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  • Noémia de Sousa | Nossa voz (extrait)



    NOSSA VOZ
    (extrait)





    Ao José Craveirinha



    Nossa voz ergueu — se consciente e bárbara
    sobre o branco egoísmo dos hornens
    sobre a indiferença assassina de todos.
    Nossa voz molhada das cacimbadas do sertão
    nossa voz ardente como o sol das malangas
    nossa voz atabaque chamando
    nossa voz lança de Maguiguana
    nossa voz, irmão,
    nossa voz trespassou a atmosfera conformista da cidade
    e revolucionou-a
    arrastou — a como um ciclone de conhecimento.

    E acordou remorsos de olhos amarelos de hiena
    e fez escorrer suores frios de condenados
    e acendeu luzes de esperança em almas sombrias de desesperados…
    Nossa voz, Irmão!
    nossa voz atabaque chamando.

    Nossa voz lua cheia em noite escura de desperança
    nossa voz farol em mar de tempestade
    nossa voz limando grades, grades seculares
    nossa voz, Irmão! nossa voz milhares,
    nossa voz milhões de vozes clamando! […]






    NOTRE VOIX
    (extrait)





    À José Craveirinha



    Notre voix s’est dressée consciente et barbare
    sur l’égoïsme blanc des hommes
    sur l’indifférence assassine de tous.
    Notre voix humectée des cacimbadas du sertão
    notre voix ardente comme le soleil des malangas
    notre voix atabaque qui appelle
    notre voix lance de Maguiguana
    notre voix, frère,
    notre voix a crevé la chape de conformisme de la ville
    et l’a révolutionnée
    balayée d’un cyclone de connaissance.

    Et elle a suscité des remords aux yeux jaunes de hyène
    et fait goutteler les sueurs froides des condamnés
    et rallumé des éclats d’espoir dans les âmes sombres des désespérés…
    Notre voix, frère !
    notre voix atabaque qui appelle.

    Notre voix pleine lune dans une nuit sombre de désespérance
    notre voix phare sur une mer de tempête
    notre voix qui lime les barreaux, lime les barreaux séculaires
    notre voix, frère ! notre voix des milliers,
    notre voix des millions de voix qui clament ! […]



    Noémia de Sousa, Notre voix, Éditions Isabelle Sauvage, Collection corp/us dirigée par Sika Fakambi, 2017. Traduit par Elisabeth Monteiro Rodrigues.






    Noémia de Sousa





    NOÉMIA DE SOUSA


    Noémia de Sousa  portrait
    Source




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions Isabelle Sauvage)
    la fiche de l’éditeur sur Notre voix





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  • Warsan Shire | Conversations à propos de chez soi
    (au centre d’expulsion)



    CONVERSATIONS ABOUT HOME
    (at a deportation centre)





    Well, I think home spat me out, the blackouts and curfews like tongue against loose tooth. God, do you know how difficult it is, to talk about the day your own city dragged you by the hair, past the old prison, past the school gates, past the burning torsos erected on poles like flags? When I meet others like me I recognise the longing, the missing, the memory of ash on their faces. No one leaves home unless home is the mouth of a shark. I’ve been carrying the old anthem in my mouth for so long that there’s no space for another song, another tongue or another language. I know a shame that shrouds, totally engulfs. I tore up and ate my own passport in an airport hotel. I’m bloated with language I can’t afford to forget.



    Warsan Shire, Teaching my mother how to give birth, Flipped eye publishing, London, 2011.






    CONVERSATIONS À PROPOS DE CHEZ SOI
    (au centre d’expulsion)





    Donc, je pense que chez moi m’a crachée dehors, coupures d’électricité et couvre-feux comme une langue butant contre la dent branlante. Dieu, sais-tu comme il est difficile de parler du jour où ta propre ville t’a traînée par les cheveux, devant l’ancienne prison, devant les portails des écoles, devant les torses incendiés dressés sur des poteaux comme des drapeaux ? Quand il m’arrive d’en rencontrer d’autres comme moi je sais sur leur visage la nostalgie, le manque, le souvenir des cendres. Nul ne part de chez soi à moins que chez soi ne soit la gueule d’un requin. J’ai si longtemps porté en bouche l’hymne ancien qu’il ne reste plus de place pour aucun autre chant, aucune autre langue ou aucun autre langage. Je sais une honte qui te couvre d’un linceul, t’engloutit bout entier. J’ai déchiqueté et mangé mon passeport dans un hôtel d’aéroport. Je suis ballonnée d’une langue que je ne peux me permettre d’oublier.



    Ils demandent comment vous êtes arrivée ici ? Tu ne le vois pas sur mon corps ? Le désert lybien rouge des corps des migrants, le golfe d’Aden ballonné, la ville de Rome sans veste. J’espère que ce voyage signifie plus que ces kilomètres, parce que tous mes enfants sont au fond de l’eau. Je croyais que la mer était plus sûre que la terre ferme. Je veux faire l’amour, mais j’ai les cheveux qui puent la guerre et courir et courir. Je veux m’allonger, mais tous ces pays sont comme ces oncles qui te touchent quand tu es enfant et endormi. Regarde toutes ces frontières, leurs bouches écumantes de corps brisés désespérés. Je suis la couleur d’un soleil ardent au visage, la dépouille de ma mère n’a jamais été ensevelie. J’ai passé des jours et des nuits dans le ventre du camion ; je n’en suis pas sortie la même. Quelquefois j’ai l’impression que quelqu’un d’autre s’est revêtu de mon corps.



    […]



    Je les entends dire rentre chez toi, je les entends dire putain de migrants, putain de réfugiés. Sont-ils vraiment si arrogants ? Ne savent-ils pas que la stabilité est pareille à cet amant à la bouche pleine de douceur se coulant sur ton corps un instant ; et l’instant d’après te voici tremblement gisant sous les décombres et les devises anciennes, attendant son retour. Tout ce que je peux dire, c’est que naguère j’étais pareille à toi, cette apathie, cette pitié, cet accueil à contrecœur et maintenant chez moi c’est la gueule d’un requin, maintenant chez moi c’est le canon d’un fusil. On se reverra de l’autre côté.



    Warsan Shire, Où j’apprends à ma mère à donner naissance [Teaching my mother how to give birth, Flipped eye publishing, Londres, 2011], éditions Isabelle Sauvage, Collection corp/us dirigée par Sika Fakambi, 2017, pp. 28-29-31. Traduit par Sika Fakambi.






    Warsan Shire  Où j’apprends à ma mère à donner naissance





    WARSAN SHIRE


    Warsan Shire 3
    Source




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur vimeo.com)
    Warsan Shire reads her poem ‘Conversations about home at the deportation centre’
    → (sur le site des éditions Isabelle Sauvage)
    une notice bio-bibliographique sur Warsan Shire
    → (sur okayafrica.com)
    [Interview] Warsan Shire’s Raw & Vulnerable Poetry
    → (sur YouTube)
    [un poème de Warsan Shire] Excuses pour avoir perdu en amour (Excuses for why we failed at love)





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