Étiquette : Angèle Paoli


  • Paul de Brancion, Ma Mor est morte |
    lecture d’Angèle Paoli (2)

    Paul de Brancion, Ma Mor est morte,
    Éditions Bruno Doucey, 2011.




    Lecture d’Angèle Paoli


    LA VÉRITÉ AU RISQUE DU MEURTRE




    Comment, même morte, peut-on venir à bout de sa propre « Mor » ? Mor ? Maman, en danois. C’est avec la mort de « min Mor » que Paul de Brancion a rendez-vous dans son dernier ouvrage : Ma Mor est morte. Avec la mort de sa mère. Dès le texte liminaire, l’auteur de Ma Mor est morte pose la question du meurtre. Murder of the mother. Le meurtre de la mère. L’avant-texte en italique livre en effet une clé linguistique déterminante : « mord », en danois, signifie « meurtre ». De quel meurtre s’agit-il au juste ? Celui de la mère ? Celui du fils ? Des deux sans doute, intimement et inextricablement mêlés. Jusqu’au dégoût, jusqu’à la répulsion. Et jusqu’à l’excès de la passion.

    Perdu depuis l’enfance, « fortabt i de store dybder, lost and nearly dead i mørket/perdu au-dessus des grands fonds, perdu, presque mort dans l’obscurité », depuis la naissance en mal d’amour de ses parents, le fils ne tente-t-il pas, en rôdant autour de la mort de sa mère, en la malaxant avec ses mots et ses « souvenirs déchus », en triturant la peur de sa Mor à travers langues, de tuer en lui l’enfant ? Et dans le même temps, par une sorte de prouesse, de mettre au monde une autre Mor. Non pas un double de la Mor haïe/aimée mais une Mor inattendue, face inverse de la « bordélique Mor ». Une troublante mère enfant, une « petite Mor » inconnue, « éternelle petite fille » qui entraîne avec elle, dans la perte, le fils. Étrange constat. Contradictoire, comme les sentiments incompréhensibles et incohérents dont souffre le narrateur. Double deuil, double doler. « Ainsi Mor est morte comme une enfant. En la perdant, j’ai aussi perdu un enfant (ma mère), et pour ma part je me suis perdu. Je dois me retrouver. Nécessairement. »

    De quelle cuisante morsure, de quel honteux remords, le fils est-il la proie ? Contre toute attente, la mort de « min Mor » s’accompagne d’une souffrance dont la force échappe au langage, que les mots d’une langue unique sont impuissants à dire. Il faut trois langues au fils de Mor, parfois quatre, pour venir à bout de sa Mor. Mais au bout du compte, que reste-t-il ? Reste le terrible aveu :

    « Je suis né et mort le jour où je suis devenu père. »

    « Et le constat final qui clôt Ma Mor est morte :

    « Déjà les enfants partent alors qu’on est à peine advenu. »

    Entre ces deux extrêmes, « la vie s’avance », et avec elle, advient le texte.

    En soixante chapitres de longueur inégale (parfois en un seul paragraphe), le fils affronte sa mère. En trois langues et en deux versions. Page de gauche, la version originale. Page de droite la version française. L’auteur (comment le disjoindre de celui qui dit « je » ?) affronte la réalité fastidieuse et fascinante de « min Mor », dans l’enchevêtrement de l’anglais, du danois et du français. Les images qui collent au corps et à la mémoire nécessitent le maillage des trois langues pour que le fils parvienne à s’approprier Mor, à l’apprivoiser et à la mettre à juste distance, hors de portée de nuire. À l’aimer. « La vérité au risque du meurtre » passe par la fusion babélienne des deux langues maternelles ―  l’anglais et le français ― avec le danois, langue de l’exil, « la troisième langue du chant des mots » :

    « Massive Mor er vaek nu. Det trøster mig ikke. My pledge is devant moi. Je suis extremly surprised by my emotion. I do nearly cry. Comment puis-je pleurer ainsi cette femme qui a si furieusement ødelagt alt omkring her ? » (version originale)

          « Maman massive est partie maintenant. Cela ne me console pas. Ma tâche est devant moi. Je suis extrêmement surpris par mon émotion. Je pleure presque. Comment puis-je pleurer ainsi cette femme qui a si furieusement détruit tout autour d’elle ? » (version française)

    Avec elle et derrière elle, Mor entraîne dans son sillage, outre son monde de vieilleries obscènes et ce petit dernier aux airs de fille qu’elle malmène, ses cinq filles et son pâle époux. « Min far, mon père » ne bénéficie pas, comme Mor, d’une majuscule mais il se voit affubler par ce fils qu’il « prend pour une bille » d’expressions peu glorieuses. « Le vieux panard… le vieux caleçon, den gamle røv ». Pourtant la vengeance a ses limites et s’il est incongru et intolérable de poser son imagination, ne serait-ce qu’un bref instant, sur les copulations du couple parental, in-envisageables, une tendresse insoupçonnée surgit, qu’il est difficile de refouler, comme il est difficile d’éradiquer la primitivité érotique de min far et de min Mor. La question brûlante de Ma Mor est morte réside bien dans les « ravages » que Mor a imprimés dans la chair de son fils par l’intermédiaire de son robuste corps maternel, seins sueur sexe. Ravages dont seule l’écriture, salvatrice, peut venir à bout.

