Étiquette : Claire Malroux


  • Claire Malroux | À la poésie



    À LA POÉSIE





    Je voulais t’invoquer, poésie, mais j’ai pris peur
    Tu errais au milieu des ruines, entre les murs des palais écroulés,
    sous les orbites vides des cathédrales,
    blessant tes pieds nus aux bris des légendes et aux désastres
    de l’histoire

    Comme moi tu cherchais la rime disparue de cime

    Je t’ai retrouvée plus tard parmi les vestiges d’un quai,
    au bord de l’horizon
    Un poète marchant à tes côtés rêvait de laves, d’incendies
    illuminant les fleuves au cours impassible
    de métropoles fabuleuses :

    Ce sont des villes, clamait-il

    Entre tes cils les lendemains clignaient mais tu ne savais
    comment
    les devancer ou les conjurer
    Ton désespoir ne semblait s’apaiser qu’aux cris dans la reverdie
    des branches

    Ne pleure pas les dieux, ne te lamente pas sur les hommes
    Toi seule as la garde des mondes et détiens le secret de nos vies




    Claire Malroux, « Quelques intemporels », Météo Miroir, poèmes, éditions Le Bruit du temps, 2020, page 94.





    Claire Malroux  Météo miroir





    CLAIRE  MALROUX


    Claire Malroux 4
    Source





    ■ Claire Malroux
    sur Terres de femmes


    Invisible Protée (un autre poème extrait de Météo Miroir)
    [Quel que soit son destin] (poème extrait de Soleil de jadis)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions Le Bruit du temps)
    la fiche de l’éditeur sur Météo Miroir
    → (dans la Poéthèque du site du Printemps des poètes)
    une fiche bio-bibliographique sur Claire Malroux





    Retour au répertoire du numéro de juin 2020
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Claire Malroux | Invisible Protée


    INVISIBLE PROTÉE
    (extrait)




    Jour après jour le jour s’absente, nous laisse
    dans une double nuit
    d’où nous pourrions ne jamais revenir
    ni savoir si nous serons où nous étions, sans le fanal
    qui dans l’espace envahi d’épisodes clandestins
    nous guide, et tels qu’en nous-mêmes nous réveille

    C’est que malgré les fleurs et les couronnes
    que sur son lit nous empilons
    le temps est à notre image, quelque chose de nu, sans gloire,
    traversant notre sommeil en fleuve aveugle
    vers nulle mer, comme nous-mêmes, étourdiment,
    dévalons la pente de la vie




    Le temps au miroir du marais s’arrête,
    sourd aux bruits d’alarme, râles de l’herbe tranchée
    par les vaches en exil entre les bras d’eau,
    plongeons de rats musqués, lourds envols de grues,
    grincement sur le sentier de monstres mécaniques
    montrant les dents au promeneur échappé du piège
    des ronces, orties, chardons, bouses d’autres saisons

    Quadrilatères de l’angoisse, humides mouchoirs
    dans l’immense main bleue, ras de terre
    ramenant de tous côtés de l’horizon à la terre
    Seul le tintinnabulement d’une haie de saules
    brise par intervalles l’enchantement immobile
    un son d’aucun monde comme l’envers du vent



    Claire Malroux, « Invisible Protée », Météo Miroir, éditions Le Bruit du temps, 2020, pp. 57-58.





    Claire Malroux  Météo miroir





    CLAIRE  MALROUX


    Claire Malroux 4
    Source





    ■ Claire Malroux
    sur Terres de femmes


    À la poésie (un autre poème extrait de Météo Miroir)
    [Quel que soit son destin] (poème extrait de Soleil de jadis)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions Le Bruit du temps)
    la fiche de l’éditeur sur Météo Miroir
    → (dans la Poéthèque du site du Printemps des poètes)
    une fiche bio-bibliographique sur Claire Malroux






    Retour au répertoire du numéro de mars 2020
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Henri Cole, Paris-Orphée (extrait)



    PARIS-ORPHÉE
    (extrait du chapitre X)




    DANS L’ANTIQUITÉ, LES GRECS assimilaient les lèvres enduites de miel au don de l’éloquence. Pindare, le poète lyrique de Thèbes, avait été piqué à la bouche par une abeille, disait-on, alors qu’il était encore jeune homme, ce qui a fini par expliquer son talent. Horace, le chef de file de la poésie à l’époque romaine d’Auguste, se comparait dans ses odes aux abeilles du mont Matinus en Apulie, son lieu de naissance, où sur les collines arides elles butinaient le thym, les arbustes et les fleurs. Que les abeilles aient fabriqué elles-mêmes le miel à partir du nectar n’était pas un fait admis à l’époque classique : on pensait qu’elles le cueillaient directement sur les fleurs et ne faisaient que l’enrichir des saveurs de leur cru.

    En France, les abeilles, symboles d’immortalité, étaient jadis un emblème des souverains. Napoléon les faisait broder sur ses habits impériaux et elles ornaient nombre de ses possessions. Nul doute qu’avec elles, la notion de royauté a son origine dans la nature, et nul doute que le royaume de la poésie n’est pas tellement différent de celui de la ruche.

    Certains poètes sont semblables aux abeilles Frère Adam (ainsi nommées d’après le moine bénédictin qui les élevait), qu’abrite aujourd’hui une ruche installée sur le toit de la sacristie de la cathédrale Notre-Dame, dans l’île de la Cité. Brunes et veloutées, elles sont productives, résistantes aux parasites, et plus douces que la plupart. Chaque jour, ces abeilles butinent sept cents fleurs, et favorisent ainsi la croissance des plantes dans un rayon de trois kilomètres autour de l’édifice gothique. D’autres poètes, comme moi, sont des êtres solitaires, plus proches des abeilles à la langue courte qu’on trouve dans les régions sauvages, et qui transportent le pollen bien à l’abri sous leur abdomen ou fermement attaché à leurs pattes arrière. Parfois, lorsque j’entends les autres abeilles bourdonner, je me dis : « l’amour, que peut-il être d’autre qu’une profusion de bourdonnements, ou de la haine ? »



    Henri Cole, Paris-Orphée, Carnet d’un poète américain à Paris, chapitre X (extrait), Le Bruit du temps, 2018, pp. 105-107. Traduction de l’anglais (États-Unis) par Claire Malroux.






    Paris-orphee





    HENRI COLE


    Henri Cole-photo-david-deitz
    Source
    D.R. Photo David Deitz



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions Le Bruit du temps)
    la fiche de l’éditeur sur Paris-Orphée
    → (sur le site des éditions Le Bruit du temps)
    une notice bio-bibliographique sur Henri Cole






    Retour au répertoire du numéro d’octobre 2018
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes