Étiquette : Déborah Heissler


  • Déborah Heissler, Les Nuits et les Jours

    par Angèle Paoli

    Déborah Heissler, Les Nuits et les Jours,
    éditions Æncrages & Co, Collection Ecri(peind)re, 2020.
    Dessins de Joanna Kaiser.
    Préface de Cole Swensen, traduite par Virginie Poitrasson.



    Lecture d’Angèle Paoli


    BLANCHE OU LA « FIGURE » OUBLIÉE




    Tout avait commencé là,

    ce matin.

    Ainsi s’ouvrent Les Nuits et les Jours, dernier recueil de Déborah Heissler, récemment publié aux éditions Æncrages & Co. Par ces mots en italiques empruntés à La Montagne blanche, roman de Jorge Semprun. Où ? Quand ? Qui et qui ? Autant de questions que le lecteur se pose dès que s’amorce la lecture du récit. Questionnement qui déconcerte s’agissant d’un ouvrage de poésie. Et qui se posent pourtant dès que le lecteur se tient aux abords du poème de Déborah Heissler. Déconcertent aussi le fait que la poète ait choisi pour exergues, non pas des vers empruntés à des poètes, mais des extraits tirés de deux romans : L’Insoutenable légèreté de l’Être de Milan Kundera et La Montagne blanche de Jorge Semprun. D’autres échos existent, implicites. Entre le prénom Karol et le nom du traducteur de Kundera : François Kerel ; entre le prénom Karol et celui du metteur en scène Karel Kepela dans le roman de Jorge Semprun. Roman où les amours de Karel Kepela s’entrecroisent dans les lacis de la mémoire. Comme c’est aussi le cas pour Karol dans Les Nuits et les Jours. Quant au prénom de Blanche associé à l’oubli (prénom déjà présent dans un précédent recueil, Sorrowful Songs), comment ne pas songer au roman de Louis Aragon, Blanche ou l’oubli ? Alors ? Poésie ou éclats de romans ? L’un et l’autre genre sans doute se côtoient ici pour offrir une forme poétique nouvelle qui n’a pas encore trouvé son nom. Ainsi le souligne d’ailleurs la poète américaine Cole Swensen, à qui l’on doit une préface éclairante et cette remarque :

    « Dans ce dernier recueil, Les Nuits et le Jours, Déborah Heissler a su créer une forme nouvelle du récit poétique… ».

    Ce qui fait la complexité et l’originalité de ce recueil, mais aussi sa force et sa beauté, c’est la manière qu’a la poète d’appliquer à ses poèmes des interrogations qui sont propres à l’espace romanesque tout en les modelant et en les modulant à son gré. L’instabilité du temps (ses accélérations et ses ellipses) et de l’espace ainsi que celle des personnages plongent les menus événements et les mécanismes propres au récit dans une atmosphère floutée, indécise, qui bascule, en trois mots, de l’hiver au printemps, de la lumière à l’ombre, de la nuit au jour, modifiant les contours, les formes, le tremblé des feuilles, le regard. Les échanges.

    Pourtant, au fil des pages, des titres se détachent, certains en capitales. Des dates apparaissent Janvier quarante-sept / Février / Février MCMXLVII. Des noms de lieux identifiables, la Pologne, Cracovie, et des toponymes peu connus du lecteur. Wieliczka / Zakopane/ Podgorze…. On entre dans l’histoire. Au cœur d’un texte écrit un 18 juillet 2019, au Mocak, le Musée d’Art Contemporain de Cracovie. Le recueil est dédié à deux personnes : Ph. D. (doctor philosophiæ ?) et Pascal. Le lecteur ne saura rien des deux dédicataires. Il ne saura rien non plus, ou si peu de choses, de Blanche dont le nom revient pourtant de manière itérative, tantôt en majuscules, tantôt en caractères italiques ; tantôt en titre du poème, tantôt au sein même du poème… Des petits pavés textuels se détachent sur la page. Où alternent caractères en italiques et caractères romains. Des fragments de phrases reviennent, qui ponctuent le récit et ajoutent à son mystère : « Sur la première page » / « à la chute du jour » … S’agit-il d’un voyage ? D’une rencontre amoureuse entre Blanche et Karol ? Quand était-ce ? Quelque chose a eu lieu, il y a sans doute longtemps. Ailleurs. Quelque chose qui cherche sa voie/sa voix dans l’écriture. C’est cela que se dit la lectrice qui tâtonne au fil des phrases, hésite entre prose romanesque et poésie, entre mémoire et oubli, entre réel et rêve. La dernière phrase du recueil n’est-elle pas « TU TE RÉVEILLES » ?

    Le mystère prend corps dès le poème d’ouverture. Celui qui suit la citation en italiques :

    Tout avait commencé là,

    ce matin.

    Des mots reviennent, qui se répètent d’une strophe à l’autre. Deux strophes très brèves. Répétitions surtout des assonances en [ã] propres à étirer le temps. « Moment » / « étonnement » / absolument / « cadence » / « tranquille » / « lenteur » … En même temps que la lenteur se pose la tonalité « à voix basse ». Tout commence avec ce quelque chose d’indéfinissable et d’incertain, en un lieu étrange – un « magasin » et son « sous-sol », des présences absentes anonymes.

