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Étiquette : Claudine Bohi
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Michaël Glück | [le ciel emporte le reflet des îles]
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Claudine Bohi | [à force de mots sur la peau]
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Jean de Breyne | Les Formes de la lumière
Haleh Zahedi
Source
LES FORMES DE LA LUMIÈRE
(extrait)
La lumière
Peut avoir pris
La forme des mots
Rien ne tombe
Que pluie de soleil
Dans la mer
Qui s’élève
Aux yeux
L’éclair de la mouette
Un éclair qui crie
Qui ne tonne pas
Quelques fois nuée blanche
En affolement
En face du jais
D’une mémoire
Comment dire ?
Que cela vient
Part en éclairs
Soyons juste
N’éclaire rien
C’est le matin
Seulement des cris
Jean de Breyne, Les Formes de la lumière, in Haleh Zahedi | Jean de Breyne, L’Attention L’Incertitude, La Part allouée suivi de Les Formes de la lumière, Les Lieux dits éditions, Collection 2Rives dirigée par Claudine Bohi et Germain Roesz, 2020, s.f.
JEAN DE BREYNE
Source
■ Voir aussi ▼
→ (sur le site de l’Agence régionale du Livre Provence-Alpes-Côte d’Azur) une fiche bio-bibliographique sur Jean de Breyne
→ (dans la Poéthèque du site du Printemps des poètes) une fiche bio-bibliographique sur Jean de Breyne
→ (sur Recours au Poème) une page sur Jean de Breyne
→ le site Haleh Zahedi
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Claudine Bohi | [La raison sort toujours de l’irrationnel]
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Claudine Bohi, Philippe Bouret, Cet enfant sans mot qui te commence
par Angèle PaoliClaudine Bohi, Philippe Bouret,
Cet enfant sans mot qui te commence, dialogue,
Mars-A Publications,
Collection « Poésie sur tous les fronts », 2020.
Préface de Christian Viguié.
Lecture d’Angèle Paoli« ON VA AGRANDIR LA VIE »
Au commencement, il y a une œuvre, tangible, vivante, multiple. Riche. Infiniment personnelle. Une œuvre de poète au long cours. Celle de Claudine Bohi. Il y a des titres, devenus familiers. Et d’autres, plus anciens, que j’avais perdus de vue. Le Nom de la mer, Une saison de neige avec thé, Même pas, On serre les mots, Mère la seule, Mettre au monde, Naître c’est longtemps, L’Enfant de neige. Quelques titres résonnent plus que d’autres dans ma mémoire, qui prennent aujourd’hui une tout autre ampleur. Ils se répondent en écho. Je relis donc Claudine Bohi. Pas l’œuvre dans sa totalité. Il me manque encore un certain nombre de recueils. Mais tout de même. La pile d’ouvrages s’élève en un joli échafaudage. Certains de ces recueils ont été récompensés. Prix Verlaine, Prix Aliénor, Prix Georges Perros. Prix Mallarmé. Pourquoi ces titres résonnent-ils aujourd’hui davantage qu’hier ? Parce que je lis le dernier ouvrage que Claudine Bohi vient de m’adresser, et que je le lis dans la lenteur des prémices de l’automne, avec ondées vivifiantes et parfois brouillard.
« lumière du brouillard qui éclaire dedanset jusque sous la langue » (Éloge du brouillard).
Ce livre, qui me passionne, m’émeut et m’interroge — puis-je l’avouer sans risquer de ranimer les passions tristes ? —, est un dialogue. Un dialogue avec Philippe Bouret, psychanalyste comme Claudine Bohi. Le titre : Cet enfant sans mot qui te commence. Éclairant et dense, ce dialogue est une réflexion sur l’écriture et sur la poésie. Sur les racines qui les nourrissent. Une réflexion qui puise et s’appuie sur l’intime, car elle force « les portes d’ivoire ou de corne » qui séparent le monde de la pensée et de la vie, du monde invisible. Il y a chez la poète cette force irrépressible qui la pousse à toujours faire retour vers le commencement. Et même en deçà. Dans toute écriture, il y a un amont qui lui préexiste. C’est cette part d’inconnu dont chacun est issu et qui garde son mystère, que la poète explore et cherche sans cesse à élucider, pour elle-même et pour les autres. Ainsi va se tisser, au fil de l’échange, la rencontre entre poésie et psychanalyse. Entre poésie et rêve. Entre poésie et écriture. Selon Claudine Bohi, la poésie, c’est la chair avant les mots. Et c’est vers cette chair-là qu’il faut remonter, c’est cette chair qu’il faut faire trembler. Il faut donc faire advenir cette antériorité faite de silence et d’absence.
