Étiquette : Couleurs femmes


  • Corse_3 Marianghjula Antonetti-Orsoni | E Lavandare





    1 Quandu l-acqua porga Netta u pannu niellatu
    Ph., G.AdC






    E LAVANDARE


    Corre lindu u fiume
    Quandu l’acqua porga
    Netta u pannu niellatu
    Da e sciagure di u tempu.

    Luce à u sole u Monte Giuvellu
    Quandu u core di a donna
    Richjara e so cugiure
    Ind’è e fiumare inguerninche.

    Barca u ponte a donna
    Quandu l’acqua di a vita
    Fala à in basculi in basculi
    Da u fiatu di e sulane aschese.

    S’innalza l’alburu versu u celu
    Quandu a primavera giuconda
    Affacca in u fiuminale inchjaritu
    Da e speranze veranile.

    Lavandare, un appiate paura
    Chì u tempu squassa
    L’angosce di u pannu
    E’ e nigrure di i cori ! …



    Marianghjula Antonetti-Orsoni
    Ghjennaghju di u 2010
    D.R. Texte inédit pour Terres de femmes







    2 Et le c-ur de la femme Lave ses peurs
    Ph., G.AdC






    LES LAVANDIÈRES


    La rivière court limpide
    Et l’eau claire
    Purifie le linge endeuillé
    Par les misères du temps

    Le Monte Giuvellu brille au soleil
    Et le cœur de la femme
    Lave ses peurs
    Aux crues de l’hiver

    La femme traverse le pont
    Et l’eau de la vie
    dévale de vasque en vasque
    sous le vent des adrets de l’aschese *

    L’arbre se hausse vers le ciel
    Et le printemps enjoué
    Surgit dans la vallée ensoleillée
    Par l’espoir qui renaît

    Lavandières, n’ayez crainte
    Le temps efface
    L’angoisse du linceul
    Et les noirceurs des cœurs !…



    Traduit du corse par Francesca Graziani et Angèle Paoli


    * Aschese : pays d’Asco, à proximité du Monte Cinto.






    MARIANGHJULA ANTONETTI-ORSONI


    Voir/écouter aussi :

    – (sur Kewego.it)
    Marianghjula Antonetti-Orsoni sur France 3 Corse ViaStella le 12 décembre 2009 à l’occasion de la publication de son recueil Sfoghi aux éditions Albiana dans la collection Veranu di i pueti.

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  • Corse_3
    Angèle Paoli | Chtoniennes (lamentu)




    Aristoloche des talus
    Ph. angelepaoli






    CHTONIENNES (LAMENTU)




    Crépitement du feu en firmament d’étoiles
    ni blasphème ni plainte
    ton ongle brisé au miroir de l’enfance
    craquement des os pris     affleurement des eaux
    ta mémoire infaillible    inlassable    des jours
    de descente en bordure    de mer


    tu marches


    effluves de printemps dans les herbes mouillées


    \ aristoloche des talus
    qui t’a donné ce nom d’aristocrate tenace
    sûre de ton élan sur ta hampe dressée
    et mouette criarde en tourbillon des flots \


    tu surveilles
    veilles à tes pas



    inconsolable de la durée des ciels
    en nuages d’ébène    fondus de gris    à l’écal du rivage
    et ton rire perlé de cils
    et tes larmes d’enfant
    accrochées aux épines     cactées plantées drues et rudes
    au revers des roches sombres     chtoniennes     des failles en
    abrupt


    il suffirait
    il suffirait d’un pas
    pour que tu glisses
          là
          en-bas
          passera
          passera pas
          un pas de plus

          un pas de trop



          et voilà que tu passes    de vie à trépas
          dans la nuit qui brasse
                                                     sans foi ni émoi
          tes monstres insoumis


          bras tendus qui t’accueillent en Charybde et Scylla
          ancillaires moissons de trouble déraison.





    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli
    _____________________________
    Note : ce poème a été publié dans l’ouvrage collectif Calendrier de la poésie francophone 2011, Alhambra Publishing (Belgium), 2010, 10.6. Choix de Shafiq Naz.






    Cact-es plant-es drues
    Ph. angelepaoli

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  • Carole Darricarrère | Ulysse (Joyce remixed)



    ULYSSE (JOYCE REMIXED)



    Bloom ballon ballant de la tête, ostensoir de ces choses minuscules, gerbes dérivations, feux brefs, abstractions spectrales, ses galaxies, rangées de ruches reine de lui-même, pensionnaire ébahi du monde déballant ses sonnets, fièvres, poches pleines, de Poucets, cailloux, cadavres, savons, de rognons, d’engeances, avatars, permanentes malles à colombes, mouchoirs, lapins, ruses, seins, soucis, ballon vague s’évadant sur le dos de quelque longue vague ravie, pauvre proie d’un rêve que rien n’assouvit.





    1 - pauvre proie d-un r-ve
    Ph., G.AdC






    Triple lecture de « l’inéluctable modalité du visible », digeste assimilation spéculative d’une représentation roide, amidon de mes abîmes, soupe de cela, théâtre intime de malfaçons sonnantes, moins vraies que nature, chacun son midi, pas de porte, son inviolable altérité territoriale, réel fantôme de lui-même par affabulations successives, maître du vivant plus fervent que la simple assertion qui tapisse avoisinant les corps. Ce bleu que je sécrète à compte d’auteur sera toujours plus bleu que celui-ci qui s’expose contournable en vérité, ce bleu de messe que je ressuscite, ma note mellifère contre un bleu patriote siliconé à la pensée unique, calqué, pixelisé, botoxé, speedé, clôné, ma saveur contre la sienne, sillage ensablé dans la quantité du monde, tout ce qui parfume en douce mes allées contre les vôtres, une ride, un brin de poésie.


    Ma musique contre les installations sonores, prêt-à-performer mondial, échafaudages secs étalonnant tout ce qu’ils touchent : le réel, ment, nouvel opium, ma réalité détrône la tienne. Ma mienne musique. Mon remix. Mes longues déclamations sensorielles décernées à l’ange derrière le masque. Sampling de mon petit oiseau siffloteur à l’abri dans ta cage. Je relis la phrase à l’envers, et je l’éternue. Molly aime. Mes stridulations solitaires, un Picasso plus réel que le réel lui-même. Dali ne condense pas la réalité. Ma claire vision. Une lecture dans les plis. Un visage peut en cacher un autre. Lumière aurorale entre les baleines de ton corset. Ce qui luit dessous le tain. Image inversée à un cri du couteau carnivore.


    Je fends le monde sur l’aile d’un oiseau voisin et le lointain me sera proche. Discernante musique, élue des sphères, et qui ne fait plus de phrases. Ma main désormais obsolète. Deux petits maçons de concert, parfois non, se repliant deux l’un contre l’autre, ailes chastes, détestant désormais les œuvres, pardonnées, bonnes dès que réunies. L’invisible règne alors sur la chair, les marées loin rougissent en quête des terres, les voiles claquent dès qu’un coin se rebiffe. Le temps est ce qui jaunit. Petit dieu aux mains percées, écume aux lèvres, tout son corps tient sur le cul de ses pieds, tandis que sur le toit du monde, ses yeux vapeur écoutent ce qui se départ. Sa vie en titre, n’est qu’un de ces extraits. La flamme consume ce que le ver ne rongera pas.





    2 - H-ros tout de m-me
    Ph., G.AdC






    Vincent a trouvé refuge dans la contemplation orphique des fleurs. La nuit dans mon jardin, les cornes de brume de ces animaux vagues tracent sur la mer brune d’indigents sillons, et voguent à qui vaque. Ils ont rasé deux plants jumeaux de tournesol, ivres bus de l’ordre de ce jaune poulain caracolant sur une monture de nuit. Leurs petites lèvres baisant les armures, fruits saignés, mollusques ceignant la fierté de nos jardins, avec quelle inusable lenteur la lune montre du doigt le bouclier d’airain. Les dents de la nuit. L’éclat pâle de ce ruissellement obscur. Ainsi apprit-il à écrire en lisant alentour, ce dont le tableau fit bon usage. Le bourdon organique par-dessus toute antienne, sa loi. Une lecture se doit d’être au moins ce corps-à-corps.


