Étiquette : Couleurs femmes


  • Martine Cros | Burned in/out




    IN ... OUT
    « Y a-t-il naufrage, y a-t-il quête ? »
    Diptyque photographique, G.AdC







    BURNED IN/OUT





    IN



    Brûle la neige
    Poudre
    l’aile
    révoquée
    Tu plonges
    Sais-tu parler encore
    comme un bambin
    gorgé de mère la langue
                                  des origines
    Sais-tu danser
    sur l’écoulée de jours muets
    Tu savais bien pourtant
    t’habiller d’aubes offensées
    pour ne pas que le froid te meure
    Le pardon
                          tyran asservi à lui-même
                          ramassis de serments
                          collier sans fermoir
    Égare-le
    Ta nuque est si belle nue




    Sommeille le bleu à ton âme
    Que la vague             la voici                la vague
    à haute voix              la vague
    la voilà                       la brûlure
    commissure de cris sans douleur
    entre l’hémisphère des peurs
    et celui de l’aberration




    Ta quête s’est rouée
    de coups bas
    d’épreuves d’immondices
    et de réveils crâneurs
    où le baiser s’échoue




    Y a-t-il naufrage, y a-t-il quête ?




    Vague de cœur
    Mortel est ton chant
    Descellement de banalité
    Coulis de sang sacré qui pleure
    pleure dans ta paume glacée
    Écrin de visions chancelantes
    Cassure du collier des craintes
    Déferlante
    qui soustrait la douleur
    pour mieux l’abattre sur ton ventre




    Brise-la
    Repose ton corps de velours
    en mue




    OUT




    Martine Cros
    À Sainte-Marie, le 2 mars 2010
    poème inédit pour Terres de femmes (D.R.)





    MARTINE CROS


    Martine Cros
    Ph. D.R.



    ■ Voir aussi ▼

    aller aux essentiels (le blog de poésie de Martine Cros)
    → (sur Levure littéraire n° 2)
    une page consacrée à Martine Cros





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  • Lydia Padellec | La mère




    Seule dans sa cuisine | elle aime regarder la lune
    Ph., G.AdC







    LA MÈRE



    Tôt le matin
    la mère lève les plis
    de sa peau
    les yeux s’attardent
    sur la rondeur
    de la lune





    Seule dans sa cuisine
    elle aime regarder la lune
    l’odeur du café
    assombrit la pièce


    pas un murmure
    ne vient troubler
    le lever du jour





    Sur la table traversée
    de lumière
    l’empreinte de doigts
    des enfants
    caresse sa mémoire





    […]





    De la lumière du jour
    elle mesure le poids
    des sourires
    et dans la fenêtre close
    surprend le reflet
    de ses lèvres




    Lydia Padellec
    poèmes inédits pour Terres de femmes (D.R.)





    LYDIA PADELLEC


    Lydia Padellec
    Ph. © Philippe Barnoud



    Née en 1976 à Paris, Lydia Padellec est poète, haïjin, plasticienne. Passionnée par les livres d’artistes, elle a créé en 2010 les éditions de la Lune bleue, consacrées aux poètes et artistes contemporains. Nombreuses publications en revues et anthologies en France et à l’étranger. Parmi ses derniers recueils : La Maison morcelée (Le bruit des autres, 2011) et La Mésange sans tête (Éclats d’encre, 2012), Et ce n’est pas la nuit (éditions Henry, 2013), Entre l’herbe et son ombre (Titre provisoire) [éditions Henry, 2014] – Prix des Trouvères des Lycéens 2014, Et la poussière tremble comme une petite fille (La Porte, 2014), Un doigt sur les lèvres, haïkus (éditions unicité, 2014), Mélancolie des embruns (Al Manar, 2016), Cicatrice de l’Avant-jour (Al Manar, 2018), Mémoires d’une enfant dérangée (éditions Lunatique, 2020).




