Étiquette : Bernard Noël


  • Bernard Noël | Fenêtres fougère


    Olivier Debré  Sur un pli du temps 2
    gravure en taille douce d’Olivier Debré
    pour l’édition originale de Sur un pli du temps,
    Les Cahiers des Brisants, 1988.
    Source








    FENÊTRES FOUGÈRE
    (extrait)





    à colette deblé



    la torche du corps
    brûle
    à contre-ciel
    le visage ici
    la tête là-bas
    l’espace partout
    un pré vertical

    la chair du silence
    la fumée de l’âge
    un peu de mémoire
    oblique
    le miroir vu
    depuis l’au-delà
    le mouvant d’une pensée

    la vie est la trace
    de la vie
    la moelle des yeux
    s’allume au bonheur
    tout est là
    comme un mot
    sur la langue




    Bernard Noël, « Fenêtres fougère », Sur un pli du temps, Les Cahiers des Brisants, Périgueux, 1988, in La Chute des temps, éditions Gallimard, Poésie/Gallimard n° 274, 1993, pp. 253-255. Postface de Stefano Agosti.






    Sur un pli du temps Debré 3





    BERNARD NOËL


    Bernardnoël02
    Ph. © Steve Seiler
    Source





    ■ Bernard Noël
    sur Terres de femmes


    19 novembre 1930 | Naissance de Bernard Noël
    la paume caressant un souffle
    L’Encre et l’Eau
    La Langue d’Anna
    Sur le peu de corps, 18
    [le temps ne sait rien]
    TOI est le nom sans néant
    Viens dis-tu
    19 octobre 1977 | André Pieyre de Mandiargues | Bernard Noël
    Mohammed Bennis | Bernard
    Édith Azam | Bernard Noël | [comment ça s’ouvre un corps] (extrait de Retours de langue)
    Édith Azam | Bernard Noël, Retours de langue (lecture d’AP)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur Terres de femmes)
    7 mars 1908 | Naissance d’Anna Magnani (lecture de La Langue d’Anna de Bernard Noël, par AP)
    l’Atelier Bernard Noël de Nicole Martellotto





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  • Mohammed Bennis | Galaxie


    GALAXIE




    DANS LES CHAMPS jamais endormis
    j’avance enivré par une brise
    légère
    et j’ai une respiration déréglée
    friande de l’odeur des passants

    Ô noirceur
    j’arrive à obtenir de tes treilles ce dont tu n’as pas idée
    une lueur
    qui se voit au loin sous forme
    d’ombres vibrantes au féminin
    rotatif et sans retour
    un silence comme preuve d’une encre qui frémit

    Comment puis-je déplacer les fenêtres
    vers toi comment les disjoindre
    du mur
    et leur verser un vin lumineux
    à elles seules
    en leur disant une rose
    pour vous uniquement
    qui approfondit un silence en giration
    continue
    irradiant au milieu d’une soirée de noctambules



    Mohammed Bennis, « Proche famille de la taverne », Vin, L’Escampette éditions, 2020, page 94. Poèmes traduits de l’arabe par l’auteur en collaboration avec Mostafa Nissabouri. Préface de Bernard Noël. Postface de Claude Esteban.





    Mohammed Bennis  Vin




    MOHAMMED BENNIS


    Mohammed Bennis
    Source




    ■ Mohammed Bennis
    sur Terres de femmes


    Bernard
    Invitation
    [Toujours ton ami d’Orient revient à l’automne](poème extrait de Lieu païen)
    la lectio magistralis, « Le poème et l’appel à la promesse », prononcée (en français) par Mohammed Bennis le 25 mars 2011 à Florence, à l’occasion de l’attribution du Prix Ceppo international de Pistoia




    ■ Voir | écouter aussi ▼


    → (sur Imperfetta Ellisse)
    Mohammed Bennis, poeta mediterraneo, vince il Premio Internazionale Ceppo di Pistoia
    → (sur le site de L’Escampette éditions)
    une fiche bio-biobliographique sur Mohammed Bennis
    → (sur Lyrikline)
    dix poèmes de Mohammed Bennis dits (en arabe) par Mohammed Bennis





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  • Georges Perros | Ken Avo




    Kenavo
    Source






    KEN AVO
    (extrait)





    Ma motocyclette avait de ces ruades
    Comme parfois en ont les choses
    Elles éclairent violemment, crûment
    Notre piste nerveuse
    Le disque tourne fou
    Et se raye ça fait mal
    C’est un peu comme si j’allais mourir
    Toute une vie d’entre mes vies
    Défilait à toute vitesse
    Sur le réseau de mon angoisse
    Je n’avais plus peur de tomber
    Quelqu’un était en train de mourir en moi
    Quelque part, quelqu’un
    Que j’avais détesté
    Qui m’avait fait beaucoup souffrir
    Mais que je ne voulais ni ne pouvais
    En toute occasion, ne pas reconnaître
    Être un homme est ambigu
    Nul masque au monde ne m’en eût
    Caché la froide présence
    Quelqu’un qui était en train de me dire
    Le pire, le cruel,
    L’inacceptable.
    Le réel,
    C’est l’imagination relayée, vérifiée
    Soulagée
    Remplacée
    Poète celui qui pactisant
    Avec la mort
    Oublie qu’il va mourir.





    Georges Perros, « Ken Avo » (extrait), Poèmes bleus (Éditions Gallimard, 1962), Collection Poésie/Gallimard n° 545, 2019, pp. 24-25. Préface de Bernard Noël.







    Georges Perros  Poèmes bleus




    GEORGES PERROS


    Georges Perros portrait
    Source



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions Gallimard)
    la fiche de l’éditeur sur Poèmes bleus de Georges Perros





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  • Édith Azam | Bernard Noël, Retours de langue

    par Angèle Paoli

    Édith Azam | Bernard Noël, Retours de langue,
    éditions Faï fioc, 54200 Boucq, 2018.



    Lecture d’Angèle Paoli




    Aza Noël Collage
    Collage, G.AdC







    MON NOM PORTE LE TIEN À LA PRÉSENCE




    Quel beau travail de navette que ces Retours de langue d’une écriture partagée entre l’Une et l’Autre. Elle, c’est Édith Azam/Lui, Bernard Noël. Retours de langue est un recueil à deux voix. Un duo qui se déploie sur dix chants, sans titre, sans indice aucun. Il est bien difficile et sans doute vain de tenter d’attribuer telle strophe ou tel poème à l’un ou à l’autre. Il semble pourtant que, parfois, la typographie varie mais la vue un moment se brouille et se distrait de cette tentative de décryptage. Les voix qui s’échangent l’emportent, qui s’entrelacent en symbiose.

    Ce qui change en cours d’écriture, c’est le choix de la prosodie. Ainsi, jusqu’au chant 5 inclus, les voix se déclinent-elles en quintils. Le vers choisi est l’octosyllabe, vers musical par excellence. Dans le chant 6, le dizain remplace le sixain et le vers passe de 8 syllabes à 4 syllabes. Mais, en mode de lecture silencieuse, la mémoire musicale rétablit d’elle-même l’octosyllabe. L’originalité de cet échange tient pour beaucoup à son rythme, à sa régularité douce, sans accroc perceptible à l’oreille. Par la suite, dans les autres chants, les strophes s’allongent, le vers reste bref, qui prend sa liberté, rejoignant l’octosyllabe sans en avoir l’air. Magie de cette poésie qui donne aux interrogations sérieuses leur part de légèreté. J’avoue avoir ici une préférence marquée pour les cinq premiers chants.

    Le premier quintil donne le ton. Il présente l’objet du recueil comme un menu don : « Voici quelques restes de langue » ; en « donne » une définition : « une poussière où fut l’azur » ; précise ce qu’il n’exprimera pas : « pas de drame pas de regret » ; ce qu’il tentera d’exprimer : « juste un peu de désir encore » ; et celui/celle à qui il s’adresse : « et ce visage au fond de l’ombre ».

    L’ensemble du chant (et du recueil) interroge la vie, ce qui fait le Moi le Tu et le Nous, déroule sans plainte le constat de l’illusion de l’amour ; tout en accordant à la rencontre avec l’Autre la force de vie qu’elle génère ; oscille entre les contraires : vision grise d’un côté/renaissance de l’espoir de l’autre. Et donne de l’humain, prisonnier de ses masques et de ses leurres, une définition – et une description – qui est loin d’être louangeuse :

    « mille siècles n’ont rien appris

    au vantard de la station droite

    et la bête rit sous son masque. »

    Plus avant, dans un quintil du chant 3, l’un ou l’autre poète voit dans les hommes « des corps papiers mâchés/crépis de paroles en tocs ».

    Parmi tout cela, taraudé par la présence indélogeable du vide sidéral qui lui sert de costume, le corps, ce « sac de peau », souffre et peine à se supporter et à se reconnaître. En dépit de ce « rien » qui le mine, il n’en finit pas de s’inventer un avenir. Tandis que le sentiment de la perte, partagé par l’un et l’autre poète, est irrémédiable :

    « le paradis est bien perdu »

    « au paradis si bien perdu ».

    Le second chant, très bref, semble prendre le contre-pied du chant d’ouverture. Au vers injonctif « disperse au vent le Toi le Moi » répond, en retour de langue, le premier vers « laisse venir en toi le Tu ». Ou encore : « l’œil caresse en vain l’horizon » et « caresser le fil de la vie ».

    Là où s’imposait la vanité de toute chose établie, une réponse possible fait son apparition. La solution ne serait-elle pas dans la reconnaissance de l’Autre ? L’ouverture à l’Autre ouvre la voie à toutes sortes d’élargissements, de respirations ; ramène la légèreté au bord :

    « un peu d’aile pousse là-bas

    qui met l’envol parmi les ombres ».

    Regard posé sur cet Autre, « l’avenir change de couleur ».

    Aux cinq quintils du second chant répondent les cinq quintils du chant 3. Un nouveau revirement s’opère, « triste bilan triste constat ». Le pessimisme reprend ses droits face à l’attachement immodéré de l’homme pour le passé. Remettre au centre le présent est une nécessité, sous peine de réduire à squelette le corps et de voir la vie disparaître sous la perte de sens. Pour sortir de cette impasse, les deux poètes reviennent à « la main tendue » : « l’Autre y gagne de la présence » et le « Nous » peut alors à nouveau advenir. Tout au long du chant 4, composé de 17 quintils, ce qui advient est de l’ordre de l’amour. Caresses, sourires, regards, paroles…

    Et cet aveu si émouvant :

    « je me souviens de qui je suis

    puisque mon nom si seul soit-il

    porte le tien à la présence… »

    Dans l’échange strophe à strophe se glissent des particularités. L’alternance de caractères typographiques en est une. Le fait que 9 quintils commencent par « je me souviens » en est une autre. Et soudain, l’émergence du participe passé féminin trahit la voix féminine :

    « je me souviens aussi ta main

    qui me tenait m’a ramenée

    vers toi… mon corps vers toi ».

    Quelque chose a lieu qui n’a ni commencement ni fin, quelque chose qui se joue du temps et qui se noue dans l’attente. Quelque chose qui rend au corps sa raison d’être. «&nbsp[S]’inventent alors de nouveaux gestes », qui ouvrent et le sillon du corps et le sillon des mots. « [N]ous allons un chemin d’encre », écrit le poète (peut-être est-ce lui ?). Dès lors que « la langue est amoureuse », tous les possibles s’offrent aux amants. Retours de langue en est la geste poétique. Émouvante et si belle.


    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli






    Fai fioc Azam






    ÉDITH AZAM




    Edith Azam
    Source




    ■ Voir aussi
    sur Terres de femmes

    Édith Azam | Bernard Noël | [comment ça s’ouvre un corps] (poème extrait de Retours de langue)




    ■ Édith Azam
    sur Terres de femmes


    [Tout s’ouvre et c’est dedans](extrait de Bestiole-moi Pupille)
    Décembre m’a ciguë (lecture d’Isabelle Lévesque)
    [Je dis le mot : mourir] (extrait de Décembre m’a ciguë)
    Il n’y a cette perte de moi (extrait du Mot il est sorti)
    [Je regarde mes mains] (extrait d’Oiseau-moi)
    « Je voudrais devenir oiseau » (lecture de Décembre m’a ciguë par AP)
    Suis-moi
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    IL RESTERA MON SIGNE





    BERNARD NOËL


    Bernardnoël02
    Ph. © Steve Seiler
    Source





    ■ Bernard Noël
    sur Terres de femmes

    la paume caressant un souffle
    L’Encre et l’Eau
    La Langue d’Anna
    Sur le peu de corps, 18
    Fenêtres fougère (extrait de Sur un pli du temps)
    [le temps ne sait rien]
    TOI est le nom sans néant
    Viens dis-tu
    19 novembre 1930 | Naissance de Bernard Noël
    19 octobre 1977 | André Pieyre de Mandiargues | Bernard Noël
    Mohammed Bennis | Bernard





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  • Édith Azam | Bernard Noël | [comment ça s’ouvre un corps]




    Aza Noël Collage
    Collage, G.AdC






    [COMMENT ÇA S’OUVRE UN CORPS]




    comment ça s’ouvre un corps comment
    le bout du cœur pointe à la langue
    s’inventent alors de nouveaux gestes
    ponctués par un souffle neuf
    afin de creuser le sillon



    sur la terre de nos poèmes
    le temps parfois devient léger
    il suffit de le prendre aux mots
    et le voilà rythme ou mesure
    comme s’il changeait de nature



    chaque vers joue à la sirène
    pour arrêter la vie passante
    ou regarde vieillir sa main
    pendant que sourit le visage
    qui veut séduire le destin



    il nous faut du désir encore
    pour fêter à deux la tendresse
    tant que la faux fauche à côté
    ce qui pousse au bout de nos doigts
    reste aussi vif qu’à ses débuts



    nous allons sur le chemin d’encre
    il ne mène qu’au corps d’amour
    ce n’est pas une forme en soi
    c’est l’espace tout alentour
    devenu chair de nos pensées



    quand le soir n’est plus que ténèbres
    la lumière nous vient d’en bas
    c’est la belle sueur du noir
    et goutte à goutte elle fait voir
    que tout change et ne se perd pas



    que tout change au lieu de se perdre
    ainsi fait le vocabulaire
    qui nomme ceci par cela
    puis fait du neuf avec du vieux
    dès que la langue est amoureuse




    Édith Azam | Bernard Noël, Retours de langue, éditions Faï fioc, 54200 Boucq, 2018, pp. 33-35.






    Fai fioc Azam





    ÉDITH AZAM


    Edith Azam
    Source




    ■ Voir aussi
    sur Terres de femmes

    Édith Azam | Bernard Noël, Retours de langue (lecture d’AP)




    ■ Édith Azam
    sur Terres de femmes


    [Tout s’ouvre et c’est dedans](extrait de Bestiole-moi Pupille)
    Décembre m’a ciguë (lecture d’Isabelle Lévesque)
    « Je voudrais devenir oiseau » (lecture de Décembre m’a ciguë par AP)
    [Je dis le mot : mourir] (extrait de Décembre m’a ciguë)
    Il n’y a cette perte de moi (extrait du Mot il est sorti)
    [Je regarde mes mains] (extrait d’Oiseau-moi)
    Suis-moi
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    IL RESTERA MON SIGNE





    BERNARD NOËL


    Bernardnoël02
    Ph. © Steve Seiler
    Source





    ■ Bernard Noël
    sur Terres de femmes

    la paume caressant un souffle
    L’Encre et l’Eau
    La Langue d’Anna
    Sur le peu de corps, 18
    Fenêtres fougère (extrait de Sur un pli du temps)
    [le temps ne sait rien]
    TOI est le nom sans néant
    Viens dis-tu
    19 novembre 1930 | Naissance de Bernard Noël
    19 octobre 1977 | André Pieyre de Mandiargues | Bernard Noël
    Mohammed Bennis | Bernard






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    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Claude Margat | [La rumeur du grand arbre]

    « Poésies d’un jour

    choisies par Sylvie Fabre G.





