Étiquette : Charles Juliet


  • Charles Juliet | [Longue a été la route]


    LETTRE A ML
    (extrait)





    Longue a été la route
    et pendant longtemps
    entravé par le doute
    j’ai été empêché d’avancer

    il y eut alors l’enlisement
    la détresse des jours morts
    cette attente qui n’en finissait pas

    il y eut ensuite la tâtonnante
    exploration du labyrinthe
    et je désespérais de voir luire
    la lumière qui me tirerait de la nuit

    il y eut enfin à longuement creuser
    à poser de solides fondations
    puis pierre à pierre
    à monter mes murs
    et construire avec soin ma maison

    toi

    mon constant soutien

    ma pierre d’angle
    tu n’as jamais douté
    jamais failli

    quand je pense
    à ce que tu es
    à ce que tu m’as donné
    au chemin parcouru
    je sens monter des larmes

    Un jour
    ma barque s’est détachée
    s’est éloignée du port
    et sans que je m’en sois
    rendu compte
    poussé par le vent
    j’ai dérivé
    longuement dérivé

    À me découvrir seul
    loin de mes semblables
    j’étais dévoré d’angoisse
    Mon unique désir
    était de revenir parmi eux
    là où était ma place
    D’autant que mon embarcation
    prenait l’eau

    Ou bien était-ce moi
    qui déjà me fissurais
    me délabrais
    Je n’avais plus la force de ramer
    de diriger ma barque
    N’allais-je pas bientôt sombrer

    Je ne me sentais pas de taille
    à affronter les tempêtes
    que j’aurais à essuyer
    Je me rebellais    voulais retrouver
    la quiétude de ma vie d’avant
    mais il ne m’était pas possible
    de maîtriser ma dérive
    et j’ai dû m’abandonner




    Charles Juliet, « Lettre à ML » (extrait), Moisson, P.O.L éditeur, 2012, in Pour plus de lumière, Anthologie personnelle 1990-2012, éditions Gallimard, Collection Poésie/Gallimard n° 554, 2020, pp. 419-420. Préface de Jean-Pierre Siméon.






    Charles Juliet  Pour plus de lumière




    CHARLES JULIET


    Charles Juliet
    Source




    ■ Charles Juliet
    sur Terres de femmes


    En surface
    ma hâte
    [Rien ne s’annonce]
    Rencontre inédite autour de Charles Juliet
    25 octobre 1964 | Première rencontre Charles Juliet-Bram Van Velde
    22 décembre 1989 | Charles Juliet, L’Autre Faim, Journal V
    3 septembre 1990 | Charles Juliet, L’Autre Faim, Journal V
    15 septembre 1990 | Charles Juliet, L’Autre Faim, Journal V
    10 octobre 1996 | Charles Juliet, Lumières d’automne, Journal VI




    ■ Voir | écouter aussi ▼


    → (sur le site des éditions Gallimard)
    la fiche de l’éditeur sur Pour plus de lumière
    → (sur Dailymotion)
    Charles Juliet : L’exultation calme (vidéo)
    Charles Juliet, attentivement (site dédié à l’œuvre de Charles Juliet)





    Retour au répertoire du numéro d’octobre 2020
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Charles Juliet | [Rien ne s’annonce]



    Et lentement au profond de la nuit les murs s'élèvent
    Ph., G.AdC






    RIEN NE S’ANNONCE



    rien ne s’annonce
    mon silence est muet
    mais je demeure en attente
    prêt à capter ce qui va sourdre


    soudain des mots
    surgissent       s’assemblent
    et lentement
    au profond de la nuit
    les murs s’élèvent


    une maison basse et retirée
    où chantonne
    en permanence le vivifiant
    murmure de la source


    où celui qui s’est perdu
    pourra venir se rejoindre
    retrouver son visage
    renouer avec son sang




    Charles Juliet, « Apaisement » in Moisson, choix de poèmes, P.O.L éditeur, 2012, page 207. Préface de Jean-Pierre Siméon.




