Étiquette : Collection présent (im)parfait


  • Anne Calas, Honneur aux serrures

    par Angèle Paoli

    Anne Calas, Honneur aux serrures,
    Éditions Isabelle Sauvage, Collection présent (im)parfait,
    29410 Plounéour-Ménez, 2016.



    Lecture d’Angèle Paoli




    « JE DÉBORDE À LA MARGE »



    Honneur aux serrures. Quel titre ! L’association est inattendue. Et si le lecteur pense trouver ici tout l’attirail du parfait serrurier, il sera vite déconcerté. Association de malfaiteurs, alors ? Non, bien sûr. Car il s’agit de poésie. La maîtresse d’œuvre de ce recueil est Anne Calas, dont les précédents ouvrages m’ont déjà sensibilisée à l’originalité de l’écriture. Avec ce dernier opus qui met les serrures à l’honneur, la poète, qui est aussi comédienne chanteuse jardinière, mécanicienne à ses heures (garagiste ?) et surtout grande amoureuse, poursuit son entreprise d’ouverture d’« espaces poétiques ». Et pour permettre au champ des possibles d’avoir lieu, il faut faire sauter les serrures. Les serrures antérieures. Celles du passé de la langue du langage de l’écriture. Et du sexe. Il y faut un optimisme lumineux, une confiance exubérante dans l’amour qu’elle porte à celui à qui elle dédie son livre (à Yves). « J’écrirai toujours pour toi », écrit-elle. Rien n’arrête Anne Calas. Rien n’arrête son élan son bonheur à dire et à nommer. Son bonheur est plénitude.

    Le déverrouillage se fait en deux temps (au moins) :

    « en hiver, au printemps, honneur aux cylindres ! »

    « à l’été, honneur aux serrures ! »

    Huilées par le sperme de l’amant, les serrures sautent :

    « Le grand foutroir et dans ma bouche le mur absorbe le soleil d’hiver. Une éponge de miel, un liquide marié de meringue sur le pont aux serrures. Yeux noirs de l’enfant Océan chérubin-charbon. Il est midi. »

    ou encore, côté femme :

    « si je pouvais l’être enfoui et chaque jour

    cet éblouissement de framboise écrasée

    cette sidération adolescente à la bouche charnue

    tendre douce

    qui sait con      tente       [tout] »

    On le comprend aisément, cet Honneur aux serrures est un long chant d’amour. Qui offre toutes les palettes du sentiment amoureux et en renouvelle l’énergie : fantaisies, exigences, tendresses, jeux sont conviés sans réserve… Même si le chant d’amour se construit « au milieu d’un grand vide »

    « parce qu’un beau jour un amour

    arrive ».

    Le chant s’ouvre sur des retrouvailles après un temps d’absence et s’enfle d’aveu en aveu avec des poèmes qui montent en puissance au cours des trois sections. La dernière étant, à mon sens, la plus exaltante. Et l’on passe de l’indécence candide et comique d’une scène réjouissante :

    « […] tu ris

    de me regarder

    danser sur le lit       pisser debout

    devant toi

    dans la lumière du matin »

    à la douceur extrême de la caresse

    « […] extravagante perception

    de l’amour, main pleine

    d’un duvet de cygne »

    pour s’affirmer dans la revendication :

    « Je revendique le droit d’aimer. Sans défense à la grille. Sans fruits déjà noués. »

    L’amour se décline à chaque instant, jusque dans cet aveu bouleversant :

    « Ce n’est pas grave si le temps passe, ce n’est pas grave.

    Je t’aime dans mes ruines. »

    Ainsi Anne Calas ose. Elle dit, suggère parfois plus qu’elle ne dit, avec des images fruitées, colorées, savoureuses, les suavités du sexe rendu à sa jeunesse adolescente. Joueuse, aussi. Elle joue avec les associations inattendues d’objets d’idées d’actions. Parfois jusqu’à l’incongruité mystérieuse dont seule la poète détient les clés :

    « Sous la cloche de verre une râpe, scories de temps, anneau de Saturne comme pleurerait le papier. »

    Dans le même poème, on trouve aussi cette sidération devant sa propre création :

    « L’illusion et la vérité, splendeur des mots sur la page et leurs bouleversements stellaires. »

    Le territoire qu’explore Anne Calas est riche — rivière / fleuve / lacs / terre / maison / « rideaux fleuris » / allées plantées d’arbres / jardin avec fleurs / mer… — qui se découvre dans la plénitude des saisons et dans la variété des plaisirs qui s’y déclinent. Gourmandises et saveurs, « brassée de pêches blanches », mais aussi petits bonheurs du jour qui se vivent dans le partage et dans la simplicité de la présence. Jusque dans le suspens des gestes :

    « tu es là, dans la cuisine, assis depuis longtemps,

    tu m’attends ».

    Dans les différentes sections du recueil (trois en tout), on trouve de quoi danser et rire, de quoi jouer et de quoi ravir l’amant :

    « et je te vois :

    sidéré devant ce gris-gris revenu du néant

    un soutien-gorge suspendu au lustre de l’entrée

    un feu de plein été… »

    En dehors de l’amant, on croise tout ce qui constitue le territoire intérieur de la poète. Tout ce qui a modelé ses goûts son caractère sa personnalité. Chanteurs et chansons, Alain Bashung et Bob Dylan, spectacles de jongleries (Rosie Rose), auteurs affectionnés. Henry Miller ; Samuel Beckett — Cap au pire ; mais aussi des poètes comme Mathieu Bénézet et Dominique Fourcade… Et d’autres encore, dont la présence se manifeste par des citations en italiques. Ainsi de ces deux vers :

    « mâchouillement obscur entre les ventres des bateaux amarrés », empruntés à La Naissance du jour de Colette.

    La toute première section de la première partie du recueil — « ceci est » — offre à elle seule un échantillonnage intéressant de ces paysages, y compris dans la forme du poème. Ainsi de ce poème qui commence comme un inventaire et se poursuit sur des équivalences inattendues alliant nature et mécanique, marquées par le signe = :

    « trois étoiles orangées

    un coussin        moelleux

    deux étincelles

    dans le carburateur =

    une maison un chemin collimateur à douze tilleuls

    six marronniers détonateurs ».

    Deux pages plus loin, la poète poursuit son jeu des associations où s’unissent les contraires :

    « les pavés débordent

    de pollens

    = territoires en pointillés ».

    Il arrive que la poète utilise les crochets. Elle y range quelques mots. Sans doute pour ménager un ralentissement, ou même une pause dans le rythme effréné qui est le sien. Cela prend parfois la tonalité d’un aparté. D’une confidence qui vient adoucir le contexte. Qui met l’accent sur l’intime :

    «[…] je m’allonge

    dos vibrant comme

    un champ électrique

    ouvrant sur [ma petite chambre]

    je t’espère — anatomie

    pont suspendu     mon amour »

    ou au contraire une insistance : « [je veux dire ça] » qui vient appuyer une métaphore culottée.

    « la maison flotte dans un printemps que l’été serre de près marque

    à la culotte [je veux dire ça] ».

    Je ne peux m’empêcher de sourire à ce « ça » qui me renvoie inévitablement au « ça » de Nathalie Sarraute. Je ris de la transformation qu’Anne Calas lui fait subir. Je ris aussi de la volonté attendrissante et têtue que manifeste la poète pour donner à sa « culotte » une présence dans le poème sans l’ajuster pour autant à un contexte travaillé. J’aime cette liberté de ton si particulière et tout compte fait, assez peu courante, qu’a Anne Calas dans son écriture.

    Il y a beaucoup à dire encore, tant est riche la foisonnante inventivité de la poète. Jusqu’où cette énergie débordante ? Lorsque dans le poème 15 de « absolutely sweet Mary », la poète écrit :

    « J’apporte enfin une chaise pour m’asseoir. »

    le lecteur est tout étonné de cet aveu inhabituel sous la plume d’Anne Calas.

    Ainsi lire ce dernier ouvrage et les poèmes qui le composent, c’est se laisser prendre dans le tourbillon de la vitalité de la poète, dans son énergie vitale, dans sa soif inextinguible de l’amour. C’est partager un moment de vie qui entraîne dans sa verve créatrice. Car, outre cette vitalité insatiable, Anne Calas a un talent fou. Et cet Honneur aux serrures est une promesse de plaisir pour qui accepte de pousser la porte. Un plaisir qui va croissant au fur et à mesure que l’on progresse dans l’aventure qu’elle nous livre. Sans retenue, avec la prise de risque que cela comporte.

    Entrer dans les « paysages/intérieurs » d’Anne Calas, c’est faire le choix du multiple. Il y a bien sûr des lieux de prédilection parmi lesquels la maison au pied du Ventoux, ses « effarements d’ailes », ses « persiennes angéliques », ses « sauges bleues » et ses « accélérations verticales ». Mais il y aussi des écarts qui se vivent au-delà des cartes, hors lignes :

    « je déborde à la marge »

    écrit Anne Calas. Des écarts comme je les aime, ceux que je retrouve dans le tout petit poème suivant :

    « silence

    tout se défait

    il tiède encore immaculé

    presque personne ici ».



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli






    Anne Calas, Honneur aux serrures







    ANNE CALAS


    Vignette anne calas





    ■ Anne Calas
    sur Terres de femmes


    [Mon île fantastique et joyeuse] (poème extrait de Déesses de corrida)
    Val cosmique (autre poème extrait de Déesses de corrida)
    [Ni princesse, ni d’hier ni d’aujourd’hui] (extrait d’Honneur aux serrures)
    Littoral 12 (lecture d’AP)
    Yves di Manno | Anne Calas | [par transparence d’une vitre] (extrait d’Une, traversée)




    ■ Voir aussi ▼


    le site personnel d’Anne Calas
    → (sur le site des éditions Isabelle Sauvage)
    la page de l’éditeur sur Anne Calas





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  • Anne Calas | [Ni princesse, ni d’hier ni d’aujourd’hui]



    [NI PRINCESSE, NI D’HIER NI D’AUJOURD’HUI]





    Ni princesse, ni d’hier ni d’aujourd’hui ni se
    sentir, mais dans le vent une petite fellation
    blowing blowing. Une mèche sur le front,
    rectifier ta cravate, aplatir ton col, pincer ta
    veste. Un brin de fil blanc scrute les petites
    oreilles compliquées, paupières, narines.
    Contre la fatigue, l’éclat souvent doux de tes
    prunelles bleues, plage dactylographiée en
    trois langues regardant sur toi comme un
    gardien de musée. Et si j’étais un palace,
    viendrais-tu me visiter ? Je n’entends rien, la
    nuit est nue.



    Anne Calas, “blowing, blowing”, 11, in Honneur aux serrures, Éditions Isabelle Sauvage, Collection présent (im)parfait, 29410 Plounéour-Ménez, 2016, page 122.






    Anne Calas, Honneur aux serrures







    ANNE CALAS


    Vignette anne calas





    ■ Anne Calas
    sur Terres de femmes


    Honneur aux serrures (lecture d’AP)
    [Mon île fantastique et joyeuse] (poème extrait de Déesses de corrida)
    Val cosmique (autre poème extrait de Déesses de corrida)
    Littoral 12 (lecture d’AP)
    Yves di Manno | Anne Calas | [par transparence d’une vitre] (extrait d’Une, traversée)




    ■ Voir aussi ▼


    le site d’Anne Calas
    → (sur le site des éditions Isabelle Sauvage)
    la page de l’éditeur sur Anne Calas





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  • Violaine Guillerm | [La vague devient vague]




    [LA VAGUE DEVIENT VAGUE]




    La vague devient vague. Tous les êtres s’y baignent.

    Les mots seront progressivement blancs, hissés de couleurs comme ça qui se posent. Et au creux, miroiter. Particulièrement. Sur un coin d’heure. Dans un bruit de fracture et d’eau, vibrant, vibrant, nos cris de survivants. La vague tente, contraint, fleurit. Une grandeur, une candeur, quelle cohue, co-errance.

    Mille corps devenus, qui sourient près du neutre, soupiraient. Ta bouche à ma bouche, qui te détoure et aussi me détoure. Point contre point, quelques bonds. Flottaison. Tant de fleurs. Nos réelles approximations. Elle s’étend, la ligne, et tu ne l’étrécis. Entre les points et les points, au presque, propice, l’invention qui jouait, jouait comme une éternité.

    Comme de petits moteurs, le cousu des cascades, toi et moi non diminués de la mer. Revêches, adaptées, nos mains amadouées. Rose cri. Bijou clair. Clair rouge offert. Rouge strette.

    L’heure sonnait. Tout était dense, opaque, en bruine.
    Les orteils gigotent.
    Encore ce souffle, les herbes à travers la pierre, nos bouches mues, des murs à nouveau anciens.



    Violaine Guillerm, Note étrangère, Éditions Isabelle Sauvage, Collection présent (im)parfait, 29410 Plounéour-Ménez, 2016, pp. 17-18.







    Note étrangère





    VIOLAINE GUILLERM


    Violaine Guillerm
    Source



    ■ Violaine Guillerm
    sur Terres de femmes

    [seulement me voilà] (extrait de Scordatura)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions Isabelle Sauvage)
    la page de l’éditeur sur le recueil Note étrangère







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  • Laurine Rousselet, Nuit témoin

    par Angèle Paoli

    Laurine Rousselet, Nuit témoin,
    éditions Isabelle Sauvage,
    Collection Présent (im)parfait,
    29410 Plounéour-Ménez, 2016.



    Lecture d’Angèle Paoli


    LAISSER CRISSER « LA DISTANCE SANS TRÉBUCHER »




    Nuit. Nuit témoin. La nuit accueille. Elle vibre en long poème haletant. Traversée de rage de désir de désespoir. La poésie de Laurine Rousselet habite la page. Strophes délimitées par des interlignes de blancs. Une possible respiration pour reprendre haleine, entre le heurt et le choc des énumérations où s’affrontent le rouge du sang qui alimente les massacres, tueries et horreurs qui abreuvent les jours et s’enflent au cours des nuits, et le bleu de l’espoir (peut-être ?) qui tente d’exister au cœur même du chaos.

    Crire crisse pareil au cri qui se lit en sourdine dans la rage violence du désir qui sourd et perle à même la peau, sexes noués confondus jusqu’à l’extase avant que de se séparer et de rendre chacun à sa solitude première. Écrire/crire/crier pour dire l’absence, ce vide insoutenable qui ronge jusqu’à la fuite la folie la fureur. Crire pour parfois laisser place au sommeil des enfants, à leurs rires à leurs jeux. Crire la vie ses bonheurs ses déchirements, et les larmes qui perlent au fil des vers.

    « quelques perles de jais sur ma table

    dans les yeux tout le papier de la nuit couché »

    « tant de sueur perlée devant le pas de la porte

    coller sa bouche à l’esprit qui s’absente

    en vrac tenir parole »

    C’est à ses deux enfants que Laurine Rousselet dédie Nuit témoin. Amalia et Elias. Ils sont là, endormis au creux des nuits, dans le silence de leurs rêves. La vie se lit dans les soupirs de leur respiration, redonnant un peu de courage à celle qui le cherche sous le flux de l’encre. Car seule la ferveur rageuse de l’écriture ramène la mémoire sur la frontière entre un passé incompréhensiblement défunt et un présent incertain soumis à la course effrénée qui se livre. Seul le crire peut rendre à la jeune quarantenaire — « quarante trente et un décembre tourbillonnent / sentir passer quand la voix se durcit » — l’exaltation de jadis, celle qui lui permet encore, malgré la déchirure, de prolonger en apnée sa survie. Son passé d’amoureuse éclate, sexes emboîtés dans le délire de l’alcôve. Sueurs de l’amour liqueurs partagées dans l’intime accolement de la chair, perles du désir accrochées à la peau, autant de signes du partage, fusion de feu qui continue de hanter la chair à vif de la brûlure :