    ■ Lydia Padellec
    sur Terres de femmes


    Dans la nuit profonde du jour (extrait de Cicatrice de l’Avant-jour)
    Entre l’herbe et son ombre (Titre provisoire) [extraits]
    « Île muette » (extrait de Mélancolie des embruns)




    ■ Voir | écouter aussi ▼


    Sur la trace du vent, le blog personnel de Lydia Padellec
    le site des éditions de la Lune bleue
    → (sur le site de la Maison des écrivains et de la littérature)
    une notice bio-bibliographique (+ des extraits)
    → (sur La Pierre et le Sel)
    un entretien avec Lydia Padellec





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  • Laure Cambau | Sans pourquoi



    Hôtel sans fenêtres 11
    Ph. D.R.
    Source






    SANS POURQUOI

    (Zone portuaire)



    Sans pourquoi je cherche
    le cœur en beurre de l’homme en carton
    parti fleur au sexe et soutane frénétique
    à travers les champs de pierre
    évangéliser bergères et troupeaux
    coupant le soleil en quatre
    je cherche et chemine
    contant aux herbes aux pissenlits et aux ruisseaux
    mes élucubrations amoureuses
    et suivant sans pourquoi
    la bave du premier escargot qui passe

    je cherche l’amour qui raye
    et mon double au chômage
    l’ange plat d’avant le miroir
    sans pourquoi
    sans jamais pouvoir lâcher trace
    sans pourquoi je cherche
    l’homme-calendrier à effeuiller
    dans ma pègre cosmique
    un poinçonneur d’au-delà
    dénervée par mes pas

    je cherche sans pourquoi la sortie par l’entrée
    à la sortie du couloir
    les yeux se mettent en marche
    le corps se remplit du noir de la route
    sans pourquoi je cherche
    l’hôtel borgne où tu réparais les tuyaux
    sans pourquoi je cherche
    le quai des fruits qui sèchent
    loin du jour et sans pourquoi
    l’hôtel sans fenêtres
    la montagne de bitume de rues et de routes
    un tas posé là sans pourquoi
    mes oiseaux me dévorent
    avec urgence



    Laure Cambau
    Poème inédit
    pour Terres de femmes (D.R.)






    LAURE CAMBAU


    Laure Cambo
    Ph. Laure Cambau (D.R.)




    ■ Laure Cambau
    sur Terres de femmes

    Ma peau ne protège que vous (lecture d’Isabelle Lévesque)
    Pèlerin
    Tombeau de Janis
    tekké (extrait du Manteau rapiécé)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site du Printemps des poètes)
    une autre fiche bio-bibliographique
    → (sur le site de Claude Ber)
    une page consacrée à Laure Cambau (invitée du mois de juin 2010)



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  • Magda Cârneci | Culte postmoderne

    Printemps des poètes 2010 – « Couleur femme »

    « « «  Anthologie poétique Terres de femmes (74)




    Le doryphore supposé de Igor Mitoraj
    Ph., G.AdC






    CULT POSTMODERN


    Nu vor fi ceşcuţe fine de China aburind ceai de opiu
          nici petale de şofran pe un altar indian de piatră bătrînă.
    Broaşte ţestoase de Galapagos nu vor fi transformate în supă
         nici maimuţe pitice dresate să cînte cînd li se despică fin căpşorul.
    Nu vor alunga norii de ploaie radioactivă spre Sahara
         şi nici o uriaşă sferă de foc nu va fi plantată în Groenlanda.


    Nu ne vor înfige electrozi amari pe limbă încă de la şcoala primară
         nici nu ne vor înmulţi pe alese în mici borcănaşe de sticlă.
    Nu ne vor cabla pe unii cu alţii la computerul universal
         la miliardele sale de monitoare
    Pe care să se vadă naşterea unei noi religii
         simultan pe întreaga planetă.
    Nu, nu, ei nu ne vor decît Binele.


    Iar noi, omizi moi în labirinturi aseptice
         căutînd disperat o ieşire din marele experiment cripto-celest
         sub lumina orbitoare a milioane de sori, milioane de biţi,
    Tot nu ne vom transforma în translucide fiinţe
         hotărîte să se înalţe, să zboare
         spre cosmosuri mai clemente.
    Ci, ca demni urmaşi ai gîndacului de Colorado,
         postistoric, liric şi predivin,
         vom lua cu asalt pereţii laboratorului
                                                             îndreptîndu-ne victorioşi, ordonat, spre bucătărie.







    Le Doryphore d'Igor Mitoraj à Aix-en-Provence
    Ph., G.AdC






    CULTE POSTMODERNE


    Il n’y aura pas de petites tasses de Chine embuées par le thé d’opium
         ni de pétales de safran sur un autel indien en pierre ancienne
    Les tortues des Galápagos ne seront pas distillées dans la soupe
         ni les petits singes dressés à chanter lorsque l’on fend délicatement leur crâne
    Nous ne chasserons pas les nuages de pluie radioactive vers le Sahara
         et aucune sphère immense de feu ne sera plantée en Groenland


    On ne nous enfoncera pas d’électrodes amères dans la langue à l’école
         on ne nous multipliera pas au choix dans de petits pots de verre
    On ne nous câblera pas les uns aux autres pour nous relier à l’ordinateur universel
         avec ses milliards d’écrans
    où l’on verra la naissance simultanée d’une nouvelle religion
         dans le monde entier
    On ne cherchera que notre Bien.


    Et nous, jeunes chenilles dans des labyrinthes aseptiques
         cherchant désespérés une issue pour échapper à la grande expérience céleste
         sous la lumière aveuglante de millions de soleils, de millions de bits,
    Nous ne nous transformerons toujours pas en êtres lucides, translucides
         décidés de s’élever, de voler
         vers des cosmos moins douloureux.
    Mais, dignes successeurs du Doryphore,
         lyrique, post-historique et pré-divin,
         nous prendrons d’assaut les murs du laboratoire
                                                             nous dirigeant victorieux et ordonnés vers la cuisine.


    Traduit du roumain par Linda Maria Baros


    Magda Cârneci
    Texte inédit pour Terres de femmes (D.R.)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de l’écrivain Claude Ber)
    une page consacrée à Magda Cârneci
    → (sur le site de la Maison des écrivains)
    la fiche consacrée à Magda Cârneci
    → (sur le site des éditions de Corlevour et de la revue Nunc) une fiche bio-bibliographique sur Magda Cârneci et deux autres liens


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    (Printemps des poètes 2010 « Couleur femme »)

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  • Gabrielle Althen | Une fois le gris devenu l’autre versant du bleu





    Blanc comme une cathédrale
    Ph. angèlepaoli





    UNE FOIS LE GRIS DEVENU L’AUTRE VERSANT DU BLEU


    Une fois le gris devenu l’autre versant du bleu
    Malgré les jours bavards
    Et bijoux qui contrent la terreur
    Il faudra inventer des repères
    Parce que l’histoire se fane
    As-tu vu cela ? dis-je à mon fils
    As-tu vécu ? demande le poète ?
    Indemnes sont les choses
    Indemne le moment
    Et la question embellie par le vent
    On a vu bien des larmes vaporisées par les lointains
    De quoi avons-nous donc besoin ?
    Et de quoi avoir peur
    Lorsque l’histoire se fane
    Hors la question de la question ?
    Et c’est le cœur qui murmure
    En connivence avec le serpent qui le mord
    Mais la beauté reste imparable
    De temps à autre une tiédeur se retourne
    Et l’air bâtit sa cathédrale
    Blanc comme une hésitation
    L’été crisse autour d’un buisson de silence
    As-tu vu ? dis-je à mon fils
    As-tu vécu ? demande le poème
    Qui donc attend le timbre de sa voix ?


    Gabrielle Althen
    Texte inédit pour Terres de femmes (D.R.)



    GABRIELLE ALTHEN



    ■ Gabrielle Althen
    sur Terres de femmes

    La Cavalière indemne (note de lecture d’AP)
    L’isole (extrait de La Cavalière indemne)
    Sans titre
    Soleil patient (lecture de Matthieu Gosztola)
    Soleil patient (note de lecture d’Isabelle Lévesque)
    Corps à corps (poème extrait de Soleil patient)
    Vie saxifrage (extrait)
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    un autre poème extrait de Vie saxifrage



    ■ Voir aussi ▼

    → (dans la Poéthèque du site du Printemps des poètes) une fiche bio-bibliographique sur Gabrielle Althen




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  • Marie-Claire Bancquart | En Angleterre




    Une muraille un mur
    Ph., G.AdC






    EN ANGLETERRE


    En Angleterre restent        les restes d’un grand mur triste
    vieux de deux mille ans.

    Ici les Romains ont arrêté leur avance
    ils l’ont édifié, contre les invincibles Barbares au corps peint.

    On hésite        Le gris confond
    ciel et terre.

    Les pierres sont
    presque indiscernables.

    Mais on les touche

    et le cœur a mal
    d’autres murs       plus récents       à travers le monde.

    Nulle part on ne sentirait aussi fort
    qu’il fait
    partout
    violemment antihomme parmi les hommes.



    Marie-Claire Bancquart
    Texte inédit pour Terres de femmes (D.R.)





    MARIE-CLAIRE BANCQUART


    Bancquart
    Image, G.AdC





    ■ Marie-Claire Bancquart
    sur Terres de femmes


    Intervalle ( d’Avec la mort, quartier d’orange entre les dents)
    Buis
    Liturgique (poème extrait de Dans le feuilletage de la terre)
    Ressac (autre poème extrait de Dans le feuilletage de la terre)
    [Ces gants anciens] (poème extrait de De l’improbable)
    [Habiter l’herbe et le trèfle] (poème extrait de Figures de la Terre)
    Figures de la Terre (lecture d’AP)
    Impostures (lecture d’AP)
    [Comment vivre dans une maison sans jardin] (extrait de Qui vient de loin)
    [Qu’avez-vous fait] (poème extrait de Terre énergumène)
    [Il y a du jeu] (poème extrait de Tracé du vivant)
    [Une ville aimée luit et crie] (autre poème extrait de Tracé du vivant)
    [Toi, l’herbe] (poème extrait de Violente vie)
    Violente vie (lecture d’AP)
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    portrait de Marie-Claire Bancquart (+ un poème issu du recueil La Mort, quartier d’orange entre les dents)




    ■ Voir aussi ▼


    le site personnel de Marie-Claire Bancquart



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  • Michèle Dujardin | Naissance





    Bellmer
    Source





                                                                      Naissance






    dans les toilettes des morts, la petite fille au placenta de plâtre accouche avec son baigneur sous le bras ; pas une âme, ni foulard ni main chaude, les quatre coins sont vides –     seule la bouche-citerne s’agenouille, toutes dents dehors, pompes aspirantes bâillant au bout des tentacules,  à  même la nuit d’urine et de  chlore qui ronge les socquettes de fil –

    accoudées à la cuvette, les brindilles blanches se couvrent de marbrures, luttent contre l’hiver, et tigelles des poignets, duvets, manches ballon s’égarent dans les frises, les robinets et les siphons, puis retombent avec le souffle, tremblant désastre de plumes, d’ailes, douleur disjointe par le milieu, contre la porte – mais le néon étripe l’esclandre, l’étale de la plinthe au plafond, alors appels et cris, dans la tête, sous les côtes, se figent

    sur le devant de la robe, au balcon de smocks, des doigts de géants ont déchiré les coutures, cassé leurs ongles dans les fronces,   les crins des mouchoirs de deuil raclent la peau et cisaillent les roses, disséminent sur la neige graines de chiendent et de folle avoine : au jardin des rires jamais éclos, chaque jour que Dieu fait, l’hiver est précoce

    barrettes et frissons dans les rubans défaits, cheveux clairs roulés sur les ramilles, phalanges de craie, tout se tait – parfois un bredouillis dans sa bulle de bave remonte, l’entendent les murs quand ils prêtent l’oreille, mais  le  néon  veille,   gobe  l’œuf,  pulvérise   le germe  :

    dans les seins, quelque chose casse, d’un coup

    du placement aux outrages, le dedans est dehors, là, dans la flaque entre les pieds où les genoux observent des coquelicots flottants, démembrés au coupe-coupe, règles tendues par leur absence même, dans la nuit sidérée, dormie les yeux ouverts avec rage et sans réparation

    sous la poussée des palmes, de l’horizon du trou noir aux parois carrelées du monde, l’univers-île se dilate dans son pochon de sang, les boutons de bottine s’affolent, des ampoules s’allument autour du crâne mou, entre les pieds dans la flaque plus trace du cygne, plumage dégrafé, col rompu au lacet de cuir il a fondu sous le jet, chassé vers la bonde par les vents de latex aux doigts d’anges faits – t’inquiète petite, plus à faire, faits

    d’ailleurs, les nausées t’accouchent seules de caillots de plâtre – pieds pris dans les volants de ta chemise, tu étouffes le matin sous les coussins pressés, les pelletées de terre, et tu vois partout dans tes draps le polichinelle toutes bosses devant courant à son affaire – le néon du côté gauche, découpe des berceaux de fer pour naissances sous X à figures de gravats : pures présences accusatrices, index pointé sur ton carnet de notes

    fille brève à l’hermine défunte, au coquelicot interné dans la tête de bois, ta dot est d’ardoise, de dînette ébréchée pour vendredi maigre, de prières inversées dans les tiroirs,   dans les moulins depuis la nuit des mères – reins de douleur que cette masse, pour les mères, courbées en deux, à chaux et à sable cette poisse, à chaque lune, pour chaque fille de mère, cette lie de ventre, de sang, de fond de poche à baigneur qui recommence

    fille non avenue, comme ton avenir ton passé est bréhaigne, se conjugue comme lui au présent perpétuel : ils sont cette veuve sans âge, visiteuse d’enfants placés sous le corset, dans le giron noir

    le baigneur se dévisse, arc-boute ses bras creux à la colonne de faïence – dans sa tête il fait sombre : un cornet à dés où les yeux tombent sur des glissoires molles – parfois, plein front, une idée l’attaque, d’infanticide ou de fessée, coudre la bouche, brûler le sexe, souder les paupières – pousser à l’envers, revenir à la terre

    le baigneur n’a pas d’âme où se regarder, il montre ses blessures à chaque claquement de porte : là, dans l’aine ouverte à la pointe du compas,   les élastiques inutiles, ici,  par les doigts grignotés l’air qui siffle,  là,  les cheveux peints qui s’écaillent, et ce rêve des chiffons de chair arrachés à deux mains du palais-dévidoir – toutes tâches sans mots, car le baigneur vorace est en avant de la langue, il ne l’entend pas, il n’entend que sa faim, sa bouche qui mâche le vide

    seule accroupie dans le plâtre,  sur la flaque,  la petite fille flotte,   alors qu’accouche d’un placenta de coquelicot ce corps inconnu aux orifices déplacés, au visage improvisé, aux frontières délayées fuyant vers la bonde, elle flotte accroupie, petite pousse, elle fille, rassemble bras, pétales emportés, tiges dédoublées, lèvres fendues et pousse, mais que voit-elle dans leurs toilettes, entre les cuisses, quand les morts lui tendent le miroir : un éclair, un couinement, un rongeur, car nul ne s’arrête à sa hauteur, pas une âme au fond de l’eau, et dans son angle mort, le baigneur est interdit, la nuit déjà partie, demain fini – quant au jour, il est introuvable




    Michèle Dujardin

    Texte inédit pour Terres de femmes (D.R.)