    CHARLES JULIET


    Charles Juliet
    Source




    ■ Charles Juliet
    sur Terres de femmes


    En surface
    ma hâte
    25 octobre 1964 | Première rencontre Charles Juliet-Bram Van Velde
    22 décembre 1989 | Charles Juliet, L’Autre Faim, Journal V
    3 septembre 1990 | Charles Juliet, L’Autre Faim, Journal V
    15 septembre 1990 | Charles Juliet, L’Autre Faim, Journal V
    10 octobre 1996 | Charles Juliet, Lumières d’automne, Journal VI
    Rencontre inédite autour de Charles Juliet




    ■ Voir | écouter aussi ▼


    → (sur Dailymotion)
    Charles Juliet : L’exultation calme (vidéo)
    Charles Juliet, attentivement (site dédié à l’oeuvre de Charles Juliet)





    Retour au répertoire du numéro de décembre 2012
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • 10 octobre 1996 | Charles Juliet, Lumières d’automne

    Éphéméride culturelle à rebours



    Charles Juliet à Ajaccio le 4 septembre 2010
    Ph. angèlepaoli






    10 octobre



    POURQUOI ÉCRIRE, me demande-t-on.

    Bonne occasion de rechercher les raisons qui m’ont déterminé à mettre l’écriture au centre de ma vie. Mais c’est une vaste question. Qui appelle plusieurs réponses.

    Écrire pour obéir au besoin que j’en ai.

    Écrire pour apprendre à écrire. Apprendre à parler.

    Écrire pour ne plus avoir peur.

    Écrire pour panser mes blessures. Ne pas rester prisonnier de ce qui a fracturé mon enfance.

    Écrire pour ne pas vivre dans l’ignorance.

    Écrire pour surmonter mes inhibitions, me dégager de mes entraves.

    Écrire pour déraciner la haine de soi. Apprendre à m’estimer.

    Écrire pour déterrer ma voix.

    Écrire pour me parcourir, me découvrir. Me révéler à moi-même.

    Écrire pour épurer mon œil de ce qui conditionne sa vision.

    Écrire pour me clarifier, me mettre en ordre, m’unifier.

    Écrire pour conquérir ce qui m’a été donné.

    Écrire pour gravir la pente qui mène à la simplicité.

    Écrire pour tenter de réduire, de dissoudre le moi.

    Écrire pour devenir toujours plus conscient de ce que je suis, de ce que je vis.

    Écrire pour affiner et aiguiser mes perceptions.

    Écrire pour savourer ce qui m’est offert. Pour tirer le suc de ce que je vis.

    Écrire pour repousser mes limites, agrandir mon espace intérieur, me rendre toujours plus libre.

    Écrire pour soustraire des instants de vie à l’érosion du temps.

    Écrire pour retrouver ― par delà la lucidité conquise ― une naïveté, une spontanéité, une transparence.

    Écrire pour produire la lumière dont j’ai besoin.

    Écrire pour tenter de voir plus loin que mon regard ne porte.

    Écrire pour donner sens à ma vie. Pour éviter que qu’elle ne demeure comme une terre en friche.

    Écrire pour susciter cette mutation qui me fera naître une seconde fois.

    Écrire pour m’inventer, pour me créer, me faire exister.

    Écrire pour m’employer à devenir meilleur que je ne suis.

    Écrire pour faire droit à l’instance morale qui m’habite.

    Écrire pour affirmer certaines valeurs face aux égarements d’une société malade.

    Écrire pour être moins seul. Pour parler à mon semblable. Pour chercher les mots susceptibles de le rejoindre en sa part la plus intime. Des mots qui auront peut-être chance de le révéler à lui-même. De l’aider à se connaître et à cheminer.

    Écrire pour mieux vivre. Mieux participer à la vie. Apprendre à mieux aimer.

    Écrire pour que me soient donnés ces instants de félicité où le temps se fracture, et où, enfoui dans la source, j’accède à l’intemporel.

    Dans cette énumération des raisons que j’ai d’écrire, il arrive que certaines se recoupent, se chevauchent, disent plus ou moins une même chose mais abordée sous des angles différents. Il faut voir qu’elles sont indissociables, et que toutes contribuent à nourrir cette passion qui me tient.



    Charles Juliet, Lumières d’automne, Journal VI, 1993-1996, P.O.L, 2010, pp. 247-248.