    Très tôt R. se mit à fuir les poètes, détestant la poésie vénérer le Poème. K. contemporain de la légende entre vivant dans la doublure. Molly aimerait. Héros tout de même s’en souvenir pourquoi pas ? Le doigt du maître n’est jamais très loin de la lune.



    Carole Darricarrère
    D.R. Texte inédit de Carole Darricarrère, remix février 2010
    pour Terres de femmes





    CAROLE DARRICARRÈRE

    CAROLE DARRICARRERE



    ■ Carole Darricarrère
    sur Terres de femmes


    Les doubles jeux du (Je) (note de lecture sur le recueil Le (Je) de Léna)
    Élévation du feu
    Face à face avec mes mains
    Imagine qu’un matin… (notice bio-bibliographique)
    Je coupais souvent à travers champs
    Nous vécûmes
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    le Portrait de Carole Darricarrère (+ un extrait du recueil Demain l’apparence occultera l’apparition)


    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Poezibao)
    Les éditions Isabelle Sauvage, par Olivier Goujat



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    (Printemps des poètes 2010 « Couleur femme »)

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  • Vénus Khoury-Ghata | Les cheveux rouges de la mère




    Comme les images qui durent longtemps
    Ph., G.AdC






    LES CHEVEUX ROUGES DE LA MÈRE



    Les cheveux rouges de la mère déteignaient sur nos draps
    Sur l’érable qu’elle poursuivait de ses assiduités
    Compatissant à la chute de ses feuilles dans nos livres
    Pansant les nervures blessées
    Enterrant les mortes entre deux mots pierreux
    La mère lançait vaisselle cassée et imprécations à l’automne
    Qu’un cil tombe de nos yeux
    Et vos vœux seraient exaucés

    Nous étions autrement
    Beaucoup en un
    Comme les images qui durent longtemps
    Comme la pluie quand personne n’ose la contredire qu’elle devient
    volubile
    La mère nous voulait avec des bras longs comme les ruisseaux de la Saint-Jean
    Pour nous introduire dans son sommeil
    Et que les châtaignes poursuivent leurs guerres sous la cendre de l’âtre
    Ce n’étaient pas leurs crépitements qui allaient nous réveiller


    […]


    Faces tournées vers la rue
    La mère nous accrochait des bras
    Nous collait des sourires et des battements de cils pour séduire les
    visiteurs absents
    aux choses longilignes confectionnées avec nos sueurs manquait l’odeur
    enfantine du pain
    le crin s’étiolait sur nos têtes
    les fils de fer rouillaient dans les articulations
    personne n’applaudissait ni ne ployait le genou devant le jour
    le rire de la mère étouffait les fumées

    Apprentis qui n’apprenaient rien
    nuques raidies par l’attente du dégel
    nous implorons les murs de revenir
    de dérouler les chemins pliés

    l’hiver sera long d’après la pluie suspendue à l’air



    Vénus Khoury-Ghata
    D.R. Texte inédit de Vénus Khoury-Ghata
    pour Terres de femmes




    VÉNUS KHOURY-GHATA


    Venus Khoury-Ghata
    Image, G.AdC




    ■ Vénus Khoury-Ghata
    sur Terres de femmes


    C’était novembre
    Compter les poteaux
    Ils sont deux figuiers
    Le caillou dans la main
    [Pénurie de vie] (poème extrait de Demande à l’obscurité)
    [Les pluies ont dilué le pays]
    31 août 1941 | Vénus Khoury-Ghata, Marina Tsvétaïeva, mourir à Elabouga
    → (dans la galerie Visages de femmes) le Portrait de
    Vénus Khoury-Ghata (+ un poème extrait de Quelle est la nuit parmi les nuits)




