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» Retour Incipit de Terres de femmes
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Collage, G.AdC [LES TSIGANES SONT COMME LES OISEAUX] Les Tsiganes sont comme les oiseaux qui volent contre le vent. Ma femme est une gitane hongroise redoutable. À la seconde où je l’ai vue, j’ai su que c’était l’ange qu’on m’avait envoyé. Au royaume de l’espoir il n’y a jamais d’hiver. « Je me souviens » et « il y a longtemps » : ce sont les deux phrases les plus poétiques de la langue française. Je passe souvent du temps avec des hommes et des femmes qui ne sont rien dans cette société, mais qui sont beaucoup pour moi. Les deux plus grands poètes de la langue française ce sont deux femmes. Le timbre de la voix et les mots utilisés en disent plus sur un individu que ce qu’il prétend être. La sonorité délicate et somptueuse de mon luth me transporte, que je le veuille ou non, dans le Royaume neigeux de la mélancolie. Alexandre Romanès, Le Luth noir, Éditions Lettres Vives, Collection entre 4 yeux, Collection dirigée par Claire Tiévant, 20213 Castellare-di-Casinca, 2017, pp. 11-12-13. |
| ALEXANDRE ROMANÈS Source ■ Voir aussi ▼ → (sur le site des éditions Lettres vives) la fiche de l’éditeur sur Le Luth noir |
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[CORPS ÉCRIVANT ET ÉPROUVANT] CORPS écrivant et éprouvant à tout instant à quel point les mots qui lui viennent sont des acteurs vivants et spontanés d’un événement en quelque sorte théâtral, les didascalies et les praticables en moins, de telle sorte que le lecteur croit lire un roman qui s’adresse à son esprit alors que c’est un drame historique dont sa chair est l’un des protagonistes, quoi qu’il fasse. CORPS qui, au fur et à mesure qu’il écrit et s’écrit, semble se prêter en continu, jour et nuit, aux allées et venues d’une troupe de forains pirandelliens et insomniaques en quête de l’auteur d’un ouvrage pourtant bien là, puisque de lui dépend que les saltimbanques cessent d’être des comédiens irrésolus pour devenir des tragédiens belligérants, chtch chtch chtch CORPS VERBAL et CORPS PULSIONNEL d’un seul tenant, ce qui a l’heur de tenir en haleine le CORPS BIOLOGIQUE, en proie à une effervescence de vicissitudes de tous ordres, les mêmes qui en général se retrouvent dans le théâtre antique lorsqu’il est signé par Euripide et Sophocle, ou plus près de nous, Racine et Beckett, ou Tennessee Williams, ou encore quand il est voulu cruel par Artaud. Cette PROPRIÉTÉ qu’ont les mots, quand c’est le corps qui les écrit, de se changer tour à tour, mais sans désemparer, en pitres ou en flibustiers, en dépenaillés de la syntaxe ou costumés de grammaire passementée, en vengeurs ou en munificents, en conservateurs de la substance indépassable, tantôt mystique, tantôt forcenée d’un moyen âge de toutes les folies, les bâtisseuses comme les pestiférées, et redécouvrant ainsi leur modernité, une modernité ennemie des derniers cris de l’obscénité universelle se réclamant de leur prétendue nouveauté pour s’autoproclamer avant-garde chtch chtch
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MARCEL MOREAU Source ■ Marcel Moreau sur Terres de femmes ▼ → 27 janvier 1974 | Lettre de Jean Dubuffet à Marcel Moreau ■ Voir aussi ▼ → (sur Le Carnet et les Instants) Marcel Moreau. L’écriture comme paroxysme, par Véronique Bergen → (sur Mediapart) Marcel Moreau, à corps écrivant, par Jean-Claude Leroy |
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« L’œil est toujours dans le même abîme obsessionnel » Ph., G.AdC [C’EST UN PEU PLUS COMPLIQUÉ] C’est un peu plus compliqué : la voix suit ou ne suit pas, n’écoute ou n’écoute pas, cherche aussi une voie, elle laisse mûrir, traîner, elle abandonne, reprend en vain. Un processus de décomposition. Un retour, une reprise semble toujours possible, elle retrouve ses illusions en oubliant souvent le contexte de la matérialisation des phrases. Ces phrases apparemment figées sont au moins des incitations à poursuivre, avec ou non le secours d’autres paroles. Des pulsions animent la voix, en même temps qu’un lent travail de rumination lui est nécessaire. Palimpseste continu, l’acte d’écriture est une parodie, un écho de vestiges insaisissables. Le spectacle de la réalité, pas plus que les références culturelles ne sont là pour éclairer vraiment. Elle est toujours en quête de lieux sans limites car il y a tant de repères à fuir, de désastres difficiles à décrypter, de signes involontaires qui rappellent l’impuissance. Et les années passent… Quelquefois, avec une approche lente et progressive pour tenter de tordre encore mieux la langue, l’écriture se forme dans un état second (mais il n’y a pas besoin pour cela, d’adjuvants, de paradis artificiels). Fragments d’obscurités jetés au regard, soumis à la sagacité comme si un souffle allait soudain tout transformer en quelque chose d’inouï. Suite à des élans non dépourvus d’agressivité intellectuelle ou au contraire dans un état méditatif proche de la paresse. Ou de la sagesse. Inflexions du hasard et écoute distraite de ce qui émerge du mental. Le regard cherche alors un lieu non encore atteint. Une pureté. L’expression véritable est alors peut-être trouvée. Des bribes deviennent des vérités, du moins au moment où elles naissent. Seule réalité tangible, la voix est ainsi confrontée au (re)commencement interminable des livres disparus. C’est dans ce travail décisif qu’elle ne peut qu’exister. Parce que le non-dit est lié à une profonde blessure. S’il y avait une cause ou une vérité à chercher, ce serait dans ce sens. L’œil est toujours dans le même abîme obsessionnel, induisant des bribes mais dispersant tout ce qui se trame trop aisément quand les désirs s’obstinent avec les mêmes audaces pour (ac)coucher sur le papier de cette trace inouïe que personne n’attend. Mais, continuellement dans l’éphémère, la parole pourrait devenir violente quand elle doit bien reconnaître son incapacité à finalement se fixer. Elle s’arme alors de patience pour ne pas crier son désarroi, pour ne pas incriminer tous les rouages castrateurs du monde qui l’entoure (même s’ils existent). C’est l’équilibre instable, le porte-à-faux qui ferait qu’une décision irrémédiable pourrait intervenir et précipiter la chute et un nouveau retour au silence, cette fois définitif.
Roland Chopard, Sous la cendre, 6 suites & variations pour voix seule(s), Éditions Lettres Vives, Collection entre 4 yeux, 2016, pp. 65-66-67. Postface de Claude Louis-Combet. |
ROLAND CHOPARD
■ Voir aussi ▼ → (sur le site du cipM) une notice bio-bibliographique sur Roland Chopard |
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