    CHARLES JULIET


    Charles Juliet
    Source




    ■ Charles Juliet
    sur Terres de femmes


    En surface
    ma hâte
    [Rien ne s’annonce]
    25 octobre 1964 | Première rencontre Charles Juliet-Bram Van Velde
    22 décembre 1989 | Charles Juliet, L’Autre Faim, Journal V
    3 septembre 1990 | Charles Juliet, L’Autre Faim, Journal V
    15 septembre 1990 | Charles Juliet, L’Autre Faim, Journal V
    Rencontre inédite autour de Charles Juliet




    ■ Voir/écouter aussi ▼


    → (sur Dailymotion)
    Charles Juliet : L’exultation calme (vidéo)
    Charles Juliet, attentivement (site dédié à l’œuvre de Charles Juliet)





    Retour au répertoire du numéro d’octobre 2010
    Retour à l’ index de l’éphéméride culturelle
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • 3 septembre 1990 | Charles Juliet, L’Autre Faim

    Éphéméride culturelle à rebours



                   Photocollage, G.AdC

    Creuser ma vie int-rieure 3 septembre


         Ce n’est que dernièrement, me semble-t-il, que j’ai pris conscience d’un besoin qui me tient depuis mon adolescence : le besoin de ne pas être un raté, le besoin de ne pas subir les circonstances, le besoin de faire quelque chose de ma vie. Sans que je m’en sois rendu compte, il est vite apparu que ce besoin n’allait pas me conduire à poursuivre une réussite sociale. Ce qui m’intéressait, c’était de creuser ma vie intérieure, de me dégager de ma souffrance, de m’appliquer à pénétrer l’extrême complexité de l’être humain, et surtout, d’écrire. À cela s’ajoutait un autre besoin : celui de me battre contre le temps, de constituer un certain quelque chose qui, au terme de ma vie, ne me laisserait pas avec le sentiment d’avoir les mains vides. Bien évidemment, je n’ai jamais oublié que la mort balaie tout. En élevant mon rempart de mots, du moins veux-je me dresser contre elle avant qu’elle ne m’emporte. (Qu’est-ce que tout cela qui n’est pas éternel ? s’exclame Thérèse d’Avila. Du jour où je les ai lus, ces mots ont bien souvent retenti en moi.)


    Charles Juliet, L’Autre Faim, Journal V, 1989-1992, Éditions P.O.L, 2003, pp. 139-140.




    CHARLES JULIET


    Charles Juliet
    Source




    ■ Charles Juliet
    sur Terres de femmes


    En surface
    ma hâte
    [Rien ne s’annonce]
    25 octobre 1964 | Première rencontre Charles Juliet-Bram Van Velde
    22 décembre 1989 | Charles Juliet, L’Autre Faim, Journal V
    15 septembre 1990 | Charles Juliet, L’Autre Faim, Journal V
    10 octobre 1996 | Charles Juliet, Lumières d’automne, Journal VI
    Rencontre inédite autour de Charles Juliet




    ■ Voir | écouter aussi ▼


    → (sur Dailymotion)
    Charles Juliet : L’exultation calme (vidéo)
    Charles Juliet, attentivement (site dédié à l’œuvre de Charles Juliet)





    Retour au répertoire du numéro de septembre 2010
    Retour à l’ index de l’éphéméride culturelle
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Rencontre inédite autour de Charles Juliet


    Juliet






    ATTENTIVEMENT CHARLES JULIET



        J’ai entre les mains l’ouvrage que m’a récemment fait parvenir Marie-Thérèse Peyrin : Attentivement Charles Juliet. Je remercie Marie-Thérèse, grande prêtresse de « l’incitation poétique », de m’avoir offert ce livre de passion, témoignage de belle et précieuse amitié.

        Coédité par l’association lyonnaise « La Cause des Causeuses » et J A Éditeur, cet ouvrage rassemble « lettres, croquis et peintures dédiés à Charles Juliet ». Ces « Lettres d’Ami(e)s » ont été collectées à l’occasion du 10e Printemps des Poètes à Lyon. Les lettres adressées à Charles Juliet par les 47 auteurs, poètes et amis réunis dans cet ouvrage, sont un écho parfaitement synchrone avec le thème de l’Éloge de l’autre, proposé par Jean-Pierre Siméon. Lettres émouvantes ― écrites parfois sous forme de poèmes ―, vibrantes de vérité pudique, hommage à l’écrivain et à l’homme « rassurant » qu’est Charles Juliet. Un alchimiste et « sourcier », à qui ses lecteurs doivent beaucoup.