    MARRONNIER_Foto
    Ph., G.AdC






    [LA RUMEUR DU GRAND ARBRE]



    La rumeur du grand arbre
    qui frémit dans tes mots
    ne sort pas de ta tête
    ni de ses paysages sans nom
    mais des livres que tu as lus
    et qui dansent sur l’ombre
    de présents disparus.




    Claude Margat, Matin de silence, L’Escampette éditions, Collection Poésie, 2011, page 19. Préface de Bernard Noël.






    [ICI]


    Ici
    en ne regardant rien que l’air
    on change aussi de ciel

    en changeant de ciel
    on change de vue

    en changeant de vue
    on change de pensée

    en changeant de pensée
    on change tout naturellement de vie




    Claude Margat, Matin de silence, L’Escampette éditions, Collection Poésie, 2011, page 34. Préface de Bernard Noël.






    Claude Margat  Matin de silence





    CLAUDE MARGAT

    Claude Margat portrait 3
    ©PHOTO KC Bordeaux
    Source





    ■ Claude Margat
    sur Terres de femmes

    Sylvie Fabre G. | Le rêveur d’espace [hommage à Claude Margat]




    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur le site de France Culture)
    Claude Margat dans l’émission de Sophie Nauleau : Ça rime à quoi (16 septembre 2012)
    → (sur le site de la revue L’Actualité Nouvelle-Aquitaine)
    Claude Margat dans la voie du silence, par Jean-Luc Terradillos (+ un entretien biographique paru en 2004)





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  • Elisa Biagini, Depuis une fissure

    par Angèle Paoli

    Elisa Biagini, Depuis une fissure, édition bilingue,
    éditions Cadastre8zéro, Collection Donc
    dirigée par Bernard Noël, 80000 Amiens, 2017.
    Traduit de l’italien par Roland Ladrière et Jean Portante.



    Lecture d’Angèle Paoli


    JE M’ÉCRIS D’ENTRE LES NŒUDS






    Bernard Noël Vignette
    Bernard Noël, Vignette de première de couverture
    (dessin au stylo)
    Depuis une fissure, éditions Cadastre8zéro, 2017.







    De même qu’à l’évidence un souffle peu ordinaire donne corps à la parole de la poète italienne Elisa Biagini, de même il m’a fallu une respiration ample avant de me lancer à la poursuite des poèmes de ce recueil (Depuis une fissure). C’est que j’avais déjà eu l’opportunité, le 18 avril 2008, de me confronter au très haut niveau d’exigence de cette poésie (lors d’un échange poétique qui se tint à Fiesole, dans le cadre d’un Printemps des poètes italo-corse organisé par l’Institut universitaire européen). Par la suite, l’occasion m’a également été donnée d’en traduire quelques extraits inédits ICI MÊME ET (dont certains ont été repris dans le premier numéro de la revue Place de la Sorbonne [mars 2011] et dans une composition musicale de Marta Gentilucci, créée à l’ircam-Centre Pompidou le 2 juin 2012). Ce n’est pas sans un certain trouble que je reviens à la rencontre de la poésie singulière de cette grande poète florentine. Impatiente et curieuse que je suis d’en redécouvrir l’« insolite » et fulgurante beauté. Aussi est-ce avec une modestie non dénuée d’appréhension que j’explore ici même Depuis une fissure, publié en volume sous le titre Da una crepa en 2014 chez Giulio Einaudi editore, et tout récemment paru (décembre 2017) en édition bilingue, dans une traduction en français de Roland Ladrière et de Jean Portante, aux éditions amiénoises Cadastre8zéro.

    Sous le titre Depuis une fissure, le recueil rassemble quatre sections d’inégale longueur, dont la dernière, également intitulée Depuis une fissure, ne comporte que cinq poèmes. C’est à Paul Celan et à Emily Dickinson, deux poètes chers à son cœur, qu’Elisa Biagini consacre les deux dialogues centraux principaux : « Donner de l’eau à la plante du rêve » (dialogue avec P. Celan) et « Les dents tachées d’encre : photographies » (dialogue avec E. Dickinson). Une section intermédiaire, très brève, « L’Excursion », consacrée à son grand-père Dante, sépare les deux dialogues. Ces poèmes, davantage narratifs, évoquent un autre versant du travail d’écriture d’Elisa Biagini. Ils explorent, par forage, le terreau familial, ici celui de Dante qui descendait dans les mines :

    « Maintenant est le temps de la

    mine de la terre

    qui m’effleure la tête,

    du parler endurci,

    de la lampe éteinte. »

    Et la poète, comparant son travail d’écriture à celui de l’aïeul creusant et cisaillant la roche dans les dédales de la terre, conclut par ces vers :

    « ceci est un travail

    de coupe et de remplissage,

    il importe peu si c’est la pierre ou

    le mot. »

    C’est peut-être à partir de la fissure qui lézarde les murs de sa résidence d’écriture, dans les Marches (peu après le séisme qui détruisit en avril 2009 la ville de L’Aquila, dont est originaire Jean Portante), que la poète observe le monde, le pense et l’écrit. Ainsi la fissure (à la fois réelle et métaphorique) qui craquèle tout, alentour et au-delà, objets et personnes, jusqu’à la mort, permet-elle de voir ce que l’œil grand ouvert ne voit pas. Dans le même temps, la fissure (fente, scissure, césure, couture…) conduit à réduire la focale de l’objectif. L’œil s’attache à ne saisir que l’indispensable tout en élaguant décortiquant écalant jusqu’à l’os l’objet qui l’occupe. La poète « dessique » émonde jusqu’à l’extrême jusqu’à la dernière peau la strophe qu’elle travaille. Ce qu’il reste de ce travail de sape, c’est le plus souvent une strophe par page. Car la poésie d’Elisa Biagini est tenue enserrée comprimée sous le boisseau. Quelques vers, à peine. Elisa Biagini bannit toute forme d’épanchement. Et se refuse à tout lyrisme, à toute tentation ou tentative de consolation. Mais sécheresse ne signifie en rien froideur ni absence. Il y a là tout un paradoxe qui surprend et désarçonne. Cette fissure, elle se cache aussi dans l’un des poèmes du dialogue avec Paul Celan. Un poème d’aveu où se dit (je n’ose dire « s’avoue ») la proximité de la poète florentine avec le poète roumain :

    « La fissure qui part

    de toi marque

    le pas

    dans le proche. »

    La fissure, ce passage étroit où s’originent et s’ancrent tous les désastres, est le creuset dans lequel s’enracine la poésie d’Elisa Biagini. Elle est au cœur de l’ensemble de son œuvre et, bien sûr, omniprésente dans les cinq derniers poèmes qui donnent au recueil son titre. Ce leitmotiv émouvant (d’où vient donc cette émotion qui submerge, malgré la poète et malgré soi, à la lecture ?) égratigne la page. Quelque chose étreint que l’on ne saurait dire :

    « je m’écris entre les

    fissures, dans les nœuds

    du bois, dans la

    poussière sous le tapis :

    l’obscurité, qui attend

    d’entrer, se grumèle

    de cernes [s’aggruma d’occhiaie] »

    C’est dans le poème d’ouverture de Depuis une fissure qu’est revendiqué et que s’affirme le refus du lyrisme. Un poème qui s’apparente à un manifeste. Un art poétique — en trois strophes — qui rejette et choisit la verticalité et non l’horizontalité :

    «… fuis la mélodie de la parole,

    la voix qui te sourit les dents refaites […]

    […] pêche de ce noir

    l’encre qui dit la parole

    verticale. À son ombre grandissent

    les questions, l’espace s’ouvre

    à la respiration de la pensée.

    Non la parole horizontale qui envahit,

    mais le blanc des marges, la pause qui

    couvre l’absence de toi à moi. »

    Dans ce poème d’ouverture se dit aussi l’omniprésence du corps. Œil main paupière voix dents pupille respiration… Dans un même mouvement pendulaire qui met le corps au centre s’exprime le refus de la chaleur et du confort qui apaise ; ou, au contraire, l’ouverture de la pensée qui questionne. Ainsi se joue la respiration vitale qui donne à la parole du poème son existence et sa forme. Sa corporéité.

    Ce premier poème est suivi de deux exergues qui se font écho l’un l’autre et annoncent le contenu de l’œuvre. Deux vers de Paul Celan, deux d’Emily Dickinson. Un même balancement, un vocabulaire identique disent la proximité grande de Paul Celan avec « La Dame blanche ». Il me semble bien d’ailleurs avoir lu, sous la plume d’Elisa Biagini (un entretien journalistique), que si ces deux poètes avaient vécu à la même époque, il ne fait aucun doute qu’ils se seraient rencontrés. Et peut-être aimés :

    « et tu joues avec les haches

    et à la fin tu resplendis comme elles » (Paul Celan)

    « elle maniait ses mots comme des lames —

    ainsi resplendissaient-ils de lumière — (Emily Dickinson)

    D’un côté la lame de l’autre la hache. Les armes coupantes se rejoignant avec éclat dans la lumière. Elles sont l’arme dont le poète se sert pour élaguer la langue la dépecer la désosser pour en atteindre la moelle. Car la langue doit être coupante incisive concise. Le tranchant (mais aussi le risque) de la lame et de la hache, gage de la rigueur, s’impose à la poète florentine comme il s’est imposé avant elle à Paul Celan et à Emily Dickinson.

    Dans le dialogue d’Elisa Biagini avec Paul Celan, les fragments empruntés au poète roumain, détachés de leur contexte et insérés en italiques, sont les « détonateurs » dont Elisa Biagini se sert comme déclencheurs des « déflagrations » poétiques que sont ses poèmes. Très condensés, les poèmes dénoncent le trop-plein et le débord de la parole courante, anecdotique et étouffante, laquelle submerge la parole poétique et la noie. La langue couramment se disperse, elle se perd dans l’abondance et le profus. Il faudrait qu’elle se résigne à l’impesanteur et à la modestie. Le travail du poète est de trancher, d’ôter à la langue le redit et le ressassement afin de permettre à la parole de reprendre vie :

    « Quand la bouche

    crache la parole,

    il y a un temps, un

    entre “moi et toi”,

    qui est une motte

    tranchée par la lame

    ver qui après

    reprend vie. »

    La même image est reprise plus loin avec la variante de la racine :

    « — Ce qui fut déraciné se rassemble à nouveau —

    le nom, le nom, la main, la main :

    sur ma main

    pose la feuille

    qui ne peut croître

    à cette lumière :

    passe-lui un gant

    car le vent l’écorche,

    mets-la en poche

    qu’elle n’en renaisse. »

    Qu’ils soient vers ou racines, les fragments du corps de la langue élaguée se reforment, vivifiés.

