Étiquette : Anna Magnani


  • Michèle Finck | [Pier Paolo Pasolini, Mamma Roma]





    Mamma-roma-pier-paolo-pasolini-1962
    “A mà… mamma… sto a morì… A mà perché me stanno a fa così?”
    « Mamma, mamma, je meurs. Pourquoi ils font ça ? »








    [PIER PAOLO PASOLINI, MAMMA ROMA]



    Pier Paolo Pasolini

    Mamma Roma

    Anna Magnani, Ettore Garofolo

    Mamma Roma. Prostituée et Pietà. Visage
    De sainte. Nimbé par le noir et blanc. Prostituée
    Et Pietà. Aspire à la rédemption. Par son fils.
    Pour son fils. Cri de la Magnani : « Ettore, Ettore. »
    Marche la prostituée filmée en travelling arrière
    Dans le noir zébré par les lumières de la ville. Marche
    La mère vers le fils. « Ettore, Ettore. » Marche.
    Où le fils ? Avec les voyous. Dans les terrains vagues
    Où se mêlent gratte-ciels et ruines d’aqueducs de la Rome
    Antique. « Ettore, Ettore. » Quelle rédemption
    Pour les pauvres ? Prostituée et Pietà. Marche.






    Mamma Roma Fine






    Gros plan sur le visage de Mamma Roma. Larmes.
    De joie. Fierté pour le fils, serveur dans un restaurant,
    Porteur à la Caravage d’une corbeille de fruits.
    Gros plan sur le visage de Mamma Roma. Larmes.
    De douleur. Fils coupable a volé. Fils en prison.
    Chant IV de L’Enfer de Dante dans une salle d’hôpital.
    « Mamma, mamma, je meurs. Pourquoi ils font ça ? »
    Fils à l’agonie est attaché à son lit. « Ettore,
    Ettore. »
    Ré mineur. Abîmes de Vivaldi.
    Lamentation sur le Christ mort de Mantegna ?
    Raccourci perspectif du corps du fils à la morgue.
    Grands pieds avec deux trous, stigmates.
    Vierge en pleurs s’essuie le visage. Stabat Mater.






    Mamma Roma Fine 2






    Michèle Finck, « V Cinémathèque des larmes » in Connaissance par les larmes, éditions Arfuyen, Collection Les Cahiers d’Arfuyen, volume 233, 2017, pp. 139-140.







    Finck 3






    MICHÈLE FINCK


    Finck Guidu
    Image, G.AdC




    ■ Michèle Finck
    sur Terres de femmes

    Connaissance par les larmes (lecture d’AP)
    [Chostakovitch, Tsvetaïeva, Akhmatova] (poème extrait de La Troisième Main)
    La Troisième Main (lecture d’Isabelle Raviolo)
    Pitié (poème extrait de L’Ouïe éblouie)
    [Cette fois nous parvenons à travailler] (poème extrait de Poésie Shéhé Résistance)
    Sur un piano de paille (lecture d’AP)
    Variation 9 :: À Glenn Gould 1981 (poème extrait de Sur un piano de paille)




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions Arfuyen)
    une notice bio-bibliographique sur Michèle Finck
    → (sur le site des éditions Arfuyen)
    une page sur Connaissance par les larmes de Michèle Finck



    ■ Voir | écouter encore▼

    → (sur Terres de femmes)
    22 septembre 1962 | Sortie de Mamma Roma (Pier Paolo Pasolini)
    → (sur YouTube) la séquence finale de Mamma Roma =>


    Séquence finale de Mamma Roma





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  • 22 septembre 1962 | Sortie de Mamma Roma
    (Pier Paolo Pasolini)

    Éphéméride culturelle à rebours



    Anna Magnani dans Mamma Roma
    Source







    Le 22 septembre 1962 sort en Italie, au cinéma Quattro Fontane à Rome, Mamma Roma, film réalisé par Pier Paolo Pasolini. Avec Anna Magnani dans le rôle de la prostituée Mamma Roma et Ettore Garofolo dans le rôle d’Ettore.