    MICHÈLE DUJARDIN


    ■ Michèle Dujardin
    sur Terres de femmes


    Et bleu est je


    ■ Voir aussi ▼

    abadôn, le site de Michèle Dujardin
    → (sur le tiers livre)
    un extrait de abadôn


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  • Anne-Lise Blanchard | Elle est à marée

    « « «  Anthologie poétique Terres de femmes (70)




    ELLE EST À MAREE
    Ph., G.AdC






    ELLE EST À MARÉE



    Elle est à marée

    basse

    sans odeur

    ni chant

    ni sang qui affabule


    elle s’épuise à

    remonter

    en courant

    un lait de fange

    jusqu’au corps de

    la lettre dont elle ne peut

    dans son résidu

    syllabique

    que tenter d’encore

    tenir la couleur




    Anne-Lise Blanchard

    Texte inédit pour Terres de femmes (D.R.)





    ANNE-LISE BLANCHARD


    Anne-Lise Blanchard
    Source



    ■ Anne-Lise Blanchard
    sur Terres de femmes

    [Combien de joies vivons-nous en une vie ?] (extrait des Jours suffisent à son émerveillement)
    Les jours suffisent à son émerveillement (lecture de Michel Ménaché)
    Éclats
    Le Soleil s’est réfugié sous les cailloux (lecture d’AP)
    [Hurlements sirènes] (extrait du Soleil s’est réfugié sous les cailloux)



    ■ Voir aussi ▼

    le site personnel d’Anne-Lise Blanchard
    → (sur le site du Printemps des poètes)
    une fiche bio-bibliographique de la Poéthèque sur Anne-Lise Blanchard




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  • Françoise Clédat | Je vis une histoire d’amour



    JE VIS UNE HISTOIRE D’AMOUR






    B POUR FRAN-OISE CL-DAT
    Ph., G.AdC



    1



    Je vis une histoire d’amour

    Pas d’autre signe vers où l’on va que
    FATIGUE
    piquer de la tête vieille à la veillée condescend l’enfant quoi d’obscur en si condescendante pitié le trouble ou
    SOLITUDE
    m’allège me dévaste c’est selon je dis à l’ami je dis à rené un jour d’hiver rouler jusqu’au petit lac désert rires et cris entre les troncs cela fut
    m’alourdit d’être encore sans l’être plus
    PRÉSENT le
    réel tête comme une outre les corps s’éprouvent d’avoir éprouvé les sens d’avoir ressenti je dis à rené l’ami
    c’est même c’est autre ma légèreté de vieillir c’est cette histoire que je vis

    Une fin encombre mes mains ce qu’il faut que j’en fasse
    chose
    dans
    mes mains comme partage des eaux
    découpe les eaux bois sombres reflet sombre des bois plus qu’eau la lumière de l’eau
    yeux mi-clos je dis à l’ami
    qu’histoire m’envole sans épaule où me retenir
    sur l’ombre s’avance
    île tranchante lancéole lumineuse jupe de fée n’est pas la
    FIN
    marquée de la fin que jupe mon
    ENVOL

    je vis une histoire d’amour

    Mains ouvertes indécises leur mouvement de tenir
    quoi
    cette chose
    mais qu’elles le doivent perle à leurs branches gris et vieilles mousses tout le
    CIEL
    immense
    piqueté de menu
    comme un front sous l’humide

    je vis une histoire d’amour



    2



    Non intacte du vécu non épargnée
    par lui
    non assujettie
    n’est pas égréner la mince verticale mot à mot recomposant la
    phrase je dis à l’ami je dis à rené je ne peux que doute soudain me poigne plus fulgurant que
    VÉRITÉ

    Quatre jours enfouie
    à peine de sous les décombres à mains nues sortie
    entonne le chant de grâce
    à peine à mains nues une femme de sa bouche le
    CHANT
    jailli

    À peine tous autour
    ― gémissement des mutilés sans morphine
    silence des morts sous les décombres
    Dey o ! M ap rele dey o. Ayiti
    à même les rues

    tous autour
    faisant partie du chant
    le reprenant

    À même les rues à même le deuil ayiti la vie
    mains nues
    jaillie

    Je vis une histoire d’amour est l’amour que je vis







    Cerveau multitude
    et le corps
    se traîne
    sommeil fiction qu’entre mes cuisses revienne
    ne vienne pas
    en chaque silhouette qui passe
    la virtualité d’une rencontre
    approfondit l’instant

    Une femme fume assise à la terrasse du café / un homme s’asseoit au soleil sur un banc de la gare / attend son train

    Café terminus décor nul / Plus rien où le regard s’avive
    Arrivée de voyageurs / Des couples se rejoignent / Regagnent deux par deux les voitures / Manoeuvre des cars/ Plus rien à nouveau

    Je vis une histoire d’amour

    Je dis à l’ami je dis à rené Plus rien est infini d’où librement
    rassembler (extraire ? cueillir ?) le
    TOUT
    est cette histoire d’amour que je vis

    Paix que rien ne trouble
    hors la perte
    Paix que rien ne déchire
    hors l’absence
    Paix pauvre qui est un luxe cinq enfants traversant la place de la gare ni pierre intifada ni roquette ni balle hors cette balle d’un enfant à l’autre rebondie

    Je dis à l’ami je dis à rené le soleil sur le visage c’est par le visage de cet homme que cette femme à l’ombre de la terrasse le sent

    Je dis à rené je dis à l’ami voix haute ou basse parler est sans écho toute voix onde
    virtuelle à moins que ne ricoche sur d’autres voix
    réels éclats

    Sur la place de la gare discrètement pleure
    un vers de Verlaine

    Je vis une histoire d’amour


    Françoise Clédat
    (extraits d’un livre en cours d’écriture)
    Texte inédit pour Terres de femmes (D.R.)





    FRANÇOISE CLÉDAT


    Fran-oise Cl-dat



    ■ Françoise Clédat
    sur Terres de femmes

    L’Adresse de Françoise Clédat | Portrait d’Iseut en survivante (note de lecture de Marie Fabre)
    Quoi de toi mort quand mort ? (extrait de L’Adresse)
    La nuit de l’ange (note de lecture d’Angèle Paoli sur L’Ange Hypnovel)
    L’Ange Hypnovel (extrait)
    EtnaXios, autour de l’oiseau-fauve-vautour de Françoise Clédat (note de lecture d’Angèle Paoli)
    (où le chant sans l’organe) (extrait de EtnaXios + notice bio-bibliographique)
    [Disparition] (extrait de Petits déportements du moi)
    Une baie au loin (Turnermonpère) [note de lecture d’Angèle Paoli]
    (maintenant je git) [extrait d’Une baie au loin]
    Du jour à personne
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    le Portrait de Françoise Clédat (+ un extrait de EtnaXios)



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  • Judith Chavanne | L’enfant était à venir



    J'entends parfois d-j- le silence comme un appel dans la maison
    Ph., G.AdC





    L’ENFANT ÉTAIT À VENIR


    L’enfant était à venir,
    nous entrions sans fin dans un jardin.

    Je n’ai pas souvenir qu’alors nous nous retournions.

    L’enfant qui se regarde aujourd’hui au miroir
    n’y voit plus son front ;
    il faudra fixer la glace plus haut sur le mur.

    Le dimanche, nous étendions sur l’herbe
    une couverture large comme nos après-midi.

    J’entends parfois déjà le silence
    comme un appel dans la maison, où toujours sera
    l’empreinte aérienne de vos voix.

    Hier, demain dans nos cœurs se fondent, mais
    ce n’est plus pour que s’y épanouisse
    le temps de la rose, dont la couleur vire, vire…

    Le temps s’affole, bat la chamade dans les cœurs.


    Judith Chavanne
    Texte inédit pour Terres de femmes (D.R.)




    ■ Judith Chavanne
    sur Terres de femmes


    Une goutte de vie
    Un rire quelque part


    Voir aussi ▼

    → (sur Poezibao)
    une fiche bio-bibliographique
    → (sur le site du Printemps des poètes)
    une fiche bio-bibliographique de la Poéthèque sur Judith Chavanne

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