Étiquette : Cristina Campo


  •      Cristina Campo | Sindbad



    Des ombres me disent   C’est l’hiver.
    Ph., G.AdC






    SINDBAD



    L’aria di giorno in giorno si addensa intorno a te
    di giorno in giorno consuma le mie palpebre.
    L’universo s’è coperto in viso
    ombre mi dicono: è inverno.

    Tu nel vergine spazio dove si cullano
    isole negligenti, io nel terrore
    dei lillà, in una vampa di tortore,
    sulla mite, domestica strada della follia.

    Si stivano canapa, olive
    mercati e anni… Io non chino le ciglia.
    Mezzanotte verrà, il primo grido
    del silenzio, il lunghissimo ricadere

    del fagiano tra le sue ali.


    Cristina Campo, Poesie sparse, in La Tigre Assenza, Biblioteca Adelphi, 2012, pagina 38. A cura e con una nota di Margherita Pieracci Harwell.







    SINDBAD



    L’air de jour en jour s’épaissit autour de toi,
    de jour en jour consume mes paupières.
    L’univers s’est couvert le visage,
    des ombres me disent : C’est l’hiver.

    Toi dans le vierge espace où se bercent
    de nonchalantes îles, moi dans la terreur
    des lilas, dans une flambée de tourterelles
    sur la douce, familière route de la folie.

    S’entassent chanvre, olives,
    marchés et années. Je ne baisse pas les yeux.
    Minuit viendra, le premier cri
    du silence, la très longue retombée

    du faisan entre ses ailes.


    Cristina Campo, Le Tigre Absence, Arfuyen, 1996, page 43. Poèmes traduits et présentés par Monique Baccelli.





    CRISTINA CAMPO


    Portrait de Cristina Campo
    Image, G.AdC



    ■ Cristina Campo
    sur Terres de femmes

    29 avril 1923 | Naissance de Cristina Campo
    8 mai 1972 | Cristina Campo, Lettre à Mita
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    Les Impardonnables (extrait)



    ■ Voir aussi ▼

    le site Cristina Campo, site (en italien) créé par Arturo Donati
    → (sur le site de la Revue Nunc)
    « Cristina Campo, mystique absolue, ou la recherche de la sprezzatura », par Réginald Gaillard
    → (sur Lettre(s) de la Magdelaine de Ronald Klapka)
    Cristina Campo, sotto vero nome : sprezzatura (8 mars 2006)
    → (dans Le Monde du 3 mars 2006)
    Les incendies d’une mystique, par René de Ceccatty [Word, .docx]






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  • 8 mai 1972 | Cristina Campo, Lettre à Mita

    Éphéméride culturelle à rebours



    Je vous ai parlé il y a environ un an, d'épreuves angoissantes.
    Ph., G.AdC



    8 mai 1972




        Ma chérie,

        ce mystère du silence entre nous, je ne me l’explique pas et ne me l’expliquerai jamais… Je ne compte plus les fois où j’ai commencé de vous écrire ; où je vous ai écrit mentalement de très longues lettres, complètes jusqu’aux dernières virgules. Il y a quelque chose de plus fort que nous, que nous devons accepter, je crois — s’il est vrai que ce n’est qu’en acceptant quelque chose qu’on peut le modifier. Et tout cela doit être modifié.
        Il arrive parfois que la force de l’imagination parvienne à me convaincre que je vous ai vraiment écrit. Comme pour ces fêtes de Pâques. Alors que d’après votre dernière lettre il est clair que je ne vous ai pas écrit. Que vous dire maintenant, chérie ? Votre lettre me serre le cœur. Je ne vois qu’un mot : abandon. « Le sentiment de ne pas arriver à tenir les choses dans la main » — est vraiment un sentiment terrible ; mais peut-être est-il possible qu’il le soit moins si nous nous rappelons que les choses sont toujours entre d’autres mains, que les plans se font toujours ailleurs. « Moi je ne connais pas le chemin, mais toi tu le connais » est le seul raisonnement possible quand on marche dans le noir. Il y a un mois ma chatte Paki-Paki a eu quatre chatons ; et moi je voudrais apprendre d’eux le merveilleux abandon avec lequel, petits, désarmés, incapables de tout, ils se laissent prendre par moi, soulever dans de terribles déserts (la cuisine ou la terrasse), manipuler de cent façons… C’est le secret de leur force et aussi de ma tendresse — comment ne pas les traiter avec d’immenses égards. Peut-être cette aveugle, cette téméraire confiance nous est-elle demandée à nous tous.
        Je vous dis cela parce que moi aussi j’en ai besoin, peut-être plus que vous en ce moment. Je vous ai parlé, il y a environ un an, d’épreuves angoissantes. Elles ne sont pas finies, loin de là. Et certaines fois — comme en ce moment — je meurs littéralement de peur, tel un petit chat brusquement soulevé sur une très haute épaule. Que faire ? Rien. Celui qui me soulève ainsi sait ce qu’il fait. Donc le laisser faire… C’est immensément difficile, mais c’est la seule chose qui ait un sens. […]



