Étiquette : Dernières paroles de Perceval


  • Emmanuel Merle, Dernières paroles de Perceval

    par Angèle Paoli

    Emmanuel Merle, Dernières paroles de Perceval,
    L’Escampette Éditions, 2015.



    Lecture d’Angèle Paoli



    CE ROUGEOIEMENT QUI BRÛLE, C’EST CELA QUI DEMEURE



    Il y a un avant il y a un après. Et l’écriture du poème, en ligne de partage entre le taire et le dire. Entre les mots tenus sous silence, sous le boisseau de la blessure. Sous l’armure. Et les mots venus un jour dans le dire, lâchés loin très loin par-delà l’horizon de l’enfance.

    Le nom de l’adolescent sous sa cuirasse, nom de guerrier et nom de roi, c’est Perceval. Il fait lever avec lui, derrière ses chevauchées solitaires, le souvenir lointain de la quête éperdue d’un chevalier au cœur pur, à travers sentes et forêts ; des paysages, des combats à la lance et à l’épée, paysages abolis dans le réseau incertain de nos mémoires. Avec lui, avec le nom de Perceval, surgissent les souvenirs enfouis du Roi Pêcheur, mystères et secrets d’un roi « méhaigné » ; blessé et impotent, qui attend la délivrance miraculeuse de son mal. Et tout autour — de lacs énigmatiques en joyeuses bonnes chères dans les châteaux, de gués à franchir et de langues à dénouer — une errance infinie à travers vals et ravins, et des défis à relever. Et du sang. Trois gouttes dispersées dans la neige sous le sabot du cheval. « Trois gouttes de sang ». « Trois flocons rouges ». « Trois braises dans la neige ». Autant de « pierres taillées », dressées dans l’à-vif du poème, sur le blanc de la page.

    Trinitaire, le recueil d’Emmanuel Merle : Dernières paroles de Perceval. La traversée du « Chevalier d’Effroi » s’effectue dans un lent continuum à trois temps. « L’homme percé de cris » / « Terre foraine » / « Le regard et la voix ». Trois volets pour dire la quête. Non pas quête de sens, mais quête de « pleine incarnation ». Cheminement — questionnements et doutes —, jalonné de retours sur soi, sur le passé qui heurte la cuirasse ; chute dans le ravin et dans l’inconscience ; acceptation du « lointain veuvage » et presque consentement. Depuis la « terre veuve » — où se tenait « l’enfance ramassée » aux côtés de la mère, terre devenue soudain « stérile » et « gaste », « sans paroles autres que mal prononcées » —, Perceval poursuit son errance et passe en « terre foraine ». À la fois étrangère et familière, autre et semblable, cette « terre nouvelle » le conduit des corniches escarpées des montagnes au consentement final, accordé au regard et à la voix :

    « Dire, oui, c’est diviser, mais quelques paroles,

    ici, célèbrent encore la vie :

    les prononcer comme des prénoms. »

    Consentir n’est pas chose aisée. Cela se fait par étapes. Accepter d’abord que l’errance prenne une autre forme :

    « Errer presque immobile, laisser la présence

    surgir, sauvage, comme un lointain

    qui bondit sur tous les yeux de l’âme. »

    Accepter aussi d’accueillir la parole, dans ses affleurements et ses incomplétudes :

    « Dire cela, des paroles tutoyées,

    des éclats de verbe. »

    [Dernières paroles de Perceval]

    Au terme de cette itinérance, Perceval, en partie réconcilié avec lui-même, énonce, en une double acceptation, la mystique sans christ qui lui est propre :

    « Ce monde est sans réponse,

    peut-être est-il sans question. »

    En ouverture du recueil d’Emmanuel Merle, deux poèmes : « Je m’appelle Perceval » et « La terre veuve ». Poèmes liminaires – un écho, peut-être, du prologue de Chrétien de Troyes — qui posent les pierres enfouies de l’enfance, du nom, de la mère et du silence, et les redresse dans la beauté musicale du poème.

    « Je veux écrire un visage

    sur le blanc du silence. »

    Quel visage ? « Aux plis profonds » ? Visage aimé ? Du père de la mère de l’autre femme ? Pour quel vertige, pour quelle énigme, pour quelle langue secrète ? Comment savoir ?

    « Il ne reste rien du visage d’un être

    lorsque, vraiment, on le regarde, rien

    qu’une prière dans une broussaille. »

    Tout commence avec la quête du nom. « Ma mère ne m’appelait pas par mon nom », confie Perceval. Est-ce à cause de ce taire que le dire s’est si longtemps absenté de Perceval ? Avec la révélation de son nom survient la mort de la mère. Avec sa mort, Perceval découvre, lié à elle, le sentiment de la faute. Désertée de longue date par le veuvage, la mère est cette « terre veuve » à partir de laquelle vont se faire les apprentissages du fils. Jusqu’alors élevé dans le retrait et dans la solitude, par crainte de non-retour. Chevauchées et rencontres.

