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  • Jacques Lovichi | Mort du Sultan des Asphodèles


    Lucas Jackson
    « ah ! rien ne restera de nous
    qu’un arbre foudroyé sur la berge du fleuve […]
    Et nous serons
    alors
    au seuil de la légende »

    D.R. Ph. Lucas Jackson
    Source







    MORT DU SULTAN DES ASPHODÈLES



           à la Dame Blanche
    à Marie-Jean Vinciguerra
          



    1. Voici
    que vient
    le crépuscule
    et cette face d’ombre en nous
                  qui se fait jour
    qui grimace
    qui rit sous la poudre des siècles

    Et nous aurons
    parlé
    en vain.




    II. À la surface du silence
    crèvent trois bulles irisées
    ah ! rien ne restera de nous
    qu’un arbre foudroyé sur la berge du fleuve
    que le cri d’un faucon à la corne d’un roc
    qu’un reflet clignotant dans la moire nocturne

    Et nous serons
    alors
    au seuil de la légende.




    III. Quelque chose de nous
    vivra
    dans le balancement léger des asphodèles
    au tiède souffle
    du
    matin
    dans la gorge blessée des colombes de l’aube
    et dans le friselis d’écume
    tremblant aux mousses du bassin

    dans le granit
    et sur l’écorce
    où nous aurons posé la main.




    Jacques Lovichi, Poèmes, 3, in Migraphonies, Revue des littératures et musiques du monde, Numéro 5, 2005, pp. 13-14 *.




    _________________________________
    * Note d’AP : Migraphonies, une revue que dirige le poète et graveur Patrick Navaï.





    JACQUES LOVICHI


    Lovichi Portrait 2






    Écrivain corso-provençal d’expression française, Jacques Lovichi* est né à Marseille le 1er février 1937 et (tout en séjournant régulièrement dans la maison ancestrale de la moyenne vallée du Taravu, Corse-du-Sud) a longtemps vécu à La Ciotat, après un long séjour en terre celte (Presqu’île de Crozon, où il a enseigné les lettres). Romancier (Mangrove [Éditions Ipomée, 1982], La Licorne et la Salamandre [Jean-Claude Lattès, 1982], Le Sultan des Asphodèles-Sultaraveddu [Éditions Autres Temps, 1995. Prix du livre corse 1996], Rhotomago et autres fictions subliminales [Géhess Éditions, 2008], etc…), essayiste, critique de théâtre, directeur littéraire, Jacques Lovichi est avant tout poète. Proche des Cahiers du Sud de Jean Malrieu, il entre dans les années 1970 au comité de rédaction de la revue de recherches poétiques Encres Vives, puis à celui de la revue SUD et, en 1998, crée avec ses amis ― Yves Broussard, Frédéric Jacques Temple, André Ughetto, Daniel Leuwers,… ― la revue Autre SUD dont il fut le rédacteur en chef (jusqu’à la disparition de la revue en décembre 2009) .

    Son œuvre poétique se compose d’une quinzaine de recueils (dont Madrilenas, Insurrections, L’Égorgement des eaux, Rouge Cœur, Glyphes, Définitif provisoire, Mangrove, Fractures du silence [Prix Antonin Artaud 1985], Derrière c’est toujours la mort, Murs, Post scriptum/Post mortem, Mythologies de haute mer). L’essentiel de sa production poétique a été rassemblé dans Les Derniers Retranchements (Le Cherche midi éditeur), qui s’est vu décerner en 2002 le Prix de l’Académie Mallarmé. Le 2 février 2007 (le lendemain de ses soixante-dix ans), Jacques Lovichi a mis fin à son activité poétique.

    Jacques Lovichi est mort le dimanche 18 novembre 2018.

    « Si, pour beaucoup de poètes la place qu’ils revendiquent dans le champ poétique semble nécessairement passer à leurs yeux par une profusion de poèmes, une présence jamais démentie sur le front éditorial, il en est d’autres, peu nombreux, qui, comme Jacques Lovichi, ont une idée infiniment plus exigeante de la pratique poétique […] en peu de pages, la poésie de Lovichi acquiert une évidence, une force, une intensité et une hauteur d’inspiration des plus rares. » (Bernard Mazo, Autre SUD, juin 2002)



    * « Mon véritable nom est Ghjacum’Anton’Cameddu Louighj. Mes parents, pourtant cultivés, n’avaient pas réalisé qu’ils me donnaient un prénom dans chacune des religions du Livre : Jacob mon prénom hébraïque, Antoine mon prénom romain (mais je suis d’origine huguenote pour encore compliquer les choses…), et Kamel mon prénom musulman. Bien entendu, cela n’a d’importance que pour moi et ne peut être que pur hasard. » (Discours de Brive [2002] : ultime biographie)




    ■ Jacques Lovichi
    sur Terres de femmes

    Mourir dans l’île (lamentu)
    [la femme qui n’est pas dans ma maison] (extrait de Mythologies de haute mer et autres textes)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Babel)
    Y barbara fortuna ! D’un bilinguisme intérieur, par Jacques Lovichi



    ■ Marie-Jean Vinciguerra
    sur Terres de femmes

    Bastion sous le vent (lecture d’AP)
    Marie-Jean Vinciguerra, Chroniques littéraires (lecture d’AP)





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  • William Carlos Williams, Asphodèle




    Asphodèle du Cap Corse 3
    Ph. angèlepaoli







    ASPHODEL, THAT GREENY FLOWER (Book I, excerpt)



    Give me time,
                       time.
    When I was a boy
                       I kept a book
                                           to which, from time
    to time,
                       I added pressed flowers
                                           until, after a time,
    I had a good collection.
                       The asphodel,
                                           forebodingly,
    among them.
                       I bring you,
                                           reawakened,
    a memory of those flowers.
                       They were sweet
                                           when I pressed them
    and retained
                       something of their sweetness
                                           a long time.
    It is a curious odor,
                       a moral odor,
                                           that brings me
    near to you.
                       The color
                                           was the first to go.
    There had come to me
                       a challenge,
                                           your dear self,
    mortal as I was,
                       the lily’s throat
                                           to the hummingbird !
    Endless wealth,
                       I thought,
                                           held out its arms to me.
    A thousand topics
                       in an apple blossom.
                                           The generous earth itself
    gave us lief.
                       The whole world
                                           became my garden ! […]







    ASPHODÈLE (Livre I, extrait)



    Laisse-moi le temps,
                       le temps.
    Quand j’étais petit garçon
                       je conservais un livre
                                           dans lequel, de temps
    à autre,
                       je pressais des fleurs
                                           jusqu’au jour où
    j’eus une belle collection.
                       L’asphodèle,
                                           comme un présage,
    en faisait partie.
                       Je t’apporte,
                                           ressuscité,
    un souvenir de ces fleurs.
                       Elles étaient suaves
                                           quand je les pressais
    et conservaient
                       longtemps
                                           de leur suavité.
    C’est un parfum curieux,
                       un parfum moral,
                                           qui m’amène
    auprès de toi.
                       La couleur
                                           disparut la première.
    Je dus relever
                       un défi,
                                           ta chère personne,
    moi, simple mortel,
                       gorge de lys
                                           à l’oiseau-mouche !
    Une richesse infinie,
                       pensai-je,
                                           me tendait les bras.
    Un millier de thèmes
                       dans une fleur de pommier.
                                           La terre, en sa prodigalité,
    ne nous refusait rien.
                       Le monde entier
                                           devint mon jardin ! […]



    William Carlos Williams, Asphodèle, suivi de Tableaux d’après Bruegel, édition bilingue, Éditions Points, 2007, pp. 32-37. Traduit de l’anglais (États-Unis) et présenté par Alain Pailler.






    WILLIAM CARLOS WILLIAMS
    Image, G.AdC






    WILLIAM CARLOS WILLIAMS



    ■ William Carlos Williams
    sur Terres de femmes


    17 septembre 1883 | Naissance de William Carlos Williams
    Beauté
    [The sea that encloses her young body] (extrait de Spring and all)
    20 août 1878 | William Carlos Williams, Paterson



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Poezibao)
    une note bio-bibliographique sur William Carlos Williams
    → (sur poets.org)
    une note bio-bibliographique (en anglais) sur William Carlos Williams
    (+ de nombreux poems [dont Asphodel] et William Carlos Williams disant A Love Song et To Elsie)
    → (sur Modern American Poetry)
    de nombreuses pages consacrées à William Carlos Williams
    → (sur YouTube)
    William Carlos Williams lisant son poème « To Elsie » (enregistrement du 9 janvier 1942)



    ■ Voir encore ▼

    L’asphodèle, plante du salut





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