Étiquette : Collection Hêtraie


  • Regina José Galindo | Pour chaque champ de maïs que tu brûleras


    Por cada milpa que tú quemes
    nosotros sembraremos cien semillas

    Por cada feto qu tú mates
    nosotros criaremos cien hijos

    Por cada mujer que tú violes
    nosotros tendremos cien orgasmos

    Por cada hombre que tú tortures
    nosotros abrazaremos cien alegrías

    Por cada muerto que tú niegues
    nosotros tejeremos cien verdades

    Por cada arma que tú empuñes
    nosotros haremos cien dibujos

    Por cada bala perdida
    cien poemas

    Por cada bala encontrada
    mil canciones.







    Pour chaque champ de maïs que tu brûleras
    nous sèmerons cent graines

    Pour chaque fœtus que tu tueras
    nous élèverons cent enfants

    Pour chaque femme que tu violeras
    nous aurons cent orgasmes

    Pour chaque homme que tu tortureras
    nous embrasserons cent joies

    Pour chaque crime que tu nieras
    nous tisserons cent vérités

    Pour chaque arme que tu brandiras
    nous ferons cent dessins

    Pour chaque balle perdue
    cent poèmes

    Pour chaque balle trouvée
    mille chansons.





    Regina José Galindo, Rage/Rabia, édition bilingue, éditions des Lisières, Collection Hêtraie, 2020, pp. 54-55. Traduit de l’espagnol (Guatemala) par Laurent Bouisset.






    Rage



    REGINA JOSÉ GALINDO


    Regina josé Galindo 2
    Source




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions des Lisières)
    la page de l’éditrice sur Rage/Rabia
    le site de Regina José Galindo





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    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Salpy Baghdassarian | [Au commencement j’étais une femme]



    Salpy texte 3









    [AU COMMENCEMENT J’ÉTAIS UNE FEMME]




    Au commencement
    j’étais une calculette
    mon père évalua pertes et profits
    m’insulta et s’en alla
    Ma mère qui m’a portée
    pesa son bonheur et son malheur
    m’insulta et s’en alla
    Mon frère me mit à terre
    d’un doigt écrasa les fourmis
    recensa les mortes et les vivantes
    me donna un coup de pied
    et s’en alla

    Au commencement
    j’étais une femme




    Salpy Baghdassarian, Quarante cerfs-volants, éditions des Lisières, Collection Hêtraie, 2020, page 7. Traduit de l’arabe (Syrie) par Souad Labbize. Linogravure de Maud Leroy d’après un dessin de Marion Freyre.





    Salpy Baghdassarian  quarante cerfs-volants



    SALPY BAGHDASSARIAN


    Salpy Baghdassarian  portrait NB
    Source


    Arménienne née à Alep, Salpy Baghdassarian a fui la guerre en Syrie et réside à Toulouse où elle continue à écrire en arabe et à traduire de l’arménien. Elle a remporté le second prix du concours de poésie sur MBC1 en 2010. Ses poèmes sont publiés dans de nombreux magazines littéraires et anthologies. Elle est également artiste peintre et a participé à des expositions collectives ou individuelles en Syrie, au Liban, au Canada et en France.




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site du Marché de la poésie)
    une fiche sur Quarante cerfs-volants
    le site des éditions des Lisières





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    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Aya Mansour | Des choses qui ressemblent à la mort



    DES CHOSES QUI RESSEMBLENT A LA MORT




    Échappés des bouches des portes
    des hurlements nous poursuivent
    nous sortons
    laissant aux maisons
    le soin de garder nos larmes et nos ombres




    Les cailloux sont
    des larmes durcies
    d’enfants qui ont oublié leurs yeux
    sur les trottoirs
    en attendant des lendemains




    J’écoute le tonnerre
    cri fulgurant
    d’enfants en fuite




    Pour les morts nous sommes des fantômes
    qui cherchent au cimetière
    des ruelles
    paisibles




    Les patries nous font mal
    comme une porte qui claque sur un seul
    doigt




    Mon âme est un morceau de viande
    dans la boucherie du monde




    J’entre dans le vase de ma cage thoracique
    j’y entre et la fleur fanée n’est pas cueillie





    […]



    Aya Mansour, Seule elle chante, éditions des Lisières, Collection Hêtraie, édition bilingue français-arabe, 2018, pp. 51-53. Traduit de l’arabe (Irak) par Souad Labbize. Linogravure de Maud Leroy d’après un dessin de Marion Freyre.






    Aya Mansour  Seule elle chante 2





    AYA MANSOUR


    Aya Mansour





    ■ Voir aussi ▼

    → (sur la page Livres du site des éditions des Lisières)
    la notice de l’éditeur sur Seule elle chante d’Aya Mansour





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    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Terres de femmes | Terre di donne : 12 poètes corses

    par Alain Nouvel

    Terres de femmes | Terre di donne
    12 poètes corses,

    anthologie bilingue (français-corse)
    coordonnée par Angèle Paoli,
    Éditions des Lisières, Collection Hêtraie
    (voix poétiques féminines bilingues), 2017.
    Linogravure de Maud Leroy.



    Lecture d’Alain Nouvel



    COULEURS DE FÉMININ(S) ?



