Étiquette : Collection Du monde entier


  • Louise Glück | Vespers


    VESPERS




    I don’t wonder where you are anymore.
    You’re in the garden; you’re where John is,
    in the dirt, abstracted, holding his green trowel.
    This is how he gardens: fifteen minutes of intense effort,
    fifteen minutes of ecstatic contemplation. Sometimes
    I work beside him, doing the share chores,
    weeding, thinning the lettuces; sometimes I watch
    from the porch near the upper garden until twilight makes
    lamps of the first lilies: all this time,
    peace never leaves him. But it rushes through me,
    not as sustenance the flower holds
    but like bright light through the bare tree.






    VÊPRES




    Je ne me demande plus où tu te trouves.
    Tu es dans le jardin ; tu es où se trouve John,
    dans la poussière, abstraite, tenant sa truelle verte.
    Voici comment il jardine : quinze minutes d’effort intense,
    quinze minutes de contemplation extatique. Parfois
    je travaille à ses côtés, à gratter dans l’ombre,
    à désherber, à éclaircir les laitues ; parfois j’observe
    depuis le porche vers le haut du jardin, jusqu’à ce que

    le coucher du soleil
    transforme les premiers lys en candélabres : et pendant tout

    ce temps,
    la paix ne le quitte jamais. Mais ça s’élance en moi,
    pas comme le feu nourri que la fleur brandit
    mais comme une lumière ardente à travers l’arbre nu.




    Louise Glück, L’Iris sauvage, édition bilingue, poèmes, éditions Gallimard, Collection Du monde entier, 2021, pp. 106-107. Traduit de l’anglais (États-Unis) et préfacé par Marie Olivier.






    Louise Glück  L'Iris sauvage




    LOUISE GLÜCK


    Louise Glück
    Ph. © Katherine Wolkoff





    Louise Glück
    sur Terres de femmes


    Snowdrops (autre poème extrait de L’Iris sauvage)




    Voir aussi ▼


    → (sur Poetry Foundation)
    une notice bio-bibliographique sur Louise Glück
    → (sur ActuaLitté)
    La poétesse américaine Louise Glück, Prix Nobel de Littérature 2020
    → (sur cairn.info)
    d’autres poèmes issus de L’Iris sauvage, traduits et présentés par Marie Olivier (in Po&sie 2014/3-4 [n° 149-150], pp. 46 à 53)





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  • Erri De Luca | Due voci


    DUE VOCI





    Dicono : siete sud. No, veniamo dal parallelo grande,
    dall’ equatore centro della terra.

    La pelle annerita dalla più dritta luce,
    ci stacchiamo dalla metà del mondo, non dal sud.

    A spinta di calcagno sul tappeto di vento del Sahara,
    salone di bellezza della notte, tutte le stelle appese.

    L’acqua sopra una spalla, il fagotto sull’altro
    mantello, camicia e libro di preghiere.

    Il cielo è dritto, un cammino segnato,
    più breve della terra saliscendi.

    A sera ricuciamo il cuoio dei sandali col filo di budello
    e l’ago d’osso, ogni arnese ha valore, ma di più il coltello.

    Signore del mondo ci hai fatto miserabili e padroni
    delle tue immensità, ci hai dato pure un nome per chiamarti.





    Erri De Luca  Solo andata 2







    DEUX VOIX





    On dit : vous êtes le Sud. Non, nous venons du grand parallèle,
    de l’équateur centre de la terre.

    La peau noircie par la plus directe lumière,
    nous nous détachons de la moitié du monde, non pas du Sud.

    Par poussée de talon sur le tapis de vent du Sahara,
    salon de beauté de la nuit, toutes les étoiles en suspens.

    L’eau sur une épaule, le baluchon sur l’autre,
    manteau, chemise et livre de prières.

    Le ciel est droit, un chemin tracé,
    plus court que la terre vallonnée.

    Le soir nous recousons le cuir de nos sandales avec du fil de boyau
    et une aiguille en os, chaque outil a une valeur, mais le couteau plus encore.

    Seigneur du monde, tu nous as faits misérables et maîtres
    de tes immensités, tu nous as même donné un nom pour t’appeler.




    Erri De Luca, Aller simple [Solo andata, Giangiacomo Feltrinelli Editore, Milano, 2005], édition bilingue, éditions Gallimard, Collection Du monde entier, 2012, pp. 16-17 ; Collection Poésie/Gallimard, 2021, pp. 18-19. Poèmes traduits de l’italien par Danièle Valin.