    « On avait commencé à parler et demain

    peut-être, on ne se dirait pas même bonjour. »

    Il semble pourtant qu’il y ait une histoire. Entre le narrateur et Karol. Entre Karol et Blanche. Et sans doute aussi avec la poète, Déborah Heissler. Une histoire déjà vécue, une histoire en train de s’écrire. Une autre récente qui prend forme sous nos yeux à travers le récit du narrateur. Les deux s’entrelacent subtilement de sorte que le lecteur s’égare, dans le temps, dans l’espace, en compagnie des personnages, pourtant si peu nombreux. Mise en abyme d’histoires. Vécues rêvées écrites en train de s’écrire…

    L’histoire qui est convoquée ici, dans ce sous-sol, sous la plume de Karol, sous la forme de textes-souvenirs, s’écrit en italiques. De Karol on apprend par le biais du narrateur qu’il est « étudiant en médecine » ; que le narrateur du récit et lui travaillent dans le « sous-sol » du magasin. Que Karol interrompt son travail d’écriture, lequel semble mêler notations personnelles prises sur le vif

    — « Rien que des choses silencieuses ce matin » – et prise de notes sur le livre qu’il était en train de lire. Blanche ou l’oubli ?

    « L’hiver arrivait lorsque Karol posa sa plume […]

    Un peu plus tard, dans ce livre que je lisais et que je quitte, l’une des figures de second plan m’apparut. Très nettement, celle de Blanche. De Blanche cet après-midi-là dans les jardins de « Stanislas ». L’importance de cette figure m’apparut d’autant plus nettement que cette figure, dans le récit, atteint sa plus grande force quand elle utilise les formes du juste et du raisonnable… ».

    S’agit-il de la même Blanche ? La Blanche romanesque et illusion, insaisissable d’Aragon ? La Blanche de la rencontre amoureuse de Karol, faite jadis en Pologne ?

    Déborah Heissler brouille à dessein les pistes, les choix du récit, multiplie les énigmes autour de Blanche et déjoue les attentes des lecteurs. Conformément à ce que la poète écrit dans le poème – BLANCHE, qui donne une définition en creux du recueil :

    « Ni tableau, ni théâtre, où les choses auraient

    été engagées, pour figurer une vie autre que la

    leur. »

    Ou bien, comme dans le poème – Puis vues :

    « Lieu de conversation, point

    de rencontre, où se trouvent les contraires. »

    Ou encore, dans le même poème, cette strophe qui semble être un condensé du recueil de Déborah Heissler :

    « C’est ici la terre qui s’inverse – la lumière ad-

    venant  comme un miracle  au sein de  la durée

    de l’hiver,  irréelle,  qui  par  l’atonalité  de  ses

    formes, de leurs contours tremblés, favorise un

    autre  ordonnancement  des  lieux,  la  redécou-

    verte de l’horizon

    l’accord ancien du solide

    et de l’ajouré ».

    La poète démultiplie les ramifications de son rêve comme le fait aussi Joanna Kaiser dans les deux dessins qui accompagnent les poèmes oniriques du recueil de Déborah Heissler. La mémoire s’est effacée au fil du temps, emportant avec elle, dans ses replis de silence, la « figure » de Blanche oubliée. Karol et Blanche. Une histoire d’amour où les amants

    « OBS –

    CURENT »,

    gagnés par l’ombre.

    Et un très beau recueil. Tout en demi-teintes. Envoûtant. Fugue et fugacité.



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli





    Deborah Heissler  les-nuits-et-les-jours




    DÉBORAH HEISSLER


    Deborah Heissler Guidu
    Image, G.AdC





    ■ Déborah Heissler
    sur Terres de femmes


    Je ne peux oublier (poème extrait des Nuits et des Jours)
    Près d’eux, la nuit sous la neige (lecture d’AP)
    La protection des pierres (poème extrait de Près d’eux, la nuit sous la neige)
    Sorrowful Songs (lecture d’AP)
    « Des pas dans la neige » (poème extrait de Sorrowful Songs)
    sur l’herbe sèche ce jour (poème extrait de Chiaroscuro)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    loin (poème extrait de Comme un morceau de Nuit, découpé dans son étoffe)
    → (dans la galerie Visages de femmes) « 
    Errance » (poème extrait de Près d’eux, la nuit sous la neige)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions Æncrages & Co)
    la fiche de l’éditeur sur Les Nuits et les Jours
    → (sur le site de la mél, Maison des écrivains et de la littérature)
    une notice bio-bibliographique sur Déborah Heissler





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  • Déborah Heissler | Je ne peux oublier



    Les Nuits et les Jours 2






    JE NE PEUX OUBLIER

    que je suis ici dans une ville étrangère

    dont nous ne nous souviendrons plus

    (que
    dans nos rêves)

    qu’il me faudra

    la quitter



    Sous un ciel humide, la pluie hésite

    parapluie (BLANC) et pluie insistante

    longue

    interminable

    Je

    ne me souviens

    que d’une manière confuse

    des circonstances

    dans lesquelles me sont venues

    ces images (CETTE PENSÉE)

    cette impression (LE SENTIMENT)

    la vision immédiate qu’on nommera poésie

    (SI L’ON VEUT) le temps d’un battement de

    paupières



    Déborah Heissler, Les Nuits et les Jours, éditions Æncrages & Co, Collection Ecri(peind)re, 2020, pp. 37-38. Dessins de Joanna Kaiser. Préface de Cole Swensen, traduite par Virginie Poitrasson.





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    DÉBORAH HEISSLER


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    ■ Déborah Heissler
    sur Terres de femmes


    Les Nuits et les Jours (lecture d’AP)
    Près d’eux, la nuit sous la neige (lecture d’AP)
    La protection des pierres (poème extrait de Près d’eux, la nuit sous la neige)
    Sorrowful Songs (lecture d’AP)
    « Des pas dans la neige » (poème extrait de Sorrowful Songs)
    sur l’herbe sèche ce jour (poème extrait de Chiaroscuro)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    loin (poème extrait de Comme un morceau de Nuit, découpé dans son étoffe)
    → (dans la galerie Visages de femmes) « 
    Errance » (poème extrait de Près d’eux, la nuit sous la neige)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions Æncrages & Co)
    la fiche de l’éditeur sur Les Nuits et les Jours
    → (sur le site de la mél, Maison des écrivains et de la littérature)
    une notice bio-bibliographique sur Déborah Heissler





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  • Déborah Heissler, Sorrowful Songs

    par Angèle Paoli

    Déborah Heissler, Sorrowful Songs,
    Collection voix de chants,
    Éditions Æncrages Co, 2015.
    Préface de Claude Chambard.



    Lecture d’Angèle Paoli



    SOUS LES SILENCES DE BLANCHE, UNE POÉSIE DE L’ESQUISSE ET DE L’EMPREINTE



    «  Un triomphe, une querelle d’ongles à la cloison des feuillées. Toucher absolu de la distance qui nous sépare désormais. »

    Ainsi s’ouvre, par ces deux phrases mystérieuses et quasi antithétiques, Sorrowful Songs de Déborah Heissler. Deux phrases qui obsèdent par leur douceur et qui ne cèdent leur part d’étrangeté qu’à la lecture. Lecture lente grave triste mais paisible cependant, et recueillie, de ces admirables « petites proses ». La séparation est au cœur de ces pages. Séparation irrémédiable d’avec l’être aimé emporté un soir par la mort. Séparation — d’avec le monde des vivants — d’avec ceux qui ont péri dans le monde obscur des camps de la mort. Pourtant, au cœur même de la tragédie humaine qui se devine dans l’estompe, la beauté demeure, insolente parfois dans son « triomphe », « querelle d’ongles à la cloison des feuillées. » Mais le chant qui irrigue ce recueil est avant tout celui, doux et lent / fusionnel de l’amour.

    « Ton visage

    est celui que je cherche. »

    ou encore :

    « Bruissements du ciel comme une main. Blanche.

    Je te visage. » (in II, « Rien que le ciel ouvert »)

    Ou encore, dans le final :

    « aimée Tu

    qui me nocturnes. » (in III, « Chambre où te perdre »)

    Trois mouvements guident nos pas dans la valse triste de Sorrowful Songs. Trois chants de tristesse ponctués par quatre dessins de Peter Maslow. Trois compositions introduites par un poème-exergue de Thomas Johnson (« Soprano »), dont les vers annoncent les espaces mentaux du nouveau recueil de Déborah Heissler. La musique et ses octaves la fenêtre qui donne sur le jardin la branche d’un arbre la courbe bleue d’une veine qui s’incurve dans le cou (d’une femme ?). Un glissement feutré s’opère sur le seuil entre dedans et dehors, extérieur et intime. Tempo dominant et récurrent, la lenteur, qui engendre tristesse douceur et paix.

    Le titre choisi par la poète — Sorrowful Songs — fait référence de manière explicite à la Symphonie des chants plaintifs écrite par le compositeur polonais Henryk Górecki en 1976 — l’année même de la naissance de la poète. Cette Symphonie n°3 (opus 36), composée de trois mouvements lents, est une œuvre dédiée à ceux qui ont péri dans les camps de la mort. Le registre de cette œuvre ne peut être que grave, et l’impression qui s’en dégage est celle d’une plainte monotone qui jamais ne cesse. D’une répétitive tristesse qui longuement s’étire. Les visages invisibles de la Shoah s’insinuent entre les lignes, se glissent sous le visage paisible de Blanche.

    D’autres notes musicales affleurent entre les pages de Sorrowful Songs de Déborah Heissler, références explicites à d’autres compositeurs et à d’autres créations musicales. Bach / Stravinsky. Exaudi orationem meam. La Symphonie des psaumes pour chœur et orchestre. Ici le psaume 38 de David. « Exauce ma prière ». Boulez et Char : Le Marteau sans maître. Et Claude Debussy. Le prélude pour piano Des pas sur la neige. Lente douceur effacement.

    Le premier chant donne sur le jardin d’une belle endormie « Jardin – Elle Endormie », dans la simplicité naturelle d’une énonciation : « Blanche est morte. Elle est morte hier soir. » De l’autre côté de la fenêtre commencent les journées sans elle, dans le bourdonnement vacant de « l’essaim des heures ». Elle morte, lui sur le seuil se regarde vieillir ; vieillard épris de poésie, emprise discrète de Philippe Jaccottet. Elle, de musique. Une vie s’efface un peu plus loin, derrière la fenêtre, rideau de pluie papiers épars sur le bureau, quelques notes encore présentes mais déjà lointaines, des traces à peine d’un passé encore vibrant de ses étreintes, de ses ferveurs, et qui lentement s’en va vers l’oubli.

