Étiquette : Antoine Emaz


  • Antoine Emaz | Un lieu, loin, ici



    UN LIEU, LOIN, ICI
    (extrait)





    sans but
    dans le ressassement des vagues
    la mécanique du corps

    et puis le vent
    la lumière du matin

    une longue courbe d’écume
    sous le soleil
    tire l’œil

    sol stable dans le temps
    plage de mémoire
    la même

    des années de sable




    il y a les vagues
    et ce qui reste là
    le ciel le sable

    ce qui bouge n’avance pas
    plutôt tremble ou tourne
    vibre vaste remue
    pour au bout rester là
    aussi

    on est seul à passer
    vraiment
    seul à traverser
    couper dans l’espace

    sauf peut-être le vent



    Antoine Emaz, « Un lieu, loin, ici », Personne, éditions Unes, 2020, pp. 32-33. Préface de Ludovic Degroote.





    Antoine Emaz  Personne






    ANTOINE EMAZ


    Antoine Emaz portrait
    D.R. Ph. Dominique Houyet




    ■ Antoine Emaz
    sur Terres de femmes


    Cambouis
    Je travaille et je vois, après (poème extrait de Lichen, lichen)
    [Le faiseur] (autre poème extrait de Lichen, lichen)
    Plaie, XV
    Poème des dunes
    Poème-lettre
    La poésie ? (extrait de Lichen, encore)
    Soirs




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions Unes)
    la fiche de l’éditeur sur Personne d’Antoine Emaz
    → (sur lelitteraire.com)
    une lecture de Personne d’Antoine Emaz par Jean-Paul Gavard-Perret
    → (sur Poezibao)
    une lecture de Personne d’Antoine Emaz par Isabelle Lévesque






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  • Antoine Emaz, Plaie, XV




    PLAIE, XV
    (extrait)






    guérir
    un mot bonbon presque
    une pastille de menthe bleue
    bocal en verre
    bouchon de liège
    en haut de l’armoire

    ce ne sont pas les mots qui aident
    pour dormir
    mais les images qui traînent tranquilles

    des mots de traîne lente
    vers le sommeil
    voilà ce qu’il faut mettre
    dans le bocal de tête

    se débrouiller
    de soi
    par soi

    autant commencer
    tout de suite

    réapprendre le simple
    le naturel

    c’est bizarre

    toucher une peau
    regarder dans les yeux
    sans peur

    on revient
    à la rame
    d’un pays seul





    Antoine Emaz, Plaie, Tarabuste éditeur, Collection DOUTE B.A.T., 2009, pp. 119, 120. Encres de Djamel Meskache.






    Antoine Emaz  Plaie






    ANTOINE EMAZ


    Emaz 2
    D.R. Ph. Dominique Houyet




    ■ Antoine Emaz
    sur Terres de femmes

    Cambouis
    Je travaille et je vois, après
    [Le faiseur]
    Un lieu, loin, ici (poème extrait de Personne)
    Poème des dunes
    Poème-lettre
    La poésie ?
    Soirs




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur lemonde.fr)
    Plaie, d’Antoine Emaz : Emaz, la poésie à vif, par Didier Cahen






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  • Antoine Emaz | Poème-lettre



    Mur-separe-mexique-etats

    « on viendra au jour
    avec seulement
    dedans
    le temps ou l’air

    on sera devenu
    assez léger
    pour passer »

    Ph. Paul Ratje, Archives Agence France-Presse
    Source








    POÈME-LETTRE




    on est allé jusqu’à ne plus savoir
    comment
    plus loin

    un mur
    indéfiniment

    un jour
    on ira
    plus loin

    d’ici là
    le temps
    comme pauvre
    et la force prise dans l’attente
    tendue
    sans bouger

    on reste
    en face

    à la longue
    ça devrait
    déplacer
    le pays

    ou bien
    jusqu’à ne plus tenir
    n’être plus tenu

    un matin il y aura
    une mémoire d’eau
    une vaste pluie devant
    rien d’autre

    on viendra au jour
    avec seulement
    dedans
    le temps ou l’air

    on sera devenu
    assez léger
    pour passer




    Antoine Emaz, «  Poème-lettre  » [Jacques Brémond-Atelier des Grames, 1995], Caisse claire, Poèmes 1990-1997, Éditions Points, 2007, pp. 89-90. Anthologie établie par François-Marie Deyrolle. Postface de Jean-Patrice Courtois.