    « l’absence au présent connaît ton visage

    le buvard immaculé d’encre

    tes doigts sur mon cou qui lui parlent

    descendent pour s’enfoncer

    faire disparaître »

    Par-delà l’intime, Nuit témoin recueille. Héritière de la vie, elle reçoit, condensé d’émotions, témoigne de ce qui déchire et qui hante, ces naufrages humains qui jamais n’ont de cesse :

    « le présent déborde d’effroyable

    sans contours flous

    tremper la vue un instant

    sur cette bouillie humaine

    se figer devant l’impensable

    jour après jour

    physiquement »

    Et au cœur de la nuit, se heurter à l’indicible, mots sans voix qui résistent ; musèlement de l’écriture, incapacité à « crire » :

    « s’ensuit la salve de ma langue verrouillée

    les signes condamnés dans la ferraille »

    Sous la force de la dévastation, il arrive que le « je » tente une percée. Mais la mise à distance se heurte à l’échec. Sa propre reconstitution échappe à la poète :

    « à chaque écroulement

    je m’inconnue »

    Insoluble et résistante, ancrée au cœur du poème, la négation s’impose dans sa force persistante, obtuse :

    « les visions ne surmontent rien

    telles des apostrophes pourfendant l’air

    elles vagabondent

    ni plafond

    ni bonne santé

    ni trou

    ni coups d’horloge

    tout est corps et objet entièrement nu »

    Et toujours la nuit assiste :

    « les poignets se balancent dans le noir

    nuit témoin ».

    Parfois, sous la déchirure, perce la voix de l’autre, l’être de désir et de feu, égarement des langues qui se mêle à la fureur blessée. Et partout, dans ces poèmes haletants, sans ponctuation ni trêve, ce qui draine l’errance et conduit la poète, c’est la fuite. Une fuite éperdue dont l’écriture porte les marques, course sans fin ni frein qui se lit à travers l’énumération de verbes d’action à l’infinitif :

    « sauter dans la vie

    les deux pieds trempés d’incertitude »

    « ravir les lettres culbutées

    les assembler

    comme une mémoire projetée »

    « se détourner de l’évasion

    pour emporter le cœur loin de la perte »

    « affronter la suavité

    débaucher l’irrévocable

    cavaler au rythme du crachat

    et de l’acharnement »

    « Cavaler ». Cavaler sans relâche. Cavaler sans cesse pour échapper à ce qui blesse. Et, pour cela, répondre aux injonctions permanentes incrustées dans la pensée. Autant de signes qui se manifestent ; incitant la poète à affronter. À trouver en elle la force d’aller de l’avant, malgré tout, par le travail et par l’écriture :

    « oublier la chambre où la pluie tombe

    sortir trois pages par jour

    pour se lancer à la poursuite du froid »

    et conserver intact ce condensé de trace que garde la « nuit témoin » ; indice de présence de l’autre, afin de prolonger par-delà l’exil, par-delà la stupeur et la souffrance, ce qui demeure encore de la langue aimée, de la langue perdue :

    « reste le feu dans la voix rauque

    un sourire enroulé à nos deux alphabets

    par la porte le ciel qui répète à nos yeux

    la chance dans force et éclats »

    Crire crier écrire laisser crisser « la distance sans trébucher », telle est la quête éperdue de Nuit témoin, poème trait d’union entre l’avant et le maintenant, écriture-passion ancrée/encrée sur « l’indéchiffrable », long abandon livré au temps d’une course effrénée, tourbillon que rien n’arrête, trouées de rouge qui cherchent leur respir dans « l’obscurité bleuissante de la chambre ».

    Nuit témoin est nuit charnière où abriter la « sidération ».



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli






    Rousselet_nuit







    LAURINE ROUSSELET


    Laurine Rousselet par Hubert Haddad
    Hubert Haddad,
    Portrait de Laurine Rousselet, 2006





    ■ Laurine Rousselet
    sur Terres de femmes


    [le concret s’avance au creux de la main] (extrait de Nuit témoin)
    [la débâcle vient du réel] (extrait de Journal de l’attente)
    [en haut du temple] (autre extrait de Journal de l’attente)
    [franchir la porte] (extrait de Ruine balance)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    [illisibilité afflux soulèvement]



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur le site Pierre Campion)
    une lecture de Nuit témoin de Laurine Rousselet, par Laurent Albarracin
    → (sur lelitteraire.com)
    une lecture de Nuit témoin de Laurine Rousselet, par Jean-Paul Gavard-Perret
    → (sur le site de la mél, Maison des écrivains et de la littérature)
    une fiche bio-bibliographique sur Laurine Rousselet
    → (sur le site des éditions Isabelle Sauvage)
    la page de l’éditeur sur Nuit témoin de Laurine Rousselet
    → (sur le site de France Culture)
    Laurine Rousselet : l’effractionnaire (L’Atelier de la création | 14-15, 18 juin 2013)
    → (sur le site de France Culture)
    Laurine Rousselet dans Ça rime à quoi de Sophie Nauleau pour Journal de l’attente (17 novembre 2013)
    → (sur Levure littéraire 12)
    Laurine Rousselet, Syrie, ce proche ailleurs (note de lecture d’AP)
    → (sur lelitteraire.com)
    un entretien de Laurine Rousselet avec Jean-Paul Gavard-Perret







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  • Isabelle Baladine Howald | [Je — court à la mort]




    [JE — COURT À LA MORT]





    Je — court à la mort


    (devancer sans fin la scène des adieux, je —
    court devant— les mains et bras tendus ouverts
    pour/contre)

    Je ne veux pas que le jour commence je ne veux pas
    que le jour finisse        à chaque mort je       pense
    non, pas pensée       mais       épreuve de l’aube et du soir


    Relever, relever
    Ne pas s’en relever. Mais relever : survivons comme /
    les deux extrêmes —


    va — ferme ces doux yeux / — ne sache pas — je me / charge —    continue — / et tu vivras —, me demandant comment vivre avec celui qui travaille dans la forêt — celui qui coupe les arbres ou recueille la sève — avec le faucheur d’herbes, avec le photographe ou le peintre, celui qui écoute ou celui qui parle,  avec celui qui rit aux larmes sur la photo ou celui qui tient sa tête dans ses mains — celui des figurines. Avec le petit mort. Je me souvenais de ceux avec lesquels j’avais vécu, auprès desquels je ne dormais pas

          et je devenu le cheval frappé



    Isabelle Baladine Howald, Hantômes, I, éditions Isabelle Sauvage, Collection présent (im)parfait, 29410 Plounéour-Ménez, 2016, pp. 12-13.







    Howald_hantomes






    ISABELLE BALADINE HOWALD


    Isabelle Baladine Howald
    Source




    ■ Isabelle Baladine Howald
    sur Terres de femmes


    La Douleur du retour (note de lecture d’AP)
    [Je pense à toi qui n’a plus de corps] (extrait de Fragments du discontinu)
    Mouvement d’adieu, constamment empêché (note de lecture d’AP)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions Isabelle Sauvage)
    la page de l’éditeur sur hantômes







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  • Jacques Roman, Proférations

    par Isabelle Lévesque

    Jacques Roman, Proférations,
    Éditions Isabelle Sauvage,
    Collection présent (im)parfait,
    29410 Plounéour-Ménez,
    2015.



    Lecture d’Isabelle Lévesque




    Ce que l’on prend pour ma voix est la
    voix d’un étranger qui rapporte le récit d’un idiot
    plein de bruit et de fureur. […] Oubliez mon visage, mes
    larmes, mais n’oubliez pas la voix qui ne m’appartient pas, la
    voix incarnée de l’humaine inspiration.


    Jacques Roman,Revue des Belles Lettres, 2012, n°2.



    Placer la voix sur la portée, dans l’action véritable, plurielle. Inverser le cours : « De la faux à la voix » car « je profère en faucheur ». Ce n’est pas une maxime, mais le tour de Jacques Roman. Entre l’abandon et l’élan, énoncer : abattu alimente le surgissement de la parole, « la surprise d’être dressé parlant ». Cette station debout qui d’homo erectus en homo sapiens fit l’homme marchant, courant, chassant et terrorisant « la savane », permit le développement de son cerveau et fit naître la voix « avant le feu ». Le poète se redresse et parle, il renouvelle ce geste de résistance et de vie. Au début fut fait homme, un « soc », conquérant, un soc d’os, arme tranchante. La parole (poétique) : de cet ordre. Voilà ce que nous indiquent les deux pages en italique qui précèdent le corps du livre. Treize textes à dire, dont certains déjà publiés, en arpentant la scène du monde tant que.

    Place à la parole ancestrale, phylogénique et nue-ponctuée, proférée, redite si son élan le requiert. Elle sera : prophétie nourrie d’origine, claire et sonnante. Le poète écrit à haute voix, parfois à voix-cri. Le mot « voix » autour du feu danse, ou sur la phrase se jette, juxtaposé. Comme « mort », décliné, « une voix emportée », pythie à naître ? Proximité de sons : amour, mortel ; proférations déjà sur ce seuil qui fait battre des syllabes proches, « une voix vivante au cœur du corps ».

    Les saisons emportent la voix des aimés, mouvement de nature, mais faire « tourbillonner » la voix « dans l’ouragan », c’est la reconnaître comme sienne. Elle résiste au « souffle de la mort », lu comme oxymore, c’est le vent, le souffle qui balaie car cette voix « hante » (vit). Requiem, non, la voix : ce qui reste, même si le nom sur la pierre n’est plus lisible ou le carnet « effacé », car l’angle bouge et brasse, le support résigné ne montre plus rien. La « voix vierge », sainte de son humanité intangible, parcourt les lieux : jardin, crique, chambre, tout endroit traversé par elle. Elle devient ce qui fonde et résiste. Le poète traversé restitue la naissance, sa voix est « une épaule, un ventre, un sexe », « sans souci de » : en une, toutes, « ni mienne ni tienne », universelle et « l’éternité recommencera ».

    Rester « coi ». La seconde profération prend le contre-pied de la voix. Regarder ce qui demeure, même tu. Développé en « ça », détermination sujette à l’indéfinie matière (des pissenlits), aux soucis (mouron), à ce qui coince, « le travers de sa gorge » jusqu’à « ci-gît », « en attendant que couic ». L’énumération agite les mots sorciers coincés espérant une avancée et « ça piétine ». De Narcisse en Brassens (« les trompettes mal embouchées de la renommée »), tout ramener vers soi pour rester coi dans son vomi inaltéré, de prophète en cigüe, de « pitrerie » en tragédie vendue, d’ores et déjà consumée. L’altération du tout amenuisé, les concaténations l’avalent pour le recracher, faut-il s’en soucier ? Reliés par la voix proférant-muette, alternant de petits riens agglutinés en prose désaxée, la langue n’est pas sept fois tournée. Préceptes ou lieux communs retournés au degré zéro du dire, « ni vu ni connu », alimentent le texte à la façon de. La rature avait nourri un livre précédent de Jacques Roman, édité par Isabelle Sauvage, autre présupposé… Ce qui fut supprimé a construit ce qui est, la voix qui fuse charrie la boue des mots qui feront le terreau chamboulé de chiendent pour pousser (le cri). Alors c’est dialogué, sans ponctuer, car pas ralentir, ça court sous la peau : c’est proféré, de loin, de près. Théâtre dans son enchaînement de didascalies jetées, fosse pleine de cris du haut-parleur activé, machinerie, machiniste, logorrhée, cris d’oiseaux engorgés mal dégrossis, « idiot ligoté » – les mots. Jubilation organique, jouir d’écrire d’une traite à rabattre caquet de couper. Respirer.

    Autre constante en scène, le sang : la langue verse les globules mêlés, le rouge, le blanc. En gorge, style télégraphique réduit à ânonner (« stop »), minimal message au télégraphe passé, moulinette du texte, ou bien, parenthèse ouverte sans être fermée, la longue énumération de topiques broyés, « la poussière nous mord », et la langue joue les calembours variables pour être secouée (« Les mots malades de la peste molle », salut à La Fontaine). Quelle maladie pour cette syntaxe qui oublie les subordonnées au profit d’une parataxe en expansion constante ?

    Mal profond, une colère à libérer les démons, les mots orchestrés sont devenus fous. Folie assumée, proférée, comme préférée au logos imparable qui nous broie. Le noir, « le mot loup et le mot trou le mot trou et le mot clou », pas que les sons, « cet amour engendré du courroux quand au palais va la langue au duel et c’était défi défi contre mots mous ». La langue est libre.

    « qu’une voix en arme vous reconduise au lit de l’imagination qui vous enfanta et que nous revienne la tonalité comme le sang au cœur, qu’elle nous revienne sur les sols à jamais dépeuplés d’aide où poussent les pleurs »

    Proférations en cela de violence à dire intact sans moudre, mouler, assagir. Dire en avant le texte, sur scène, sans jouer, les répliques à inventer. « JE M’APPELLE ÉTRANGER », langage battu, « craché » à devenir inclusif, le répéter. Rage contre le sort réservé à ceux qui (pas « comme nous », les fous, les étrangers pas d’« ici »). Rage contre les puissants, ceux qui cadrent la vie et forment les rangs.

    Montaigne interrogeait : « Qui mit jamais à tel prix, le service de la mercadence et de la trafique ? Tant de villes rasees, tant de nations exterminees, tant de millions de peuples, passez au fil de l’espee, et la plus riche et belle partie du monde bouleversee, pour la negotiation des perles et du poivre : Mechaniques victoires. » Il dénonçait les crimes commis au nom du profit. Jacques Roman en reprend les termes et saisit son bâton :


    « se tailler un bâton de vie de vie le bâton dernier bâton de noisetier bâton de colère sainte et saint bâton musclé déterminé à tenir à distance larageuse mercadence et la trafique le spectacle la comédie la foireuse représentation de la vanité rampante devant l’or en son théâtre »


    Le poète acteur parleur diseur est aussi lecteur : Samuel Beckett, Guy Debord et Montaigne, Molière et Michaux dans son Grand Combat… Il faut se battre, se débattre. Dans un entretien radiodiffusé 1, Jacques Roman affirme que « la poésie commence avec l’injustice et donc avec la colère ». Cela commence avec l’enfance. Aussi. Le bâton, il est ici/là/partout dans cette profération, c’est celui de l’enfant qui gardait les vaches dans les montagnes d’Auvergne, bâton de travail et de jeu (mais c’est aussi celui du Père Ubu). Bâton qui assomme, bastonne et fait fuir ceux qui frappent l’enfant à coups de tisonnier et tous ceux qui ont la main sur nous, qui offensent et qui humilient.


    « bâton maniant terre et maniant monde contre monde maniant en rêve bâton contre salauds contre pape contre curé contre chef contre votre honneur bâton outil sceptre bâton paysan contre canne à pommeau et canne-épée canne à poison et canne-crosse / bâton de vieil enfant »


    Langue débridée d’un poète généreux, donc rageur, à la langue proliférante « pour se familiariser avec la mort » (Bataille à la rescousse) ? Profération née de stupéfaction ou : « Plus m’enlise et plus m’enlise », « créature de quel marécage ? ». La question posée montre la langue écorchée, la fin en questions lancées plusieurs fois par « quoi », sujet de phrases hébétées, Beckett et ses fantômes jouant la question.

    Ni ne se calme ni ne se modère, Jacques Roman.

    Une dernière section chavire le tout : les morceaux laissés pour morts, enlisés, profèrent les avatars assoiffés des parties du livre (toutes les voix), les auteurs lus, leurs personnages, saluent à la fin. Vivants, ils entendent en cortège mêlé le défilé des voix, chœur hypertrophié « de nos morceaux », « legs dûment signé » des proférations. Tous ces faucheurs sont aussi des semeurs au geste large qui disent : « Salut et adieu ! » Agonie superbe avant de partager avec Cesare Pavese « ce long, très long et merveilleux silence ».