         Ainsi témoigne Paul Otchakovsky-Laurens qui écrit :

         « Qu’il s’agisse de ta poésie, lapidaire, mais chaque pierre y est comme taillée pour y être encore plus pierre que la plus pierre des pierres ― et pourtant ces pierres diffusent, rayonnent, irradient; qu’il s’agisse de tes fictions, roman, nouvelles, récits, rencontres dont l’économie de moyens et tout à la fois la force dramatique restent inatteignables; qu’il s’agisse de tes journaux qui, pour avoir gagné ligne après ligne cette sérénité vers quoi ils tendaient n’en demeurent pas moins empreints de la gravité qui en marquait les premières pages : ton œuvre entière m’est un insistant mais amical rappel à l’ordre. Je pense qu’elle est présente à chacun des moments de ma vie, et particulièrement à l’heure des choix. » (pp. 107-108.)

         Ou encore Jean-Pierre (Jean-Pierre Siméon) dans cette lettre adressée à Charles Juliet :

    Mon cher Charles,

        « AUJOURD’HUI en Auvergne le ciel est peint d’un gris discontinu, mouvant, dynamique qui s’ouvre parfois sur l’au-delà d’un bleu fragile mais têtu : on dirait un Bram Van Velde. N’est-ce pas le décor qu’il faut pour t’écrire ?
         Au fait, c’est mieux qu’un décor : ce bleu modeste mais sûr, cette clarté qu’incessamment dérobe l’épaisseur des nuages, voilà peut-être par coïncidence l’image juste de ce qui aimante ton travail d’écrivain. Je devrais dire : ton travail d’homme.
        Oui, il faut dire : ton travail d’écrivain qui est ton travail d’homme, parce que c’est dans cette exacte équivalence, rarement prouvée par ailleurs dans ce qu’on nomme le champ littéraire, que réside à mes yeux la singularité précieuse de ton œuvre. » (p. 138.)

         Un bel ouvrage attachant que celui qu’a réalisé Marie-Thérèse Peyrin. Ouvrage de partage, généreux et attentif à l’autre, à tous les autres, connus et moins connus, rassemblés autour de la présence chaleureuse de Charles Juliet. Joël Vernet, François Bon, Jean-Gabriel Cosculluella, Marie-Ange Sebasti, Anne Lauricella, Marie Morel, Véronique Morin… Et Tanguy Dohollau pour les dessins, Fanny Batt, Bobi and Bobi, Jean-Yves Pennec, Emmanuelle Rey, Anik Vinay pour les peintures. Guylaine Carrot, Rajak Ohanian, Sylva Villerot pour les photos.

        Avec, en exergue, un poème de Guillevic. Et en postface, un poème de Marie-Thérèse Peyrin elle-même :

    « tes mains
    pleines
    débordantes


    tes mains où s’enracine le chant fécond de l’autre source
    l’onctueuse                           pulsatile                           « l’intacte »

    au seuil de toute offrande
    à l’aval de toute coulure lumineuse
    abouchée à nos paumes rouvertes
    à nos lèvres débridées

    nos vies enfin debout

    renouvelées

    nos vies sauves…


    au long de tant de jours et d’aléas,
    grand bonheur, mon cher Charles, à croiser si souvent ton chemin… »



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli



    CHARLES JULIET


    Charles Juliet
    Source




    ■ Charles Juliet
    sur Terres de femmes


    En surface
    ma hâte
    [Rien ne s’annonce]
    25 octobre 1964 | Première rencontre Charles Juliet-Bram Van Velde
    22 décembre 1989 | Charles Juliet, L’Autre Faim, Journal V
    3 septembre 1990 | Charles Juliet, L’Autre Faim, Journal V
    15 septembre 1990 | Charles Juliet, L’Autre Faim, Journal V




    ■ Voir | écouter aussi ▼


    → (sur Dailymotion) Charles Juliet :
    L’exultation calme (vidéo)
    Charles Juliet, attentivement (site dédié à l’oeuvre de Charles Juliet)





    Retour au répertoire du numéro de mai 2008
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes