Étiquette : Collection Poésie


  • Anise Koltz | Les soleils se multiplient



    LES SOLEILS SE MULTIPLIENT



    Je suis le monde
    qui tourne
    traversé de parallèles
    et de méridiens

    En moi des peuples se font
    et se défont

    Dans le ciel
    les soleils se multiplient
    la mort en moi
    me donne la force de vivre



    Anise Koltz, Le Cri de l’épervier, Éditions PHI, 2000 in Somnambule du jour, poèmes choisis, éditions Gallimard, Collection Poésie/Gallimard, 2016, page 98.







    Koltz somnambule





    ANISE KOLTZ


    ANISE KOLTZ
    Source




    ■ Anise Koltz
    sur Terres de femmes


    L’Ailleurs des mots
    Automne (extrait du Cirque du soleil)
    Béni soit le serpent
    [Dans mes poèmes] (poèmes extraits d’Un monde de pierres)
    [Gémeau] (poème extrait de Soleils chauves)
    Je me transforme (poème extrait de Je renaîtrai)
    [Je suis l’impossible du possible] (poème extrait de Pressée de vivre)
    Ouverte (poème extrait de Je renaîtrai)
    [Qu’ai-je emprunté à la chair maternelle ?] (poème extrait de Galaxies intérieures)




    ■ Voir | écouter aussi ▼


    → (sur le site des éditions Arfuyen)
    une page consacrée à Anise Koltz
    → (sur Lyrikline)
    dix poèmes extraits du Porteur d’ombre (2001), dits par Anise Koltz





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  • Dimanche 13 novembre [1881] | Jules Laforgue, Dans la rue

    Éphéméride culturelle à rebours




    DANS LA RUE




    C’était le trottoir avec ses arbres rabougris.
    Des mâles égrillards, des femelles enceintes,
    Un orgue inconsolable ululant ses complaintes,
    Les fiacres, les journaux, la réclame et les cris.

    Et devant les cafés où des hommes flétris
    D’un œil vide et muet contemplaient leurs absinthes
    Le troupeau des catins défile lèvres peintes
    Tarifant leurs appas de macabres houris.

    Et la Terre toujours s’enfonce aux steppes vastes,
    Toujours, et dans mille ans Paris ne sera plus
    Qu’un désert où viendront des troupeaux inconnus,

    Pourtant vous rêverez toujours, étoiles chastes,
    Et toi tu seras loin alors, terrestre îlot
    Toujours roulant, toujours poussant ton vieux sanglot.


    Dimanche 13 novembre.




    Jules Laforgue, Autres Complaintes in Les Complaintes et les premiers poèmes [Gallimard, 1970], Collection Poésie/Gallimard, 1979, page 308. Édition établie par Pascal Pia.







    Jules Laforgue  Les Complaintes 2





    JULES LAFORGUE


    Laforgue
    Emile Laforgue, Portrait de Jules Laforgue,
    Bibliothèque nationale de France, Paris




    ■ Jules Laforgue
    sur Terres de femmes

    16 août 1860 | Naissance de Jules Laforgue
    Résignation





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  • Réginald Gaillard | [Ce que je vois m’éblouit]




    Alors, je resterai, orant, au seuil de l’inouï.
    Alors, je resterai, orant, au seuil de l’inouï.
    Ph., G.AdC






    [CE QUE JE VOIS M’ÉBLOUIT]




    Ce que je vois m’éblouit,
    là où je suis me perce.

    Je ne peux te rejoindre où tu m’attends,
    au-delà de la plaine aride qui grandit.

    Traverser la blancheur du vent m’est
    impossible — j’attends qu’elle me porte.

    Se peut-il qu’elle me soit refusée ?
    Alors, je resterai, orant, au seuil de l’inouï.



    Réginald Gaillard, « Naissance, XV » in L’Échelle invisible, Ad Solem, Collection Poésie, 2015, page 102. Préface de Fabrice Hadjadj.