« c’est une épaisseurtrès douce
cette langue d’avant les motsoù tu me commences » (Mettre au monde).
Le commencement de Claudine Bohi s’inscrit dans la douleur des origines. Et c’est un commencement toujours recommencé. Chaque fois que l’écriture s’impose dans le cours de la vie. « Nous “commençons” à chaque instant quand nous écrivons », confie-t-elle à Philippe Bouret.
« [A]u commencement
est la douleur
plongée dans le corps
multiplemultipliée dans les motsqui rattrapent
qui ne rattrapent pas
une douleur tissée de blanc » (Naître c’est longtemps).
La première expérience charnelle que la poète évoque comme telle — longtemps après que fut advenue sa naissance —, c’est celle de la voix. La voix du père récitant pour elle des vers de Hugo ou de La Fontaine. De sorte qu’écrire devient cette nécessité de prolonger le commencement. Avec la voix, le corps prend toute sa mesure. C’est que le corps, réceptacle de toutes les voix qui ont présidé aux origines, ouvre sur le monde. Sur son immensité. Cette immensité, le langage en est la révélation.
« Un poète, pour moi, c’est celui qui rencontre et donne à sentir cette immensité-là. »
Et cette immensité est à l’opposé de l’exil. Car écrire, « c’est sortir de l’exil » et de la solitude. Exil biographique et exil des idées.
« La poésie, c’est sortir de l’exil intellectuel, de l’exil des idées ».
Seule la poésie permet une réelle ouverture. Vers un ailleurs et vers les autres. Parce que la langue est partage. Qui « nous fait sortir de nous ».
Au commencement, il y a un même émerveillement. Les mots et les chats se confondent, fusionnent dans une même attente sensuelle, une même force et un même désir. Les mots et les chats l’ont sauvée, dit-elle.
Les mots sont toujours premiers, même dans les rêves. Ils devancent l’image qui ne survient qu’ensuite. Mais l’image première qui vient ici sous la langue de la poète, c’est celle de la mer : « La langue, le langage comme un océan… Rouler dans ces vagues immenses et y trouver sa propre mesure, son rythme vital… ». Un rythme « vital » qui fonde celui ou celle qui entre en écriture. Qui l’ancre dans les mots.
Très vite, dans ce dialogue, affleure l’intime. Intime des mots de l’origine qui donne à voir et à entendre l’intime du lien. Le père et la mère. Le grand-père maternel. Plus tard, le mari et les deux fils. Mais la mère surtout — Même pas, Mère la seule—, celle qui revient sans cesse dans tous les écrits et inspire à Claudine Bohi ces vers :
« toujours recommencer commencer
être dans la répétition de toi partoutmère non » (Mère la seule).
Obsédante mère, en qui prend racine le sentiment de vide. Et de perte irrémédiable. C’est à la mère seule que revient le pouvoir de catalyser l’immensité de la détresse.
Une sorte d’autobiographie se dessine ainsi au fil de l’entretien, même si la poète se refuse à narrer sa propre histoire. Et s’en défend :
« Je ne pensais pas que je dirais des choses aussi intimes en acceptant ce dialogue avec toi », avoue-t-elle à Philippe Bouret.
Preuve sans doute de la confiance qui baigne leur échange. Ce dont veut s’assurer la poète posant à son interlocuteur cette question émouvante :
« Nous parlons librement n’est-ce pas Philippe ? »
Se livrer, livrer une part de l’intime de soi, comment y parvenir sans mettre l’accent sur l’anecdotique et le bavardage ? Et comment ne pas perdre de vue l’essentiel, qui est la poésie ?
La qualité des questions que pose Philippe Bouret, la connaissance qu’il a de l’œuvre de Claudine Bohi, la profondeur des réponses apportées par la poète, autant d’aspects qui permettent d’éviter l’écueil de la facilité.
Ce qui intéresse la poète dans la filiation ainsi mise au jour, c’est le fil qui la relie à ceux qui l’ont précédée. Mais c’est aussi le fil qui recoud et réassemble ce que cette histoire douloureuse a dispersé. Renouer avec cette filiation grâce à l’écriture poétique, c’est procéder à une forme d’« incarnation ». Laquelle permet de sortir du biographique pour aller vers autre chose. Toujours.
« c’est ça que j’appellele corpsle corps ce n’est pas de la viande c’est…l’incarnationc’est le fait d’existerdans la chaird’existerdans une autonomie de vie. »
Ainsi s’exprime la poète, évoquant pour son ami psychanalyste Un couteau dans la tête, un travail en cours d’élaboration.
Sensible aux mots et à l’impromptu de leur surgissement, la psychanalyste et poète l’est aussi aux alliances qui s’imposent à elle, insistantes dans leur évidence têtue. Même pas.
Même pas ? C’est peut-être aussi ce pas de côté que permet l’écriture pour sortir de l’exil. Sortir de la répétition mortifère. Sans cesse réitéré, le même pas est toujours renouvellement. Avec d’autres mots, à la fois mêmes et différents. Déplacement, remplacement. Ainsi l’écriture ouvre-t-elle la voie à l’ailleurs et à l’autre. Elle est le lieu du partage. Poète et lecteurs s’accompagnent dans une écoute mutuelle. Une compréhension — dans l’acception étymologique de “prendre avec soi” — profonde et vraie. Chacun conduisant l’autre vers autre chose. Vers un chemin qui ignorait son existence. Faire un pas de côté, c’est ouvrir d’autres perspectives. C’est permettre de voir autrement. Il en est de même du brouillard ou de la neige. Le blanc n’efface pas. Il révèle. Comme le silence. Ou le blanc du poème.
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Claudine Bohi | Et cette fièvre qui demeure
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Claudine Bohi | Secret de la neige
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Claudine Bohi, Naître c’est longtemps
par Angèle PaoliClaudine Bohi, Naître c’est longtemps,
éditions la tête à l’envers, 58330 Crux-la-Ville, 2018.
Avec six eaux-fortes, aquatintes et huiles sur bois de Mitsuo Shiraishi.
Prix Mallarmé 2019.
Lecture d’Angèle Paoli« C’EST DANS LA BOUCHE QUE TU TENTES D’HABITER »
« Un mourir toujours recommence » toujours avec la même obstination de blanc de rouge et de douleur. Le mourir qui recommence, c’est dans l’origine qu’il faut le chercher, c’est dans un « ça » lointain, profond qu’il prend naissance avant même la naissance, et qui se reproduit avec la mort. Ainsi de Mettre au monde à Naissance c’est longtemps, Claudine Bohi reconstruit-elle dans le creusement des mots l’histoire qui la constitue et qui, sans doute aussi, nous constitue. Elle creuse les mots et les ressasse, inépuisable lallation qui passe par la bouche, franchit les lèvres et plonge dans le corps. Elle creuse et elle fore, elle fore et elle explore ce qui la constitue dans son être propre, qui se noue dans sa poésie faite du ressassement délibéré de la langue et dans l’économie des mots :
« clarté
le jour dans la boucheaux lèvresredessine
ce qui futce qui estce qui sera »
ou encore, dans Mettre au monde, ces vers :
« savoir que les motsviennent à même la chair
l’oubline compte pas
chaque mot est arrachéà ce qui l’efface
à ce qui nous construit ».
Toujours les mêmes mots reviennent sous la langue, harcèlement du langage qui cherche sa forme, qui tâtonne, qui cherche sa voix sous le caché, dans les zones labyrinthiques d’un inconscient qui se dérobe. Avec Mettre au monde, la naissance heureuse était soudain advenue, grâce à la rencontre de l’autre. Cet autre qui crée par sa peinture par ses gestes et par ses caresses, par son corps, rend corps à celle qui était jusqu’alors rivée au vide laissé par la perte de la naissance. « Il n’est pas facile d’être né », écrit la poète dans l’incipit du texte préliminaire de Naître c’est longtemps. Et elle ajoute, quelques lignes plus loin, dans le même paragraphe :
« Vivre, c’est se séparer, rejouer à l’infini cette brisure ».
Ainsi, après une longue période d’exploration de la vacuité existentielle, la vie absente advient-elle soudain dans une explosion de forces sensuelles. L’amour a bouleversé le champ d’exploration de la douleur originelle :
« la nuit a crevé tout son noirtu le versesdans sa lumière
je suis bougée entièreje suis recommencéeen grand » (in Mettre au monde, page 105).
Le recueil Naître c’est longtemps revient sur cette brisure et sur la douleur primitive et première qu’elle génère :
« être néetu ne sais pas le fairelongtemps », confie-t-elle.
Revient aussi, avec ce titre singulier qui signe la durée dans un temps aboli, l’obsession de la mise au monde et avec elle le retour de cette part obscure qu’est la quête de la faille insondable. Faille que les mots cherchent à sonder à défaut de pouvoir la combler.
Et « dans la voixune permanence à nommerce qu’on ne connaît pas ».
Toujours revient la douleur. Elle fait signe sur la page, têtue et obsédante :
« une douleursi loin plantée
si loin
au commencement
est la douleur
plongée dans le corps
[…]
une douleur tissée de blanc ».
Une fois formulé ce constat, la poète procède par tâtonnements. Elle lance des pistes de réflexion, émet des doutes — « peut-être » —, se reprend, pose sa pensée sur une succession anaphorique de présentatifs, énonce une part indéfinie de définition.
« c’est bien avant les signesc’est caché
c’est dans la têtequi remue dans la languec’est là
c’est mélangé informededansc’est deuxmais pas compté
c’est un cri qui a des brason ne sait pas combien
[…]
c’est dans la nuitce qui l’étonneet la défait
ça y retourne aussiça la recommence ».
Claudine Bohi s’appuie au passage sur le « ça » freudien, siège de la pulsion de vie et de la pulsion de mort. Les forces inconscientes sont à l’œuvre dans ce qui se dit et qui s’exprime dans une volonté de clarification :
« avant toi ça remonteet tu le sais sans la preuve
oui c’est bien avantça ne s’attrape pas qui fuit ».
Les répétitions qui rythment les poèmes ainsi que l’absence totale de ponctuation (de même que le gommage des majuscules) rendent compte de la volonté de la poète de son désir d’instaurer une continuité. Continuité formelle en lien étroit avec la continuité de la pensée. Sans heurt ni brisure. Ni brisure ? Sans doute dans le souci d’atténuer la « brisure » originelle. Les seules interruptions visibles, ce sont les cinq aquatintes qui ponctuent le recueil, lesquelles accompagnent le passage d’une section à l’autre et l’entrée dans une section nouvelle (le recueil étant découpé en cinq sections). Ces cinq aquatintes mystérieuses, œuvre de l’artiste japonais Mitsuo Shiraishi, sont un fil rouge qui guide la lecture. On peut s’interroger en effet sur le lien qu’elles entretiennent avec les poèmes d’une même section. Mais libre à chacun de suivre la ligne onirique que tracent ces paysages.
D’autres questions surgissent au fil des pages. Comment vivre ? Comment respirer ? Que faire des contradictions qui taraudent, du sentiment de falsification qui use, ou de décalage, de ce qui est à jamais perdu ou oublié ? Que faire de cette multitude d’approximations ? Comment supporter les incomplétudes ? Tout cela est exprimé à mots comptés, avec une économie de moyens qui frôle l’ascèse. La réponse est dans le mot, dans l’usage qu’en fait la poète. C’est dans le partage de la parole poétique que Claudine Bohi puise sa force. Sans tapage, sans éclat :
« le mottu le tends
tu le partages
tu le murmures
tu berces le videavec
c’est juste un peu
pour vivretu fais parole
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Claudine Bohi, Naître c’est longtemps
par Philippe LeuckxClaudine Bohi, Naître c’est longtemps,
éditions la tête à l’envers, 58330 Crux-la-Ville, 2018.
Avec six eaux-fortes, aquatintes et huiles sur bois de Mitsuo Shiraishi.
Prix Mallarmé 2019.
Lecture de Philippe Leuckx
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Claudine Bohi | Corps levéCORPS LEVÉ (extrait)
corps levé
sur les anciens désastres
corps intérieur
brûlant dans tous les mots
une fièvre orpheline
est demeurée absente
un long ruban de ciel
s’obstinant vers le blanc
ce fut la main
trempée de signes
inconnus
relevant
la proue de chair
où ça commence
et juste là
cette éternelle disparition
dans un futur
très antérieur
tu crispes vers le bord
tu défais le blanc
ce puits si vague
entre les cils
et la dormeuse
donne à l’exil
son nom d’eau sèche
et dure
l’œil de la pierre
si tard ouvert
jusqu’à recommencer
[…]
Claudine Bohi, « Corps levé » (extrait) in Naître c’est longtemps, éditions La tête à l’envers, 2018, pp. 58-59-60. Eaux-fortes, aquatintes, huiles sur bois de Mitsuo Shiraishi.
Huile sur bois Mitsuo Shiraishi.
Première de couverture de Naître c’est longtemps.
Source
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