    ■ Voir | écouter aussi ▼


    → (sur le site de France Culture)
    Champ libre : « Déjeuner chez Vénus Khoury-Ghata », un documentaire de Valérie Marin La Meslée et Thomas Dutter (6 novembre 2012)



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  • Lucetta Frisa/Toccata settima

    Printemps des poètes 2010 – « Couleur femme »
    « « «  Anthologie poétique Terres de femmes (50)





    Una scala sale e poi si ferma- un escalier monte puis s-arr-te.
    Ph., G.AdC






    TOCCATA SETTIMA (Girolamo Frescobaldi)



    una scala sale e poi si ferma.

    Resta lì a creare
    altre scale
    senza condurci
    da nessuna parte.

    L’aria chiama slanci
    verso un aperto sempre più aperto
    un alto sempre più alto.
    Una stanza d’aria ferma
    ha il peso specifico
    dell’arabesco vaporoso
    che non snida nulla.
    La mia carezza resta a metà –
    si crea a cerchio la sua aria
    foglia che non va
    né su né giù.
    Dove siete anime dei cieli promessi?
    Qui non ci sono voci
    né parole, nulla progredisce
    o torna, si danza o si fa finta
    su passi sottili
    distanti dal pensiero.

    E io ti chiedo: dove sei?
    E tu rispondi: dove sei?
    Non c’è nessuno, qui. Neppure noi.


    Lucetta Frisa
    D.R. poème inédit de Lucetta Frisa
    pour Terres de femmes
    extrait du recueil à paraître Concerto per la mano sinistra






    SEPTIÈME TOCCATA (Girolamo Frescobaldi)


    un escalier monte puis s’arrête.

    Il reste là à créer
    d’autres marches
    sans nous conduire
    nulle part.

    L’air appelle des élans
    vers une ouverture de plus en plus ouverte
    une hauteur de plus en plus haute.
    Une pièce remplie d’air stagnant
    a le poids exact
    de l’arabesque vaporeuse
    qui ne débusque rien.
    Ma caresse s’arrête à mi-chemin –
    elle crée son air en décrivant un cercle
    feuille qui ne monte
    ni ne tombe.
    Où êtes-vous âmes des cieux promis ?
    Ici pas de voix
    ni de mots, rien ne progresse
    ni ne revient, on danse et l’on feint
    sur des pas subtils
    éloignés de toute pensée.

    Et je te demande : où es-tu ?
    Et tu me réponds : où es-tu ?
    Il n’y a personne ici. Pas même nous.


    Traduction inédite de Marie Fabre





    Voir aussi :
    – (sur Terres de femmes)
    Sylvie Durbec/Déjanire ― Lucetta Frisa/Deianira.


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  • Claudine Bohi | si ce n’est pas trembler




    Le bleu du ciel dans ses brass-es d--cume
    Ph., G.AdC






    SI CE N’EST PAS TREMBLER



    si ce n’est pas trembler
    tout l’or du monde alors renversé dans les mains
    ne peut servir
    le bleu du ciel dans ses brassées d’écume

    si ce n’est pas trembler
    et le corps sous le souffle
    creusé comme son évidence
    la nuit rassemblée entière dans son brasier
    et tout cela disparaît qui n’est pas la joie

    si ce n’est pas trembler
    ce qui s’appelle vivre n’a pas traversé
    à sa naissance
    n’est pas venu




    Claudine Bohi
    D.R. Poème inédit de Claudine Bohi
    pour Terres de femmes





    CLAUDINE BOHI


    Vignette C BOHI




    ■ Claudine Bohi
    sur Terres de femmes


    [brouillard n’est pas absence] (poème extrait d’Éloge du brouillard)
    [Duels de lumière]
    Et cette fièvre qui demeure
    Secret de la neige (poème extrait de L’Enfant de neige)
    [je laisse tomber le mot maman] (poème extrait de Mère la seule)
    [L’eau son puits étrange] (poème extrait de On serre les mots)
    [à force de mots sur la peau] (poème extrait de Parler c’est caresser un corps)
    [La raison sort toujours de l’irrationnel] (poème extrait de Rêver réel)
    Le funambule sans son fil
    Mère la seule (lecture d’Isabelle Lévesque)
    Une lumière de terre
    Claudine Bohi | Philippe Bouret, Cet enfant sans mot qui te commence (lecture d’AP)
    Claudine Bohi | Olivier Gouéry [Voici donc le matin]
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    le Portrait de Claudine Bohi (+ deux poèmes)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site du Printemps des poètes) une
    fiche bio-bibliographique de la Poéthèque sur Claudine Bohi



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  • Julieta Guerreiro | De l’air dans les petites boîtes




    DE L’AIR DANS LES PETITES BOÎTES




    Le bois glissant- fendu d-une rumeur.

    Ph., G.AdC





    1 – Le temps s’égare à la première neige ― de l’air dedans
    comme si sans jour et sans nuit comme si claire est la lumière
    le temps d’un. Bout de bois serré dans la paume,
    des voix de rires dans le reflet sous la paupière.

    2 – Deux arbres sont côte à côte sur une colline, visiblement ne se confondent pas.
    Leurs feuilles tombent indifféremment ; une pluie creuse l’empreinte noueuse des siècles ;
    souvent, des passants inattentifs promènent en pardessus leur incertain.
    Alentour, deux arbres savent le lien primordial, le lent mouvement des racines.

    3 – Marteler.
    Le corps à tout prix comme vider ― à chaque fois
    Point. Le temps augmenté de l’instant. Je le nomme enfance :
    Terre, terre, terre !… Terre des mains émerveillées
    Décorent

    4 – Le bois glissant, fendu d’une rumeur.
    Dans la patience longue, longue s’efface d’un seul nuage
    L’ombre naufragée de nos étais
    Tu ― ruines de Mémoire dans le signe du

    5 – Jour.
    Chaque pas dans le tremblement de l’air
    Dans le montrer plus que nature
    ― grand ― l’après lavé
    S’accroche un petit être qui s’interroge au sommet
    Der Gross|sentence,
    se tait, délite son unité ― se ― plie
    Paie.

    6 – Et maintenant.
    De petits Dire s’osent dans un chuchotement,
    Dans le lissé d’une langue, tourbe et ramures
    Fendues de bienveillance,
    Dans l’œil retroussé du hall de gare ;

    7 – Nous flambons l’homme d’or

    8 – Ramené à sa seule représentation.
    Nous confondons encore dans le brasier du possible,
    Là où chacun scelle
    Les lèvres crucifiées du mensonge.

    9 – Le temps s’égare à la première neige ― de l’air dedans
    comme si sans jour et sans nuit comme si claire est la lumière
    le temps d’un. Bout de bois serré dans la paume,
    des voix de rires dans le reflet sous la paupière.



    Julieta Guerreiro
    D.R. Poème inédit de Julieta Guerreiro
    pour Angèle Paoli/Terres de femmes



    JULIETA GUERREIRO

    JULIETA GUERREIRO



    Voir aussi les blogs de poésie de Julieta Guerreiro :
    Nous nous correspondions ;
    Parfois des suites.


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  • Linda Maria Baros | Nœuds de voies ferrées

    Des autres caresses pressantes- siamoises bis


    Ph., G.AdC


    Nœuds de voies ferrées                



    Dans les livres anciens sur les voies ferrées,
                on apprend que les rails demandaient toujours
                des caresses pressantes et de la chair humaine.

    Les cheminots perdaient la tête à l’appel des locomotives
               entrant dans les gares grouillantes,
               et se laissaient aussitôt enlever.

