Étiquette : Atelier de l’Agneau


  • José Vidal Valicourt | [Tu attends que le temps se termine]


    [ESPERAS A QUE ACABE EL TIEMPO]



    Esperas a que acabe el tiempo.
    Sin biografía, proporcionas a la llanura una verticalidad que muchos calificaràn, con razón, de absurda.

    El cemento se extiende y los sacrificios son inaudibles.
    Los aullidos han sido ya escritos.

    La infancia del cielo.

    Escribes en la arena.
    Sabes que el viento barrerá esta caligrafía: tus huellas.

    Simplemente, el tiempo.
    Esa destrucción.

    Palabras que se despeñan y que al caer no hacen ningún ruido.

    Una mujer se aproxima.
    Su desnudez ácida.

    Caen más piedras.

    Insiste el mineral.
    Resiste la carne.
    La piel necesita saliva, paños fríos.

    La escritura marca distancias.
    El horizonte se vuelca: pobreza y metralla.
    La escritura horada la arena.
    Excava y desaparece.
    Su misión es pasar desapercibida.
    Cada limón puede ser un proyectil.






    [TU ATTENDS QUE LE TEMPS SE TERMINE]



    Tu attends que le temps se termine.

    Sans biographie, tu donnes à la plaine une verticalité que beaucoup qualifieront, en toute raison, d’absurde.

    Le ciment se répand et les sacrifices sont inaudibles.
    Les aboiements ont déjà été écrits.

    L’enfance du ciel.

    Tu écris sur le sable.
    Tu sais que le vent effacera cette calligraphie : tes traces.

    Tout simplement, le temps.
    Cette destruction.

    Des mots qui se décrochent et ne font pas de bruit en tombant.

    Une femme s’approche.
    Sa nudité acide.

    D’autres pierres tombent.

    Le minerai insiste.
    La chair résiste.
    La peau a besoin de salive, de tissus froids.

    L’écriture marque ses distances.
    L’horizon se retourne : pauvreté et mitraille.
    L’écriture creuse le sable.
    Elle creuse et disparait.
    Sa mission est de passer inaperçue.
    Chaque citron peut devenir un projectile.



    José Vidal Valicourt, Meseta/Le Plateau, Atelier de l’Agneau, collection “bilingue”, 33220 Saint-Quentin-de-Caplong, 2017, pp. 42 et 8. Traduit de l’espagnol par Gilles Couatarmanac’h.






    Valicourt




    JOSÉ VIDAL ALICOURT



    Jose Vidal Valicourt
    Source




    José Vidal Valicourt est né à Palma de Majorque en 1969. Il est l’auteur de nombreux recueils de poèmes parmi lesquels Encuentros y fugas (Opera Prima, Madrid, 1999), Ruido de fondo (Calima, Palma de Majorque, 2000), La playa de las gaviotas cojas (Opera Prima, Madrid, 2003), La fiebre de los taciturnos (premier prix de poésie de la Fondation María del Villar Berruezo, Tafalla, Navarra, 2003), La casa de Mallarmé (prix Leanor de poésie, commune de Soria, 2004), Zona de nadie (Xe Prix de poésie José Espronceda, Ediciones del Oeste, Estrémadure, 2005). Meseta (El Gaviero Ediciones, 2015) est son premier recueil traduit en français, quelques pages de Lisboa Song ayant paru dans la revue L’Intranquille, n° 8 et 9 (2015).




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur lelitteraire.com )
    une lecture de Meseta/Le Plateau par Jean-Paul Gavard-Perret





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  • Doina Ioanid, Le Collier de cailloux





    LE COLLIER DE CAILLOUX
    (extraits)




    Je ne veux pas être un bâtisseur obèse. Je ne veux pas m’adapter au rythme des grandes villes, ni escalader des gratte-ciels, et surtout pas être la femme du jour en polaroïds. Peut-être que je ne sais pas encore très bien ce que je veux. Mais parfois, lorsque je retiens mon souffle pour entendre le tien, il me semble que tout devient limpide et aussi frais que le linge qui sèche sur la corde, dehors, dans le froid.



    […]



    J’ai frotté ma peau avec des aiguilles de pin, avec de l’écorce et de la sciure, puis avec de la terre meuble et du sable. J’ai frotté ma peau jusqu’au sang, pour me défaire de tout ce que j’ai appris jusqu’à présent. Ainsi, je pourrai savoir ce que je désire vraiment, car cette motte de chair ensanglantée ne peut mentir. Ni le hurlement sous la pluie acide.



    […]



    J’ai un collier de petits cailloux. Je les ai ramassés dans les gares, sur les routes asphaltées au ballast, dans les carrières abandonnées, dans mes chaussures, dans les fontaines de nouvelles terrasses, dans les cabas des copains. Tard dans la nuit, je mets le collier autour de mon cou et je me faufile dans les rues. Pliée sous son poids, presque cassée en deux, je tinte tout le temps, leurrant les renards dans les vitrines des magasins.