    Echelle invisible






    RÉGINALD GAILLARD


    Reginald Gaillard 2
    Source



    ■ Réginald Gaillard
    sur Terres de femmes

    [mes mains s’ouvrent] (poème extrait de L’Attente de la tour)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions Ad Solem)
    la fiche de l’éditeur sur L’Échelle invisible





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  • Josette Ségura | [« On a tellement de souvenirs… »]




    [ « ON A TELLEMENT DE SOUVENIRS… »]




    « On a tellement de souvenirs, on ne sait jamais ce qui va réapparaître »,
    c’est l’automne, il y a des vignes,
    le ciel et la lumière semblent dire toujours,
    ce jour-là avec mon jeune frère,
    un village, un parc à l’abandon nous avaient arrêtés,
    un vieux portail,
    l’après-midi fut comme visité
    comme cet autre jour à l’intérieur d’un château en ruine où l’herbe poussait,
    tout venait de la lenteur d’un temps aérien.






    Tu as pris tes pinceaux, croyant ne pas trouver les mots
    pour parler de mes poèmes,
    c’est ainsi lorsqu’on se confie,
    toi à tes couleurs, à tes traits,
    voilà une belle pomme coupée en deux,
    tout est dit,
    une main peut tendre, une autre accepter.




    Josette Ségura, Les Éclaircies, Poèmes, Éditinter, Collection poésie, 2015, pp. 32-33. Aquarelle de Catherine Sourdillon.






    Josette Ségura, Les Eclaircies






    JOSETTE SÉGURA


    Josette Ségura bis
    Source




    ■ Josette Ségura
    sur Terres de femmes

    Dans la main du jour (lecture d’Isabelle Raviolo)
    Entre la parole et nous (extrait d’Au bord du visage)
    [Le parler de l’hiver] (extrait d’Au plus près de nos pas)
    [Dans toute combe] (extrait de Jours avec)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de Pleine Page)
    une notice bio-bibliographique sur Josette Ségura



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  • Herberto Helder | O Amor em Visita



    O AMOR EM VISITA (extracto)



    Dai-me uma jovem mulher com sua harpa de sombra
    e seu arbusto de sangue. Com ela
    encantarei a noite.
    Dai-me uma folha viva de erva, uma mulher.
    Seus ombros beijarei, a pedra pequena
    do sorriso de um momento.
    Mulher quase incriada, mas com a gravidade
    de dois seios, com o peso lúbrico e triste
    da boca. Seus ombros beijarei.

    Cantar? Longamente cantar,
    Uma mulher com quem beber e morrer.
    Quando fora se abrir o instinto da noite e uma ave
    o atravessar trespassada por um grito marítimo
    e o pão for invadido pelas ondas,
    seu corpo arderá mansamente sob os meus olhos palpitantes
    ele — imagem inacessível e casta de um certo pensamento
    de alegria e de impudor.
    Seu corpo arderá para mim
    sobre um lençol mordido por flores com água.

    Ah! em cada mulher existe uma morte silenciosa;
    e enquanto o dorso imagina, sob nossos dedos,
    os bordões da melodia,
    a morte sobe pelos dedos, navega o sangue,
    desfaz-se em embriaguez dentro do coração faminto.
    — Ó cabra no vento e na urze, mulher nua sob
    as mãos, mulher de ventre escarlate onde o sal põe o espírito,
    mulher de pés no branco, transportadora
    da morte e da alegria!

    Dai-me uma mulher tão nova como a resina
    e o cheiro da terra.
    Com uma flecha em meu flanco, cantarei.
    E enquanto manar de minha carne uma videira de sangue,
    cantarei seu sorriso ardendo,
    suas mamas de pura substância,
    a curva quente dos cabelos.
    Beberei sua boca, para depois cantar a morte
    e a alegria da morte.

    Dai-me um torso dobrado pela música, um ligeiro
    pescoço de planta,
    onde uma chama comece a florir o espírito.
    À tona da sua face se moverão as águas,
    dentro da sua face estará a pedra da noite.
    ― Então cantarei a exaltante alegria da morte.

    […]







    L’AMOUR EN VISITE (extrait)



    Donnez-moi une jeune femme avec sa harpe d’ombre
    et son arbuste de sang. Avec elle
    j’enchanterai la nuit.
    Donnez-moi, vivante, une feuille d’herbe, une femme.
    J’embrasserai ses épaules, la petite pierre
    du sourire d’un moment.
    Femme comme incréée, mais avec la gravité
    des deux seins, le poids lubrique et triste
    de la bouche. J’embrasserai ses épaules.

    Chanter ? Chanter longuement.
    Une femme avec laquelle boire et mourir.
    À l’heure où s’ouvre au-dehors l’instinct de la nuit
    que traverse un oiseau transpercé par un cri maritime,
    et où les vagues envahissent le pain –
    son corps brûlera doucement sous mes yeux palpitants.
    Lui – haute et vertigineuse image d’une certaine pensée
    de joie et d’impudeur.
    Son corps brûlera pour moi
    sur un drap que mordent fleurs et eau.

    En chaque femme il y a une mort silencieuse.
    Tandis que le dos imagine, sous les doigts,
    les refrains de la mélodie,
    la mort monte par les doigts, navigue le sang,
    se répand en ivresse dans le cœur affamé…

    Donnez-moi une femme aussi jeune que la résine
    et l’odeur de la terre.
    Avec une flèche dans le flanc, je chanterai.
    Et tandis qu’une vigne de sang jaillira de ma chair,
    je chanterai son sourire ardent,
    ses mammes de pure substance,
    la courbe chaude de ses cheveux.
    Je boirai sa bouche, pour ensuite chanter la mort
    et la joie de la mort.

    Donnez-moi un torse courbé par la musique,
    un léger cou de plante,
    là où une flamme commence à fleurir l’esprit.
    Sur son visage affleurera le mouvement des eaux,
    au creux de son visage sera gravée la pierre de la nuit.
    – Alors je chanterai la joie exaltante de la mort.

    […]



    Herberto Helder, L’Amour en visite (O amor em visita, Contraponto, 1959) in Le Poème continu, 1961-2008, Gallimard, Collection Poésie, 2010, pp. 29-30. Préface de Patrick Quillier. Traduit du portugais par Magali Montagné et Max de Carvalho.






    Helder poème continu





    HERBERTO  HELDER


    Vignette Herberto Helder
    Source



    ■ Herberto Helder
    sur Terres de femmes

    [Je lève les mains]



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur Esprits nomades)
    plusieurs pages consacrées à Herberto Helder


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  • Emmanuel Merle | [Le rouge]




    ROUGE
    Ph., G.AdC







    [LE ROUGE]


    Le rouge. Un halo de rouge, un mal aux yeux.
    Mon regard saigne-t-il, qui rejoint
    la lumière, qui s’écorche sur elle ?

    Comme dans un rêve, le corps est immobile,
    seuls les yeux. Rêver comme un cheval,
    paupières ouvertes, pupilles brûlées
    qui peignent un sol ourlé de sang.

    Ne plus rien voir. Percevoir ? En esprit
    je traversais un fleuve là où la roche mère,
    surgissant soudain, accueillait mon regard.

    Guéer un drap immense et blanc
    dans les eaux du passé, pâlir dans l’eau
    du paysage trois taches rouges.



    Emmanuel Merle, « L’Homme percé de cris » in Dernières paroles de Perceval, L’Escampette Éditions, Collection Poésie, 2015, page 34.






    Emmanuel Merle, Dernières paroles de Perceval





    EMMANUEL  MERLE


    Vignette Emmanuel Merle





    ■ Emmanuel Merle
    sur Terres de femmes


    Dernières paroles de Perceval (lecture d’Isabelle Lévesque)
    Dernières paroles de Perceval (lecture d’AP)
    Amère Indienne
    [Cape Cod]
    Le Chien de Goya (lecture d’AP)
    Cet ancien lieu (poème extrait de Démembrements)
    Démembrements (lecture d’AP)
    Ici en exil (lecture de Sylvie Fabre G.)
    ils attendent ce qui (extraits du Grand Rassemblement)
    Migrant (extrait d’Habiter l’arbre)
    [Je me discerne davantage dans le miroir de la couleur](extrait des Mots du peintre)
    [Ramper sur la glace](extrait de Nord, seul point cardinal)
    [Tout est matière, sauf ma décision] (extrait d’Olan)
    Tourbe (lecture d’AP)
    [Il n’y a plus d’arbres] (extrait de Tourbe)
    [Une promesse, dis-tu]
    Emmanuel Merle & Thierry Renard | La Chance d’un autre jour, Conversation (lecture de Sylvie Fabre G.)
    Emmanuel Merle & Thierry Renard | [Jour de pluie ici aussi]




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur Terres de femmes)
    Sylvie Fabre G. | Une terre commune, deux voyages
    → (sur le site de la mél [Maison des écrivains et de la littérature])
    une fiche bio-bibliographique sur Emmanuel Merle






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    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Juan Gelman | Vers le sud



    HACIA EL SUR



    te amo señora/como el sur/
    una mañana sube de tus pechos/
    toco tus pechos y toco una mañana del sur/
    una mañana como dos fragancias

    de la fragancia de una nace la otra/
    o sea tus pechos como dos alegrías/
    de una alegría vuelven los compañeros muertos
    en el sur
    establecen su dura claridad/

    de la otra vuelven al sur/vivos por/
    la alegría que sube de vos/
    la mañana que das como almitas volando/
    almando el aire con vos/

    te amo porque sos mi casa y los compañeros
    pueden venir/
    sostienen el cielo del sur/
    abren los brazos para soltar el sur/
    de un lado les caen furias/del otro/

    trepan sus niños/abren la ventana/
    para que entren los caballos del mundo/
    el caballo encendido de sur/
    el caballo del deleite de vos/

    la tibieza de vos/mujer que existís/
    para que exista el amor en algún lado/
    los compañeros brillan en las ventanas del sur/
    sur que brilla como tu corazón/

    gira como astros/como compañeros/
    no hacés más que subir/
    cuando alzás las manos al cielo/
    le das salud o luz como tu vientre/

    tu vientre escribe cartas al sol/
    en las paredes de la sombra escribe/
    escribe para un hombre que se arranca los
    huesos/
    escribe la palabra libertad/



    Juan Gelman, Hacia el sur (y otros poemas), Espasa Calpe, Buenos Aires, 1985.







    VERS LE SUD



    je t’aime/dame/comme le sud/
    un matin monte de tes seins/
    je touche tes seins et je touche un matin du sud/
    un matin comme un double parfum/

    du parfum de l’un se lève l’autre/
    ou bien tes seins comme double allégresse/
    de l’une reviennent les compagnons morts dans le sud/
    ils établissent leur dure clarté/

    de l’autre ils reviennent au sud/vivants de
    l’allégresse qui monte de toi/
    le matin que tu donnes comme de douces âmes volant/
    faisant âme l’air avec toi/

    je t’aime car tu es ma maison et les compagnons
    peuvent venir/
    ils soutiennent le ciel du sud/
    ils ouvrent les bras pour lâcher le sud/
    d’un côté leur tombent des furies/de l’autre

    grimpent leurs enfants/ils ouvrent la fenêtre
    pour qu’entrent les chevaux du monde/
    le cheval enflammé de sud/
    le cheval du délice de toi/

    la tiédeur de toi/femme qui existes
    pour que l’amour existe quelque part/
    les compagnons brillent aux fenêtres du sud/
    de ce sud qui brille comme ton cœur/

    tourne comme des astres/ou compagnons/
    tu ne fais que monter/
    quand tu lèves les mains au ciel
    tu lui donnes santé ou lumière comme ton ventre/

    ton ventre écrit des lettres au soleil/
    sur les murs de l’ombre il écrit/
    il écrit pour un homme qui s’arrache les os/
    il écrit liberté/



    Juan Gelman, Vers le sud et autres poèmes, Éditions Gallimard, Collection Poésie, 2014, pp. 213-214. Présenté et traduit de l’espagnol par Jacques Ancet. Postface de Julio Cortázar.







    Juan Gelman, Vers le sud et autres poèmes






    JUAN GELMAN


    Juan Gelman
    Source




    ■ Juan Gelman
    sur Terres de femmes

    Arte poética
    comentario XI (hadewijch)
    comentario XXXIII (san juan de la cruz)
    el ángel de la tarde



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur Recours au poème)
    d’autres poèmes de Juan Gelman extraits de Vers le sud et autres poèmes
    un site (en espagnol) entièrement dédié à Juan Gelman
    → (sur lemonde.fr)
    « Juan Gelman (1930-2014) : la vie de combat, de tendresse et de deuil d’un poète argentin », par Florence Noiville
    → (sur La Pierre et le Sel)
    Juan Gelman : une parole pour l’indicible
    → (sur le site de France Culture)
    Hommage à Juan Gelman (Ça rime à quoi, par Sophie Nauleau, émission du 19 janvier 2014)
    → (sur perfil.com)
    une photo-galerie de Juan Gelman
    → (sur le site de la mél, Maison des écrivains et de la littérature)
    rencontre avec Juan Gelman, Jacques Ancet et Jean Portante [15 juin 2012] (archive sonore)






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  • Helga M. Novak | Lettre à Médée




    MEDEA PASOLINI LA CALLAS
    Image, G.AdC







    BRIEF AN MEDEA



    Medea du Schöne dreh dich nicht um
    vierzig Talente hat er dafür erhalten
    von der Stadt Korinth
    der Lohnschreiber der
    daß er dir den Kindermord unterjubelt
    ich rede von Euripides verstehst du
    seitdem jagen sie dich durch unsere Literaturen
    als Mörderin Furie Ungeheuer
    dabei hätte ich dich gut verstanden
    wer nichts am Bein hat
    kann besser laufen
    aber ich sehe einfach nicht ein
    daß eine schuldbeladene Gemeinde
    ihre blutigen Hände an deinen Röcken abwischt
    keine Angst wir machen das noch publik
    daß die Korinther selber deine zehn Gören gesteinigt haben
    (wie sie schon immer mit Zahlen umgegangen sind)
    und das mitten in Heras Tempel
    Gewalt von oben hat keine Scham
    na ja die Männer die Stadträte
    machen hier so lustig weiter
    wie früher und zu hellenischen Zeiten
    (Sklaven haben wir übrigens auch)
    bloß die Frauen kriegen neuerdings
    Kinder auf Teufel komm raus
    anstatt bei Verstand zu bleiben
    (darin sind sie dir ähnlich)
    andererseits haben wir
    uns schon einigermaßen aufgerappelt
    was ich dir noch erzählen wollte:     die Callas ist tot


    Helga M. Novak, wo ich jetzt bin Gedichte, Schöffling & Co., Frankfurt am Main, 2005, pp. 92-93. Ausgewählt von Michael Lentz.






    Helga M. Novak, wo ich jetzt bin








    LETTRE À MÉDÉE



    Médée toi la belle ne te retourne pas
    il a reçu pour cela quarante talents
    de la ville de Corinthe
    l’écrivain stipendié celui
    qui en douce t’a collé l’infanticide sur le dos
    je veux parler d’Euripide comprends-tu
    depuis lors ils te chassent dans nos littératures
    comme une meurtrière une furie un monstre
    pour cela je t’aurais bien comprise
    celui dont rien n’entrave la jambe
    arrive à mieux courir
    mais je ne vois vraiment pas pourquoi
    une cité chargée d’écoles
    essuie ses mains sanglantes aux pans de ta robe
    n’aie crainte nous ferons encore savoir
    que ce sont les Corinthiens qui ont lapidé tes dix gamins
    (c’est toujours comme cela qu’ils ont su s’en tirer avec les chiffres)
    et de plus au milieu du temple d’Héra
    la violence d’en haut est sans vergogne
    eh oui les hommes les membres du Conseil
    continuent à se la couler douce
    comme naguère aux temps hellénistiques
    (d’ailleurs nous avons nous aussi des esclaves)
    simplement les femmes font de nouveau
    des enfants à tire-larigot
    au lieu de raison garder
    (en cela elles te ressemblent)
    d’un autre côté nous avons
    quelque peu repris du poil de la bête
    ah je voulais encore te dire la Callas est morte.


    Helga M. Novak, C’est là que je suis, Buchet/ Chastel, Collection Poésie, 2007, pp. 67-68. Poèmes traduits de l’allemand par Jean-François Nominé.






    Helga M. Novak - Buchet Chastel




    HELGA M. NOVAK


    Helga M. Novak en 1971
    © PICTURE-ALLIANCE / DPA
    Source




    ■ Helga M. Novak
    sur Terres de femmes

    en automne (poème extrait du recueil Chaque pierre orpheline)
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    un autre poème extrait du recueil Chaque pierre orpheline



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Recours au poème)
    Helga M. Novak par Pascale Trück
    → (sur Terre à ciel)
    Helga M. Novak : c’est là qu’elle est, par Sophie g. Lucas



    ■ Médée
    sur Terres de femmes

    Médée (AP)
    Pascal Quignard, Medea (lecture d’AP)
    18 mars 1929 | Naissance de Christa Wolf (extrait de Médée de Christa Wolf)
    13 mai 1932 | Médée de Sénèque, mis en scène par Georges Pitoëff
    8 mai 1940 | Création française à l’Opéra de Paris de l’opéra Médée de Darius Milhaud
    5 avril 1967 | Maria Casarès dans Medea


    ■ Voir | écouter encore ▼

    Orphée et Médée. Approche comparative de deux gestes mythiques (Marie-Adélaïde Debray)
    → (sur YouTube)
    Medea de Pier Paolo Pasolini, avec Maria Callas dans le rôle de Médée






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  • Paul Valéry | [Rime]



    Excellent exercice qui finit dans le comique, au nadir de la poésie.
    Ph., G.AdC






    [RIME]



    Rime.

    L’idée fixe de la rime riche était bête — comme toute prescription qui établit son principe. Comme un principe qui s’oublie lui-même et tombe en fixité, en distraction immobile. Le principe est la musique du vers. La richesse de la rime peut y ajouter. Elle peut y nuire.

    Mais un élément étranger intervint. L’idée de faire de la rime riche un critérium mécanique. Artiste qui la respectait. Non artiste qui la sacrifiait. — Il en résulta des tours de force. L’association des idées la plus libertine, toute la rigueur au bout du verset et tout le reste, charivari des mots. Excellent exercice qui finit dans le comique, au nadir de la poésie.

    Il fallut bien s’en apercevoir et la riche rime creva.



    Paul Valéry, Poésie in Ego scriptor et Petits poèmes abstraits, Éditions Gallimard, Collection Poésie, 1992, page 77. Présentation de Judith Robinson-Valéry.







    Paul Valéry, Ego scriptor




    ■ Paul Valéry
    sur Terres de femmes


    30 octobre 1871 | Naissance de Paul Valéry
    30 mars 1917 | Publication de La Jeune Parque de Paul Valéry
    19 février 1924 | Conférence de Paul Valéry sur Baudelaire
    23 juin 1927 | Discours de réception de Paul Valéry à l’Académie française
    20 juillet 1945 | Mort de Paul Valéry




    ■ Voir aussi ▼


    la biographie de Paul Valéry sur le site de l’Académie française





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  • Chantal Dupuy-Dunier, Mille grues de papier

    par Angèle Paoli


    Chantal Dupuy-Dunier, Mille grues de papier,
    Éditions Flammarion, Collection Poésie/Flammarion, 2013.




    Lecture d’Angèle Paoli


    Origami Ainsi, chaque mot plié conduit-il le plus souvent à une image précise.








    LES POÈMES-ORIGAMIS DE CHANTAL DUPUY-DUNIER
    OU DE LA VERTICALITÉ DE L’ÉCRITURE





    Plier le temps déplier la vie et ses saisons, lier sa vie et ses mots | maux à ceux, lointains, d’une jeune leucémique du Japon, faire résonner des correspondances, se mettre en écho, c’est à ce travail de patience d’écoute et de silence que se livre Chantal Dupuy-Dunier dans Mille grues de papier.

    Composé de 644 poèmes (et non pas de mille), ce dernier recueil poétique interroge le passé — noms de lieux et de visages — le langage, les paysages quotidiens — villes et campagnes — , la poésie. Chantal Dupuy-Dunier coud le temps d’hier à celui d’aujourd’hui. Celui des autres et des proches au sien propre. Comment déplier ce qui se noue sous d’autres cieux et le lier à sa propre existence ? Les poèmes-origamis de Chantal Dupuy-Dunier sont une invitation à croiser | décroiser les feuilles entre elles, à s’immiscer entre les pages et à lier-délier-lire l’histoire qui se tisse d’un poème à l’autre de ce recueil. L’histoire de la poète, arrimée à la passion d’« une langue de haute flamme » / l’histoire d’une jeune leucémique japonaise — irradiée à Hiroshima et condamnée — qui tente de prolonger sa vie grâce à ses origamis :

    « Pour ne pas mourir,

    une fillette plie des grues de papier. »

    Travail de patience pour l’enfant à l’écoute du proverbe japonais qui dit : « Quiconque plie mille grues de papier verra son vœu exaucé ». Exercice vital, en osmose avec la progression de la maladie, et interrompu par la mort, survenue à la 644e grue.