    Cristina Campo, Lettre 214 (extrait), Lettres à Mita, L’Arpenteur, Éditions Gallimard, 2006, pp. 322-323. Postface de Margherita Pieracci Harwell. Traduit de l’italien par Monique Baccelli.





    CRISTINA CAMPO


    Portrait de Cristina Campo
    Image, G.AdC



    ■ Cristina Campo
    sur Terres de femmes

    29 avril 1923 | Naissance de Cristina Campo
    Sindbad (extrait du Tigre Absence)
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    le Portrait de Cristina Campo (+ un extrait des Impardonnables)
    17 septembre 1883 | Naissance de William Carlos Williams (extrait des Impardonnables de Cristina Campo)



    ■ Voir aussi ▼

    le site Cristina Campo, site (en italien) créé par Arturo Donati
    → (sur le site du Matricule des Anges)
    Lettres à Mita (article de Richard Blin, paru dans le N° 072, avril 2006)
    → (sur le site de la Revue Nunc)
    « Cristina Campo, mystique absolue, ou la recherche de la sprezzatura », par Réginald Gaillard
    → (sur Lettre(s) de la Magdelaine de Ronald Klapka)
    Cristina Campo, sotto vero nome : sprezzatura (8 mars 2006)
    → (dans Le Monde du 3 mars 2006)
    Les incendies d’une mystique, par René de Ceccatty [Word, .docx]






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  • 29 avril 1923 | Naissance de Cristina Campo

    Éphéméride culturelle à rebours



    Le 29 avril 1923 naît à Bologne Cristina Campo, de son vrai nom Vittoria Guerrini.






