Étiquette : arabe


  • Ashur Etwebi | Sous le citronnier lunaire



    [SOUS LE CITRONNIER LUNAIRE]



    Sous le citronnier lunaire
    Les tranches rouges de pastèques
    Se livrent aux becs des oiseaux assoiffés



    L’oiseau n’a que le ciel
    Le jour n’a que la parole
    L’étoile n’a que la nuit
    Les ronces n’ont que le mur
    Le vieil adorateur n’a qu’un semblant de sagesse



    Un pied dans le sable et l’autre dans l’eau
    Ainsi le poème échappe à sa première mort

    Une main dans le feu et l’autre dans l’air
    Ainsi la mélodie échappe à sa première mort

    D’un univers entièrement nu
    Naît la poésie




    Ashur Etwebi, Le Chagrin des absents, éditions érès, Collection Po&psy, 2018, s.f. Poèmes traduits de l’arabe (Libye) par Antoine Jockey. Dessins de Yahya Al-Sheikh.






    Ashur Etwebi






    ASHUR ETWEBI

    Ashur Etwebi Portrait
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    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions érès)
    la fiche de l’éditeur sur Ashur Etwebi




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  • Souad Labbize | [J’ai pisté tes traces]




    [تعقّبتُ آثارك]



    تعقّبتُ آثارك

    بعضُ العلامات

    على الثلج المتراكم من الليل

    الرغبةُ كانت أسرع من ساقيَّ

    أنفاسي المحمومة

    كانت تذيب

    أثر خطواتكِ






    [J’AI PISTÉ TES TRACES]



    J’ai pisté tes traces
    quelques indices
    sur la neige d’une nuit
    le désir courait plus vite
    que mes jambes
    mon haleine fiévreuse
    faisait fondre
    l’empreinte de tes pas



    Souad Labbize, Brouillons amoureux, Éditions des Lisières, 2017, pp. 54-55. Traduit en arabe par Mais-Alrim Karfoul et Souad Labbize.







    Souad Labbize  Brouillons amoureux





    SOUAD LABBIZE


    Souad Labbize
    Source




    ■ Souad Labbize
    sur Terres de femmes


    Baluchon d’exil, 23 (extrait de Je franchis les barbelés)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions des Lisières)
    la fiche de l’éditeur sur Brouillons amoureux





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  • Issa Makhlouf, Lettre aux deux sœurs

    par Angèle Paoli

    Issa Makhlouf, Lettre aux deux sœurs,
    José Corti, octobre 2008.
    Traduit de l’arabe (Liban)
    par Abdellatif Laâbi.



    Lecture d’Angèle Paoli



    Lettre_aux_deux_soeurs







    « LÀ, LE VOYAGEUR DÉNOUE L’ÉNIGME DES PIERRES »



    Histoire d’une séparation qui ne peut prendre fin, alimentée qu’elle est par l’écriture d’une lettre d’amour toujours réitérée, jamais interrompue, Lettre aux deux sœurs d’Issa Makhlouf est porté, tout au long de sa composition, par la même poésie énigmatique que celle que j’avais découverte dans Mirages1. Mirages éblouissants de l’amour-attente, mirages de la passion partagée, mirages de l’impossible guérison. Vertiges.

    Double vertige et double incessante voration à laquelle celui qui écrit, amant et poète, se soumet, amour de l’absente et amour de l’écriture ― qui entretient la « flamme du trésor perdu » ―, Lettre aux deux sœurs, dont l’ouverture se fait sur la voix de Kathleen Ferrier, chante « un amour nimbé de mystères » qui puise ses racines « dans nos profondeurs depuis les balbutiements de la genèse ». Écrit par un homme raffiné, promeneur, photographe, amant passionné et délicat, philosophe et poète, Lettre aux deux sœurs s’écrit au fil des jours, mêlant aux lieux traversés, propices à la méditation, les souvenirs d’un temps révolu (dix années de séparation) et les interrogations liées à la promesse d’une rencontre prochaine.

