Étiquette : Collection verte


  • Jacques Vandenschrick, Livrés aux géographes, 5, 10, 24


    LIVRÉS AUX GÉOGRAPHES
    (extraits)







    5.



    Dans la chambre, on croit voir les ombres des danseurs semblant encore s’exercer à la barre. Dehors, le lin sombre de la nuit est venu border les épaules comme feraient deux paumes innocentes. S’avancer dans les pelouses, comme on s’enfonce dans une lecture de loups. Ne plus entendre ce bruit d’éperons que fait sans fin le monde. Et très loin, entre les arbres, voir les fragments du fleuve, dalles d’étain immobile…





    10.



    Les fruits sur les claies odorantes. Les seins lourds et beaux entre les étoffes. Le jardin rangé. Les derniers ordres entendus dans le soir avec les seaux cognés qu’on retourne et qu’on emboîte. On rentre vers les étages et la supplique des cordes. On croit entendre les moutons au loin mais c’est la nuit qui est venue, rassemblée près du seul réverbère qui lutte avec sa boule de lumière jaune. Et c’est plus qu’un signe. On attend le troupeau dans la cour, demain. Ce soir déjà, les muets vont dormir dans les deux bergeries.

    Il n’a toujours pas neigé.





    24.



    Oh ! Tellement devineresses et rieuses, qui descendaient en se tenant aux branches du verger repenti, s’approchant dans le bruit des citernes par les couloirs du printemps, tellement blanches, seins alourdis de fleurs sous les lanternes. Tout s’envolait. Elles disaient : « Le vent doit se déshabiller. » Mais quand s’approchaient les garçons, elles se taisaient nues. Obscurcies de fourrés, se gardant d’être vues, rêvant pourtant de l’être, chacune frissonnant. Puis s’en allant monter sur l’épaisseur du fleuve.



    Jacques Vandenschrick, Livrés aux géographes, 5, 10, 24, Cheyne éditeur, Collection verte, 2018, pp. 21, 26, 40. Frontispice d’Alexandre Hollan.







    Jacques Vandenschrick  Livrés aux géographes



    JACQUES VANDENSCHRICK


    Jacques-Vandenschrick
    Source




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site de Cheyne éditeur)
    la page de l’éditeur sur Jacques Vandenschrick
    → (sur Les belles phrases)
    une lecture de Livrés aux géographes par Philippe Leuckx
    → (sur Terre à ciel)
    une page consacrée à Jacques Vandenschrick





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  • Mikaël Hautchamp | [Étreinte par un signe]


    [ÉTREINTE PAR UN SIGNE]

    Étreinte par un signe,

    avec la tour devenue livre, et la vallée devenue liane, avec la rumeur des tourments, le signe du secret gravé en pointillé dans le sable d’attente, elle passait par le rêve, le jeu de leur évolution, avec le sang des cathédrales, avec la plaine en colline, et le moteur devenu fronde, fougère du sérail, cahotant de reprise, avec un ciel de migraine, et ce recul des attentes, elle dansait le possible, la mue fréquente de leur monde, elle rêvait par sa danse le timbre du moment,

    avec le lieu devenu vide, et la vallée encore vallée, elle dansait les orbites, la crèche sans retour d’un rythme de spirale,

    elle était lionne, moteur à vif, prière de rails, voile d’un tissu décomposé, elle était bond, saut de la ligne, cheval d’attribut affublé de valises, quai d’ombre, poutre de seuil devenue rat, sirène d’avenir, regard baissé par la peur de déplaire, désir passé au crible des banquettes, des rebonds de combat, elle voyait par sa danse le jeu d’évolution que les rêves des autres portaient comme une offrande.



    Mikaël Hautchamp, Le Vol des oiseaux filles, 31, Cheyne éditeur, Collection Verte, 2019, pp. 48-49. Prix Max Jacob 2020.





    Mikaël Hautchamp  Le Vol des oiseaux filles 3



    MIKAEL HAUTCHAMP


    Mikaël Hautchamp portrait 2





    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site de Cheyne éditeur)
    la page de l’éditeur sur Mikaël Hautchamp





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  • Dominique Sorrente | [Les rideaux]




    Rideaux
    « Certains, parmi les gens,
    tirent les rideaux en plein jour »
    Ph., G.AdC







    [LES RIDEAUX]



    Les rideaux.

    S’ils étaient offerts et sans repli, les yeux
    tomberaient à la renverse,
    malades, exténués sans doute de trop d’horizon.
    Comme les portes
    dont ils sont la réplique souple, chiffonnée,
    ils isolent et laissent passer.

    Certains, parmi les gens,
    tirent les rideaux en plein jour,
    parce qu’il faut être séparé du soleil
    pour mieux sentir comment les corps remuent
    à faire l’amour.



    […]



    À certaines heures,
    les yeux des gens se ferment
    pour éprouver le monde du dedans,
    ils disent que c’est leur manière
    de croire à une habitation,
    ils disent aussi parfois le mot prière,
    le mot refuge.

    Avec eux, ils se fabriquent une porte
    par où ils passent de l’autre côté.
    on voit à peine leur solitude
    quand elle s’étire d’une lampe à une autre
    démesurément.



    Dominique Sorrente, « Ils sont les gens » in Les Gens comme ça va, Cheyne éditeur, Collection verte, 2017, pp. 28-30.






    Dominique Sorrente  Les Gens comme ça va





    DOMINIQUE SORRENTE


    Dominique Sorrente
    Source




    ■ Dominique Sorrente
    sur Terres de femmes

    [À défaut de livre, au moins cette promesse de poème] (poème extrait d’Il y a de l’innocence dans l’air)
    C’est bien ici la terre (note de lecture de Laurence Verrey)
    C’est la terre
    Écueils
    J’écris comme on décide par fragments
    [je suis celle qui se voue à la flamme]
    Je t’envoie ma chanson des jours bleus
    Le temps sans rideaux
    [L’humeur est passe-partout] (extrait de Tu dis : rejoindre le fleuve)
    Pays sous les continents
    Le Scriptorium | Portrait de groupe en poésie





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