    Portait de Cristina Campo
    Image, G.AdC






    LA MYTHOLOGIE DES ORIGINES



        « Elle naît le 29 avril 1923 et elle est baptisée Vittoria, Maria, Angelica, Marcella, Cristina. Ses parents et ses amis l’appelleront toujours par son nom d’état civil : Vittoria Guerrini, mais pour tous les autres, c’est Cristina Campo. Pour écrire, elle s’est cachée sous de nombreux pseudonymes (« Je suis douée pour trouver des noms », disait-elle), mais ce dernier est dès le début celui qu’elle préfère. Apparu très tôt, en 1950, et endossé avec solennité, telle une tunique blanche, pour entrer en littérature comme on entre en religion. Une fois au moins, des années plus tard, elle aura la tentation de signer Campo tout court : « Ne trouvez-vous pas que parler ainsi, c’est déjà le commencement d’Auschwitz ? » écrira-t-elle en 1962 à Alessandro Spina.
        « Devinez d’où je viens, en ce dimanche de juillet étouffant ? De l’ordination sacerdotale de notre diacre allemand… J’ai pensé à vous pendant la cérémonie. Assister à l’accomplissement d’un destin — et d’un destin sacré — est un merveilleux privilège. »
        Son père et sa mère descendent de familles d’origine sociale différente. Les Guerrini viennent du monde agricole romagnol. Pendant des générations, ils ont été fermiers dans les grands domaines de la région de Faenza, jusqu’au moment où le grand-père de Cristina, Pietro Guerrini, entre dans une famille de riches propriétaires terriens en épousant la fille du patron, la comtesse Beltrude Abbondanzi, plus âgée que lui de quinze ans. À sa mort, il héritera du patrimoine et des terres. Près de Faenza se dresse encore la belle villa des Sirènes des comtes Abbondanzi, où naissent, après la mort de Geltrude, les six enfants de Pietro Guerrini et d’Antonia Santucci, une jeune fille de Ravenne épousée en secondes noces : deux garçons, Guido, le père de Cristina, puis Ulisse, et quatre filles, Emma, Silvia, Adelaïde et Anna. Ils grandissent tous à la campagne. Et même s’ils sont obligés, en 1906, une fois le patrimoine des Abbondanzi dilapidé, de s’installer à Bologne, ils reviennent longuement, chaque été, dans ce qui reste de leurs terres. Pendant toute sa vie, Guido Guerrini éprouvera une très forte nostalgie pour les lieux de ces années d’enfance : le grand parc de la villa, les jeux d’eau, le labyrinthe de buis, les écuries, le pavillon de chasse. « Nous autres Romagnols… nous pouvons élever notre esprit, mais notre âme reste paysanne, ou du moins campagnarde, écrit-il dans son journal intime. Nous sommes des primitifs non civilisés. Notre moi ne se sent lui-même qu’au contact des champs, des bois, du soleil pur, de l’eau de source. » Cristina aimera beaucoup son côté paysan.
        « Mon père m’a invitée à une promenade à la campagne, et je n’ai pas pu refuser ― parce que mon père est l’un des derniers à savoir avec précision les noms des choses (c’est-à-dire à posséder encore une réalité). Ce soir j’ai mal à un genou, mais je sais parfaitement distinguer les trilles du pinson de ceux de la fauvette à tête noire, le cri de la pie-grièche de celui de la mésange. »
        La famille maternelle, les Putti, est l’une des plus illustres de Bologne […]
        Aux yeux de Cristina, ses parents seront pendant toute sa vie l’emblème du bonheur conjugal. Une situation qu’elle observera toujours, chez les autres, avec une sorte d’avidité participative. Comme au seuil de quelque chose.
        « Parlez-moi de votre famille. Ici aussi je ne fréquente qu’une seule famille heureuse ― celle de notre médecin ― et je me réchauffe et je me rassasie en quelque sorte avec leurs joies et de leurs peines — comme ces gamins de Rimbaud — vous vous souvenez ? — le nez collé aux grilles du fournil (pendant que derrière eux, dans le froid de la nuit, « leur chemise tremblote/ au vent d’hiver« . Il en est de même pour nous tous, vagabonds et apatrides, sans état civil précis. »
        Cristina Campo a très peu écrit sur ses parents, et pourtant ils sont toujours là, au centre de la vaste cathédrale de son enfance. Transformés dans le souvenir en figures pour toujours parfaites, en gestes absolus. Un kimono lilas, un teint de velours, une main gantée qui effleure sa nuque, une bague avec quatre perles sur un frêle annulaire, un crayon qui bat la mesure sur les grandes pages des partitions, une canne de promenade portée comme une épée, avec la dragonne enfilée dans la poche du pardessus. Il reste d’eux quelques photographies sauvées par Ernesto Campajolo, l’un des beaux-frères de Guido Guerrini. Nous sommes en 1918, au temps des fiançailles… »


    Cristina De Stefano, Belinda et le monstre, Vie secrète de Cristina Campo, Éditions du Rocher, 2006, pp. 11-12-17-18. Traduit de l’italien par Monique Baccelli.





    CRISTINA CAMPO


    ■ Cristina Campo
    sur Terres de femmes

    17 septembre 1883 | Naissance de William Carlos Williams (extrait des Impardonnables de Cristina Campo)
    8 mai 1972 | Cristina Campo, Lettre à Mita
    Sindbad (extrait du Tigre Absence)
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    Les Impardonnables (extrait)


    ■ Voir aussi ▼

    le site Cristina Campo, site (en italien) créé par Arturo Donati
    → (sur le site du Matricule des Anges)
    Lettres à Mita (article de Richard Blin, paru dans le N° 072, avril 2006)
    → (sur le site de la Revue Nunc)
    « Cristina Campo, mystique absolue, ou la recherche de la sprezzatura », par Réginald Gaillard
    → (sur Lettre(s) de la Magdelaine de Ronald Klapka)
    Cristina Campo, sotto vero nome : sprezzatura (8 mars 2006)
    → (dans Le Monde du 3 mars 2006)
    Les incendies d’une mystique, par René de Ceccatty [Word, .docx]





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