    […]



    Finalement, tout me trahit, ma peau, ma mémoire et mon pull turquoise déjà avachi. Je vis dans l’ombre du mur, de la gouttière, sans journal, sans projet, sans destination précise. Je vis au fil des jours qui passent.



    Doina Ioanid, Le Collier de cailloux, poèmes du passage [Poeme de trecere, Editura Vinea, Bucureşti, 2005], Atelier de l’agneau, Collection transfert, 2017, pp. 14, 16, 19, 25. Traduit du roumain par Jan H. Mysjkin avec l’œil complice de Monica Salvan. Préfacé par Carmen Muşat.







    Doina Ioanid  Le Collier de cailloux





    DOINA IOANID


    Doina Ioanid
    Ph. Jan H. Mysjkin



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site d’Atelier de l’agneau éditeur)
    la fiche de l’éditeur sur Le Collier de cailloux





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  • Sylvie Nève | Le Désert



    LE DÉSERT
    (extrait)
    à Rimb





    Le désert — jamais vide
    limon crevassé
    plateau de Transjordanie
    à la base de l’escarpement jusqu’à
    la limite de partage des eaux entre
    l’Ouadi Araba et la mer Morte
    le désert — jamais vide
    manteau de limon
    série plissée, étroit sentier
    métamorphique, gneiss et schistes cristallins
    bordé de marécages aux extrémités
    des laves et intrusions ou extrusions de
    granodiorites et de granites
    porphyres et rhyolites et quartz
    limon de langues
    tronc de tamaris, lit crevassé,
    vallées, rares, et la route principale
    bande de terre dans un pays de déserts
    désert égyptien du Sinaï
    mauve, rose, violet
    désert de Judée
    désert de Qumran près de la mer Morte
    désert du Néguev, pâle et monochrome
    recouvert de lœss, désert disert
    — jamais vide
    branches traversent le sable
    oueds crevassant
    manteau de limon de langues
    ressac ressassé…

    Le désert n’est jamais vide
    socle cristallin y est partout
    sensible socle affleure, on est près d’un accord
    fantôme d’occident rabâché
    ferment de limon de langues
    lacunes stratigraphiques, discordance
    siège des observateurs de l’ONU
    convoi suivant, baril litigieux
    affleure, cactus
    séparent l’utopie de la réalité
    noueuse et ravinée, socle
    longue cicatrice sur la paroi
    la part des fractures et celle des plis
    celle des mouvements d’ensemble de soulèvement
    longue vallée étroite
    descend de nos jours
    le désert…

    Désert disert— jamais vide
    socle cristallin affleure
    entre le golfe d’Aqaba et la Mer
    perpendiculaire aux plis
    détermine parfois de vrais fossés
    bassin au sud délimité
    plus au sud, domaine par-delà
    demi-steppe ponctuée
    quelques buissons isolés, quelques
    bois de pins d’Alep surplombent
    désert de Judée surplombe
    la mer, le désert
    surplombe la Mer
    sombre combe
    ombre sonore
    Morte mer
    morte…



    Sylvie Nève, Bande de Gaza, poèmes de partout, Atelier de l’Agneau, Collection architextes, 2015, pp. 66-67.






    Sylvie Nève, Bande de Gaza







    SYLVIE NÈVE


    Sylvie Nève
    Source



    ■ Sylvie Nève
    sur Terres de femmes<

    [Bacchus cœur nu] (extrait d’Érotismées)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    Ode à Oum Kalthoum



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site d’Atelier de l’Agneau éditeur)
    une page sur Sylvie Nève
    le blog de Sylvie Nève





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  • Sylvie Nève | [Bacchus cœur nu]




    Gemmes
    Source







    [BACCHUS CŒUR NU]



    Bacchus cœur nu que
    j’aime
    lèvre-pied griffes chues
    gemmes
    faste ses fesses que
    j’aime
    faune mon faune si
    lène
    seiche aeschne chat sans
    gêne
    ses griottes en mes grottes
    siennes
    ses abricots sur ma motte
    s’y frottent m’y pique
    dard-dard

    nuques à cru mon cœur
    queuu queuu que
    j’aime
    glauconies et rubis
    germent
    louve grenouille loutre
    chienne
    gémir acquiesce hoque
    tant j’aime
    tête bêche dard-dard nos
    bête tête arbre ardre nos

    gemmes



    Sylvie Nève, Érotismées, Atelier de l’Agneau, 2006, pp. 19-20. Dessins de Mireille Désidéri.







    Sylvie Nève, Erotismées







    SYLVIE NÈVE


    Sylvie Nève
    Source



    ■ Sylvie Nève
    sur Terres de femmes<

    Le Désert (extrait de Bande de Gaza)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    Ode à Oum Kalthoum



    ■ Voir aussi ▼

    le blog de Sylvie Nève





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