    « Passez. Oubliez tout.

    Oubliez qu’elle était devenue arbre et qu’elle lui tendait les bras, ombre au soleil, chèvrefeuille noué au cœur, cathédrale à la chute du jour, gisant », dit l’amant devenu vieillard.

    Blanche ou l’oubli. Souvenir d’un titre qui s’immisce malgré moi, « là où la vérité doit être inverse » ; Blanche comme la neige qui s’annonce dans les jours à venir de Sorrowful Songs. Tout cela à pas feutrés. Les petites proses, comme des tableaux en demi-teintes. Pour dire la vie la mort, la traversée dans le silence, la modestie, le presque effacement. Avec des touches de bleu pour tenter de cerner la brûlure des « corps lyriques ».

    « Trêve des corps précipités et bleus. Je ne sais ni quelle étreinte, ni même l’image, qui pourraient les prolonger. »

    Tonalités tristes sans repos d’une tristesse sans retour. Ainsi le laissaient entendre les vers de Thomas Johnson :

    « A garden

    Where the terne, restless

    On a plum branch

    Prepares to migrate

    Down the blue curve

    Of that veine

    Deep in your neck ».

    Pourtant, par-delà la mort, le chant de la vie continue de s’immiscer dans la mémoire de celui qui accompagne, derrière la cloison, la présence-absence de l’autre. Tout ce qui hante encore un lieu — elle « devenue arbre » ; énigme d’un espace qui parle d’Elle tout en suggérant ce qu’elle n’est plus.

    « Je me souviens    De deux petites filles

    qui gravissent l’escalier. »

    Il est vrai que celui qui l’aimait continue de lui parler, de s’adresser à elle depuis les frondaisons des arbres, et jusque dans le gisant du jour. Tout, dans ces lignes, se noue dans le doigté, le suggéré, l’effleuré, à peine, de manière légère. Ainsi le temps progresse-t-il au rythme de la neige, de sa brûlure indolore :

    « Dans quelques jours – demain peut-être même, il neigerait. Debussy résonne tout près de la fenêtre. »

    De même la mort se vit-elle dans cet espace à peine souligné qui convient si bien à Blanche. Et qui ne tardera pas à devenir aussi celui de l’autre.

    « Elle était devenue ombre et lui tendait les bras

    Blanche

    murmures d’ombre et d’ébène… »

    Chaque poème — parfois deux, qui se font écho — est annoncé par un titre — il conviendrait de faire une lecture spécifique des titres — et la neige qui tombe vient encore adoucir les mots qui demeurent ; ensevelir sous sa chute douce ce qu’il reste d’images, « les arbres et leurs fruits de bure, givrés légèrement », comme cernés dans la blancheur et le silence. Les silences de Blanche, de quels non-dits sont-ils tissés ? Seul l’instrument de musique, dans ses envols dans ses excès dans ses silences mêmes, peut parvenir à susciter une attente que la poésie, selon Blanche, ne parvient nullement à combler.

    La poète, elle, avance à pas feutrés dans l’esquisse et les empreintes. Tout ce qui entoure la mort se vit dans la nuance d’un chant crépusculaire. Dans la lumière cendrée du jour à son déclin. Ainsi de la présence discrète des oiseaux (messiaeniques oiseaux au Pays de la Meije ?), lesquels n’existent que dans le titre Oiseaux, neiges et fruits. Et que le lecteur perçoit pourtant « derrière les rideaux » et dans le ciel. Au point qu’il est convaincu de les avoir croisés dans le poème.

    C’est sans doute au cœur de cette énigme que se tient la force poétique de Déborah H. C’est dans ces esquisses qu’elle puise son talent. C’est sur ces lacis de traces à peine suggérées que se construit son écriture. Sur ce décalage permanent entre le dit et le non-dit qui innerve l’œuvre de la poète, et qui fait de la voix de Déborah Heissler l’une des plus singulières de la poésie contemporaine. Autant de qualités qui ne nuisent jamais à la musicalité bouleversante de Sorrowful Songs.



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli






    Déborah Heissler, Sorrowful Songs




    DÉBORAH HEISSLER


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    ■ Déborah Heissler
    sur Terres de femmes


    Les Nuits et les Jours (lecture d’AP)
    Je ne peux oublier (poème extrait des Nuits et des Jours)
    « Des pas dans la neige » (poème extrait de Sorrowful Songs)
    La protection des pierres (poème extrait de Près d’eux, la nuit sous la neige)
    Près d’eux, la nuit sous la neige (lecture d’AP)
    sur l’herbe sèche ce jour (poème extrait de Chiaroscuro)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    loin (poème extrait de Comme un morceau de Nuit, découpé dans son étoffe)
    → (dans la galerie Visages de femmes) le poème « 
    Errance »



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Wikipedia)
    l’article consacré à Déborah Heissler
    le blog de Déborah Heissler



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  • Déborah Heissler | « Des pas dans la neige »




    « DES PAS DANS LA NEIGE ».