    « Je suis convaincu que sans l’écriture et sa pratique quotidienne je serais déjà Mor d’elle, d’eux. Écrire a sauvé ma vie, sauvé ma vie avec ou sans lecteur car je suis le premier lecteur de moi-même », écrit Paul de Brancion au chapitre 28.

    Un soir de 14 juillet, à la Vaccaja de Pigna, en Balagne, Paul de Brancion lit des extraits de Ma Mor est morte. Je me souviens avec émotion de sa voix portée par le métissage multicolore des langues. Et de la fascination exercée par ce tressage serré de l’une à l’autre. Avec dans le tissé des phrases le retour des « or », comme autant de pépites semées sur l’ourlet de la vague. Mor, mort, mord, for, Fortabt, store, hvorfor, foreign, derfor, nor, encore, door, « Château d’or ». More. Never Mor. Polysémique Mor. Polymorphe mère « cauchemère ». Je la retrouve ici, au cœur des phrases, pareille à une divinité effrayante et mouvante. Émouvante. Vivante toujours, à travers l’écriture de son fils. Au-delà, un très beau texte, animé par un souffle intérieur qui tient en haleine. Et m’a rendu attachant le « fils de Mor ». Vulnérable et audacieux.



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli







    Paul de Brancion, Ma Mor est morte






    PAUL DE BRANCION


    Paul de Brancion
    Source



    ■ Paul de Brancion
    sur Terres de femmes

    [Il y a cette pluie] (extrait de Concessions chinoises)
    Ma Mor est morte (lecture d’Evelyne Morin)
    Sur un bateau léger | Nant’a u ligeru battellu (extrait du Marcheur de l’oubli)
    Qui s’oppose à l’Angkar est un cadavre (lecture d’Isabelle Lévesque)
    [Tristesse du soir] (extrait de Qui s’oppose à l’Angkar est un cadavre)
    Cheval aquacole (extrait de Rupture d’équilibre)



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    le site de Paul de Brancion
    → (sur le site de France Culture)
    Mor est morte, dans Pas la peine de crier, par Marie Richeux (émission du 5 janvier 2012)
    → (sur le site des éditions Bruno Doucey)
    un entretien vidéo où Paul de Brancion parle de la naissance de son recueil Ma mor est morte
    → (sur YouTube)
    Paul de Brancion lit un extrait de son recueil Ma mor est morte
    → (sur YouTube)
    un extrait du film Musique et poésie à Aubaron, le film de la soirée, avec les participations de Paul de Brancion et de Jacques Estager





    Retour au répertoire du numéro de janvier 2012
    Retour à l’ index des auteurs
    Retour à l’ index des « Lectures d’Angèle »

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Philippe Jambert | Angèle Paoli, Aux portes de l’île



    Aux portes de l'île

        [PORTES DU RÊVE]



                        XXI.



    Portes du rêve
    en amont du sommeil
    les feuillages vibrent
    broderies et dentelles
    encloses entre les baies

    arcatures et arceaux
    frontons brisés
    envolées de pierre

    les ombres glissent
    entre deux couleurs et deux rives
    errantes silhouettes de feuillages tremblés
    pétales corolles douces
    épanouies dans la chair du bois bai

    qu’avez-vous à confier aux battants qui résistent
    de n’être point poussés




    Angèle Paoli, Aux portes de l’île | Portes de Corse, XXI, Galéa Éditions, Bastia, 2011, page 121. Photographies de Philippe Jambert.



    Note d’AP : pour en savoir plus sur l’ouvrage cité ci-dessus, cliquer ICI. Cet ouvrage est le premier volet d’un triptyque en 3 volumes. Le deuxième volume (consacré aux fontaines de Corse) paraîtra en 2013 et le troisième (consacré aux tours génoises de l’île) en 2014.



    Retour au répertoire d’août 2011

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • | parfois elle tend le bras |




    Elle a rejoint des confins funambules
    Ph., G.AdC






    | PARFOIS ELLE TEND LE BRAS |




    Délires     son délire d’avant-mort
                                 de presque morte
    tête menue d’oiseau abandonnée
    au linceul du lit
    blancheur douloureuse sans forme ni éclat
    muscles tendus de l’avant-mort
    visage éteint
    ouvert sur un temps     autre     sans frontière
    sans limite     au sommeil éternel
    yeux clos sur une absence
    d’horizon et de temps


    parfois    elle tend le bras
    à cru dans le vide
    tente d’attraper de la main des lucioles
    ballet d’oiseau décharné air absent


    elle voit


    que voit-elle
    regard de moineau mort
    posé sur portée invisible
    lèvres affaiblies dans le non-sang
    happe insectes volants
    par myriades
    torpeur des jours sans fin ni commencement


    elle balbutie
    des mots à elle
    par cohortes
    annone marmonne murmure peut-être prie
    non ponctue
    hochements de tête      lèvres mues
    sans accroche
    sur l’avant-mort


