à la voix aimée
de Christian Gabrielle Guez Ricord
(1948-1988)
LE TEMPS SANS RIDEAUX
1
Il savoure un café. Il peut tout aussi bien allumer une harpe, libérer de leur écrin les nerfs où la ville a ses armes souterraines. Une nuit, pareille à d’autres nuits, il laisse sans ressource la fleur rêvée.
Et ainsi le reproche qui monte de nos vies nous fait tourner autour des portes d’or dont la maison reste à prédire.
2
Seul par le lait et le sang, il consacre sa mort. Dans la chambre, un reste d’être, une licorne qui ressemble à la peine d’aimer. Une étrange monnaie jetée soudain au milieu de nous.
3
De cette main qui est la neige aimante et qui suffit.
Il y eut une traversée, une lampe hors des yeux et la surabondance par les larmes. L’ange qui boîte s’en est allé vers son séjour de sel.
4
Cela vient comme une étoile serrée ou la maigreur du pain, une insistance à donner le change à ceux qui continuent d’inscrire au sol leurs arcs-en-ciel.
5
Pour le nom d’une femme, son seul bien, qui fut une et multiple, dans le croissant des mondes éprouvés, invente à nouveau ce visage qui est le sien. Il nous bénit et il a soif.
Frère consterné.
6
Le mot de charité parlera doucement sous les arbres.
Il passe maître dans l’art de raviver les gestes, une seconde fois.
Devant la pierre insoulevable, il revient tendre sa voix qui tremble.
7
Un nouveau soir de juin, les promesses piétinent la terre.
Dominique Sorrente, La Terre accoisée, Cheyne éditeur, 1998, pp. 17-18-19.