    Erri De Luca  Aller simple





    Erri De Luca  Aller simple  Collection Poésie Gallimard



    ERRI DE LUCA


    Erri De Luca  portrait





    ■ Erri De Luca
    sur Terres de femmes


    Le plus et le moins (lecture de Martine Konorski)
    Considero valore (poème issu du recueil Œuvre sur l’eau)
    Qui a étendu ses bras au large (autre poème issu du recueil Œuvre sur l’eau)
    Volti (autre poème issu du recueil Œuvre sur l’eau)
    Piero della Francesca (poème issu du recueil L’Ospite incallito)
    Statua di Caino (autre poème issu du recueil L’Ospite incallito)
    Première heure (lecture d’AP)
    Le Tort du soldat (extrait)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur Paysages écrits)
    une lecture d’Aller simple d’Erri De Luca par Marie-Hélène Prouteau
    le site de la fondation Erri De Luca (en italien)





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  • Yehuda Amichaï | Première pluie



    Pluie
    Ph. © Maxppp – Vincent Peirera







    PREMIÈRE PLUIE




    Jour tranquille. Qui nous regardera ?
    Les nuages et d’autres.
    Et brusquement tu dis : peut-être est-ce la pluie qui vient ?
    Tu dis doucement : je ramasse
    ce que j’ai laissé tomber hier.
    La nuit bruit dans ton âme,
    des choses qui appartenaient à tes pères d’autrefois
    sont à toi.
    Et tu fais tes bagages sans plus les ouvrir.
    Tu dis : ceci n’est pas pour moi.

    Tu es déjà promis à autre chose.
    Et soudain tu le sais
    tu es surpris dans tes amours.
    Tu sais que tu as manqué
    les cibles. Tu es parti depuis longtemps.
    Tout en toi est déjà remplacé :
    toi par eux, eux par leurs plaintes,
    la nuit par le jardin, la pluie par ta bien-aimée,
    toi par les arbres et la mer par le sable.




    Yehuda Amichaï, Perdu dans la grâce, poèmes choisis, éditions Gallimard, Collection Du monde entier, 2006, page 55. Traduit de l’hébreu par Emmanuel Moses.





    Yehuda Amichaï 2




    YEHUDA AMICHAÏ


    Yehuda Amichai
    Source




    ■ Yehuda Amichaï
    sur Terres de femmes


    Poème d’Achziv, VII (autre poème extrait de Perdu dans la grâce)




    ■ Voir | écouter aussi ▼


    → (sur le site de France Culture)
    Le secret professionnel du grand poète de Jérusalem Yehuda Amichaï (Yehuda Amichaï raconté par Emmanuel Moses), 31 janvier 2016
    → (sur Esprits Nomades)
    Yehuda Amichaï, La vigie de Jérusalem





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  • Erri De Luca, Le plus et le moins

    par Martine Konorski

    Erri De Luca, Le plus et le moins
    [Il più e il meno, Feltrinelli, 2015],
    éditions Gallimard, Collection Du monde entier, 2016.
    Traduit de l’italien par Danièle Valin.



    Lecture de Martine Konorski


    Erri De Luca 3
    Image, G.AdC






    Lire Le plus et le moins laisse le goût délicieux d’un bain de mer au grand large, lorsqu’on se sent bercé par l’immense, au loin, et pourtant au plus près de soi. Le goût de sel finement déposé sur les lèvres, le grain d’une croûte de sel plus épaisse sur la peau, les cheveux mouillés qui se collent puis sèchent au vent… Un vent de liberté, « l’expérience de la liberté comme d’un désert », qui souffle sur ce magnifique livre d’Erri De Luca, quintessence de l’ensemble de ses livres, que l’on se réjouit de lire et de relire.

    Le plus et le moins : 37 textes, fragments inclassables, dans une écriture poétique hors du commun, qui nous font voyager dans un temps et dans un espace, guidés par la géographie des souvenirs de l’auteur, de l’enfance à l’âge adulte : des moments de sa vie à Naples, Ischia, Turin, Paris, les Dolomites. Un voyage sincère et tendre au pays de la fraternité humaine et du partage. Un voyage au pays de la liberté et de la vérité. Un voyage dans le silence habité de l’âme du poète, lorsque l’auteur, dans l’arc tendu de la beauté de son écriture pudiquement évocatrice, sensuelle et sans grandiloquence ni ornementation, nous transporte parmi les éléments de la nature et des saisons, « là où la poussière était l’âme du monde ».

    Instantanés de la vie de l’auteur, les textes qui composent ce livre éclairent son œuvre d’une lumière solaire qui vient de l’intérieur, tant ce qu’il décrit émane directement des émotions et des sensations qui le traversent profondément.

    On y retrouve les thèmes de prédilection qui animent Erri De Luca et nourrissent son écriture :

    – les luttes politiques et sociales des « années de cuivre », comme il dénomme les années 1970, qui « conduisaient le courant électrique des luttes sociales […] une vraie énergie électrique de transformation »,

    – le temps de l’intérêt collectif opposé au temps de l’intérêt individuel d’aujourd’hui « où l’on est évalué en fonction du pouvoir d’achat », symbole de notre monde désespérant et vide, qui sombre dans la barbarie et où il est vital de rester insoumis, de se révolter pour être vivant et porter « la parole contraire » pour tenter de mettre fin aux injustices, aux tyrannies, aux guerres, aux racismes…

    – mais aussi le deuil des parents qui prend le goût du silence, « un silence comme les deux lèvres d’une blessure ouverte » et qui provoque aussi « l’exil alimentaire », puisque depuis la mort de sa mère, l’auteur a renoncé à son plat préféré : les aubergines à la parmesane ; une manière si humaine de vivre une telle séparation, puisque pour l’auteur « le deuil se vit plus à table qu’au cimetière ».