    elle dit


    pourquoi ce capiton rouge dans mon cercueil
    je n’ai pas demandé de capiton rouge
    enlevez ce capiton rouge
    il me brûle les yeux il me brûle la peau


    elle dit


    pourquoi ta fille n’a-t-elle pas chanté
    à mon enterrement
    pourquoi
    elle aurait pu chanter
    le jour de ma mort


    elle dit


    pourquoi ne venez-vous pas
    cela fait tant de temps
    que vous n’êtes pas venus
    vous m’avez abandonnée
    ici
    où suis-je je ne sais pas


    elle dit


    mon frère est venu lui
    comme il est aveugle
    il s’est fait accompagner
    par un ami infirme
    qui ne peut plus marcher


    elle dit


    nous la regardons
    sans comprendre
    lèvres figées douleur sans réponse
    elle a rejoint des confins funambules
    franchi une frontière
    fil invisible de saute-menue
    erre dans le labyrinthe des mots
    et des morts
    ballet de la main qui feuillole dans l’air
    à la recherche de lucioles sans retour
    sans complainte


    elle nous laisse    de l’autre côté du fleuve
    dans un arrière-monde
    s’éloigne
    dans sa nuit     sans force


    yeux clos
    sur son avant-mort.




    Angèle Paoli
    D.R. Texte angelepaoli




    Retour au répertoire de avril 2011
    Retour à l’index de la catégorie Zibal-donna

    » Retour Incipit de Terres de femmes

  • Poésie en Compagnie | Trois veillées poétiques à Paris

    Agenda culturel



    Poésie en compagnie5




    TROIS VEILLÉES POÉTIQUES À PARIS


    *


    De l’écriture solitaire au partage poétique

    Lectures, échanges, signatures





    ■ Lundi 28 février (Paris)

    Angèle Paoli, Sylvie Saliceti, Dany Moreuil

    Poésie en compagnie I : veillée à 19h30, librairie Les Lettres du temps, Paris
    Présentation des livres des éditions Cousu Main, Éclats d’Encre, Flammes vives, L’Arbre à Paroles, La Bruyère, Le Nouvel Athanor, Les Aresquiers, les éditions du Petit pois

    Librairie Les Lettres du temps
    19, rue de Campo-Formio
    75013 Paris
    M° Nationale, Campo-Formio
    Réservation conseillée (Karim Bensoltane) : 01 53 82 20 44
    ldt@lettresdutemps.com




    ■ Mardi 1er mars (Paris)

    Sylvie Saliceti, Dany Moreuil, Angèle Paoli

    Poésie en compagnie II : veillée à 19h30, Salon de musique, Paris

    Salon de musique
    0/1, rue Darwin
    75018 Paris
    M° Lamarck-Caulaincourt
    Réservation conseillée (Micheline Zederman) : 06 87 45 68 19
    orsinidelyee@neuf.fr




    ■ Mercredi 2 mars (Paris)

    Dany Moreuil, Angèle Paoli, Sylvie Saliceti

    Poésie en compagnie III : veillée à 19h30, librairie La Lucarne des écrivains, Paris
    Présentation des livres des éditions Cousu Main, Éclats d’Encre, Flammes vives, L’Arbre à Paroles, La Bruyère, Le Nouvel Athanor, Les Aresquiers, les éditions du Petit pois

    Librairie La Lucarne des écrivains
    115, rue de l’Ourcq
    75019 Paris
    M° Crimée
    Réservation conseillée (Armel Louis) : 01 40 05 91 29
    lalucarnedesecrivains@gmail.com


    Participation libre aux frais d’accueil
    – salé, sucré bienvenus –
    – boissons offertes –


    Renseignements
    01 45 31 18 98




    Retour au répertoire de février 2011

    » Retour Incipit de Terres de femmes

  • Corse_3 Jacques Fusina, Écrire en corse


    par Angèle Paoli

    Jacques Fusina, Écrire en corse,
    Klincksieck, Collection « 50 questions », 2010.




    Compte rendu d’Angèle Paoli


    Le 17 novembre 2010, à la Bibliothèque patrimoniale Tommaso Prelà de Bastia, Jacques Fusina a présenté son dernier ouvrage, Écrire en corse. Publié chez l’éditeur Klincksieck, le livre s’inscrit dans la collection des « 50 questions », collection prestigieuse dirigée par Belinda Cannone.






    800
    Diptyque photographique, G.AdC






    POURQUOI CE LIVRE ?


    Pourquoi ce livre ? Telle est la première question qui ouvre le livre et a ouvert cette présentation.

    Difficile à appréhender, la littérature corse se présente comme une matière multiple et complexe. S’il existe en Corse une production importante sur la littérature corse et sur la langue corse, il n’existe en revanche aucun ouvrage de synthèse sur ces sujets. Le livre de Jacques Fusina, qui n’ambitionne aucunement d’être un ouvrage exhaustif, est une présentation simplifiée de cette matière, un ouvrage de vulgarisation. Mais une vulgarisation dont le sérieux se pose comme garant contre toute éventuelle contestabilité. Ce souci de sérieux, qui alimente chaque exposé relatif à une question, est confirmé par l’important appareil paratextuel qui complète l’ouvrage (conforme en cela au cahier des charges de la collection) : une bibliographie des œuvres citées (pp. 163 à 169), une bibliographie critique générale (pp. 171 à 177), un index des noms cités avec des numéros qui renvoient aux différentes questions. Par ailleurs, limité en nombre de signes et de pages (192 p.), l’ouvrage est défini par son auteur comme un essai de vision englobante de la littérature corse, des origines à nos jours.


    Pourquoi Jacques Fusina a-t-il été pressenti pour réaliser cet ouvrage ?

    Ancien élève de Fernand Ettori (1919-2001), professeur émérite de l’Université de Provence, Jacques Fusina, lui-même professeur émérite des universités, reconnu comme un spécialiste de la matière littéraire corse, a participé avec Antoine-Laurent Serpentini à l’élaboration du Dictionnaire historique de la Corse (Ajaccio, Albiana, 2006). La cinquantaine d’articles rédigés par J. Fusina ainsi que les nombreuses notes qu’il a accumulées au cours de sa carrière d’enseignant et de chercheur, ont constitué un matériau documentaire immédiatement exploitable pour aborder la rédaction d’Écrire en corse. Alors même qu’il songeait à mettre en forme ce matériau pour un « Que sais-je » des P.U.F, Belinda Cannone a proposé à Jacques Fusina d’élaborer un ouvrage en « 50 questions », conforme à l’esprit de la collection. À ce sujet, Jacques Fusina rappelle un élément symbolique important : les éditions Klincksieck ont depuis toujours manifesté leur intérêt pour la Corse et pour la langue corse. C’est aux éditions Klincksieck en effet qu’ont vu le jour le Dictionnaire corse-français (1968) de Mathieu Ceccaldi ainsi que l’Anthologie de la littérature corse (1973) du même auteur.


    La question du titre.

    Après quelques hésitations concernant le choix du titre, c’est finalement Écrire en corse (sans majuscule à l’initiale du mot corse) qui a été choisi, titre proposé par les éditions Klincksieck avec l’assentiment de l’auteur, conquis par la soudaine évidence du titre. Selon Jacques Fusina, à en juger notamment par les réactions qui circulent sur la Toile, le livre était un livre attendu qui connaît d’ores et déjà un certain succès. Cet ouvrage arrive à point nommé car il trouve sa place dans un questionnement qui fait aujourd’hui débat.


    Comment l’ouvrage se présente-t-il ?

    Respectant la chronologie, cet essai, qui part des origines de la littérature corse pour arriver jusqu’aux questionnements d’aujourd’hui, propose également des thématiques transversales. Ces thématiques permettent d’aborder des questions centrales. Ainsi, le problème des écrivains irrédentistes corses est-il abordé avec le sérieux et la distanciation nécessaires, aux questions 23 ― « Régionalisme, autonomisme, irrédentisme… et littérature corse » ― et 24 ― « Quels sont les trois poètes corses et irrédentistes d’Italie » ?

    Pour ce qui concerne la littérature contemporaine, on se heurte toutefois à la question de la critique, quasi inexistante en Corse. Sans doute est-il difficile d’écrire sur la production des compatriotes dont la susceptibilité n’autorise pas l’émergence de ce genre. Une véritable critique (qui doit savoir rendre compte des aspects qualitatifs comme des insuffisances d’une œuvre) ne pourra exister dans l’île qu’à partir du moment où, sur cette question particulière, elle aura acquis davantage de sérénité et de maturité.


    Écrire en corse, une vision englobante de l’histoire de la littérature corse ?

    Pour Jacques Fusina, le premier littérateur en langue corse est un exact contemporain de Louis XIV, Guglielmo Guglielmi (1644-1728), curé d’Orezza, auteur des Ottave giocose (1702), qui font de lui la « figure emblématique d’une littérature des origines », bien avant Santu Casanova.

    Fondateur d’A Tramuntana, « tribune politique, humoristique, satirique et littéraire », Santu Casanova (1850-1936) eut quant à lui une influence considérable. « Journaliste fougueux » à la verve intarissable, engagé dans la lutte linguistique et sociale, Ziu Santu est « considéré aujourd’hui comme une étape-clé du mouvement d’élaboration moderne du corse ». Pourtant, bien avant Santu Casanova, les almanachs ont constitué « le véritable réceptacle de tout un savoir populaire et savant à la fois et recueillaient, de manière inégale mais non dénuée d’intérêt, une production littéraire souvent introuvable ailleurs ». Ainsi de certaines brochures bastiaises comme L’Almanacco del pescator di Chiaravalle (1847), L’Astronomo (1855), L’Artigiano (1872), ou Il Cirneo (1917-1921).

    Bien que Guglielmo Guglielmi lui ait préexisté, Salvatore Viale (1787-1861) est souvent considéré comme le premier poète corse. Auteur de la Dionomachia, Viale insère dans le chant IV de sa « guerre pour l’âne », « une sérénade dite de Scappino… in lingua vernaculare ». La langue utilisée par Viale et par le cercle littéraire dans lequel il évolue, la « lingua patria », est la langue italienne. Mais l’histoire en a décidé autrement et la « lingua vernacola », le corse, l’a emporté sur l’italien.