    « Dans une larme,

    Sadako plie une grue aux ailes liquides.

    Dans la courbure d’une larme

    sa vie s’infléchit.

    Des globules blancs prolifèrent au ciel

    aux côtés des étoiles. »

    Travail de dentelle pour la poète qui décline la forme brève des poèmes — parfois proches du haïku — dans le silence de la « ligne claire ». Et ponctue, de temps à autre, par un vers consacré à Sadako. Leitmotiv léger, une même légèreté que celle des grues de papier pliées par la fillette sur son lit d’hôpital.

    « Sadako plie un oiseau dans une page du livre »/ « Sadako plie une grue / dans un souffle entré par la fenêtre. »/ « Sadako plie une grue dans un nuage. »

    Un même geste, précis et humble, semble conduire au pliage des grues de papier et à l’écriture du poème :

    (Parfois,                  une

    grue                       pliée

    dans                          un

    minuscule          carré)

    Une même ferveur guide l’une et l’autre, la poète et l’enfant. Question de survie pour la fillette dont la trame des jours se lit/se lie au pliage quotidien des grues de papier, passion des mots et du langage pour la poète. Ouvrir le jour à l’espérance de la vie, ouvrir la page à l’espace d’un poème, n’est-ce pas là une quête identique ? D’autant que la maladie cerne aussi Chantal Dupuy-Dunier. Et que la mort guette pareillement la poète et l’enfant :

    « La lune,

    ovoïde comme un nodule. »

    « Les couleurs se sont retirées.

    Partout, une lumière blanche en forme de nodule.

    L’univers tout entier ressemble à un nodule,

    ma pensée prend des allures courbes.

    Tenter d’apprivoiser la chose.

    Je ne suis pas un nodule,

    j’ai un nodule.

    Comment éviter la confusion

    entre les auxiliaires ? »


    et


    « Les doigts de l’enfant lui font mal.

    Elle repose ses bras sur le drap.

    Une grande aile passe devant ses yeux.

    Elle se tourne vers le mur

    et se tait. »

    Légères et inventives, les grues de papier ouvrent sur des espaces polysémiques. Elles drainent derrière leur confection toute une variété d’images. Échassiers, engins métalliques haut perchés, prostituées. « Vol de grues /qui fractionne le paysage », « Grues, qui peuplez la ville de vos bras levés », putain arpentant la rue ou « vieille prostituée racol[ant] au coin/ de la rue des Minimes. » Variations sur un même thème, oiseaux, fleurs, mots, collectés comme des images, constituent l’arrière-pays mental de Chantal Dupuy-Dunier. Un arrière-pays qui se construit sur la ligne fondamentale et fondatrice de la verticalité :

    « Toute verticalité me fascine,

    celle des bipèdes, semblables à moi,

    le pénis dressé d’une grue,

    le poème. »

    La verticalité du poème trouve son origine dans « la verticalité quotidienne d’écrire » et sa correspondance idéale dans l’oiseau :

    « Quoi de plus vertical que l’oiseau ?

    Les poèmes s’envolent de mes doigts. »

    Et l’« incise verticale de la pie » ne troue-t-elle pas momentanément la sérénité d’un soir d’été pour filer vers la voûte céleste et l’interroger :

    « Que se passe-t-il, là-haut,

         dans le Grand Nuage de Magellan ? »

    Ailleurs, par la magie des correspondances poétiques,

    « Les grues végétales des collines

    édifient le ciel,

    nuage après nuage. »

    Il arrive parfois que la verticalité soit interrompue et cède la place au trait contraire :

    « Blanches, les grues ont quitté nos terres

    pour celles du Levant.

    Long périple horizontal. »

    Mais la poète insomniaque ne tient jamais très éloigné le « vide vertical de la page ». Les grues portuaires, du reste, veillent. Pareilles à des « mâtures », elles dessinent la ville, prise dans une série d’instantanés.