    À la maison, leurs femmes sentaient les traverses de voie ferrée.
    La nuit, sous les draps, étendues à leurs côtés,
    elles cachaient, contre la cuisse, une ombre effilée,
                                                            comme une plume de merle.
    Elles quémandaient des caresses et poussaient parfois
                               de longs cris déchirants dans leurs bras,
    pour les habituer déjà aux chants rusés, sifflés, de mort,
                  de la locomotive.
    Pour que leurs hommes, assoupis le jour,
                  ne puissent plus entendre son appel.
    Pour les détacher enfin des traverses de la voie ferrée
                  et des autres caresses pressantes, siamoises,
                  qui séparent la tête du corps
                              et la chair de la chair.

    Lorsqu’on feuillette les livres anciens sur les voies ferrées,
             on entend parfois des sifflements, de longs cris
                           qui s’élèvent par-dessus les remblais,
                           qui flottent par-dessus les forêts et les villes.
    On les entend comme s’ils venaient des cantons,
                           comme s’ils venaient des gares de triage,
                           comme s’ils prenaient garde à ne pas résonner

                                                         au travers d’une gare déserte
    .



    Linda Maria Baros
    D.R. Poème inédit de Linda Maria Baros
    pour Terres de femmes




    LINDA MARIA BAROS



    Linda3


    Voir aussi :


    – (sur Terres de femmes)
    Linda Maria Baros/La porte à visage d’oiseau ;

    – (sur Terres de femmes)
    Linda Maria Baros/Poivre dit de Séchouan (+ notice bio-bibliographique) ;

    – (sur Terres de femmes)
    Linda Maria Baros/Z ;

    – (sur le site du Printemps des poètes)
    la fiche bio-bibliographique de la Poéthèque consacrée à Linda Maria Baros ;

    – le
    site officiel de Linda Maria Baros ;

    – (sur Wikipedia) un
    article bio-bibliographique très précis.

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    (Printemps des poètes 2010 « Couleur femme »)

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  • Marie-Florence Ehret | L’or des jours




          Nous vivons dans un monde que la poésie elle-même a travaillé à désenchanter. Dépouillée de ses oripeaux usés, la nature nue n’en est que plus enchanteresse ― le poème alors est un miroir tendu au vide dans lequel le poète voit miroiter l’or des jours, paillettes virtuelles que la langue révèle.

    Marie-Florence Ehret



    le soupir dans lequel s'épanouit le sourire du bouddha
    Ph., G.AdC






    L’OR DES JOURS




    On a chanté la ville ses éclats
    de voix de lumière de rire
    on a chanté ses peuples
    ses cours ses miracles

    le tremblement de l’eau
    de l’oiseau ou de l’herbe
    la lente sauvagerie végétale

    la Beauté de tout bord
    et on l’a injuriée.

    On a chanté les labyrinthes
    où se perd le chanteur
    qui se cherche et se plaint

    le moi ses mille et un mensonges
    ses manies ses petites morts
    et sa langue mielleuse

    l’intervalle divin du silence
    le soupir dans lequel s’épanouit
    le sourire du bouddha

    Tous les chants sont usés
    mis en boite
    en cubes en disques en vers
    réduits développés chiffrés
    déchiffrés
    criés balbutiés éructés
    ânonnés
    archivés

    reste
    l’enfantine la claire
    l’obscure
    nécessité de chanter

                                                   chaque instant veut l’éternité du chant

    Je chanterai l’olivier stérile
    penché sur l’abîme aux pentes vertes
    je descendrai
                    entre les châtaigniers
                                                      les chênes,
                                                                   les ronces
                                                                                   les bouleaux
    et tous les entrelacs végétaux anonymes
    unis pour entraîner les anciennes terrasses de pierre
    que les hommes d’autrefois avaient maçonnées de leur sueur