    RENÉ DE CECCATTY, APRÈS LA PROJECTION DE MAMMA ROMA
    (extrait de Sur Pier Paolo Pasolini)




    Le tournage de Mamma Roma commence au printemps 1962. Pasolini […] s’adresse à Anna Magnani et prend pour acteur principal un serveur dans une trattoria du Trastevere. « Je l’ai découvert l’autre soir et ça a été aussi beau que de trouver le dernier vers, le plus important, d’un poème, que de trouver la rime parfaite. » Le plus étonnant est qu’il fera exercer à son personnage le métier de l’acteur. Il compare, d’ailleurs, cette vision d’Ettore Garofalo [ou Garofolo] avec son plateau à un tableau célèbre de Caravage (Jeune Bacchus). L’intrigue est inspirée d’un fait divers : la mort en prison d’un garçon de dix-huit ans, Marcello Elisei. Pasolini avait prévu de raconter cette histoire dans un roman, abandonné, Il Rio della grana.

    Il devait regretter d’avoir fait appel à Anna Magnani, à laquelle il reprochait son éducation petite-bourgeoise et non prolétaire. Mais Elsa Morante lui écrit à ce propos : « D’après moi, tous autant qu’ils sont avaient décidé dès le départ que Magnani devait être trop parmi les autres personnages, sans avoir le courage de juger à partir des faits mêmes. En fait, d’après moi, Magnani est splendide et son histoire n’aurait pu être mieux réussie, même dans ses rapports avec son fils. » Elsa Morante, elle-même, s’inspirera du personnage d’Ettore pour La Storia et Le Monde sauvé par les gamins.

    En réalité, s’il y a un problème Magnani dans Mamma Roma, ce n’est pas à cause de l’actrice, mais du personnage. Mamma Roma est un personnage symbolique et fantasmatique, ce que n’est pas Ettore. Et Pasolini a eu un certain mal à insérer dans une intrigue « naturaliste » deux personnages dont les fonctions sont aussi différentes à l’intérieur de son système de représentation de la réalité poétique. Il est évident qu’Ettore est le condensé de tous les garçons que Pasolini a aimés lorsqu’il enseignait dans le Frioul, puis quand il s’est installé dans les « borgate ». C’est le personnage qui, avec plus de tragique, annonce en partie celui qui sera son compagnon, Ninetto Davoli (qu’il rencontrera dans moins d’un an, en tournant La Ricotta). Il filme donc poétiquement et tragiquement Ettore : poétiquement quand il le montre errant dans les terrains vagues, tragiquement lorsqu’il le suit de dos (comme il filmera dans deux ans le Christ dans L’Évangile, selon son style indirect libre ou semi-direct) ou encore au moment de sa mort en représentant la « perspective en raccourci » du Christ de Mantegna. Alors qu’il filme beaucoup plus conventionnellement Anna Magnani : il a recours à deux conventions ; la convention populiste, lorsqu’elle est à son stand au marché — c’est ainsi qu’on filmait Sophia Loren à Naples — et une autre convention, elle, si l’on peut dire, beaucoup plus originale, la convention symbolique : les deux plans — séquences travelling — arrière où elle raconte sa vie aux souteneurs et aux clients. Il a été contraint d’inventer ce style qui n’est qu’en partie le sien : il sera réutilisé sur un mode comique, mais avec la même force symbolique, dans Uccellacci e uccellini. Mais il y a, heureusement, la scène d’ouverture, complètement géniale, la « cène de mariage » où il rejoint immédiatement le grand style pasolinien, celui qui s’épanouira dans Porcherie ou dans les Contes.



    René de Ceccatty, Sur Pier Paolo Pasolini, Éditions du Rocher, 2005, pp. 171-172.





    ANNA MAGNANI


    Anna Magnani dans Mamma Roma
    Source



    ■ Anna Magnani
    sur Terres de femmes

    7 mars 1908 | Naissance d’Anna Magnani (lecture de La Langue d’Anna de Bernard Noël, par AP)
    des extraits de La Langue d’Anna de Bernard Noël



    ■ Voir | écouter aussi ▼


    → (sur YouTube) la séquence Fiore di merda de Mamma Roma :

    Séquence du film Mamma Roma

    → (sur YouTube) la séquence finale de Mamma Roma :

    Séquence finale de Mamma Roma



    ■ Pier Paolo Pasolini
    sur Terres de femmes

    5 mars 1922 | Naissance de Pier Paolo Pasolini
    2 novembre 1975 | Mort de Pier Paolo Pasolini
    Al principe
    A na fruta (+ bio-bibliographie)
    El cuòr su l’aqua
    Le chant des cloches
    [Ma io parlo… del mondo] (extrait de Poésie en forme de rose)
    Pier Paolo, le poète assassiné (recension de Sur Pier Paolo Pasolini de René de Ceccatty)
    La Rage (extraits)





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  • 7 mars 1908 | Naissance d’Anna Magnani

    Éphéméride culturelle à rebours

    Lecture d’Angèle Paoli



    Née le 7 mars 1908 à Alexandrie, l’actrice italienne Anna Magnani décédera le 26 septembre 1973 à Rome. Elle a notamment joué Camilla dans Le Carrosse d’or de Jean Renoir (1952) et Serafina Della Rose dans La Rose tatouée de Daniel Mann (1954), mais est surtout inoubliable dans le rôle de Pina dans Rome, ville ouverte (Roma, città aperta) de Roberto Rossellini (1945) et dans celui de Mamma Roma dans le film éponyme de Pier Paolo Pasolini (1962).







    Magnani 1
    Image, G.AdC







    DOULEURS DE LANGUE | DOULEURS DE CORPS
    (lecture de La Langue d’Anna de Bernard Noël, par Angèle Paoli)


    Elle parle. Elle jette sa vie sur sa langue. Elle a toujours voulu tout et tout de suite. Elle est une comédienne célèbre. Elle a beaucoup parlé avec les mots des autres. Elle n’avait pas le temps de sa propre vie, mais voilà que son corps l’a rattrapée, l’a même doublée. Elle met du passé dans ce présent trop mortel. Elle appelle ses amis : Fellini, Pasolini, Visconti. Elle sait qu’il est trop tard. Elle ne s’y résigne pas. Elle ne s’est jamais résignée.


    Bernard Noël, La Langue d’Anna (roman), « Quatrième de couverture », P.O.L, 1998.



    Il y a pulsion vers, élan irrépressible vers, qui pousse à la rencontre. Rencontre de Bernard Noël avec l’autre, l’absente que la langue du poète va rendre présente, omniprésente. Illusoirement. Rencontre de la lectrice avec Anna et en contrepoint, avec le poète. Rencontre avec deux langues, en chassé-croisé et en surimpression. Langue d’un homme, entrelacée (enlacée) à la langue ― parlée ? imaginée ? pythique ? ― d’une femme. Le temps qu’opère la magie d’une écriture, stratégies et mensonges, propres à donner l’illusion de la vérité. Envers et endroit d’un même miroir bifrons. Le temps que dure la lecture de La Langue d’Anna, roman de Bernard Noël, l’adéquation se produit. Parfaite. Il y a imprégnation et appropriation. Symbiose. Avec ce « je » que Bernard Noël a choisi pour elle, ce « je » non autobiographique qui est celui de son personnage inextricablement combiné à celui de sa personne. À elle, Anna. Ce « je » qui traverse de part en part le roman d’une vie, jusqu’à la maladie et jusqu’à la mort ; et à travers lequel elle, Anna, parle, se dit, se raconte, elle, ses amours, ses délires et ses combats, ses contradictions. Et s’interroge sans fin : « Qui suis-je ? » « Je ne suis pas celle que vous croyez. » Leitmotiv obsédant qui rythme jusqu’au vertige le texte de La Langue d’Anna.


    Je sais que je me contredis : je ne suis pas celle que vous croyez, et je la suis, et je ne la suis pas dans la mesure où je me vois l’être, et tant pis si j’ai l’air d’embrouiller l’écheveau que je me proposais de démêler.


    De quelle identité est-elle faite ? Quel visage introuvable se cache désormais sous les masques multiples de son personnage ? Qui est-elle, sinon « une espèce d’hydre agitant les mille têtes qui furent d’autant plus » les siennes « qu’aucune ne l’était vraiment » ?

