Étiquette : Collection Ailleurs est aujourd’hui


  • Jakub Kornhauser | Carré noir sur fond blanc I (Malevitch)





    Carré noir sur fond blanc
    Kazimir Malevitch, Carré noir sur fond blanc, 1915
    Huile sur toile, 79,5 × 79,5 cm
    Musée d’Etat russe, Saint-Pétersbourg, Russie. (BRIDGEMAN ART)
    Source







    CZARNY KWADRAT NA BIAŁYM TLE I (MALEWICZ)



    Pochód przedmiotów : żelazka, kieliszki, buty. Tym razem to nie miasto, raczej jakieś magazyny wśród pól. Ludzie bez twarzy, gdzieniegdzie czerwone domy i salwy śmiechu. Wstawaj, krzyczą, przynieś to wreszcie! Szybko układam konserwy jedne na drugich, wszystko się wali. Próbuję jeszcze raz, ale okazuje się, że muszę schwytać susły, które zagnieździły się w kotłowni. Nie mam pojęcia, gdzie jest kotłownia, chcę zapytać dziadka, ale śpi. Szukam okna, żeby się rozejrzeć, ciemno. Beton i kominy, gnijące makiety osiedli : próbuję odcyfrować rozkład jazdy, jest poplamiony rosołem. Manifestanci trąbią, zostawiają białe ślady. Mam świadomość nocy, którą opiewają sztandary z wełny. Huk konserw budzi dziadka i noc, pochód krąży wokół magazynu.





    CARRÉ NOIR SUR FOND BLANC I (MALEVITCH)



    Cortège d’objets : fers à repasser, verres, chaussures. Cette fois-ci, ce n’est pas une ville, plutôt des entrepôts parmi les champs. Des gens sans visage, çà et là des maisons rouges et des salves de rires. Lève-toi, crient-ils, tu nous l’apportes, enfin ! Vite j’empile les conserves, les unes sur les autres, tout s’écroule. J’essaie encore une fois, mais il s’avère que je dois attraper les loirs qui se sont nichés dans la chaufferie. J’ignore où se trouve la chaufferie, je veux demander à grand-père mais il dort. Je cherche une fenêtre pour essayer d’y voir quelque chose, il fait noir. Du béton et des cheminées, des maquettes de lotissements qui pourrissent : j’essaie de déchiffrer les horaires, la fiche est tachée de bouillon. Les manifestants klaxonnent, laissent des traces blanches. J’ai conscience de la nuit que célèbrent des bannières de laine. Le fracas des conserves réveille grand-père et la nuit, le cortège tourne autour de l’entrepôt.



    Jakub Kornhauser, « Le carré blanc/ Biały kwadrat », La Fabrique de levure, Éditions LansKine, Collection « Ailleurs est aujourd’hui », Domaine Polonais, 2018, pp. 38-39. Traduction et introduction d’Isabelle Macor.






    Jakub Kornhauser  La Fabrique de levure 2






    JAKUB   KORNHAUSER



    Jakub Kornhauser
    Source



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions LansKine)
    la fiche de l’éditeur sur La Fabrique de levure






    Retour au répertoire du numéro de mai 2018
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Mazin Mamoory | Ma femme est confessionnelle



    MA FEMME EST CONFESSIONNELLE



    Pour prouver qu’elle est chiite, ma femme accroche une bannière verte au-dessus de la porte de la maison.
    Moi je me rase la barbe et porte des vêtements de jeune afin de de signifier ma laïcité.
    Le sunnite se rase la moustache et laisse pousser sa barbe,
    comme le chiite
    Ils s’habillent en noir et s’entretuent

    La guerre n’aura pas de fin

    Les signes de reconnaissance se renouvellent
    mais ne cessent d’écrire la haine du blanc
    Toutes les belles choses sont blanches
    Toutes les choses hideuses sont noires

    Je me suis mis à colorer les choses en commençant
    par les meubles, et parfois je verse volontiers des couleurs
    sur ce qui est blanc ou noir
    Mais souvent ma femme les essuie avec un chiffon blanc ou noir
    pour m’assurer qu’elle est différente de moi
    Et me dit : tu es un homme de couleur et un jour je te laverai

    Dans le quartier chiite, tu es chiite avec une identité chiite.
    Dans le quartier sunnite, tu es sunnite avec une identité sunnite.
    Et tous s’envoient des grenades
    Comme ils s’envoient les enfants dans des sacs en grosse toile,
    pour l’amour de Dieu

    J’ai atteint Nemrod le géant
    Son cœur palpite dès qu’on touche une terre ancienne
    Des torrents d’histoires deviennent navires fins prêts pour la guerre. Les monstres féroces arrosent les collines de sang

    Le film ne prend pas en compte le hurlement du métal et les barricades
    Seul le silence est à même de bien parler d’une tour endormie sous les nuages

    J’ai plié la scène et l’ai glissée dans ma poche
    Je suis monté dans une voiture boiteuse comme mon ombre
    J’ai vu Nemrod pourchasser la voiture et faire signe
    avec le mouchoir de sa femme tombé de son cœur lumineux




    Mazin Mamoory, Cadavre dans une maison obscure, Éditions LansKine, Collection Ailleurs est aujourd’hui, Domaine irakien, 2018, pp. 21-22. Traduit de l’arabe (Irak) par Antoine Jockey.






    Mazin Mamoory






    مازن معموري
    (MAZIN MAMOORY)



    Mazin Mamoory 2
    Ph. D.R.




    ■ Mazin Mamoory
    sur Terres de femmes

    Cadavre dans une maison obscure (lecture d’AP)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions LansKine)
    la fiche de l’éditeur sur Cadavre dans une maison obscure





    Retour au répertoire du numéro de janvier 2018
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Ewa Lipska | Vertige amoureux [Zakochanie]



    ZAKOCHANIE




    Tych dwoje
    pod czułą narkozą niebios.

    W podróżach przez legendy
    homilie i anegdoty.
    Zasnęli wreszcie
    w czarnej pelerynie hotelu
    o którym rozpisują się
    plotkarskie media.

    Wybudzić ich z miłości
    pragnie krzykliwa błyskawica.
    A zazdrosne życie w żałobie
    Kręci się koło recepcji jak pies.

    Ale tych dwoje
    pod czułą narkozą niebios.
    Szczęśliwi na zawsze.
    Ze śmierci wypluwają
    jedynie pestkę.






    Lipska_Czytnik linii papilarnych_m







    VERTIGE AMOUREUX




    Ces deux-là
    sous la tendre anesthésie des cieux.

    Voyagent à travers les légendes
    les homélies et les anecdotes.
    Ils se sont endormis enfin
    dans la noire pèlerine de l’hôtel
    au sujet duquel
    ne tarissent pas
    les rumeurs médiatiques.

    Les éveiller de l’amour
    se dit l’éclair d’un cri.
    Tandis que la vie en deuil jalouse
    tourne en rond à la réception comme un chien.

    Mais ces deux-là
    sous la tendre anesthésie des cieux.
    Heureux pour toujours. De la mort ils recrachent
    le noyau seulement.




    Ewa Lipska, Lecteur d’empreintes digitales [Czytnik Linii Papilarnych, éditions Wydawnictwo Literackie, Cracovie, 2015], édition bilingue, éditions LansKine, Collection « Ailleurs est aujourd’hui », 2017, pp. 44-45. Traduction et introduction Isabelle Macor.






    Lipska Lanskine





    EWA LIPSKA


    Ewa Lipska Portrait





    ■ Ewa Lipska
    sur Terres de femmes

    La mémoire [Pamięć] (extrait de L’Amour, chère Madame Schubert… [Miłość, droga pani Schubert…])
    Nature morte [Martwa Natura] (extrait de Rumeur [Pogłos])



    ■ Voir aussi ▼

    le site personnel d’Ewa Lipska
    → (sur le site des éditions LansKine)
    la fiche de l’éditeur sur Lecteur d’empreintes digitales d’Ewa Lipska
    → (sur Recours au Poème)
    une page sur Ewa Lipska
    → (sur le site de la mél, Maison des écrivains et de la littérature)
    une fiche bio-bibliographique sur Isabelle Macor-Filarska
    le site personnel d’Isabelle Macor-Filarska





    Retour au répertoire du numéro d’avril 2017
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Bengt Emil Johnson | (Resans gång)(Au fil du voyage)




    Jecrois que quelque chose de très ancien se glisse hors de ses pensées
    « Je crois que quelque chose de très ancien se glisse
    hors de ses pensées »
    Ph., G.AdC









    (RESANS GÅNG)


    I


    Hon försöker erinra sig ette besök hon gjort, men besöks under tiden själv av omgivning som ställer henne emellan. Hennes välvilja blir en del av atmosfären och kommer — uttunnad — med andra till del. Jag tror att något mycket tidigt nästlar sig ut I hennes tankar, men jag vägrar att snegla i det hon skriver. Det känns som om hon visar mig samma respect. Nu arbetar vi båda lugnt. När vi råkar göra en kortare tankepaus tittar vi exakt samtidigt åt samma håll. Det måste vara samma landskap som drar förbi; men det var och en av oss ser skall vara förborgat.






    (AU FIL DU VOYAGE)


    I


    Elle cherche à se souvenir d’une visite qu’elle a faite, mais pendant ce temps elle est elle-même visitée par ce qui l’environne et l’interpose. Sa bonne volonté devient part de l’atmosphère et vient — éclaircie — à s’y inclure davantage. Je crois que quelque chose de très ancien se glisse hors de ses pensées, mais je me refuse à lorgner sur ce qu’elle écrit. Il semble qu’elle me montre pareil respect. Nous travaillons tous deux en silence. Quand il nous arrive de faire une courte pause, nous regardons en même temps dans la même direction. Ce doit être le même paysage qui défile devant nous, mais ce que chacun de nous voit reste secret.



    Bengt Emil Johnson, La Fête des mots [Ordens fest, Bonniers Förlag, Stockholm, 1986], Éditions Lanskine, Collection « Ailleurs est aujourd’hui », 2016, pp. 36-37. Traduit du suédois par Julien Lapeyre de Cabanes.






    Bengt Emil Johnson, La Fête des mots





    BENGT EMIL JOHNSON


    Bengt Emil Johnson
    Source




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur remue.net )
    Bengt Emil Johnson | Souvenir d’hiver (poèmes traduits par Julien Lapeyre de Cabanes + une notice biographique)
    → (sur remue.net )
    Bengt Emil Johnson | Extrait 2 (poèmes traduits par Julien Lapeyre de Cabanes)
    → (sur le site des éditions LansKine )
    la fiche de l’éditeur sur La Fête des mots





    Retour au répertoire du numéro de septembre 2016
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes