de couleurs et de voix ? La glycine, les tomettes rouges, les azulejos si familiers ont-ils fini par émousser la conscience que Lalla a d’elle-même ? Elle se met en route, quittant le cocon de l’habitude et ces présences quotidiennes où elle risquerait si facilement de se perdre. Rompre, partir et aller droit devant soi, sans fléchir…. Lalla le fait aussi résolument qu’elle laisse son nom au seuil de ce qui fut sa maison, répondant au désert qui l’appelle, à l’immensité où elle espère rejoindre ce qu’elle est et qu’elle ne connaît pas encore. Elle devient la parente des martinets, ivres du ciel, éprise du froissement des ailes des pipistrelles, attentive au vide, aux ténèbres comme à la lumière. Elle poursuit sa quête dans la steppe, interrogeant les étoiles si loin dans leurs hauteurs glacées. Lorsque vient la rencontre avec un jeune pâtre, il n’est plus besoin du langage des mots pour se comprendre et partager les nourritures de la terre. Car elle ne fuit pas les humains, même si elle s’abandonne à la solitude d’une marche sans fin. N’est-ce pas eux qu’elle retrouve à travers d’étranges constructions sommeillant dans le sable comme autant de traces des chemins disparus qu’elle foule à son tour ? Elle explore la steppe en même temps que le passé, éprouvant le silence jusqu’à rejoindre ces sonorités subtiles où bruisse le minéral. Défaite peu à peu du leurre des apparences, il lui est donné d’entendre ce qui s’élève comme un chant cosmique, le « maqâm des sables » où Lalla accède à un autre mode d’être.
Avec Lalla ou le chant des sables, Angèle Paoli invite ses lecteurs vers des sols à la fois nouveaux et anciens où la conscience de soi se fond dans l’universel. Car à travers ce monde aux demeures de pisé, elle nous laisse entrevoir l’essence de l’être, au-delà des limites qui inscriraient un commencement ou une fin. L’expérience de Lalla touche si profondément par une clarté donnée à nos sens, l’extase d’un ravissement, la certitude d’une voie possible.

ISBN : 978-2-953261-90-5
Dépôt légal : juillet 2008
© Terres de femmes, 2008
20217 Canari (Haute-Corse)
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Livre d’artiste de Véronique Agostinisur un poème d’Angèle Paoli (juin 2008)
À L’APLOMB DU MUR BLANC
Pour toute commande, se rendre sur le site des éditions Les Aresquiers, ou sur le site de la Galerie Michelle Champetier (52, Avenue Saint-Jean – 06400 Cannes).
Voir aussi :
– le site de Véronique Agostini
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