Étiquette : Béatrice Machet.


  • Layli Long Soldier | wahpániča



    Whereas X NB








    WAHPANICA
    (extrait)





    Je commence une ligne au sujet de buttes blanches d’où penchent des visages ciselés aux paupières de pierre cliquetant la nuit, mais j’abandonne. À la place je pousse mon amour dans ce monde et t’envoie une lettre estivale. De la boîte aux lettres à la porte, tu lis les virgules à voix haute. Je suis devenue une épouse d’eau embouteillée virgule eye-liner noir au cil virgule et manches aux poignets. Ces semaines seule seule seule virgule je tire mon corps vers une table aux chaises vides et parfois je ne peux contrôler l’impulsion de commander. Seule seule j’ordonne assieds-toi virgule mange virgule et j’écris en détail pour faire taire un écho virgule la rupture d’une ligne de faille.

    *

    Je voulais écrire au sujet de wahpániča un mot traduit en anglais par pauvre virgule ce qui signifie plus précisément être dans la misère n’avoir rien à soi. Mais cette nuit je ne peux me résoudre à balancer un marteau usé sur la pauvreté afin de frapper les conditions de cette lente frustration. Alors je demande quoi d’autre est là à entendre ? Une virgule m’apprend à diviser une phrase. À m’arrêter. La virgule exige une séquence d’éléments la virgule est césure elle-même. La virgule m’interrompt, silencieuse.

    *

    Jour de la fête des pères virgule je ne suis pas avec toi. Mes yeux fixent une photo noir et blanc de toi virgule mon mari vêtu d’une chemise violette virgule tes cheveux attachés en arrière et tes yeux sur le visage de notre fille endormie. Quand j’écris virgule je m’approche des gens que je veux connaître virgule du langage que je veux parler.

    […]

    Parce que wahpániča signifie n’avoir rien à soi. Rien. Pourtant j’ai l’intention que la virgule signifie ce que nous avons donc je me ralentis pour me souvenir que c’est vrai un enfant réussit mieux quand lié étroitement à un parent avant l’âge de cinq ans virgule intimement. Près de toi virgule notre fille ferme les yeux et vous reposez vos têtes lacs bleu-noir virgule un verre historique renversé sur l’oreiller. Elle le gardera. Et s’il est vrai que ce qui débute comme souci doublera dans le temps soulèvera sa tête comme un point à notre phrase alors j’admets que je réussis mieux avec la musique entre les variations de la voix qui s’élève et monte et descend. Néanmoins je fouille dans mes poches commode tiroirs bibliothèque virgule cueillette méticuleuse virgule parce que je dois l’écrire pour le voir virgule je supplie le dictionnaire d’apprendre un mot pour pauvre virgule dans un langage que j’ose appeler mon langage virgule qui suis-je. Frisson envahissant ma bouche barbouillée simplement de l’huile à la surface virgule parce que je me sens wahpániča je me sens seule. Mais c’est une traduction débordante pour comment je ne réussis pas à dire ce que j’ai à l’esprit virgule la douleur méta-locutoire d’être pauvre en langue.




    Layli Long Soldier, « Première partie, Voici les préoccupations », Attendu que, éditions Isabelle Sauvage, Collection « Chaos », 29410 Plounéour-Ménez, 2020, pp. 53-54. Traduit de l’anglais (américain) par Béatrice Machet.





    Attendu que couv






    I begin a line about white buttes that bend chiseled faces and click stone eyelids at night, but abandon it. Instead, I push my love into this world and mail you a summer letter. From mail-box to door, you read the commas aloud. I’ve become a wife of bottled water comma black liner at the lash comma and sleeves to the wrist. These weeks alone alone alone comma I pull my body to a table of empty chairs and sometimes I cannot stop the impulse to command. Alone alone I instruct sit down comma eat up comma and I write in detail to hush an echo comma the rupture of a fault line.

    *

    I wanted to write about wahpániča a word translated into English as poor comma which means more precisely to be destitute to have nothing of one’s owns. But tonight I cannot bring myself to swing a worn hammer at poverty to pound the conditions of that slow frustration. So I ask what else is there to hear? A comma instructs me to divide a sentence. To pause. The comma orders a sequence of elements the comma is caesura itself. The comma interrupts me with, quiet.

    *

    Father’s day comma I am not with you. I stare at a black-and-white photo of you comma my husband in a velvet shirt comma your hair tied back and your eyes on the face on our sleeping daughter. When I write comma I come closer to people I want to know comma to the language I want to speak.