    Au XIXe siècle, l’une des figures les plus représentatives de la littérature corse est le professeur Pietro Lucciana, dit Vattelapesca (1832-1909). On trouve en 1881, dans les numéros du Petit Bastiais, des écrits de Vattelapesca qui témoignent d’une grande qualité d’écriture.
        À travers toutes les formes de support qui ont existé, les autochtones étaient habitués à lire la littérature corse et aimaient à s’y confronter.


        Qu’en est-il de la littérature contemporaine ?

    Beaucoup de choses s’écrivent ou sont publiées en Corse, qui sont loin d’être toutes des œuvres de qualité. Il existe toutefois sur l’île quelques plumes intéressantes.

    Ceux qui écrivent de façon permanente en langue corse sont minoritaires. L’essentiel de la production corse s’écrit en français. Mais pas exclusivement. Certains auteurs corses, comme l’universitaire Joseph Chiari, établi en Grande-Bretagne, écrivent en anglais. D’autres, comme l’Allemande Gerda-Maria Künh, « passeuse inspirée de la poésie et de la chanson corses dans son pays d’origine » écrivent en allemand. Japonais ou Chinois passionnés d’études corses, sont appelés à publier dans leur langue et dans leur pays les articles de leur recherche. Doit-on considérer leurs écrits comme appartenant à la littérature corse ?

    Il en est de même de la littérature francophone. Peut-on par exemple considérer le romancier antillais Patrick Chamoiseau comme un écrivain français ? Récompensé par l’Académie Goncourt, Patrick Chamoiseau a introduit le parler créole dans son roman Texaco. Ce métissage de la langue aboutit à une création originale, qui prend ses distances par rapport à la langue française classique et donne à son roman une coloration extrêmement plaisante. Et si, paradoxalement, les lecteurs français considèrent ce romancier comme un romancier antillais, les Antillais, eux, le reconnaissent comme un écrivain français à part entière.

    Mais Écrire en corse ouvre aussi son champ de questionnement à d’autres formes de création : la BD, les « Chjami è rispondi », les chansons… L’ouvrage tient compte de tous les niveaux d’expression ainsi que de l’évolution littéraire actuelle.


    Au final, qu’entend-on par littérature corse ?

    De cette diversité et de ce foisonnement en pleine effervescence naît la question cruciale et complexe : qu’entend-on par littérature corse ? Peut-on considérer Paul Valéry, issu d’une famille cap-corsine d’Erbalunga, comme un écrivain corse ? Rien dans son œuvre ne permet de l’affirmer. Sauf peut-être ce quelque chose, difficile à définir, qui chez l’auteur du « Cimetière marin » alimente le thème de l’île. Faut-il considérer comme suffisant le « désir profond » de l’écrivain de connaître mieux l’île des origines ? Au point d’affirmer : « Je rêve bien souvent que j’y trouve une retraite bien défendue par notre merveilleuse mer contre tout ce qui, dans notre vie actuelle, trouble, inquiète, diminue les purs mouvements de la pensée. » (21, p. 69).

    La même question se pose, quoiqu’à rebours, pour le romancier Angelo Rinaldi. Né à Bastia en 1940, membre de l’Académie française, l’auteur de La Maison des Atlantes peut-il être considéré comme un écrivain corse, lui qui tient la langue corse pour une langue de chevrier ?

    Et peut-on considérer comme des écrivains à part entière ceux qui écrivent dans la langue corse de la rue ? Pascal Marchetti a une connivence avec cette langue-là qui, à ses yeux, rend compte d’une forme d’authenticité. Mais cela ne suffit pas. Il faut un réel talent pour que l’introduction de ce parler dans la langue écrite puisse déboucher sur une œuvre littéraire digne de ce nom. L’exemple qui vient d’emblée à l’esprit et le plus connu est celui de Pesciu Anguilla, le roman de Sebastianu Dalzeto (tout récemment traduit en français et publié chez fédérop).

    Que dire également de Joseph Conrad, l’ami indéfectible du navigateur Cervioni ? D’origine polonaise, l’écrivain anglais, amoureux fou de la Corse et du Cap Corse en particulier, n’est-il pas un écrivain universel ?

    C’est à cette universalité que la littérature corse doit un jour pouvoir accéder. Où se situe la ligne d’horizon ? À ses amis (Fusina, Thiers…) qui, un jour, au sein d’un jury de soutenance de thèse, demandèrent à Fernand Ettori ce qu’était pour lui la littérature corse, le maître répondit par un « Ah !!!??? » interjectif et interrogatif tout à la fois, suivi d’un long silence… qui laissa tout décontenancés ses confrères.


    Et Marie-Jean Vinciguerra de conclure malicieusement :

    « Au fond, les cinquante clés dans le trousseau ouvrent autant de portes que de questions, et font d’Écrire en corse un ouvrage à la Derrida, un ouvrage de  » déconstruction  » (rires !) ». Et Jacques Fusina d’acquiescer par un sourire à cette possible définition !

