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  • Giovanni Orelli | Su un insondabile verbo



    SU UN INSONDABILE VERBO



    Sono come svuotato, arso, come un fiasco
    che suoni fesso, e se ne duole e se ne lagna
    col tavolo di cucina un non santo bevitore;
    sono lavagna dei sei anni col suo pieno fitto di belle
    lettere, da una maestra nella veste della legge,
    scancellata ; sono, tenuto a vista dalla balaustrata,
    dai chierichetti in bianco, il mite mentecatto
    il muto, il fuco, il cattolico astinente che elegge,
    per onorare la memoria, la religione « di una volta »,
    una volta all’anno di comunicarsi:

    e sono qui, mia Pasqua del 10 luglio, dall’ a alla zeta
    a farmi rana, per un’ora pentita e contrita, al momento della lingua
    in fuori, a recitare il non sono degno… Riuscirò a tenere in serbo
    curvo tornando in fondo ai banchi dei pubblicani
    una di quelle lettere, per comunicarti, per me e pei figli
    lontani e così vicini, un insondabile verbo? Sii tu il poeta
    che decripta quel segno, anfibio come rana, lasciando vivere
    la rana! Non scancellare I silenzi dei pantani. Sii Iddio che legge
    nel fondo ai peccatori suoi. Sii tu, per noi, un giorno
    che duri un anno, della lettura muta, lieta.





    SUR UN VERBE INSONDABLE



    Je suis comme vidé, desséché, comme une fiasque
    qui rendrait un son fêlé, et ce n’est pas un saint buveur
    qui s’en désole et s’en plaint à la table de la cuisine ;
    je suis l’ardoise de mes six ans toute pleine de belles
    lettres serrées qu’une maîtresse en représentant de la loi
    efface ; je suis, gardé à vue de la balustrade,
    par des enfants de chœur en blanc, le doux idiot
    le muet, le faux-bourdon, le catholique abstinent qui choisit,
    pour honorer la mémoire, la religion d’« une fois »,
    de la communion une fois par année :

    et je suis ici, mes pâques du 10 juillet, à me faire
    grenouille de A à Z, une heure repentie et contrite, au moment
    de sortir la langue, à réciter le je ne suis pas digne… Réussirai-je
    regagnant courbé le fond des bancs des publicains à conserver
    une de ces lettres, pour te communiquer, pour moi et pour les enfants
    lointains et si proches, un insondable verbe ? Sois le poète
    qui décrypte ce signe, amphibie comme la grenouille, en laissant vivre
    la grenouille ! n’efface pas les silences des marais. Sois Dieu qui lit
    dans le fond du cœur de ses pécheurs. Et toi, pour nous, un jour
    qui dure une année, de la lecture muette sois heureuse.



    Giovanni Orelli, « Courante, 2 » in Concertino pour grenouilles [Concertino per rane, Edizioni Casagrande, CH-Bellinzona], La Dogana, Collection « Poésie », Collection dirigée par Florian Rodari, Genève, 2005, pp. 28-29. Traduction de Jeanclaude Berger et texte italien.






    Giovanni Orelli






    GIOVANNI ORELLI (1928-2016)


    Giovanni Orelli 2
    Source



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur viceversalittérature.ch)
    une notice bio-bibliographique (en italien) sur Giovanni Orelli
    → (sur RTS, Radio Télévision Suisse francophone)
    émission Haute définition (7 septembre 2014) – Giovanni Orelli : « Apprendre une langue nationale, un acte de foi ! »






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