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  • Cristina Alziati | Troisième lettre à Antigone



    Francesco Faina
    Francesco Faina, Aquarelle,
    première de couverture de Come non piangenti de Cristina Alziati







    TERZA LETTERA AD ANTIGONE



    Non ti mando la foto, ti descrivo.
    Sulla riva, distesi sotto il sole, vedi,
    i bei bagnanti, e i pueri, e il cadavere
    poco discosto, soltanto dall’acqua lambito.
    Non fosse per i vestiti ― per gli stracci ―
    diremmo che è uno del gruppo, fra quelli
    ridenti, uno vivo. È un giorno di festa.


    Arriveranno gli addetti, più tardi,
    a sgomberare quel corpo; altrove
    si sbrigherà una pratica,
    faranno un’autopsia, verrà inumato.
    Questo però non c’è, nella fotografia.


    E nemmeno la bava, domani, dei giornali
    né la pena beghina per quel morto,
    “zingaro – dirà qualcuno – ma bambino…”
    C’è questa roccia, invece
    fra il cisto e i rosmarini,
    questa roccia residua da cui scrivo,
    e dentro l’aria una preghiera
    e il mare intero, lento
    che prima degli addetti il corpo
    si porta via, l’istante prima.
    C’è il resto del paesaggio a sua custodia.




    Cristina Alziati, L’Angelo smemorato in Come non piangenti, 2007-2011, Marcos y Marcos, Collana Gli alianti, Milano, ottobre 2011, pp. 71-72.







    TROISIÈME LETTRE À ANTIGONE



    Je ne t’envoie pas la photo, je te la décris.
    Sur le rivage, allongés au soleil, regarde,
    les beaux baigneurs, et les enfants, et le cadavre
    tout proche, que l’eau effleure à peine.
    S’il n’y avait les vêtements ― des estrasses ―
    on pourrait dire qu’il fait partie du groupe, de ceux
    qui rient, un vivant. C’est un jour de fête.


    Ils arriveront plus tard, les préposés,
    pour enlever le corps ; ailleurs
    on effectuera les formalités,
    ils feront une autopsie, il sera inhumé.
    Tout cela, pourtant, n’est pas sur la photo.


    Pas même de bavassage, demain, dans les journaux
    ni de plume bigote pour ce mort,
    « un rom ― dira quelqu’un ― mais un enfant… »
    Il y a cette roche, pourtant,
    au milieu des cistes et du romarin,
    ce bout de roche d’où j’écris,
    et dans l’air une prière
    et la mer tout entière, lente
    qui avant même les préposés
    emporte le corps, l’instant d’avant.
    Il y a le reste du paysage pour le veiller.



    Traduction inédite d’Angèle Paoli




    ___________________________________________
    Note de Cristina Alziati : cette lettre s’inspire d’un fait divers récent, survenu sur une plage du littoral phlégréen. C’est sous le nom de « zingaros » que, dans la langue courante et de manière péjorative, on désigne les Roms et les Manouches.







    Cristina Alziati, ccme non piangenti







    CRISTINA ALZIATI VUE PAR FABIO PUSTERLA


        « Voici quel est mon sentiment : nous sommes devant un véritable écrivain, loin des poètes « à la mode », un écrivain d’une grande puissance expressive, capable de condenser en images fulgurantes une pensée qui va loin, une poète tout à la fois lyrique et quasiment épique, parce qu’elle sait franchir la subjectivité d’un moi mis à vif par une terrible expérience (la maladie, une tumeur, dont les poèmes disent en filigrane mais clairement ce qu’on peut en dire, sans apitoiement ni auto-complaisance) et qu’elle sait ouvrir les yeux sur les autres, ceux qui souffrent, ceux qui sont menacés ou niés. Il en résulte une poésie citoyenne, voire politique au sens le plus large et le plus noble du terme ; il suffit de parcourir les notes en fin d’ouvrage pour se faire une idée claire de cet aspect, de l’ampleur du regard, qui va de Nairobi aux îles Eoliennes, des Dolomites aux Roumains de Tor di Quinto, des Roms aux enfants malades du cancer, avec en contrepoint le communiqué nazi relatif aux Fosses Ardéatines.

        Le titre du recueil (Come non piangenti) est à lui seul un condensé de beaucoup de choses ; les mots qui le composent sont de Paul de Tarse. Ils suggèrent dans le même temps l’existence de la douleur et la relativisation de la douleur ; le mal qui nous accompagne et que nous devons espérer pouvoir dépasser ; le réalisme, la lucidité, mêlés à une sorte d’utopie à défendre ; tout cela sur un ton légèrement soutenu, légèrement solennel, mais une solennité à peine esquissée. Par la suite, au cours de la lecture, on se surprend à découvrir dans ces vers un singulier mélange de réalité concrète, très concrète, nommée sans peur des mots, et d’images visionnaires.

        Je ne vois pas à ce jour, en Italie, beaucoup de poètes à même de rivaliser avec Cristina Alziati. »


    Fabio Pusterla, quatrième de couverture de Come non piangenti. Traduit de l’italien par Angèle Paoli.





    CRISTINA ALZIATI


    Cristina Alziati
    Source


        Née le 28 février 1963 à Milan, Cristina Alziati a fait des études de philosophie à l’Université de Milan. Elle vit actuellement à Berlin où elle travaille en tant que traductrice de poésie et de fiction (depuis l’allemand et l’espagnol). Collaboratrice régulière de la revue en ligne, L’ospite ingrato, du Centre d’études Franco Fortini de Sienne, et des revues Nuovi Argomenti et Smerilliana, elle publie son premier recueil, A compimento, chez Piero Manni Editore (San Cesareo di Lecce, 2005) dans la collection dirigée par Romano Lupertini, ouvrage dans lequel sont notamment réédités des poèmes publiés dans un almanach poétique paru en 1992 chez Crocetti Editore (sous la direction de Guido Oldani). Le recueil A compimento obtient le Prix international de poésie Pier Paolo Pasolini et est finaliste du Prix Viareggio. Son second recueil, Come non piangenti, a paru en octobre 2011 chez l’éditeur milanais Marcos y Marcos avec une quatrième de couverture du poète Fabio Pusterla. Il a obtenu en 2013 le Prix littéraire
    Stephen Dedalus (section Poésie).



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur le site des éditions Marcos y Marcos)
    une page (en italien) consacrée à Come non piangenti de Cristina Alziati
    → (sur Radio 3 Suite)
    une interview (en italien) de Cristina Alziati au lendemain de la publication de Come non piangenti
    → (sur Radio Onda d’Urto)
    Cristina Alziati présente (depuis Berlin, au téléphone) son recueil Come non piangenti (28 novembre 2011)
    → (dans Moltinpoesia)
    huit poèmes extraits de Come non piangenti
    → (dans Le parole et le cose)
    quatre poèmes extraits de Come non piangenti
    → (sur le blog de CIRCE : Une autre poésie italienne)
    plusieurs poèmes inédits (traduits en français) de Cristina Alziati
    → (sur wikipedia.it)
    une notice bio-bibliographique sur Cristina Alziati



    ■ Voir encore ▼

    Fabio Pusterla | Une vieille (+ bio-bibliographie)



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