    Antoine Emaz  Caisse claire





    ANTOINE EMAZ


    Antoine Emaz portrait
    D.R. Ph. Dominique Houyet




    ■ Antoine Emaz
    sur Terres de femmes


    Cambouis
    Je travaille et je vois, après
    [Le faiseur]
    Un lieu, loin, ici (poème extrait de Personne)
    Plaie, XV
    Poème des dunes
    La poésie ?
    Soirs






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  • Antoine Emaz | La poésie ?

    «  Poésie d’un jour  »




    Tour
    La poésie résiste à l’enfermement ; elle est ce qui passe
    à travers les barres, les grilles
    Ph., G.AdC






    LA POÉSIE




    La poésie ? Un pur travail de langue, une défaite de la pensée, le développement d’une exclamation, une adhésion au monde, une tour d’ivoire, un cœur frappé, un jeu intertextuel, une production sous contrainte… La poésie peut être tout cela, tour à tour, avec plus ou moins de ceci ou de cela selon chaque poète, chaque poème. « Art poétique nuisible à la poésie, dangereux en tout cas pour elle. Nous savons trop bien ce que nous devrions faire » (Jaccottet). La poésie résiste à l’enfermement ; elle est ce qui passe à travers les barres, les grilles. « Le sens ce n’est pas ce que cela veut dire, c’est ce vers quoi ça va ― qui est la raison d’être d’accumuler des livres sans doute, pour que le mouvement reste vif ― on ne sait pas » (B. Noël). La poésie, c’est l’air, le souffle qui passe dans la carcasse des mots morts du poème, et bruit encore un peu, ou sifflote ou chantonne. Rien de plus que de l’air qui passe dans les tuyaux des mots, de l’air frais qui touche. Partant de là, on peut également considérer des démarches qui visent à faire chanter, ou déchanter, ou enchanter… La question est bien moins celle du but à atteindre que celle des moyens : rapports au réel et à la langue, implication de toute la personne (y compris sa mémoire personnelle et culturelle), clarté de la nécessité du poème à travers ses choix d’écriture… Pour autant qu’il y ait « choix », ce que je ne crois guère ; il serait plus juste de dire que nécessité fait choix. On ne peut demander à un poète que d’écrire aussi loin qu’il le peut dans l’espace qu’il s’est taillé dans la langue commune. Ce faisant, il est tout à fait possible qu’il dépasse notre capacité d’écoute, ou même d’entente ; cela n’invalide pas la tentative, si celle-ci était mue par autre chose qu’une pure vanité d’auteur. « Il faut aller jusqu’au bout, même pour ne pas vaincre » (Reverdy).



    Antoine Emaz, Lichen, encore, Éditions Rehauts, 2009, pp. 92-93.





    ANTOINE EMAZ


    Emaz Portrait
    D.R. Ph. Dominique Houyet




    ■ Antoine Emaz
    sur Terres de femmes

    Cambouis
    Je travaille et je vois, après
    « Le faiseur »
    Un lieu, loin, ici (poème extrait de Personne)
    Plaie, XV
    Poème des dunes
    Poème-lettre
    Soirs






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  • Antoine Emaz, Cambouis




    CAMBOUIS





    Un poème reste destiné, adressé, partagé, ou bien il n’est que miroir d’un narcissisme autarcique
    Ph., G.AdC