    j’irai jusqu’au cours d’eau
    qui ne voit jamais le soleil

    Je chanterai le cocotier velu
    ses palmes jaunissantes
    sous sa tête verte

    Je chanterai le figuier célibataire
    un peu plus haut chaque année
    ses fruits à peine formés qui
    tombent au sol et je chanterai ses racines
    qui préparent en secret
    l’effondrement de la maison

    je chanterai le pêcher frêle
    que ses quatre pêches épuisent

    le laurier sombre et parfumé
    qui descelle pierre à pierre l’ancien mur

    je chanterai le rosier survivant
    sans fleurs sans feuilles
    branche sèche dans la terre
    lançant dans le ciel
    de jeunes tiges vertes
    hautes et presque nues

    la sauge nouvelle
    lentement jaillie
    d’un pied qui paraît mort

    le citronnier en pot
    qu’on rentre pour l’hiver

    je chanterai aussi
    le bourdonnement des insectes
    la chute brutale et prématurée d’une figue
    je chanterai le chant
    des oiseaux leurs pépiements
    leurs gazouillis leurs cris leurs croassements
    le chant des cigales
    le chant du vent
    le saut du chat dans l’herbe sèche

    et tant pis si nos bras
    sont trop petits les mots
    trop rares trop
    pauvres pour embrasser
    l’étendue et la multiplicité
    d’une seule seconde
    de perception

    même si
    mon chant passe aussi vite
    que ce qu’il chante

    même si
    nul ne l’écoute jamais

    même si
    je dois chanter sans bouche
    sans voix sans art
    sans mot presque
    je chanterai
    chaque aujourd’hui



    Marie-Florence Ehret
    D.R. Poème inédit de Marie-Florence Ehret
    (extrait d’un recueil à paraître aux Éditions Dumerchez)
    pour Terres de femmes





    MARIE-FLORENCE EHRET

    MF Ehret photo_Martine_Pitou
    D.R. Ph. Martine Pitou
    Source




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site du Printemps des poètes)
    la fiche bio-bibliographique de la Poéthèque consacrée à Marie-Florence Ehret
    – (sur le site de Marie-Florence Ehret)
    la bibliographie commentée de Marie-Florence Ehret
    – (sur Poezibao)
    deux autres poèmes de Marie-Florence Ehret, extraits du recueil Plus vite que la musique

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    (Printemps des poètes 2010 « Couleur femme »)

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  • Vivian Lofiego | Elle portait une blessure au front




    Le tissu du drame bifurque
    Ph., G.AdC






    I


    LLEVABA UNA HERIDA EN LA FRENTE


    Llevaba una herida en la frente, alhaja que sobrevivió
    en la oscuridad del cielo austral,
    broche engarzado de estrellas, único resistente a la ira de
    las parcas

    Tiempo en cuenta regresiva, tiempo que no desemboca
    como si fuera el cause de un río detenido en su fuerza
    ella esperaba firme como un soldadito de plomo
    que la muerte viniera y la construcción que fue su memoria
    le fuera barrida de un soplo

    El mismo soplo que nos puso a todos lejanos de la tierra prístina

    Entonces una mano se estiró en el viento, la distancia
    del no abrazo cauchemard en la vigilia los rostros girando cual planetas
    en el centro un sol negro empujándolos a la deriva de sí mismos

    Caía un telón y como en Shakespeare lo trágico trasciende por causas ajenas a
    la razón,
    para Otelo un pañuelo
    para Hamlet un fantasma
    para Macbeth tres brujas
    para Prospero un Elfo
    He aquí el tejido del drama :
    ella debe dejar su casa por desalojo
    un ala negra se le dibujó en la que fue cama de los hijos
    se espantó sabiendo que no llegaría a otra orilla




    I


    ELLE PORTAIT UNE BLESSURE AU FRONT


    Elle portait une blessure au front, joyau qui avait survécu
    dans l’obscurité du ciel austral,
    broche sertie d’étoiles, seule à résister à la colère
    des Parques