    Et le ciel par où l’yeuse, plus loin, s’approche au plus près des neiges. Quelque chose qui prend figure, à la limite de l’image et en même temps image déjà, d’un départ.
    Blanche.

    Puis par la fenêtre le jardin parmi les arbres qui portent encore leurs fruits de bure, givrés légèrement.




    Jamais, je l’avoue, je n’avais pensé qu’un poème à lui seul eût pu un jour rencontrer les silences de Blanche. Du poème, elle n’aimait ni ses formats, ni même sa facture — et si peu sa propre voix à elle — rien qui ne respire, ni ne heurte assez, n’insiste tant, que l’instrument, celui auquel nos mains s’accordaient quelquefois. Là où précisément l’attente talonne le presque, le tout et le rien, qu’elle préférait au presque tout du poème. « Des pas dans la neige », en un sens indubitablement.



    Déborah Heissler, « I – Jardin — Elle endormie », in Sorrowful Songs, Æncrages & Co, Collection Voix de chants, 25047 Baume-les-Dames, 2015, s.f. Dessins de Peter Maslow. Préface de Claude Chambard.




    ________________________
    « Ces Sorrowful Songs nous conduisent jusqu’à l’essence même de la vie. Il n’est plus question de joie ou de peine. La vie ne se divise pas, ne s’immobilise pas. Ils nous font entendre tout ce qui en nous se mêle pour nous emporter dans le mouvement permanent qui, du vif au trépas – inversement -, nous mène dans la lumière blanche de l’amour qui nous transfigure. »

    Claude Chambard







    Déborah Heissler, Sorrowful Songs




    DÉBORAH HEISSLER


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    ■ Déborah Heissler
    sur Terres de femmes


    Les Nuits et les Jours (lecture d’AP)
    Je ne peux oublier (poème extrait des Nuits et des Jours)
    Sorrowful Songs (note de lecture d’AP)
    La protection des pierres (poème extrait de Près d’eux, la nuit sous la neige)
    Près d’eux, la nuit sous la neige (lecture d’AP)
    sur l’herbe sèche ce jour (poème extrait de Chiaroscuro)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    loin (poème extrait de Comme un morceau de Nuit, découpé dans son étoffe)
    → (dans la galerie Visages de femmes) le poème « 
    Errance »




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site de la mél, Maison des écrivains et de la littérature)
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  • pas d’ici, pas d’ailleurs


    Agenda culturel





    Pas d'ici pas d'ailleurs





    Anthologie poétique francophone de voix féminines contemporaines

    Présentation et choix de Sabine Huynh, Andrée Lacelle, Angèle Paoli et Aurélie Tourniaire
    Préface de Déborah Heissler


    Une anthologie réalisée en partenariat avec Terres de femmes


    PARUTION chez VOIX d’ENCRE en AOÛT 2012


    Pour en savoir plus, cliquer ICI (site de l’éditeur)




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  • Notes Laura Fiori de Martin Ziegler, par Déborah Heissler

    Chroniques de femmes – EDITO

    Chronique de Déborah Heissler

    Martin Ziegler, Notes Laura Fiori,
    éd. Laurence Mauguin, Paris, 2011.




    Martin Ziegler






    LES NOTES LAURA FIORI DE MARTIN ZIEGLER,

    FRAGMENTS D’UN IMAGINAIRE AMOUREUX





    la bouche s’écrête
    fondant le feu froid
    la clairière s’étoile à partir des routes
    un bouquet de basilic habite
    un sein pour tresser la main en panier

    vacance de la roche

    les chemins de la campagne nous reconduisent sous leur couverture de givre
    le prédicat et la faux s’amenuisent devant le ciel
    de l’herbe

    le soir aimait


    Martin Ziegler, Chemins à fleur autrement blancs,
    Éditions L. Mauguin, 2000, sans folio.





           À parcourir les Notes Laura Fiori de Martin Ziegler, le sentiment, l’impression, d’emblée ressentis de pénétrer un tableau, sa diégèse – si tant est qu’il soit possible d’emprunter, avec à propos, ce terme pour les peintres également –, par le biais du regard et de la focalisation, plans, dévoilement, focalisation, et pour mieux examiner les lignes de force qui à la fois parcourent ces proses et guident notre œil. Et d’emblée aussi je tente, comme l’écrivait également Roland Barthes, de m’arracher à l’Imaginaire amoureux : mais l’Imaginaire brûle par-dessous, comme de la tourbe mal éteinte ; il s’embrase de nouveau ; ce qui était renoncé resurgit […] (Fragments d’un Discours amoureux, Seuil, Collection Tel Quel, 1977, page 126).

    Perspective d’abord longue de prairies vert amande, elle puis lui – comme là en défaut –, natures mortes, lit plissé de neige, lèvres lithiques… Comment se construit-elle donc la diégèse au sein du récit, l’histoire qui se raconte au sein de l’histoire, à la fois imagée mais également imageante ?