    La première page de Lettre aux deux sœurs pose d’emblée la question fondatrice de l’écriture : « Pouvons-nous écrire si nous n’avons pas à qui écrire ? » Question reprise en écho quelques pages plus loin :

     « Nous écrivons pour l’absent.
    Dans la vastitude de ce lieu, seul l’absent est présent.
    Son silence remplit entièrement l’espace. »


    Apparemment adressée à une seule femme, la lettre se révèle une savante partition épistolaire (sans date d’émission ni destinataire explicitement nommé) où voix et visages s’entrelacent, démultipliant à l’infini, dans un étrange jeu de miroirs et d’inversion des rôles, lectures et confidences, questions et répons. De sorte que l’émetteur que l’on croyait stable est à son tour l’objet d’interrogations qui portent bien au-delà de lui-même :

    « L’émetteur de l’appel est-il en nous ou en dehors de nous? Est-il proche ou distant ? Il est au-delà de ce que nous voyons, toujours, dans ce qui dépasse l’assemblage de la nuit et du corps, la traversée des ténèbres vers la lumière reculée. Signe de notre passage ne laissant nulle trace. » Jusqu’à la prise de conscience finale et à sa révélation : « Je ne savais pas que ce que je t’écrivais n’était pas en fait destiné à toi seule » / « Ce n’est que maintenant que je ressens la densité de la double voix sortant de vos gorges alors que je pensais qu’il ne s’agissait que de ta voix et croyais que les lettres que je t’écrivais étaient à toi seule adressées ». Jusqu’à l’aveu qui s’exprime dans la métaphore picturale du chapitre XXI :

    « Je cherche la troisième couleur qui naîtrait de la rencontre de deux jaunes soutenus comme il en est de la façade de l’église Saint-Marc à Venise. Je la retiendrais et la fixerais pour que sa lumière déblaie devant nous la neige. »

    Alternant chapitres numérotés, histoire de la lettre, liée à celle de l’amour –  « J’ignore pourquoi elle m’a choisi pour que je devienne le narrateur de sa propre histoire, de ce parcours enrobé de mystère dont je ne connais ni le début ni la fin » – et textes brefs en italiques où se dit le « cheminement de la quête de soi », le poète construit sa pensée dans une incessante confrontation de ses pérégrinations mentales et de ses propres interrogations sur lui-même. Il écrit, dit-il, « pour recouvrer ce que nous croyons avoir perdu de notre vie et affronter la mort de l’enfance antérieure à toute mort. »

    Véritable tissage aux voix multiples, Lettre aux deux sœurs allie poésie extrême et extrême sensualité. Mais peut-être la clé de cette lettre se tient-elle inscrite dans l’âme discrète mais essentielle de ces pierres dispersées tout au long des feuillets en train de s’écrire, pierres « plus anciennes que la vie elle-même », « ces pierres qui ont présidé à la mémoire de la terre » et que le poète s’attache à retenir entre ses doigts, suivant en cela la voix/voie de Roger Caillois :

    « Réussirai-je, alors que le temps m’est chichement compté, à polir mes petites pierres et à te les restituer dans une forme correspondant à tes désirs ? » Celle de la Vierge à l’Enfant entourée d’anges de Jean Fouquet, celle de la paume de la main dans La Diseuse de bonne aventure du Caravage, celle de La Danseuse d’Izu de Yasunari Kawabata. Ou celle encore de l’Aphrodite Sôsandra, dont « la tristesse énigmatique » « émeut au plus profond ».

    Abandonnée à son tour, la lettre inachevée laisse le poète à son incomplétude :

    « Que fera donc l’ébloui avec l’objet de son éblouissement ? » La réponse est dans l’injonction lancée à l’oiseau :

    « Plane, oiseau. Plane bien haut. Loin. Dans toutes les directions ;
    N’arrête pas de battre des ailes. Ne t’arrête pas, oiseau ».



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli



    _______________________________________
    1. José Corti, 2004.






    ISSA MAKHLOUF


    Makhlouf
    Ph. © Thierry Rambaud/
    IMA



    ■ Issa Makhlouf
    sur Terres de femmes

    Au-delà de la vue (extrait de Mirages)
    l’incipit de Lettre aux deux sœurs
    Celui qui part, laissons-le partir (extrait de Lettre aux deux sœurs + notice bio-bibliographique)
    L’écriture sourit à la mort (extrait d’Une ville dans le ciel)
    Les pluies des amants (autre extrait d’Une ville dans le ciel)
    Où es-tu ? (extrait de Leurs rêves endormis flottent sur les vagues)



    ■ Voir aussi ▼

    → le
    site officiel d’Issa Makhlouf
    → (sur le site des Éditions José Corti) la
    page consacrée à Lettre aux deux sœurs d’Issa Makhlouf (quatrième de couverture)
    → (sur le site d’Issa Makhlouf)
    l’article de Marta Krol (paru dans la revue Le Matricule des anges) sur Lettre aux deux sœurs
    → (sur Terres de femmes)
    Abdellatif Laâbi | Tu passes sans passer
    → (sur Terres de femmes)
    « Les traversées poétiques d’Andrée Chedid »





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