    Et puis, l’on trouve aussi les souvenirs d’enfance, ceux du « fils égaré » : « je ne suis pas un père, je suis resté un fils, une branche sèche », qui a quitté sa Naples natale sans retour, qui tourne dans sa bouche toute la journée les pages de la Bible comme un « noyau d’olive », qui découvre les amours adolescentes avec le premier baiser : « je sais depuis que le baiser est le sommet atteint, la parfaite ligne d’arrivée » et les étreintes qui empêchent de dormir et transforment en « poissons qui ne ferment pas les yeux ».

    L’escalade aussi occupe une place importante dans l’œuvre et la vie de l’auteur-alpiniste : « je pratique l’escalade et je sais qu’un sommet atteint exauce un désir autant qu’il l’épuise »…

    Au fil des pages, cette écriture vibrante secoue le corps comme des percussions. Séisme intérieur provoqué par la beauté de textes à l’amplitude évocatrice maximale, à travers une parole minimale, juste et dense. Pas un mot de trop, mais une parole resserrée, traversée par la sensibilité et par l’émotion d’un homme devenu écrivain, par le traumatisme d’une humiliation scolaire, une accusation de tricherie pour sa première rédaction, alors que pour lui « ce fut un précipice d’écriture » qui lui permit de découvrir alors combien l’écriture peut déranger les corps constitués et participer à un acte de résistance. Depuis lors, l’écriture, comme un cadeau, est sa plus fidèle compagne.

    Une écriture vitale, une écriture de vie et d’espoir inscrite dans le corps et dans la peau : « j’avais besoin de pages à tenir en main comme un verre et de m’y plonger la tête la première jusqu’au terminus ».

    Le plus et le moins est un livre essentiel, d’un auteur essentiel qui, à rebours de la fureur des médiocrates de l’analyse et du commentaire, nous offre, avec humilité et profondeur, une parole authentique.

    Donc, un livre à mettre entre toutes les mains… de celles et ceux qui s’interrogent sur notre monde et sur ce que c’est qu’être humain.



    Martine Konorski
    D.R. Texte Martine Konorski
    pour Terres de femmes







    Erri De Luca, Le plus et le moins,




    ERRI DE LUCA


    Erri De Luca  portrait





    ■ Erri De Luca
    sur Terres de femmes


    Due voci (poème issu du recueil Aller simple)
    Considero valore (poème issu du recueil Œuvre sur l’eau)
    Qui a étendu ses bras au large (autre poème issu du recueil Œuvre sur l’eau)
    Volti (autre poème issu du recueil Œuvre sur l’eau)
    Piero della Francesca (poème issu du recueil L’Ospite incallito)
    Statua di Caino (autre poème issu du recueil L’Ospite incallito)
    Première heure (lecture d’AP)
    Le Tort du soldat (extrait)




    ■ Voir aussi ▼


    le site de la fondation Erri De Luca (en italien)





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  • Jorge Luis Borges | Despedida



    A Marbre Paonazzo
    Ph., G.AdC







    DESPEDIDA



    Entre mi amor y yo han de levantarse
    trescientas noches como trescientas paredes
    y el mar será una magia entre nosotros.

    No habrá sino recuerdos.
    Oh tardes merecidas por la pena,
    noches esperanzadas de mirarte,
    campos de mi camino, firmamento
    que estoy viendo y perdiendo…
    Definitiva como un mármol
    entristecerá tu ausencia otras tardes.









    B Marbre Arabescato PianaPh., G.AdC







    ADIEUX



    Entre mon amour et moi se lèveront
    trois cents nuits comme trois cents murs
    et la mer entre nous sera une magie.

    Il n’y aura que des souvenirs.
    Ô soirs mérités par la tristesse,
    nuits dans l’espérance de te voir,
    champs de mon chemin, firmament
    que je perçois et que je perds…
    Définitive comme un marbre
    ton absence attristera d’autres soirs.



    Jorge Luis Borges, Poèmes d’amour, Éditions Gallimard, Collection Du monde entier, 2014, pp. 20-21. Édition bilingue. Avant-propos de María Kodama. Édité, préfacé et traduit de l’espagnol (Argentine) par Silvia Baron Supervielle.







    Borges amour
    JORGE LUIS BORGES


    ■ Jorge Luis Borges
    sur Terres de femmes

    24 août 1899 | Naissance de Jorge Luis Borges
    Labyrinthe (poème issu d’Éloge de l’ombre)
    Le Sud (poème issu de Ferveur de Buenos Aires [1923])






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