    Et pourtant, c’est elle, celle que nous connaissons tous, que nous avons aimée à travers les images que l’écran du cinéma nous a données d’elle. Reconnaissable entre mille femmes, mille actrices du cinéma italien, elle est Anna. Anna Magnani, la grande, la Diva, la divine. Elle est Anna la furieuse, la déchaînée, la débordante, la braillarde. La harpie. La gouailleuse et truculente mère du jeune Ettore, dans l’inoubliable scène de mariage de Mamma Roma (1962) de Pier Paolo Pasolini. Pier Paolo, qui la comprend et qui l’aime, même si la Magnani ne correspond pas tout à fait à son esthétique cinématographique. Pier Paolo, pour qui Anna nourrit une tendresse particulière. Elle est l’excessive. De tempérament et d’énergie, de trop de nez trop de chair trop de seins, de trop de. Elle est « l’excessive pour faire rire ou pour faire pleurer. » Celle dont Federico Fellini aurait déclaré : « Je ne peux pas te mettre dans mes images, tu les ferais déborder. » Elle est celle que Roberto Rossellini n’aimait que pour avoir aperçu en elle le personnage qu’il cherchait. Roma città aperta. Rome ville ouverte. 1945. Le coup d’éclat de l’actrice. Son sommet inoubliable qui la propulse au zénith et fait d’elle l’égérie du néo-réalisme italien. Nimbée de cette « couronne de douleur », « cette douleur ensanglantée », cette « douleur du monde » que l’actrice joue jusqu’à l’excès « pour en délier les spectateurs » et pour « expectorer » la sienne. Elle est la Magnani, prise dans le vertige d’une beauté construite de toute pièce, sublime beauté qui a relégué la laideur et la vulgarité ordinaire de la misère sous le tain du miroir, au fond du trou de la mémoire pour laisser émerger l’autre, l’éclatante dont la blancheur de la peau et les yeux de braise émeuvent autant que sa tignasse effarouchée et son cul ! Moulé dans l’étau de sa robe. La robe noire, mélange de dernier cri et de mode éternelle des paysannes de Ciocciara. Femme du peuple et symbole de la tragique exubérance de Rome pendant la Libération, elle est Anna. La Magnanime.

    De l’autre côté de l’écran, côté page blanche et stylo plume, il y a Bernard Noël, écrivain et poète, un grand, un très grand. L’un des plus grands de ce temps. Le plus grand peut-être. Pourquoi Bernard Noël a-t-il choisi, parmi tant d’autres icônes, cette femme-là, cette actrice-là pour fixer sa fiction romanesque ? Question récurrente dont la lecture du « roman » de La Langue d’Anna ne livre pas explicitement la réponse. Et la lectrice d’interroger sans relâche l’entremêlement de l’un avec l’autre. Il s’agit sans doute, chez le poète, de l’une de ces nombreuses variations sur l’écriture comme « lieu de la quête ». Quête inlassable, toujours recommencée, du moi et de l’identité. « Qui suis-je » ? « Qui suis-je quand je parle ? Qui suis-je quand j’écoute ? » interroge le poète dans Une Messe blanche (1972). « Qui suis-je ? » reprend en écho Anna. Qui ajoute :


    dans le patois de ma banlieue […] ça n’était pas une interrogation philosophique mais une exclamation d’étonnement.


    Auteur polygraphe, mais avant tout poète, Bernard Noël est l’auteur de quatre monologues « gouvernés par les pronoms personnels ». Le Syndrome de Gramsci (1994), La Maladie de la chair (1995), La Langue d’Anna (1998) et La Maladie du sens (2001). Dans chacun de ces monologues, l’auteur fait le choix d’un pronom personnel dominant. Dans le troisième monologue, le pronom personnel « Je » donne la parole à Anna Magnani. La Langue d’Anna (1998).


    l’autre est un sosie de moi
    même cicatrice


    confie Bernard Noël dans Tombeau de pierre. Peut-être dans cette cicatrice, cette autre s’insinue-t-elle, langue et corps, bouche et voix, sang et lymphe, viande et ventre, identité duplice, jusque sous la langue du poète, dans son être d’écriture et de chair ? Quelle est, dans La Langue d’Anna, la part de l’un la part de l’autre ? Par quels interstices de l’écriture se fait la pénétration de l’autre vers l’un ? Le poète n’est-il qu’« un simple porte-voix » à celle qui déclare ne pas savoir écrire ? La langue d’Anna « n’est pas faite pour le papier ». La langue d’Anna est celle du corps, un corps qui la déborde et attise sur elle la langue du désir et du sexe. Langue de l’amant d’une nuit, révélatrice d’un corps partagé en son milieu par une « plaie puante ». Qu’il a fallu apprivoiser pourtant, pour pouvoir se reconstruire. Langue apaisante, plus tard, réconciliatrice, de l’amant Rossellini, langue de la découverte de l’amour et de la jouissance :


    J’ai déjà sa langue dans mon horreur, et voilà qu’au lieu de me révulser, elle me réconcilie. Je suis lustrée. Je ne sais d’où me vient ce mot. Je le murmure dans ma gorge et mon corps s’éclaircit dans les yeux que l’homme ouvre devant les miens…


    langue virile,


    qui bande au milieu pour faire jouir la foule.


    Ailleurs, c’est la langue de la misère et de l’angoisse qui se tortille, cette


    langue intérieure ― la langue de la bête silencieuse qui dévore en moi les épouvantes et les douleurs.


    Et, avec la misère et sa horde dépenaillée de moisissures et de sordide, surgissent l’odeur de la vieillesse, le visage de la mère, ses yeux égarés, son haleine fétide et


    sa langue agitée sans cesse par la même répétition, [pareille à un] hanneton tournant.


    Rongée par la tumeur qu’elle voudrait arracher au trou de sa bouche, elle devient cette « corde » sur laquelle il lui faut tirer ― « tresse indivisible » des « douleurs de langue » et des « douleurs de corps ».


    Bernard Noël investit de son élan celle qui l’habite et qu’il recrée. « Tout comme Dieu tira Ève du flanc d’Adam », le poète « tire des mots une forme ». La forme d’Anna. Toute bruissante de la jouissance secrète de celui qui l’invente à son tour, après tous les autres (Rossellini, Pasolini, Fellini, Visconti,…). Mais leurs langues se mêlent dans la polysémie d’un corps à corps invisible que l’actrice — emportée par l’obscène cancre incrusté dans son ventre, longtemps avant que ne paraisse La Langue d’Anna — n’a jamais connu avec aucun des hommes qu’elle a aimés. Il y a de l’éros dans cette longue « copulation vocale », de la violence et de la révolte. De la rage, de la colère. Passion et mort étroitement arrimées aux signes et aux images.


    Images.
    Images : langue du fond. Langue fondamentale.
    Images filantes dans l’épaisseur émue où le sentimental est enfin tombé en poussières.


    écrit le poète dans La Chute des temps.

    Et Anna, à qui Bernard Noël confie ses propres images :


        Je vois souvent ma langue flotter derrière les créneaux de mes dents comme une flamme : elle bat au vent d’un orage, reçoit la foudre, la renvoie au ciel. J’aime la tête que j’ai alors, pleine de bruit et de fureur et tout habitée par la tragédie. Je ne sais pas ce qui est en jeu. Je n’ai pas besoin de le savoir. Je suis dans l’élan originel, celui qui donne aux pierres la forme des dieux, et aux hommes la volonté de se tenir debout.


    Peut-être est-ce là parole ardente, enfin libérée de la gangue des mots des autres ? Parole vraie, proférée depuis les profondeurs et sans prétention autre que celle de laisser son empreinte, juste une empreinte sur la page tremblée du miroir.


    la forme d’un corps
    la forme d’un visage
    ce que font les ténèbres
    en s’habillant de peau

    une expression humaine

    qu’est-ce que l’autre

    pas la figure
    pas le personnage

    mais l’apparu
    l’inévitable
    au bout du doigt
    au bout des yeux
    le même souffle […] *




    Angèle Paoli in Revue Nu(e)49, Bernard Noël, 2011, pp. 57-58-59-60.




    ________________________________
    * Bernard Noël, Les Yeux dans la couleur, P.O.L, 2004, page 66.





    ANNA MAGNANI


    Anna_magnani_par_youssouf_karsh
    Anna Magnani par Yousuf Karsh
    Source




    ■ Anna Magnani
    sur Terres de femmes

    des extraits de La Langue d’Anna de Bernard Noël
    22 septembre 1962 | Sortie de Mamma Roma (Pier Paolo Pasolini)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de la Cinémathèque française)
    une fiche bio-filmographique sur Anna Magnani
    → (sur kinoeye)
    une page consacrée à Roberto Rossellini



    ■ Voir | écouter aussi ▼


    → (sur YouTube) la séquence Fiore di merda de Mamma Roma :

    Séquence du film Mamma Roma



    → (sur YouTube) la séquence finale de Mamma Roma :

    Séquence finale de Mamma Roma



    → (sur YouTube) une séquence du film Abbasso la ricchezza (Au diable la richesse, 1946) de Gennaro Righelli, dans laquelle Anna Magnani chante Quanto sei bella Roma :

    Séquence du film Abbasso la ricchezza





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