    « Mais mon nom est venu. Il est venu

    des lèvres de ma mère : c’est le nom

    de son dernier souffle.

    Il a traversé la terre veuve

    et s’est posé sur mes lèvres. »

    Avoir un nom suffit-il pour vivre et pour mourir ? s’interroge Perceval. Chacun semble le croire. Perceval, lui, se tait. « Parole tue ». Tuer et taire. Où est la frontière ? Ses lèvres parlent pour lui. Et sa blessure saigne. Énigmatique blessure. Imaginaire ou réelle ? Entrelacs de l’un avec l’autre.

    « Comment pouvait-on souffrir, étant roi ?

    Je ne comprenais pas, je mangeais

    pour contredire mon silence. Je rêvais

    aussi bien. J’imaginais les lèvres de la plaie

    faiblement remuer, ouvertes, comme cherchant à dire

    la douleur, m’appelant presque, m’enjoignant

    de les refermer. »

    La blessure est ancienne, qui s’ouvre, lèvre à lèvre, et suinte, palpitante de sang. Elle est associée à la « barrière de bois », « au pied du champ ». C’est là que s’ancre le drame qui enclot à jamais l’enfant dans son deuil. Et pour longtemps, dans son mutisme. « Terre gaste » où s’inscrit le manque ouvert par la disparition du père. « Pente dévastée ». Le mystère de Perceval privé de mots gît dans cet espace. À même « le souvenir / de celui que je n’ai pas connu. » « La barrière de mon père », ligne de partage entre un passé antérieur, lié à un avant insaisissable et attaché à un présent qui cherche sa voix dans l’enchevêtrement de l’existence. Perceval ? Une « armure vide qui chevauche ». Exilé de lui-même, au-devant d’une « terre d’enfant disparu ». La barrière, désormais, sépare et « divise le monde ». Elle divise aussi l’enfant, pris entre son « impatience à vivre » et « cette soudaine / imperfection produite par un défaut / de lumière et maintenant. »

    Le long retour sur l’enfance, son seul langage de galops de branches et de lances, dit, dans le poème de « La terre veuve », le lieu du fondement sans remise en question, lieu de parfaite adéquation avec le monde, lieu d’affirmation de l’être dans l’espace qui est le sien :

    « J’avais lieu d’être », se souvient Perceval.

    Pourtant, si le regard posé sur l’univers qui l’entoure est encore celui de l’enfance, il n’en est pas moins nourri de métaphores sombres, avaleuses de rêves, chargées de violence et de désolation.

    « Tout bondit, comme le temps,

    et disparaît dans la gorge de l’horizon. »

    La geste du chevalier, souffle de haut lyrisme qui s’écrit par grandes strophes, est bientôt traversée par le désir d’autre chose.

    « En moi ça demandait,

    mais je me taisais.

    Je me taisais. »

    Mais l’univers que découvre le jeune homme est le sien ; celui-là même qui le constitue, fibres et âme, viscéralement. C’est en lui que réside sa vérité profonde. Et son profond désarroi. Acceptation ? Première pierre dressée pour le consentement ?

    « Mais cette terre veuve c’était moi, ces chemins

    sans définition c’étaient mes bras,

    ces tourbières et ces étangs mon esprit et mes yeux,

    dispersés, désamarrés, sans jointures

    désormais, phrases sans verbe. »

    Dans cet exil à l’autre et à soi-même, le rouge toujours macule le blanc, couleurs dominantes de l’ouvrage. Parfois survient le noir, « mâchefer », « exil », « vols noirs », « vent noir », « poussière noire ». Le noir de la mort rôde. Fidèlement à l’œuvre dans le poème :

    « La voix de l’hiver, sa voix blanche »

    « et le cœur noir

    des morts de la bataille. »

    L’obsession de la mort travaille Perceval au corps. La mort qu’il a donnée à l’autre, celle qui l’atteint dans sa chair, mort du père, mort des frères et de la mère. Audible de lui seul, le cri qu’ils ont poussé a transpercé sa cuirasse. Et la cuirasse saigne. Cris reçus comme coups fatals, qui mettent à mort le vivant.

    « Je suis Perceval, l’homme percé de cris,

    grevé de râles, comme des mains,

    par poignées. »

    Perceval. Son nom draine dans son sillage un envol de vibrantes. « Dévouement » ; « sauvagerie » ; « aveugle » ; « relevée » ; « dévoile » ; « entredévorement ». Disséminées dans les poèmes, les consonnes voisées s’égrènent au fil des vers. Et composent un tableau serti de noir. « Percevoir » ; « dévasté » ; « ravin » ; « veuve » ; « vivre » ; « délaver » ; « dévaler ». Poésie des mots qui essaime les sons au hasard du chemin. Et renvoie en écho aux pierres « phonolites » qui surprennent la lecture et la marche.