    […]

    Because wahpániča means to have nothing of one’s own. Nothing. Yet I intend the comma to mean what we do possess so I slow myself to remember it’s true a child performs best when bonded with a parent before the age of five closely comma intimately. Next to you comma our daughter closes her eyes and you rest your heads blue-black lakes comma historic glass across the pillow. She’ll keep this. And if it’s true that what begins as trouble will double over to the end will raise its head as a period to our sentence then I admit I perform best to the music inbetween the rise and fall of the voice. Nevertheless I dig through my pockets dresser drawers bookshelves comma meticulous picking comma because I must write it to see it comma how I beg from a dictionary to learn our word for poor comma in a language I dare to call my language comma who am I. A sweeping chill my stained mouth just oil at the surface comma because I feel wahpániča I feel alone. But this is a spill-over translation for how I cannot speak my mind comma the meta-phrasal ache of being language poor.




    Layli Long Soldier, Wahpániča, Whereas, Graywolf Press, Minneapolis, Minnesota 55401, 2017, pp. 43-44.





    Whereas finalist[…]



    LAYLI LONG SOLDIER


    Layli-Long-Soldier
    Source




    ■ Voir | écouter aussi ▼


    → (sur le site des éditions Isabelle Sauvage)
    une fiche bio-bibliographique sur Layli Long Soldier
    → (sur le site des éditions Isabelle Sauvage)
    la fiche de l’éditeur sur Attendu que
    → (sur Harvard Review Online)
    Whereas by Layli Long Soldier reviewed by Michael Wasson
    → (sur YouTube)
    Poet Layli Long Soldier reads from Whereas (poem 38)
    → (sur YouTube)
    Layli Long Soldier | Whereas || Radcliffe Institute (The poet and artist Layli Long Soldier presents Whereas, a poetry reading [6:26] and discussion featuring Nick Estes [45:24])





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  • Béatrice Machet/Un autre jour… la vie

    Printemps des poètes 2010 – « Couleur femme »
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    A Gris-bleue tirant vers le blanc
    Ph., G.AdC





    UN AUTRE JOUR … LA VIE




    Vapeur    Gris bleue tirant vers le blanc         Timide          Occupe la pièce

                                                                                                             À peine       L’aube            Un autre jour

    Que la fenêtre verse         La brume           Tiède

                                                                                              Respirer

    Ravissement

    accablement

    ravissement       accablement       ravissement-accablement-ravissement

                      Accablementravissementaccablemenravissemenaccablemenraviaccalble….…….


    La qualité d’une présence quand elle pèse son poids d’absence

                                              La qualité d’une absence quand elle pèse             son poids de présence

    Ravissement

    Le silence

    Intensité dans l’oscillation génère la chaleur

                                                                                                          Accablement ravi sementacca blemenra

    Vie dilatée la qualité

    Se gorge se gonfle se vague s’enfle se

    Prépare à l’hibernation






    B Gris-bleue tirant vers le mauve
    Ph., G.AdC






    Gris-bleue tirant vers le mauve

    Radiance          Un autre jour

    Il n’y a plus de pièce plus de place plus

    Le silence           sa qualité           vie dilatée           Et puis           l’hiver           Timide

                                                                              À peine              À venir un autre jour              Le silence


    Je descends avec la rosée         dans la nuit       déposée là _________________

    Je suis la vie mon nom               est je-suis-la-vie

    personne répondait Ulysse                                           Vie lui répliquerais-je vie

    Pouvoir                                         au-delà de personne

    Grande magie grande                         médecine

                                                                                                 C’est le nom que souffle le vent c’est le nom

    Que chante la rivière je suis                                La vie


    Je monte avec le soleil qui salue mon courage

    En plein jour vie

    Je suis là

    Déposée

    La terre est mon voyage pour la vie

    Mes pieds au-delà des empreintes qu’ils ont laissées          Dansent des pas sur la voie

    Red road             voie lactée de la vie             Avec la rosée

    Dans la nuit le jour se dépose

                                                                                                                            Je suis la vie tel est mon nom

    Nommons nommez mais non mais si mais vie je suis

    Descend monte et tourne et roule et roue de la vie

    Grande joie             la vie             Personne comme tout le monde





    Béatrice Machet
    le 11 décembre 2009
    depuis Nashville
    pour Angèle et toutes les femmes

    D.R. Texte inédit
    Béatrice Machet/Terres de femmes






    BÉATRICE MACHET

    Beatrice-Machet-
    Source


    Voir aussi :

    – (dans Les Carnets d’Eucharis de Nathalie Riera)
    Béatrice Machet/à la manière des « porteurs de feu » (+ notice bio-bibliographique sur Béatrice Machet) ;
    – (sur le site de L’Amourier éditions)
    une autre notice bio-bibliographique ;
    – (dans la Poéthèque du site du Printemps des poètes)
    une fiche bio-bibliographique (+ un extrait de poème) ;
    – (sur le site du Scriptorium)
    « Pour renverser le mouvement de l’entropie » (extraits de DER de DRE, publié en 2008 chez VOIX éditions, dans la collection Vents contraires animée par Alain Helissen ;
    – (sur le site du Scriptorium)
    un article de Béatrice Machet : « Rétrospective Danse ImproÉsie » (18 septembre 2009).

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    (Printemps des poètes 2010 « Couleur femme »)

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