    À chaque lecteur donc de reconstruire, pièce après pièce, le puzzle complexe de la littérature corse. Il en va de la lecture comme de l’écriture : in fine, le seul vrai moteur en est le plaisir.



    Angèle Paoli




    JACQUES FUSINA


    Jacques Fusina 2



    ■ Jacques Fusina
    sur Terres de femmes

    Les mots apprivoisés
    Libazioni di sangue | Libations de sang (Angèle Paoli) [Une traduction inédite de Jacques Fusina]
    2 juin 1931 | Naissance de Jacques Garelli (+ deux poèmes extraits de Fulgurations de l’être, de Jacques Garelli, traduits en corse par Jacques Fusina)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Isularama)
    un billet sur Écrire en corse, par Xavier Casanova
    → (dans les numéros 19-20, « Utopie » [Espace Corse] de la revue numérique québécoise Mouvances)
    sept poèmes inédits de Jacques Garelli
    → (sur le site du Printemps des poètes)
    une notice bio-bibliographique sur Jacques Fusina




    Retour au répertoire du numéro de novembre 2010
    Retour à l’ index des auteurs
    Retour à l’ index des « Lectures d’Angèle »

    » Retour Incipit de Terres de femmes

  • CAMAÏEUX

    Livre d’artiste de Véronique Agostini
    sur un poème d’ Angèle Paoli (octobre 2010)



    Camaieux-couv





    CAMAÏEUX


    Poème d’Angèle Paoli


    Édition originale illustrée avec des Suminagashi et un gaufrage de Véronique Agostini.


    Il a été tiré 24 exemplaires originaux en impression numérique du texte
    sur Rives Sensation 120 gr plié. Tous cousus à la main reliés à la japonaise, sous une couverture du Moulin de Larroque 250gr avec un Gaufrage Original.

    Signés et numérotés par l’Auteure et l’Artiste.

    14 cm x 17 cm

    octobre 2010





    Camaieux-titre





    Camaïeux
    de verts de bleus de mauves et de gris
    de vagues hérissées de cristes-marines
    pommelé or des genêts camaïeux de câprier des îles
    centaurées de Salonique et du solstice
    de silènes à fleurs roses saponaires et scabieuses
    camaïeux de jusquiame blanche
    et de filaires lancéolées haut perchées
    sur leurs ergots de tiges sombres […]







    Camaieux-page-ouverte-3







    Camaieux-page-ouverte







    Camaieux-colophon-2





    Pour toute commande, se rendre sur le
    site des éditions Les Aresquiers



    Retour au répertoire de octobre 2010

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Angèle Paoli, Carnets de Marche

    Chroniques de femmes – EDITO/SOMMAIRE




    CARNETS DE MARCHE 3






    « LE RAVIN N’EST-IL QUE LA NOSTALGIE DE LA MONTAGNE ? »



    Lecture de Christiane Parrat



         Qu’écrit-on quand on a perdu un être proche ? Comment vit-on, survit-on ? Il en est des brisures de l’amour comme de la mort. L’écriture fouaille alors dans les racines invisibles de ce qui reste. Exil à l’intérieur de soi-même pour y tresser l’ode à l’absente, sans savoir qui est la plus absente à soi de celle qui reste ou de celle qui est partie.

         « Où est son bien ? Elle le cherche. Il la fuit. Sa nature même lui échappe. Elle s’agrippe aux bouquets d’euphorbes, au chant solitaire d’un oiseau qui appelle sa compagne lointaine. »

         Carnets de Marche… La marche est difficile et courageuse qui va à l’écriture… la lecture en est bouleversante. J’ai traversé ce jour dans la douceur de ce beau livre écrit par Angèle Paoli et édité à Béziers, aux toutes jeunes et talentueuses éditions du Petit Pois… Soixante-et-un fragments de ces carnets ont été choisis par Véronique et David Zorzi pour nous faire entrer dans quelques saisons de la vie d’une femme, confrontée à la fracture amoureuse… Cent-vingt-deux pages d’une écriture limpide, d’une absolue fluidité, nous mènent de la plénitude de la souffrance au vertige du vide laissé par la faille.

         En exergue, cette pensée d’Hélène Sanguinetti : « Le ravin n’est-il que la nostalgie de la montagne ? » Ainsi va s’ouvrir un des plus beaux textes d’Angèle Paoli. Sans pathos, dans une écriture proche de l’intime, qui ne cache rien tout en gardant le mystère d’une insolente pudeur, elle nous conduit dans l’univers secret de ses marches, nous donne accès à cette déchirure, se centrant peu à peu sur le chemin intérieur qui va transformer ces marches en « marches à gravir ». Un texte qui se lit lentement, parce qu’il a la grâce. Une traversée solitaire douce et attentive de ces chemins de l’île où s’échange la douleur contre la force de la nature offerte. La terre devient alors écrin de la solitude, attente, miroir d’angoisse, creux et pierres où poser sa supplication, murmure traversant saisons et paysages. Émerveillement sacré réveillant les mythes qui viennent du fond des temps, paganisme antique des grigris, des sortilèges. Mais aussi bain de lumière, de rumeurs, accordant la houle de la mer omniprésente à celle de l’encre. Le regard de la poète fouille le maquis pour retrouver la vie, celle des bêtes, des plantes, des hommes et des femmes de l’île.