    Il faut se confier à la langue autant que se défier d’elle. Chacun place le curseur où il veut, mais on doit pouvoir en gros mesurer si le poème demeure audible, par qui, comment… Un poème reste destiné, adressé, partagé, ou bien il n’est que miroir d’un narcissisme autarcique, d’un autisme même de chapelle, bref d’un mépris.
         Dans le circuit poétique (c’est vrai qu’on tourne parfois en rond), m’énerve cette fréquente nécessité d’ « avoir lu », de « connaître » avant de lire. Je ne vois pas pourquoi, sans travail préalable, je ne pourrais pas comprendre et juger en quoi ce poème me regarde. Certes, je vais rater peut-être ce que le poète s’est échiné durant des années à vouloir construire, mais est-ce que cela importe si je rejoins par d’autres voies l’acte poétique de s’adresser à l’autre par un code renouvelé de la langue ? Est-ce que cela importe si moi, je trouve ce qui me regarde dans ce livre ? »


    Antoine Emaz, Cambouis, Éditions du Seuil, Collection « Déplacements » dirigée par François Bon, 2009, pp. 97-98.






    Écrire, ça ne veut rien dire, en fait. Il y a des niveaux d’écriture, comme dans un immeuble. On change d’étage suivant que l’on écrit à un ami, que l’on écrit un poème neuf, que l’on travaille à la finition d’un poème, qu’on règle des problèmes administratifs, que l’on rédige une note de lecture… Et ce sont des procédures, des mises en place internes, des dispositions très différentes. Certaines sont d’accès libre à n’importe quel moment, d’autres sont conditionnées par on ne sait quoi dedans, qui ouvre ou ferme la porte. À force, on connaît son immeuble, on ne s’inquiète pas de voir clos le troisième et le sixième, on reste au premier.

    C’est peut-être ça l’essentiel d’une vie de poète : l’attente. Au moins pour moi. Ne pas généraliser une expérience : ce qui est vrai pour moi vient de l’empilement hasardeux mais bien réel, de ma vie. Je suis devenu quelqu’un qui écrit des pages que l’on appelle poèmes parce que ça rentre à peu près dans la case. En tout cas, ça ne rentre pas dans les autres cases, donc on dit poèmes, c’est plus simple. Même pour moi, c’est rassurant de me dire que je suis en poésie, en bout de course. Mais quand j’écris, poème ou non, je ne sais pas. J’écris libre, point.



    Antoine Emaz, Cambouis, op. cit., page 140.






    À force, on connaît son immeuble,
    Ph., G.AdC






    Pour Déplacements, au Seuil, […] Antoine Emaz a bien voulu me recopier, en prolongement de Lichen, Lichen, plus de 200 pages de ses carnets – oui, on interroge encore le livre comme permanence, comme dépôt. Ou comme mise en œuvre collective d’un savoir, d’une passation, qui mènera cette recherche loin de cette glycine sur terrasse de ciment, sous ciel d’ouest, qu’on s’habitue à retrouver dans ses pages. (François Bon, Le tiers livre)




    _________________________
    Note d’AP : ce volume, le douzième de la collection « Déplacements », en est aussi le dernier, celui qui clôture la collection. Comme le dit François Bon, « Le Seuil réduit la voilure et le contemporain n’est pas une valeur marchande suffisante. » Aussi je suggère à chacun d’entre vous de se procurer sans tarder les ouvrages encore disponibles de cette collection.





    ANTOINE EMAZ


    Antoine Emaz portrait
    D.R. Ph. Dominique Houyet
    Source




    ■ Antoine Emaz
    sur Terres de femmes

    Je travaille et je vois, après
    « Le faiseur »
    Un lieu, loin, ici (poème extrait de Personne)
    Plaie, XV
    Poème des dunes
    Poème-lettre
    La poésie ?
    Soirs



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le tiers livre)
    Sereine Berlottier, Cambouis, d’Antoine Emaz






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