    Se contraindre à ces entailles ne se fait cependant pas sans souffrance ni sans effort :

    « Je marche

    par soustraction

    et mon souffle trébuche,

    ses joues

    prennent la couleur du sel » confie la poète.

    Dans la poésie de Paul Celan, Elisa Biagini cherche un étançon. Qu’elle glisse sous la sienne. Non pour répéter mais pour agir sur la citation. Pour « donner la parole » à « la parole donnée », comme le dit le critique italien Riccardo Donati. Dans une sorte de supplication singulière, Elisa Biagini fait appel à son ami roumain :

    Compte-moi parmi les amandes. (Zähle mich su den Mandeln)

    L’image de l’amande, sa petitesse dans la « paume », sa douceur cachée, disent la confiance de la poète florentine et le lien étroit qu’elle entretient avec son aîné. Un lien familier quasi physique qui se dit dans ce poème :

    « Avec les yeux

    ciseaux je te retaille

    le profil, je t’arrête

    avec la lame du temps

    qui ne rouille jamais. »

    Ou encore dans celui-ci, à prédominance amoureuse et sensuelle :

    « Mes lèvres, les

    tiennes, sont

    les fentes

    où tombent

    les monnaies, clefs

    des portes qui

    s’ouvrent ailleurs. »

    D’elle à lui, le corps est un médiateur complice. Il offre à la poète florentine le pouvoir de se mettre au diapason du poète roumain. Cette complicité intense se poursuit par-delà la mort du poète. Sa disparition — une « arête » — fait d’Elisa Biagini une figure d’écorchée.

    « Sur l’arête du

    congé, j’écorche

    ma respiration.

    Le souffle

    ravaudé d’un

    fil plus obscur :

    d’abandon. »

    À travers la quête d’une fusion possible, Elisa Biagini rejoint le poète au plus près de ce qu’il fut et de ce qu’elle cherche à être :

    « J’appuie le front

    contre la vitre, je regarde dans la

    nuit de tes mots,

    la voix devient blanche de

    silence, les ombres

    s’épaississent entre les dents :

    je suis toi, quand je suis moi. »

    Ainsi la voix de Paul Celan, voix unique, qui pique et qui attise, — « voix / qui fait grincer / la mienne — » (confie Elisa Biagini dans un autre poème) ouvre-t-elle sur d’autres espaces. La parole poétique peut alors advenir :

    « Et le papier crépite

    tout près de l’os,

    marque de blanc

    le doigt. »

    À la fois proche et autre est le dialogue avec Emily Dickinson. De même concision et de même densité, les poèmes répondent au même souci d’élagage. Ici les matériaux qui permettent à Elisa Biagini de construire ses poèmes sont un peu différents. Si des vers en italiques sont bien disséminés dans les poèmes, la poète ne cite pas les vers anglais correspondants. Peut-être pour rendre plus diffuse la présence de la poète d’Amherst. Plus évanescente. Et toutes les majuscules (à une exception près) ont disparu. Le décor est celui de la chambre d’Emily Dickinson. Tel qu’on l’imagine. C’est celui de son univers. Peuplé d’objets familiers, fenêtre, fauteuil, cheveux, gants, maille, mouchoir, livre, tiroir… Objets avec lesquels négocier. Car les objets se rebiffent, qui donnent fort à faire à l’habitante des lieux. Partant, à son amie poète :

    « tu racontes l’herbe

    renversée, la plume

    encastrée, la pluie

    recueillie à l’intérieur

    de l’oreille

    (et le silence, ici

    perd de son poids). »

    Aussi ordinaires sont-ils, les objets permettent à Elisa Biagini de circonscrire « le champ du récit ». Et la méthode de travail est la même, celle de la « négation » énoncée dans ces quatre vers :

    « un pas à la fois, par négation,

    je trace le périmètre à notre

    champ du récit — lettres denses

    pour soutenir le vent des sons. »

    Doués de pouvoir, les objets inversent l’ordre naturel des choses, y compris celui du corps. L’univers d’Emily Dickinson s’entremêle, dont elle est seule à comprendre la trame étrange :

    « tu comptes tes

    pieds cherchant le

    sommeil à l’ouïe,

    tu écoutes le poisson dans

    l’oreille traduisant l’eau ridée

    du verre ».

    La nature (toujours, avec Elisa Biagini, les choses se meuvent du dedans vers le dehors) se joue elle aussi de la poète, lui impose ses fantasmagories :

    « il souffle du

    carreau le vent

    de 3 heures, il déplace la

    main de l’écrit,

    il fait de la jupe

    une voile. »

    Ou encore

    « rayon de lune qui

    force le

    tiroir, s’enroule autour

    de la cheville

    (tu remontes mes couvertures

    pour la nuit —

    le papier est rugueux et les

    virgules piquent).