           Séquence 1 – extérieur jour

           Tableau



    Si l’œil commence par embrasser à perte de vue un paysage, image a priori fixe, tableau, perspective, cette dernière appelle d’emblée le regard, son mouvement, au travers de la route qui serpente (on relèvera ici l’allusion à la Genèse, l’isotopie édénique ou bien l’évocation du jardin secret), et cela jusqu’au lit d’une rivière débouchant chacune, route ou rivière, presque immanquablement sur une […] coupe claire au pied de la paroi. (s.f., incipit)
    À perte de vue, à peine coupées ici et là par le serpentement d’une route, prairies vert amande que teinte comme une brume d’œillets sauvages, de pavots nains, d’orchidées naines qu’on appelle ici manettes, d’herbes odorantes de toutes sortes, où le cœur aimerait et se laisse quelquefois aller à courir, à embrasser et à étreindre à l’aveugle par brassées entières les tiges courtes souvent coupantes et tomenteuses de ces étendues royales à défaut de pouvoir découvrir quelque jardin secret au sortir d’un de ces chemins forestiers aussi nets qu’un lit de rivière qui débouchent presque immanquablement sur une dernière coupe claire au pied de la paroi. (s.f., incipit)

    Jeu du regard et de sa transgression (on étreint à l’aveugle) ou encore de la pulsion scopique et de l’obstacle (pied de la paroi), du regard qui vient buter, arrêté presque immanquablement – comme le suggèrent dans ce passage l’abyme du « cliché », convenu si l’on veut, et celui consécutivement de la fiction dans l’image – au pied de la paroi.




          Séquence 2 – corps enchaîné/fondu extérieur jour

         Elle



    Apparition. Comme il suffirait de tourner une page pour que l’obstacle tombe. Intrusion alors du corps féminin dans le discours, lèvres, langue, où la métaphore – lèvres lithiques – force la figuration, le référent, l’écriture également lorsque celle-ci se veut exclusivement filmique et quasi synoptique, légèrement elle s’incline, pour sous-tendre la pratique scénarique.

    Légèrement elle s’incline. Et légèrement tressaille ce qu’en servant elle offre. Et comme elle se retire pour se taire tout en préservant intact son présent, ce qui serait à venir se scelle à l’image de ses lèvres. Lithiques lèvres légèrement ourlées de pâle qu’humecte non sans retenue une langue très lisse et qui semble autant vouloir en rehausser l’éclat que se délecter d’elles dans quelque union célibataire. (s.f., page suivante)
    Puis le relais de la métaphore et légèrement tressaille ce qu’en servant elle offre. On se trouve alors là « au bord de » sans cesse, à la commissure des lèvres littéralement et du discours au figuré – ce qui serait à venir se scelle à l’image de ses lèvres. Isotopie de la pierre, lèvres scellées (ou tues) et baisers solitaires, langue très lisse et qui semble autant vouloir en rehausser l’éclat que se délecter d’elles dans quelque union célibataire.



         Séquence 3 – tombe extérieur jour

         Lui

    Telle une marque pour ne pas être en reste et rivaliser encore de funestes fabrications, énième évocation de : la touffeur d’air tremblant, les ifs nombreux dans et ceignant le cimetière. (Flanquant l’entrée du « château », côté champs, les deux douglas géants, ses contemporains.) Demi-jour en Creuse – le poème télégraphié (?) en cette funèbre circonstance. Lui, manquant où il est, comme là en défaut, imminence toujours passée.
    Frêle bruit sourd d’oisillon chu des roses sur la planche ponctuant les pas, approchant, partant. Une cinquantaine de roses avant l’ultime poignée de terre fine rappelant vaguement celui de la pluie.
    (ibid., paragraphe suivant)
    Célébrations funèbres, alors qu’on vient de l’évoquer tout juste, elle, cette femme qui s’offrait – préservant son présent – et lui, dans la position du voyeur, dont on ne sait au final s’il ne s’agit pas aussi du narrateur scrutant la collusion du paysage avec les lèvres de celle qui s’incline, puis se retire, ou bien, lui, l’absent, manquant où il est, comme là en défaut, imminence toujours passée. Point le plus sensible de ce deuil.


    Progressivement aussi, intrusion sonore (du frêle bruit sourd d’oisillon chu des roses sur la planche ponctuant les pas, doublée de la poignée de terre fine rappelant vaguement celui de la pluie qui clôt l’évocation de la mise en terre).


    Les cadres du récit étant posés, les séquences de proses à partir de là s’enchaînent et s’appellent l’une l’autre, articulant la diégèse au sein du récit sur la coïncidence entre le « deuil amoureux » et le détail, à peine crypté, d’une « Nature morte » de pommes telles des joues […] avec de toutes petites mouches presque invisibles voletant d’un calice à l’autre. Articulation forte du recueil, que nous relevons en ne numérotant plus les séquences mais en les désignant par « n, n+1 et nième » désormais.




           Séquence n – mouches enchaîné/fondu intérieur jour

         Natures mortes
    Candide présent de l’aube. Deux corbeilles de pommes déposées devant la porte par la voisine. Rouges et rondes comme il se doit, telles des joues. Avec de toutes petites mouches presque invisibles voletant d’un calice à l’autre. (s.f.)
    Jouissance de l’image candide présent de l’aube dans la plus simple tradition picturale du XVIIIe siècle, baignant de lumière deux corbeilles de pommes déposées devant la porte par la voisine – synecdoque du visage féminin à peine esquissé, rouges et rondes […], telles des joues,de toutes petites mouches presque invisibles volètent d’un calice à l’autre, insinuant la pertinence sémique au sein du complexe métaphorique deuil / nature morte / mouches. Pour rappel, une « mouche » à cette époque, désigne également le petit morceau de taffetas noir que les femmes se posaient sur la peau, de façon à en rehausser la blancheur pour mieux attirer le regard.