         « Le vent souffle par grandes rafales. Le maquis ploie sous les à-coups imprévus du libecciu. »

         Carnets de Marche est un livre incandescent, flamboyant, d’une nudité intense et d’une grande finesse psychologique. Tout de l’âme de la marcheuse y est interrogé.

         « Résister à la tentation de la voix. Me retirer sans faire de bruit. Vivre mes souffrances et mes deuils dans ma seule chair, mes sanglots dans ma seule voix. »

         Les voix multiples de la narratrice balisent cet itinéraire spirituel né du décalage existentiel entre habiter, vivre là et être ailleurs… « Solitude des seuils »… matière de songes mêlant fantasmes et réalité. C’est d’une écriture porteuse du temps qu’elle a besoin pour cicatriser, un temps analgésique. De page en page, elle nous mène sur son chemin de renoncement qui ouvre à la beauté du monde, éprouve, se découvre…

         « …reconstruire l’ordre immuable des choses réapprendre le silence les gestes de l’oubli les paroles apaisées allégées du trop-plein des mots ranger l’autre qu’on a aimée la coucher la plier sans faux plis aux côtés de ceux qui ont déjà une place dans ton cimetière intérieur… »

         Quête de l’indicible. Ce livre ennoblit tant il est pur, tout en nuances. Une écriture de violoncelle. Silence de l’être qui effleure les mots ou les pétrit d’une sensualité toute méditerranéenne, ou d’un érotisme radieux quand l’écriture s’attarde dans les clairières amoureuses de la mémoire. Autopsie d’une âme, d’un amour, d’un rêve… qui s’effiloche en ces derniers mots comme une laine de mouton sur un cœur barbelé, celui de l’absente au loin allée… :

         « Mon chagrin mon chagrin m’a fui cette nuit s’en est parti ai entendu senti compris que mon chagrin était enfui Lundi mardi vendredi mon chagrin s’en est parti parti au-delà des jours et des nuits uits uits. »


    Christiane Parrat
    D.R. Texte Christiane Parrat
    pour Terres de femmes *



    * Recension publiée dans la revue Le Quai des Lettres, La Rochelle, septembre 2010, n° 22/23.

    Retour au répertoire d’août 2010
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Angèle Paoli, Carnets de Marche

    Angèle Paoli, Carnets de Marche,
    Les Éditions du Petit Pois, Béziers, juillet 2010.

    ISBN : 978-2-9534097-2-7



    Logo__les_publications_dangle_pao_3








         Le vent souffle par grandes rafales. Le maquis ploie sous les à-coups imprévus du libecciu. Je ne vais sans doute pas pouvoir marcher très longtemps sur la route. Je n’ai pourtant pas envie de renoncer. Je vais trouver un abri où pelotonner ma solitude. Il me semble me souvenir qu’en prenant sur ma gauche le sentier un peu large qui conduit jusqu’aux ruches, je vais déboucher sous les grottes qui précèdent la Pierre plate. La Pierre à palabres.

    Angèle Paoli





    POUR LIRE LA SUITE, SE REPORTER À L’ÉDITION PAPIER (JUILLET 2010).








    Photos, G.AdC




    « LE RAVIN N’EST-IL QUE LA NOSTALGIE DE LA MONTAGNE ? »


    Lecture de Christiane Parrat



         Qu’écrit-on quand on a perdu un être proche ? Comment vit-on, survit-on ? Il en est des brisures de l’amour comme de la mort. L’écriture fouaille alors dans les racines invisibles de ce qui reste. Exil à l’intérieur de soi-même pour y tresser l’ode à l’absente, sans savoir qui est la plus absente à soi de celle qui reste ou de celle qui est partie.

         « Où est son bien ? Elle le cherche. Il la fuit. Sa nature même lui échappe. Elle s’agrippe aux bouquets d’euphorbes, au chant solitaire d’un oiseau qui appelle sa compagne lointaine. »

         Carnets de Marche… La marche est difficile et courageuse qui va à l’écriture… la lecture en est bouleversante. J’ai traversé ce jour dans la douceur de ce beau livre écrit par Angèle Paoli et édité à Béziers, aux toutes jeunes et talentueuses éditions du Petit Pois… Soixante-et-un fragments de ces carnets ont été choisis par Véronique et David Zorzi pour nous faire entrer dans quelques saisons de la vie d’une femme, confrontée à la fracture amoureuse… Cent-vingt-deux pages d’une écriture limpide, d’une absolue fluidité, nous mènent de la plénitude de la souffrance au vertige du vide laissé par la faille.