    Si les objets et la nature même sont imprévisibles et se dérobent sous les pas, le corps, lui, est complice de la rencontre avec l’autre, incarné par le « tu ». Ce « tu » omniprésent qui fait face à un « je » plus discret — « je te regarde », « je trace », « je te suis », « je bute ». La respiration, le souffle, le visage, l’oreille et les sons, la main… sont autant de points de rencontre possibles avec le corps de l’autre. C’est par l’ouïe et par la voix que passe l’échange, qu’un toucher subtil passe de l’un à l’autre ou de l’une à l’autre. Par le corps s’opère la symbiose nécessaire qui permet de se fondre dans l’univers de l’autre et dans ses empreintes, d’habiter sa silhouette. Ainsi de ce poème inspiré à Elisa Biagini par le vers présent dans une lettre qu’adresse Emily Dickinson à Thomas W. Higginson :

    « The Ear is the last Face »

    « l’oreille est le dernier

    visage. puis je te suis

    avec une bougie à

    l’horizon, où

    tu te baignes les pieds

    dans l’obscurité. »

    L’acmé de la rencontre a lieu dans l’ultime poème de cette section — « Impatient of the fewest words » (dialogue entre Emily et Paul). Elisa Biagini se plaît à mettre en scène un échange imaginaire entre les deux poètes. Ce contact physique qui passe par le partage de gestes érotiques conduit à la connaissance de l’autre. Celle qui ouvre la voie à la parole poétique :

    « Debout, sur le seuil,

    mon œil dans ta

    main, ta langue sur mon oreille :

    c’est ainsi que nous nous connaissons,

    en nous touchant, parce que

    la pupille est dilatée

    par l’effort, les papilles

    comme papiers de verre.

    Si le plancher cède, si la

    voix sombre,

    c’est ici,

    dans l’air

    que nous tient

    la parole-branche. »

    Un dernier poème clôt l’ensemble du recueil, — « contre le vent » —, très beau poème dans lequel Elisa Biagini confie ce qui reste entre ses mains, une fois l’œuvre accomplie. Les amis choisis se sont retirés mais leur parole demeure sous les mots de la poète et leur silence continue de l’éclairer. Une fois l’œuvre accomplie, reste l’ultime citation empruntée à Emily Dickinson :

    « I take — no less than skies

    rien moins que les cieux — pour moi. »

    Une vocation personnelle d’Elisa Biagini à pousser son regard toujours plus loin, vers un horizon qui ouvre toujours plus vaste.

    Une étrange et non moins poignante beauté se dégage de l’ensemble de cette œuvre longuement mûrie. À la beauté intrinsèque des poèmes vient se greffer la beauté de l’ouvrage en lui-même : la qualité éditoriale (discrétion de la typographie et aération de la mise en page) et la qualité du façonnage (cahiers cousus, couverture à double rabat) dues à la maison Cadastre8zéro et à l’ancienne imprimerie Paillart d’Abbeville. La première et la quatrième de couverture étant illustrées par le directeur de collection lui-même, le poète et écrivain Bernard Noël. Deux vignettes extraites d’un dessin au stylo. Que l’on pourrait imaginer issues des « Chosins ».



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli






    Elisa Biagini  Depuis une fissure






    ELISA BIAGINI



    Elisa Biagini 2





    ■ Elisa Biagini
    sur Terres de femmes

    [Les nuits se ferment] (poème extrait de Depuis une fissure)
    Nel bosco | Dans le bois (note de lecture d’AP)
    La gita (poème extrait de Da una crepa)
    Sotto i castagni (extrait du recueil L’ospite) (+ notice bio-bibliographique)
    Elisa Biagini au Centre d’Études Poétiques de l’ENS de Lyon (13 mai 2008, chronique de Marie-Ange Sebasti)
    Anne Sexton | Elisa Biagini | Due mani… Due voci (trois poèmes extraits de Nel bosco, avec leur traduction en français par AP)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    Da una crepa (traduction inédite d’AP)
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    le portrait d’Elisa Biagini (+ un poème extrait du recueil L’ospite, un poème extrait d’Acqua smossa et un poème extrait de Da una crepa. Traduction inédite d’AP)




    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur le site des editions Cadastre8zéro)
    la fiche de l’éditeur sur Depuis une fissure d’Elisa Biagini
    → (sur La Cause Littéraire)
    une lecture de Depuis une fissure par Philippe Leuckx
    le site personnel d’Elisa Biagini
    → (sur Lyrikline)
    dix poèmes d’Elisa Biagini dits par Elisa Biagini (+ traduction française)
    → (sur Italies)
    Anthologie bilingue d’Elisa Biagini, par Estelle Ceccarini
    → (sur Italies)
    La poésie d’Elisa Biagini, images de l’intime et démystification du monde, par Estelle Ceccarini
    → (sur Poetry International Web) une
    bio-bibliographie d’Elisa Biagini (+ de nombreux poèmes)
    → (sur Nazione Indiana)
    Domande da una crepa: intervista a Elisa Biagini
    → (sur le site de Chelsea Editions)
    une page sur Elisa Biagini





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  • Marc Alyn | [Un lézard est sorti du sépulcre du Roi]



    Lezard
    Ph., G.AdC







    [UN LÉZARD EST SORTI DU SÉPULCRE DU ROI]



    Un lézard est sorti du sépulcre du Roi.
    La gorge palpitante au bord du gouffre il me contemple
    et son œil minuscule contient l’Énigme immense
    de l’ici et de l’au-delà
    de tout ce qui finit et sans cesse commence
    lui l’habitant des nuits
    du fond des nappes d’ombre
    qui se dore au soleil puis sommeille en la tombe
    se faufilant infiniment dans la durée telle une aiguille
    pour lier de son fil le dedans au dehors
    les vivants du passé aux passants de l’instant
    puis veiller sur les mots comme un enfant qui dort
    tandis qu’en lui rêvent les morts.