    « rien ce soir

    rien au couchant

    rien à l’aube

    rien »

    Marianne Costa,

    « Solstice d’hiver »



    « La femme, ce continent noir », soupirait Freud, et Lacan poursuivait en affirmant : « La femme n’existe pas ». Or, Terres de femmes | Terre di donne nous donne à lire 12 « poètes » au féminin, et non pas 12 « poétesses ». C’est que le féminin n’est pas dans les images stéréotypées de « LA » femme, ou de ce que devrait être une prétendue « poésie féminine ».

    Ce que j’ai entendu, en lisant ces voix de femmes (et l’objet-livre donne à entendre-voir ces « noms de femmes », appelés l’un après l’autre, avant chaque corps de texte), c’est la couleur du féminin, et, pour tout dire, les multiples couleurs des féminins.

    Le titre du recueil, déjà, renseigne. Le pluriel est de mise. Même si ces femmes sont toutes corses (ou apparentées corses), leur île est multiple. D’ailleurs chacune est « isolée » chaque fois des autres par une page blanche, comme par une étendue marine. Avec chaque poète, nous touchons un nouveau rivage, une terre nouvelle, autre.

    « Nul ne sait que je suis étrangère », dit Catherine Getten Medori, mais nul n’ignore que nous le sommes tous, et Danièle Maoudj, dans son poème dédié à Angèle, semble répondre en évoquant les Antilles : « J’atteins la prunelle du volcan » ou encore : « La nuit des mots épice l’insomnie des archipels » […] C’est que « [m]aronne le sens de la vie », et la poésie pourrait bien m’inviter « à traverser l’épreuve de l’étrangère »…

    Que savons-nous de nos prétendues « identités », de nos genres ? Ne sommes-nous pas obscurs à nous-mêmes ? Comme le dit Anne Marguerite Milleliri : « L’enfance tremble jusqu’aux os | dans le corps d’une femme » et si « [t]remble l’absence », alors, il ne reste plus que « le risque du chemin », « ce risque d’amour qu’est l’amour », et Lucia Santucci semble lui faire écho en faisant chanter « le marin qui s’improvise sage-femme » et qui accueille dans ses bras le nouveau-né de « l’africaine, la migrante ».

    Mais c’est Hélène Sanguinetti qui apporte à cette question la réponse la plus radicale et la plus forte :

    « Le mal ? vouloir tout […] Ici, je sais qui je suis : personne. »

    C’est sur une plage que la révélation peut avoir lieu, au moment où se confondent la mer et la nuit, au moment où « deux surfaces se sont éprises, battent ensemble ». Et l’on peut également penser à ce « Personne » que fut Ulysse.

    Nous sommes nos contradictions, nous en vivons, elles nous bâtissent. « Une mère pleure », dit Marianghjula Antonetti-Orsoni déplorant la guerre qui « anéantit les couleurs de l’humanité », et Angèle Paoli évoque, elle, « l’ultime conciliabule » entre une mère et sa fille, ce passage terrible de la vie au trépas de « mamma », ce moment où « ELLE EST » tandis qu’elle n’est plus, où « elle » passe d’ici en ailleurs, où elle devient autre, où elle devient tout.

    Peut-être que l’un des traits les plus caractéristiques du « féminin » serait cette aptitude à la métamorphose, ce « oui » dit au passage, à l’accueil de l’autre, en soi ou avec soi. D’ailleurs, nous lecteurs, glissons sans cesse de la langue corse au français, du français au corse comme pour mieux entendre ce qui se dit entre les mots, ce qui s’élabore à travers eux et leur échappe. La poésie est dans cet écart, dans ce mouvement de l’une à l’autre langue : « mer masculine en notre langue, mer-femme en d’autres langues », dit Lucia Santucci. Et Marie-Ange Sebasti continue en inventant en corse le mot Migrazione, qui n’existe pas encore mais qu’elle fait exister dans son poème. Elle parle de « villes grouillantes » dans la version française de son texte, ce qui est traduit en corse par cità bufunime (mot à mot, « villes bourdonnantes »)… Nous avons besoin des deux, du grouillant et du bourdonnant, pour entendre et voir ces villes.

    Après vous avoir lues, poètes, j’ose vous dire :

    « Je me sens femme comme vous, poète et corse, comme vous. »



    Alain Nouvel
    D.R. Texte Alain Nouvel
    pour Terres de femmes




    ______________________________________
    NOTE : Les auteures :

    Marianghjula Antonetti-Orsoni, Marianne Costa, Patrizia Gattaceca, Annette Luciani, Danièle Maoudj, Catherine Medori, Anne Marguerite Milleliri, Angèle Paoli, Isabelle Pellegrini-Alentour, Hélène Sanguinetti, Lucia Santucci, Marie-Ange Sebasti.





    Terre di donne Z
    ALAIN  NOUVEL


    Alain Nouvel portrait 2
    Ph. D.R.




    ■ Alain Nouvel
    sur Terres de femmes

    une lecture d’Au nom du Nord, du Sud, de l’Est et de l’Ouest par Angèle Paoli



    ■ Voir aussi ▼

    le site des éditions des Lisières
    → (sur le site des éditions des Lisières)
    la fiche de l’éditeur sur Terres de femmes | Terre di donne, 12 poètes corses
    → (sur Terres de femmes)
    Kallistè, la Corse, ma terre de mémoire





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