           Séquence n+1 – femme-paysage enchaîné/fondu extérieur jour

         Métamorphoses
    Il faudra toujours se rendre à l’évidence que sous ce grand lit, ce grand drap défait et un peu plissé de neige presque sans macules, ce sont seulement les signes finalement illisibles, sans attributs, et sans espoir de fonte, et tout à fait trompeurs, peut-être d’un désastre – mais le pire ne serait jamais atteint – peut-être d’un drame – mais cela existe-t-il dès lors qu’il n’y a pas de pendant ? – peut-être, après tout, d’un ravissement ou du moins d’une délivrance, d’un apaisement ou de rien. […]
    Transposition iconique et tout à la fois érotique du lit, du drap défait plissé de neige et des signes illisibles et trompeurs, du désastre – drame « le fading de l’autre, quand il se produit, m’angoisse [écrira Barthes à ce sujet] parce qu’il semble sans cause et sans terme. Tel un mirage triste, l’autre s’éloigne, se reporte à l’infini et je m’épuise à l’atteindre (Fragments d’un Discours amoureux, op. cit. supra, page 129). Signes illisibles et trompeurs parce qu’il pourrait aussi bien s’agir d’un ravissement aussi, moins d’une délivrance, d’un apaisement ou de rien, poursuit le narrateur.
    À moins qu’il fût question ici de quelque chose qui tout simplement transporte ou transit, à croire presque qu’on aime ce qu’il y a, peut-être la nature (mais la nature et le dire étant deux choses distinctes, depuis toujours), que cela permit juste de dire pour que rien ne soit ce qui est et pour être ainsi, un peu du moins, ne serait-ce que ce dire, en son sein même et par là tout à la fois et l’absence de tout, y compris l’ouverture de l’absence, et cette articulation de l’un et de l’autre […].(s. f., in « (Note de la fin) »)
    Lyrisme amoureux poussé à son point de plus vive incandescence à croire presque qu’on aime ce qu’il y a, peut-être la nature […] ou ne serait-ce que ce dire, en son sein même, là ou tu n’es pas, et par là tout à la fois et l’absence de tout, y compris l’ouverture de l’absence, et cette articulation de l’un et de l’autre.



         Séquence n+1 – scène enchaîné/fondu intérieur jour

         Métaphores



    Si l’écriture, peut-être bien, ne compense pas, rien, ne sublime pas – à la fois trop et trop peu –, c’est que les différentes sphères du langage, à la fois poétique et cinématographique, s’accommodent en revanche assez bien du défaut de parole, d’un grand silence.


    Où qu’il fût question d’autre chose encore, à savoir d’une langue orpheline, ou d’autre chose encore que d’une langue, d’un grand silence, mais sans qu’il y eût une langue adjointe à lui, cette fois-ci, (ces deux qui partout vont de pair et de concert), ou d’autre chose encore qui, ou quoi, sans rien dire, suffirait incompréhensiblement à se dire et à se taire, se recouvrant, sachant – sans savoir à vrai dire – […](s.f., in « (Note de la fin) »)
    Union ici non plus « célibataire » seulement comme avait pu l’évoquer le poète au début du recueil, mais langue désormais « orpheline » – et silence infiniment commenté de la relation amoureuse, silence de l’image qu’on scrute, de l’autre qu’on désire « je te désire » et de cette activité de discours désirante, du langage enfin comme une peau.
    Le langage est une peau [écrivait aussi Barthes à ce propos] : je frotte mon langage contre l’autre. C’est comme si j’avais des mots en guise de doigts, ou des doigts au bout de mes mots. Mon langage tremble de désir. L’émoi vient d’un double contact : d’une part, toute une activité de discours vient relever discrètement, indirectement, un signifié unique, qui est « je te désire », et le libère, l’alimente, le ramifie, le fait exploser (le langage jouit de se toucher lui-même) ; d’autre part, j’enroule l’autre dans mes mots, je le caresse, je le frôle, j’entretiens ce frôlage, je me dépense à faire durer le commentaire auquel je soumets la relation (Fragments d’un Discours amoureux, op. cit. supra, page 87).


        &nbsp   Séquence nième – scène extérieur jour

           Ile d’Yeu, ou Belle-Île



    Dire que le ciel était bleu. Impossible. Dire les yeux impossible, le blanc rougi, la pulpe tumescente. Yeux de biche jadis, impossible. À taire donc. Qu’on n’entre pas ici. Dire que jadis. Dire impossible (extrait, s.f.). Fascination et question de « vision », de révélation, à l’égard de cette femme, elle, apparue dans la perspective à l’incipit du recueil, de son corps – visage, cils, ongles, orteil, lèvres, grain de peau –, bribes de corps également perçues derrière les dormants d’une fenêtre très haute, pour voir et ne pas voir, dans une autre chambre très haute qui aurait abrité l’atelier de Michel-Ange (un peu plus loin dans le recueil).