    Marc Alyn, La Parole planète, 1992 ; Les Alphabets du feu, in La Combustion de l’ange, Poèmes 1956-2011, Le Castor Astral, 2011, page 131. Préface de Bernard Noël.






    Marc Alyn, La Combustion de l'ange






    MARC ALYN


    Vignette Marc Alyn




    ■ Marc Alyn
    sur Terres de femmes

    D’une voix d’aube (poème extrait des Alphabets du Feu)
    Proses de l’intérieur du poème
    Le temps est un faucon qui plonge (lecture d’AP)



    ■ Voir aussi ▼

    → (dans la Poéthèque du site du Printemps des poètes)
    une notice bio-bibliographique consacrée à Marc Alyn
    → (dans Poésie / Première 55)
    une lecture de La Combustion de l’ange de Marc Alyn, par Jean-Paul Giraux [PDF]
    → (sur books.google.fr)
    Mémoires provisoires | Entretiens de Marc Alyn avec Marie Cayol




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  • Muriel Stuckel | [Sous le pas d’une ombre vive]



    Gorgé des larmes du ciel
    Ph., G.AdC







    [SOUS LE PAS D’UNE OMBRE VIVE]




    Sous le pas d’une ombre vive
    L’éclat des mots crépite

    Comme foulée étincelante
    Au cœur de la forêt

    Déjà les biches s’éparpillent
    Sur les feuilles froissées

    Le silence se chuchote
    Gorgé des larmes du ciel

    Sous le pas d’une ombre vive
    La poésie prend souffle

    Là-bas au large des nuages
    Quand la voix de l’aube s’ajuste




    Muriel Stuckel, L’Insoupçonnée ou presque, éditions Voix d’Encre, 2013, page 81. Peintures de Laurent Reynès. Préface de Bernard Noël.






    Muriel Stuckel, L’Insoupçonnée ou presque, Voix d’encre, 2013.






    MURIEL STUCKEL


    Muriel Stuckel 3




    ■ Muriel Stuckel
    sur Terres de femmes

    La poétique des failles chez Muriel Stuckel (Chronique d’Isabelle Raviolo)
    [Demeure précaire] (autre extrait de L’Insoupçonnée ou presque)
    [Ce n’est pas tant] (extrait d’Eurydice désormais)
    Le risque de la poésie (extrait d’Eurydice désormais)
    [Sous la courbe de la phrase] (extrait de Du ciel sur la paume)
    [Trop vif le soleil] (extrait de Petite Suite Rhénane | Kleine Rhein-Suite)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    La poésie échappée



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions Voix d’encre)
    la fiche de l’éditeur sur L’Insoupçonnée ou presque



    ■ Notes de lecture de Muriel Stuckel
    sur Terres de femmes

    Jacques Estager, Douceur
    Gunvor Hofmo, Tout de la nuit est sans nom
    Stéphane Sangral, Circonvolutions






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  • Valerio Magrelli | [ne rien avoir à écrire]



    [NON AVERE DA SCRIVERE NULLA]



    Non avere da scrivere nulla
    dà quella pena infantile, infinita,
    di chi non trova alloggio
    in un paese straniero.
    Si cerca ovunque,
    ogni posto è già occupato,
    provate altrove e intanto
    si fa tardi e non c’è verso.
    Dove andremo a dormire?






    [NE RIEN AVOIR À ÉCRIRE]



    Ne rien avoir à écrire
    procure cette peine enfantine, infinie,
    de qui ne trouve pas à se loger
    en terre étrangère.
    On cherche partout,
    tout est déjà occupé,
    essayez ailleurs, cependant
    il se fait tard, rien à vers.
    Où irons-nous dormir ?




    Valerio Magrelli, Natures et signatures (Nature e venature, Mondadori, 1987  Einaudi Editore, 1996), Éditions Le temps qu’il fait, 1998, pp. 150-151. Traduit de l’italien et préfacé par Bernard Simeone.







    Natures et signatures 2







    [NE RIEN AVOIR À ÉCRIRE]



    Ne rien avoir à écrire
    donne cette douleur enfantine, infinie
    de qui ne trouve à se loger
    dans un pays étranger.
    On cherche partout,
    tous les lits sont déjà pris,
    essayez ailleurs, pourtant
    il se fait tard, rien à vers.
    Où irons-nous dormir ?




    Valerio Magrelli, La Contagion de la matière, Les Cahiers de Royaumont, 1989, page 28. Traduction collective, Royaumont, relue et préfacée par Bernard Noël.




    VALERIO MAGRELLI


    Valerio Magrelli




    ■ Valerio Magrelli
    sur Terres de femmes

    Aequator lentis
    Rima palpebralis




    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur le site de Cheyne éditeur)
    la page consacrée à Valerio Magrelli
    → (sur le site de Jean-Michel Maulpoix)
    une page consacrée à Valerio Magrelli
    → (sur Poetry International Rotterdam)
    une page bio-bibliographique et de nombreux poèmes
    → (sur Italian Poetry)
    trente poésies de Valerio Magrelli
    → (sur Lyrikline)
    plusieurs poèmes de Valerio Magrelli dits par l’auteur
    → (sur Circolo Culturale Albatross)
    un dossier sur Valerio Magrelli
    → (sur Mosaici, St. Andrews Journal of Italian Poetry)
    un entretien de Valerio Magrelli avec Federico Bindi
    → (sur YouTube)
    une vidéo sur une rencontre entre Margherita Guidacci et Valerio Magrelli (10 mars 1989)





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