    Isabelle Lévesque
    D.R. Texte Isabelle Lévesque
    pour Terres de femmes




    ________________________________
    1. Deux entretiens à retrouver sur Cultur@ctif






    Jacques Roman, Proférations






    JACQUES  ROMAN


    Jacques Roman 2




    ■ Jacques Roman ▼
    sur Terres de femmes

    Le là embrase son corps (extrait de D’entente avec oui)
    [La rature, accouplée à la jouissance d’écrire] (extrait de le dit du raturé/////le dit du lézardé)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le Cultur@ctif Suisse)
    plusieurs pages sur Jacques Roman dont une notice bio-bibliographique
    → (sur Terre à ciel)
    un dossier Jacques Roman
    → (sur letemps.ch)
    un entretien avec Jacques Roman




    ■ Autres notes de lecture (54) d’Isabelle Lévesque
    sur Terres de femmes


    Max Alhau, Les Mots en blanc
    Marie Alloy, Cette lumière qui peint le monde
    Gabrielle Althen, Soleil patient
    Françoise Ascal, Noir-racine précédé de Le Fil de l’oubli
    Edith Azam, Décembre m’a ciguë
    Gérard Bayo, Jours d’Excideuil
    Mathieu Bénézet, Premier crayon
    Véronique Bergen, Hélène Cixous, La langue plus-que-vive
    Claudine Bohi, Mère la seule
    Paul de Brancion, Qui s’oppose à l’Angkar est un cadavre
    Laure Cambau, Ma peau ne protège que vous
    Valérie Canat de Chizy, Je murmure au lilas (que j’aime)
    Fabrice Caravaca, La Falaise
    Jean-Pierre Chambon, Zélia
    Françoise Clédat, A ore, Oradour
    Colette Deblé, La même aussi
    Loïc Demey, Je, d’un accident ou d’amour
    Sabine Dewulf, Et je suis sur la terre
    Pierre Dhainaut, Après
    Pierre Dhainaut, Ici
    Pierre Dhainaut, Progrès d’une éclaircie suivi de Largesses de l’air
    Pierre Dhainaut, Vocation de l’esquisse
    Pierre Dhainaut, Voix entre voix
    Armand Dupuy, Mieux taire
    Armand Dupuy, Présent faible
    Estelle Fenzy, Rouge vive
    Bruno Fern, reverbs    phrases simples
    Élie-Charles Flamand, Braise de l’unité
    Aurélie Foglia, Gens de peine
    Philippe Fumery, La Vallée des Ammeln
    Laure Gauthier, kaspar de pierre
    Raphaële George, Double intérieur
    Jean-Louis Giovannoni, Issue de retour
    Cécile Guivarch, Sans Abuelo Petite
    Cécile A. Holdban, Poèmes d’après suivi de La Route de sel
    Sabine Huynh, Les Colibris à reculons
    Sabine Huynh, Kvar lo
    Lionel Jung-Allégret, Derrière la porte ouverte
    Mélanie Leblanc, Des falaises
    Gérard Macé, Homère au royaume des morts a les yeux ouverts
    Béatrice Marchal, Au pied de la cascade
    Béatrice Marchal, Un jour enfin l’accès suivi de Progression jusqu’au cœur
    Jean-François Mathé, Retenu par ce qui s’en va
    Dominique Maurizi, Fly
    Dominique Maurizi, La Lumière imaginée
    Emmanuel Merle, Dernières paroles de Perceval
    Nathalie Michel, Veille
    Isabelle Monnin, Les Gens dans l’enveloppe
    Jacques Moulin, L’Épine blanche
    Cécile Oumhani, La Nudité des pierres
    Emmanuelle Pagano, Nouons-nous
    Hervé Planquois, Ô futur
    Sofia Queiros, Normale saisonnière
    Pauline Von Aesch, Nu compris





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  • Stéphane Korvin | [on déplace les muettes]



    [ON DÉPLACE LES MUETTES]




    on déplace les muettes, on essuie les chutes, on renverse les chaises, la table ressemble à une petite pièce noire, l’ombre descend jusqu’à la cave

    le verbe blottir

    les causes se sont immobilisées, dans le lit tu me cherches des mains

    « quand que je ne serai plus là » reste un grand bruit

    cela n’existe pas les petits coffres murés qui claquent sous la peau ?

    tu m’offres la pluie, l’entrain et une trêve, leurs masses s’échangent : « nous ferons du feu avec nos corps »

    nous le ferons sans boire puisque que j’ai les lèvres brûlées




    Stéphane Korvin, Noise, éditions Isabelle Sauvage, Collection présent (im)parfait, 29410 Plounéour-Ménez, 2015, page 72.






    Noise






    STÉPHANE KORVIN


    Korvin_stephane
    Source



    ■ Stéphane Korvin
    sur Terres de femmes

    [le vent se bombe] (poème extrait de bas de casse)



    ■ Voir aussi ▼

    le site de Stéphane Korvin
    → (sur le site des éditions Isabelle Sauvage)
    une notice bio-bibliographique sur Stéphane Korvin




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  • Gladys Brégeon | [Ce que je ne voulais pas être]



    À contempler les failles
    Ph., G.AdC







    [CE QUE JE NE VOULAIS PAS ÊTRE]




    Ce que je ne voulais pas être
    Ceux que je ne voulais pas être

    Ce qui en moi demeure

    Ce qui est en soi

    À nos dépens

    Nous laisse sans voix

    Pour écouter
    Pour dire

    D’où l’on vient
    Où l’on va




    À contempler les failles
    Silencieusement
    Sidérales

    Et habiter
    Racines à l’air
    Des espaces recouverts
    Par deux générations de saisons.