    Compte à rebours d’un temps qui ne va nulle part
    où elle attendait la mort, ferme comme un petit soldat de plomb,
    et qu’ainsi le délicat édifice qu’avait été sa mémoire
    lui soit balayé par le souffle d’une haleine légère

    celle-là même qui nous a tous rejetés loin de la terre originelle

    Alors, une main s’avança au vent dans cette trop grande distance
    de la non-étreinte cauchemar de nuit blanche ces visages en orbite comme des planètes
    au centre un soleil noir les entraînant vers leur propre dérive

    Un rideau tombe et comme dans Shakespeare le drame s’amplifie pour des raisons qui échappent à
    la raison,
    un mouchoir pour Othello,
    un fantôme pour Hamlet
    trois sorcières pour Macbeth,
    un Elfe pour Prospero
    et le tissu du drame bifurque :
    le père redevient enfant et la fille tente de balayer l’aile noire restée dans le berceau







    II


    VIAJE SECRETO A LA CENIZA


    Viaje secreto a la ceniza, a la primitiva aurora, los sentidos encendidos
    al mínimo detalle, big bang, big crunch




    II


    VOYAGE SECRET VERS LA CENDRE


    Voyage secret vers la cendre, l’aurore primitive, les sens exacerbés,
    Par le moindre détail, big bang, big crunch






    III


    LAS DOS BISABUELAS


    Eva y María, las dos bisabuelas,
    raíces transplantadas a América del Sur
    puestas bajo un mismo sino

    Ambas desnudas de la lengua materna
    ese jardín secreto vuelto flor silvestre
    que forjó
    y forjó el lazo del afecto
    menguando en la tierra en un
    tejido de evocaciones

    Era el sur y era el norte, Capuletos, Montescos en la nueva tierra
    ramas de aquel àrbol tramando vida

    LLegó un día en que la hija de María – mi abuela –
    se pusiera guantes de seda, sombrero de ala ancha
    para asistir a la boda de la nieta de Eva – mi madre –
    oracular y vengadora augureó una ruptura en plena ceremonia
    bajo estas gracias comenzó la vida de casados de mis padres

    Expulsados del paraiso
    para siempre,
    para siempre
    conmigo a cuestas



    III


    LES DEUX BISAÏEULES


    Les deux bisaïeules, Eva et María, femmes universelles tronc de l’arbre
    racines transplantées
    consolidées sous un même destin

    Étrange vie, elles dépouillées de leur langue maternelle
    jardin secret fleur de désarroi
    qui avait forgé
    encore et toujours le lien de l’affection
    une racine qui avait ancré dans la terre et créé un perpétuel
    tissu de nostalgies

    C’était le Sud et c’était le Nord, Capulets et Montaigus, c’était la Pampa ouverte
    les branches de cet arbre qui se multipliait, l’aïeule veuve, mère du fiancé
    coiffé d’un chapeau à large bord et tout de satin vêtu, en gants de soie à la noce,

    Sibylle augura la rupture,
    Sous le sortilège commença
    la vie mariée de mes parents



    Vivian Lofiego

    D.R. Poèmes inédits (2010) de Vivian Lofiego
    pour Terres de femmes
    D.R. Traduction inédite de l’espagnol (Argentine)
    par Claude Bleton





    VIVIAN LOFIEGO


    Vivian Lofiego
    Image, G.AdC



    ■ Vivian Lofiego
    sur Terres de femmes

    De l’autre côté du rituel (poème extrait d’Obsidiennes de la nuit + bio-bibliographie)
    Les arbres multiplient leurs branches…
    Un temps que les femmes filent
    → (dans la galerie Visages de femmes) le
    portrait de Vivian Lofiego



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site du Printemps des poètes) une fiche bio-bibliographique sur Vivian Lofiego dans la Poéthèque
    → (sur le site de
    RFI) une interview de Vivian Lofiego (en espagnol) lors de la sortie de son ouvrage Pierre d’infini
    – (sur le site Poésie d’hier et d’aujourd’hui)
    une courte anthologie

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