    Dans ces Notes Laura Fiori, l’attention de Martin Ziegler reste constante à l’égard de l’image et de la structuration complexe du tissu métaphorique assurant le fondu/enchaîné des séquences entre elles, page à page, petites épiphanies multiples et comme lentement préparées – ou soudain fulgurantes comme ici, à l’excipit, celle de l’aube.
    De la baie battue par les bourrasques de pluie mêlée d’un peu de neige au banc, gris cendre, presque blanc quand la lune par intermittence perce. D’un souffle. Malgré la pluie et jusqu’à ce qu’elle cesse, et au-delà. Au frêne scintillant de ses bourgeons noirs, aux rosiers nus, aux nombreux oiseaux, merles, vanneaux, pies, geais, mésanges, au fermier qui saute d’un sillon à l’autre, le jeune soleil, comme souverain, sans la moindre tache d’aube, révèle la scène. (s.f., excipit du recueil)
    Cet ultime détail de « la scène » qui aussi devient à la fois « point de conjonction » et « point de fuite », du récit et de ses métamorphoses poétiques ou filmiques.
    Moment de l’affirmation [avancerons-nous avec Barthes enfin] j’ai été comblé (tous mes désirs abolis par la plénitude de leur satisfaction) : le comblement existe, et je n’aurai de cesse de le faire revenir : à travers tous les méandres de l’histoire amoureuse, je m’entêterai à vouloir retrouver, renouveler, la contradiction – la contraction – des deux étreintes (Fragments d’un Discours amoureux, op. cit. supra, page 122).



    Déborah Heissler
    D.R. Texte Déborah Heissler





    MARTIN ZIEGLER


    Martin-ziegler-rouge
    Source



    ■ Martin Ziegler
    sur Terres de femmes

    écrire la mère vide (extrait de Foery)
    Pan de route rompue (extrait de Notes Laura Fiori)
    Ô ter abcède de Martin Ziegler, par Déborah Heissler
    depuis seul
    moments



    ■ Déborah Heissler
    sur Terres de femmes

    « Des pas dans la neige » (poème extrait de Sorrowful Songs)
    Sorrowful Songs (note de lecture d’AP)
    Près d’eux, la nuit sous la neige (note de lecture d’AP)
    La protection des pierres (extrait de Près d’eux, la nuit sous la neige)
    sur l’herbe sèche ce jour
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    loin (extrait de Comme un morceau de Nuit, découpé dans son étoffe)
    → (dans la galerie Visages de femmes) le poème « 
    Errance » (extrait de Près d’eux, la nuit sous la neige)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Terres de femmes)
    Laurence Mauguin | Libre parole





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  • Déborah Heissler | loin




    Quand déferle un de ces nuages farouchement noirs sur le paysage
    Ph., G.AdC







             Loin                                 là-bas,    brusque   retour   de
                                                       mémoire.   Mon   amour    est
                                                       une   île.

                                                       L’image   est   fixe.   Le   soleil
                                                       du matin sur les pierres.  Des
                                                       monceaux  légers  de  feuilles
                                                       sèches.  Des  fumées  qui pas-
                                                       sent rapidement dans  le  jar-
                                                       din.    L’air   d’un   blanc   déjà
                                                       cru  qui  devient  éblouissant
                                                       quand    déferle    un    de   ces
                                                       nuages   farouchement  noirs
                                                       sur  le  paysage.

             Puis                                 ces   brefs  passages  de  pluie
                                                       sur  les  feuilles  avec  le  bois
                                                       usé  par  le  temps,  les  bruits
                                                       de   journaux   qu’on   froisse.
                                                       Le   vent   qui   traîne  sur    le
                                                       perron   de   grosses    feuilles
                                                       d’aristoloche desséchées.





    Déborah Heissler

    D.R. poème extrait (pp. 19-20) de « KAIMAMIRU | ENTREVOIR »
    in Comme un morceau de nuit, découpé dans son étoffe
    paru chez Cheyne Éditeur en octobre 2010
    avec l’aimable autorisation de Cheyne Éditeur
    et de Déborah Heissler pour Terres de femmes

    Note d’AP : la mise en page est conforme à celle du tapuscrit original
    et non pas à celle de la publication définitive, mais le principe de mise en page
    sur deux colonnes est le même.







    DÉBORAH HEISSLER



    Image, G.AdC



    ■ Déborah Heissler
    sur Terres de femmes

    « Des pas dans la neige » (poème extrait de Sorrowful Songs)
    Sorrowful Songs (note de lecture d’AP)
    La protection des pierres
    Déborah Heissler, Près d’eux, la nuit sous la neige (note de lecture)
    sur l’herbe sèche ce jour (poème inédit)
    → (dans la galerie Visages de femmes) le poème « 
    Errance »



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Wikipedia)
    l’article consacré à Déborah Heissler
    → (sur le site du Scriptorium)
    un autre poème extrait (page 21) de Comme un morceau de Nuit, découpé dans son étoffe (+ un avant-propos de Dominique Sorrente)
    → (sur Regard au pluriel de Christine Bauer)
    un autre poème extrait (pp. 24-25-26) de Comme un morceau de Nuit, découpé dans son étoffe
    le blog de Déborah Heissler



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