         En exergue, cette pensée d’Hélène Sanguinetti : « Le ravin n’est-il que la nostalgie de la montagne ? » Ainsi va s’ouvrir un des plus beaux textes d’Angèle Paoli. Sans pathos, dans une écriture proche de l’intime, qui ne cache rien tout en gardant le mystère d’une insolente pudeur, elle nous conduit dans l’univers secret de ses marches, nous donne accès à cette déchirure, se centrant peu à peu sur le chemin intérieur qui va transformer ces marches en « marches à gravir ». Un texte qui se lit lentement, parce qu’il a la grâce. Une traversée solitaire douce et attentive de ces chemins de l’île où s’échange la douleur contre la force de la nature offerte. La terre devient alors écrin de la solitude, attente, miroir d’angoisse, creux et pierres où poser sa supplication, murmure traversant saisons et paysages. Émerveillement sacré réveillant les mythes qui viennent du fond des temps, paganisme antique des grigris, des sortilèges. Mais aussi bain de lumière, de rumeurs, accordant la houle de la mer omniprésente à celle de l’encre. Le regard de la poète fouille le maquis pour retrouver la vie, celle des bêtes, des plantes, des hommes et des femmes de l’île.

         « Le vent souffle par grandes rafales. Le maquis ploie sous les à-coups imprévus du libecciu. »

         Carnets de Marche est un livre incandescent, flamboyant, d’une nudité intense et d’une grande finesse psychologique. Tout de l’âme de la marcheuse y est interrogé.

         « Résister à la tentation de la voix. Me retirer sans faire de bruit. Vivre mes souffrances et mes deuils dans ma seule chair, mes sanglots dans ma seule voix. »

         Les voix multiples de la narratrice balisent cet itinéraire spirituel né du décalage existentiel entre habiter, vivre là et être ailleurs… « Solitude des seuils »… matière de songes mêlant fantasmes et réalité. C’est d’une écriture porteuse du temps qu’elle a besoin pour cicatriser, un temps analgésique. De page en page, elle nous mène sur son chemin de renoncement qui ouvre à la beauté du monde, éprouve, se découvre…

         « …reconstruire l’ordre immuable des choses réapprendre le silence les gestes de l’oubli les paroles apaisées allégées du trop-plein des mots ranger l’autre qu’on a aimée la coucher la plier sans faux plis aux côtés de ceux qui ont déjà une place dans ton cimetière intérieur… »

         Quête de l’indicible. Ce livre ennoblit tant il est pur, tout en nuances. Une écriture de violoncelle. Silence de l’être qui effleure les mots ou les pétrit d’une sensualité toute méditerranéenne, ou d’un érotisme radieux quand l’écriture s’attarde dans les clairières amoureuses de la mémoire. Autopsie d’une âme, d’un amour, d’un rêve… qui s’effiloche en ces derniers mots comme une laine de mouton sur un cœur barbelé, celui de l’absente au loin allée… :

         « Mon chagrin mon chagrin m’a fui cette nuit s’en est parti ai entendu senti compris que mon chagrin était enfui Lundi mardi vendredi mon chagrin s’en est parti parti au-delà des jours et des nuits uits uits. »


    Christiane Parrat
    D.R. Texte Christiane Parrat *



    * Cette recension a été publiée dans la revue Le Quai des Lettres, La Rochelle, septembre 2010, n° 22/23, page 23 [directeur de publication : Denis Montebello].





    CARNETS DE MARCHE 3




    Pour faire l’achat de cet ouvrage, cliquer ICI.

    » Retour Incipit de Terres de femmes

  • Corse_3 Inlassables…

    Le clocher -gr-ne ses heures. vagues de chaleur le silence soudain . drosse le maquis
    Ph., G.AdC






    INLASSABLES…



    Le chant crépite dans sa gorgée
    friselis de froissement d’ailes
    ferveur fébrile sous les feuilles
    la vie fugitive doigts feutrés


    inlassables les mélodies
    comment mettre sous syllabes
    en couleurs en notes en mots
    les sons échappent dérobent leur sens
    aux sentiments inépuisables
    pépites d’or


    les oiseaux et la tour
    le cliquetis d’armes dans les meneaux
    quatre notes sous silence
    quatre notes sans portée
    la même intensité insoluble
    du désir bruissant d’herbes folles


    le clocher égrène ses heures
    chant de l’été frondaisons douces
    l’immobilité du soleil
    dans le chemin des branches
    le mâle est-ce lui qui lance ses trilles
    à la croisée
    nul ne répond
    si ce n’est un chien isolé dans son aire
    vagues de chaleur le silence soudain
    drosse le maquis


    l’oiseau solitaire se tait
    la tour oscille sous le ciel
    pavois mouvant âge figé
    dans les gemmes moussues
    un milan plane
    glanant des signes indicibles
    les hauts tourbillons de cercles nus
    un papillon danse blanc dans les cistes
    corolles dépliées tendres frissons


    les lansquenets de l’amiral
    ferraillent en toi
    Doria mystérieux épris
    d’éclairs de sang de feu
    tu dessines les chants d’ici


    les lamenti émaillés
    de graminées


    de pleurs
    de miel




    Angèle Paoli, in Thαumα, Revue de philosophie et poésie, n° 6, « Oiseaux », La Compagnie des Argonautes, 1er trimestre 2010, pp. 46-47.




    Retour au répertoire de avril 2010
    Retour à l’index de la catégorie Zibal-donna

    » Retour Incipit de Terres de femmes