    Ainsi certains poèmes saisissent-ils la vie dans le langage rude des villes, livrées aux fumerolles des cheminées d’usines et « encombrées de nombres ». Brutalité faite de cris et de trépidations, de bétonnières et de grisaille, images de chantiers en lieu et place du chant (« le i fait la différence »). « Arbres rigides au tronc creux », les « grues occidentales » qui grimpent vers le ciel ouvrent cependant d’autres espaces de lumière. Elles redessinent le paysage urbain saisi dans la variation des couleurs, « pastel du ciel », « fièvre des laves », « saturation des rouges ». Tableaux mouvants qui absorbent le soleil. Ainsi des poèmes qui portent les titres « Impression soleil levant » / « Impression soleil de midi » / « Impression soleil à l’occident » / « Impression soleil couchant »…, poèmes qui miment dans leur facture — dense et compacte, aérée ou en zigzags — l’impression dominante donnée par la captation de la lumière.

    D’autres paysages surgissent au fil de la pensée, paysages liés à l’enfance. D’autres lieux aujourd’hui délaissés, habités par le souvenir. « Objet tranchant      le poème » n’a-t-il pas pour fonction de déplier les images afin de les exhumer de leurs strates de silence, de les faire ressurgir le temps de quelques vers et, le temps d’un poème-origami, de ranimer les voix éteintes ? Encreux, Unieux, Bonnieux, le Rhône et son delta, usines et sirènes. Rêve et réalité se croisent se rejoignent se superposent mêlent leurs voix. Les mots glissent ricochent d’un jeu à l’autre ramènent soudain le monde de l’enfance. Ses jeux ses objets ses tendresses ses attentes. L’écriture du Rhône charrie avec elle d’autres langues au bruissement d’oiseaux ; d’autres eaux. Celles du Gange surviennent et le mot bengali porte en lui la « geôle » du père. Machine à remonter le temps, à le découdre, à le libérer de son ensablement, le mot « guerre » ramène les morts à la surface de la page. Cimetière et deuil font leur apparition, « corbeaux / étendant leur dais noir / d’un bout à l’autre du firmament. »

    Quant à Dieu, l’enfant comprend qu’il « plie mille grues blanches / pour que ses vœux se réalisent, / pour que l’homme continue à tomber malade / et que la guerre demeure sur terre. » Et s’en détourne. Ainsi, chaque mot plié conduit-il le plus souvent à une image précise.

    Quelle place, dès lors, pour l’inattendu ? Comment faire pour qu’un mot devienne autre, s’interroge Chantal Dupuy-Dunier ? Mais il en est des mots comme des objets anciens. Il faut aller puiser loin en soi pour les susciter afin qu’ils livrent à la poète la part d’existence secrète qui fait signe en elle.

    « Dans la soute,

    je choisis des mots.

    Ils sont là, bagages anciens,

    certains délaissés par ceux qui les ont remplis.

    Un monticule dense et instable.

    Je soulève, déplace, fouille,

    ouvre celui qui fait signe davantage.

    Pourquoi, à cet instant,

    celui-ci plutôt qu’un autre ? »

    Derrière ce doute et ce questionnement, j’entends la voix de Chantal Dupuy-Dunier. J’en perçois toutes les nuances et les inflexions. La lumière filtre à travers les branches du tilleul. Un sourire parvient jusqu’à moi.



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli







    Chantal Dupuy-Dunier, Mille grues de papier







    CHANTAL DUPUY-DUNIER


    Chantal Dupuy-Dunier



    ■ Chantal Dupuy-Dunier
    sur Terres de femmes

    Amiens (extrait de Des villes parfois…)
    [Traduire le dit des couleurs] (extrait de Cathédrale)
    [Au milieu du dessin bleu] (poèmes extraits de Mille grues de papier)
    [L’eau et sa mémoire] (extrait de Pluie et neige sur Cronce Miracle)
    [La grande pluie tropicale] (extrait de C’est où Poezi ?)
    25 octobre | Chantal Dupuy-Dunier, Éphéméride
    7 novembre | Chantal Dupuy-Dunier, Éphéméride



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de la mél [Maison des écrivains et de la littérature])
    une fiche bio-bibliographique sur Chantal Dupuy-Dunier
    → (sur Recours au poème)
    une recension de Mille grues de papier, de Chantal Dupuy-Dunier, par Gwen Garnier-Duguy





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