    Gladys Brégeon, J’ai connu le corps de ma mère, Éditions Isabelle Sauvage, Collection présent (im)parfait, 29410 Plounéour-Ménez, 2015, pp. 14-15.






    Gladys Brégeon, J'ai connu le corps de ma mère






    GLADYS BRÉGEON


    Gladys-bregeon1
    Source



    ■ Voir aussi ▼

    le site personnel de Gladys Brégeon
    → (sur le site des éditions Isabelle Sauvage)
    une notice bio-bibliographique sur Gladys Brégeon
    → (sur le site des éditions Isabelle Sauvage)
    la fiche de l’éditeur sur J’ai connu le corps de ma mère





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  • Chloé Bressan | [je couds et recouds le même labyrinthe]




    [JE COUDS ET RECOUDS LE MÊME LABYRINTHE]



    Attirée par ta manière, ciel d’ailleurs resplendissant, grand quand tu te lèves, si étendu. Depuis trois ombres revenues, je couds et recouds, le soir, le même labyrinthe. Nos mains deviennent un projet irréaliste. Ce même projet de hâte qui démystifie les dangers. Je me mets à découdre tous les désirs d’avenir. Aux ciels couchés le long des heures sur les chemins, aux herbes, tu laisses, tes bottes, ta montre, tes notes, ton sac à provisions, tu laisses, tes angles, tes mines, tes travers, tes démons, tu laisses. Je me mets à parler de toi comme si j’habitais le chas de l’aiguille cousant l’éclat sur ta chemise, tu la laisses, elle aussi. Bien sûr qu’on abandonne l’enfant à ce moment-là. Bien sûr tu te redresses, drapé d’un nouveau décor en toi-même, tu laisses le panier d’osier, les noix, les colliers d’ail, tu laisses les sirops d’alcool, les macérats, ton tabac, tu laisses même les fruits sur l’arbre. Tu laisses sur la margelle de quoi recoudre quelques heures, devenues poisseuses, à la limite de ne plus voir la substance inconnue des femmes. Suis-je, parmi elles, celle qui t’apaise le plus ? Sans retenir ton nom, sans te demander si l’ange s’est lavé dans la sauge pendant que tu chantais. Depuis trois ombres revenues, je cous et recouds, le soir, le même labyrinthe. Dédale, je t’appelle, dédale.



    Chloé Bressan, Claire errance, Éditions Isabelle Sauvage, Collection présent (im)parfait, 2015, page 23.






    Chloé Bressan, Claire errance







    CHLOÉ BRESSAN


    Bressan_chloe2
    Source



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions Isabelle Sauvage)
    une notice bio-bibliographique sur Chloé Bressan
    → (sur le site des éditions Isabelle Sauvage)
    la fiche de l’éditeur sur Claire errance
    le site de Chloé Bressan





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  • Anaïs Bon | François Heusbourg | [ Le chemin qui passe par la forêt et par les champs ne varie guère]




    [LE CHEMIN QUI PASSE PAR LA FORÊT ET PAR LES CHAMPS NE VARIE GUÈRE]




    Le chemin qui passe par la forêt et par les champs ne varie guère. Là, l’aubépine, là le poirier aux fruits surs. Je m’y promène toujours en silence, cherchant une réponse à mes propres pensées, dans l’invention d’un compagnon qui n’a jamais été donné à cette solitude. Ombrage, source, chien, et le premier village traversé, et les derniers cent mètres du retour n’ont jamais connu nos échanges.

    Car si nous marchons là, sur ce même parcours où nos pas marquent la terre grasse, ce n’est pas le même chemin. On retrouve pourtant l’aubépine, la poire, la source à voix claire sous son appentis de bois ; pourtant la pente.

    À la forêt et aux champs ta présence enlève une chose : le vide où tombe ma pensée restée sans réponse, et l’obligation de t’inventer.






    Le masque de l’absent
    Ph., G.AdC






    J’habite tout l’espace de ma solitude
    en songe je conquiers                des habitations
    qui se dérobent
    les livres sont à terre, la poussière tirée sous les meubles
    je ne sais plus qui de moi ou de ma vie regarde l’autre
    par la fenêtre

    les vêtements retrouvés sont un peu courts
    dehors, le jour s’endort
    le temps de rêver est le temps d’être seul
    ceux que je croyais à mes côtés sont partis
    les compagnons véritables se dévoilent
    ils portent le masque de l’absent

    « qui chuchote mon nom »



    Anaïs Bon | François Heusbourg, seul / double, éditions Isabelle Sauvage, Collection présent (im)parfait, 2015, pp. 12-13.







    Seul double






    ANAÏS BON


    Anaïs Bon



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions Isabelle Sauvage)
    une notice bio-bibliographique sur Anaïs Bon
    → (sur le site des éditions Isabelle Sauvage)
    la fiche de l’éditeur sur Seul / double






    FRANÇOIS HEUSBOURG


    François Heusbourg 3




    ■ François Heusbourg
    sur Terres de femmes

    extraits d’Hier soir publiés chez Æncrages & Co
    d’autres extraits d’Hier soir
    [ma peur perce les pieds](extrait de Zone inondable)
    Zone inondable (lecture d’AP)



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