    Peut-on jamais revenir en arrière « pour poser la question » que l’on a oublié de poser ?, s’interroge Perceval. Là où le taire s’est imposé gît la réponse « depuis toujours »,

    « dans le ravin, dans ses pierres échouées

    et ses feuilles dénouées de leurs branches ».

    Revenir en arrière ne se peut, remonter le courant vers un avant ne peut avoir lieu. Là se tient l’irréversible. Que faire alors, sinon tenter l’aventure de l’autre côté ? Tenter de rejoindre l’autre lumière ? Passer en « terre foraine », même si « traverser est une énigme ».

    Et si « la terre foraine » n’était qu’un leurre ? L’avers de la terre d’origine ? Son double inversé ? Un paysage semblable à la « terre veuve », borné comme elle des mêmes cairns, nourri des mêmes doutes, nourri des mêmes effrois ? Alimenté par la même perte du langage ?

    Partout ailleurs, en effet, sur l’autre rive, de l’autre côté du gué, surgissent les mêmes fantômes, et se rouvrent les plaies.

    « Guéer un drap immense et blanc

    dans les eaux du passé, pâlir dans l’eau

    du paysage trois taches rouges. »

    Et de l’autre côté, sur l’autre page, en « terre foraine » :

    « Cette terre, sur l’autre rive du gué, étrangère,

    hérissée pourtant d’arbres semblables,

    parées des mêmes nuages de rouge couchant,

    ravagée elle aussi ? »

    À quoi bon alors poursuivre si traverser recèle la même « immense imploration » ? Quelque chose pourtant survient. Qui a à voir avec le rouge. Un rouge qui éblouit.

    « Le rouge. Un halo de rouge, un mal aux yeux. »

    Ainsi, au moment de s’aventurer en « terre foraine », la peinture entre-t-elle dans le paysage mental de Perceval. Ses « pupilles brûlées » « peignent un sol ourlé de sang ». Lumière aveuglante, le rouge impose sa « pleine présence ». Qui modifie la perception. Promesse d’une présence autre, qui s’achève par un alexandrin nervalien :

    « Rouge est pourtant la couleur pour moi

    de cette lumière, parce qu’elle sourd,

    pleine présence, de l’horizon,

    ce peintre qui parfois se repose et m’attend. »

    Promesse de courte durée. Il en est de la peinture comme de la langue et des hommes. Noyés les mots sur les lèvres. Abandonnés les pinceaux et les objets à peindre. Abandonné jusqu’au désir.

    « Quel est ce lieu où tout se retrouve

    mais délavé, comme un écho ? Où tout

    semble être le pinceau abandonné

    par le désir du peintre ? »

    ou encore :

    « Qu’a fait le peintre de sa charrette

    enfoncée dans ce chemin ? »

    Ailleurs, dans « Le regard et la voix », Perceval se prend à rêver d’une autre dimension. Peut-être a-t-il croisé, dans une autre vie, le Chef-d’œuvre inconnu ?

    « Cette femme a le visage de la neige,

    et peut-être des peintres ont-ils laissé

    leurs pinceaux pour seulement dessiner

    leur fièvre sur cette toile, des traits

    épars, des commissures, des cils,

    des désespoirs. »

    La quête se poursuit longtemps encore. Et la « terre étrangère » est le miroir délavé de la terre jadis connue. Étrange ressemblance qui fait que le nouveau à l’ancien répond. Jusqu’aux sentiers qui se croisent :

    « Lequel de ces deux sentiers

    est-il l’écho de l’autre ? »

    Jusqu’aux paysages qui se superposent, « ligne de partage des yeux ». Paysages couleurs visages âmes des morts. Tout semble délavé. Pâle reflet de ce qui fut. Et lui-même qui est-il ?

    « J’ai tant voulu un nom. Ne suis-je,

    en terre foraine, qu’une autre ombre,

    qu’un habile coup de pinceau ? »

    Dans le « tableau renversé » qui s’offre à lui, Perceval ne perçoit qu’« un présent inutile », qui lui renvoie son incapacité à vivre et à aimer. Ou simplement à dire cette attente :

    « Dire l’autre, c’est difficile. Un rebord,

    et l’espoir fou d’une main sur la poitrine,

    qui retiendrait. »

    C’est dans un exil de roches dispersées dans le pierrier des montagnes, dans un horizon vertical résonnant de phonolites, dans le « ciel de pierres » vers lequel il grimpe, que Perceval poursuit désormais sa quête. « L’ancienne langue / sauvage et ivre » continue de vibrer en lui. Les « anciennes paroles / prononcées par une aube enfantine » poursuivent en lui leur conciliabule. Mais les mots ne demandent qu’à trouver des lèvres accueillantes. Le poète tâtonne, cherche leur complicité bienveillante et créatrice. Son désir se fait jour qui s’énonce au travers du regard et de la voix.

    « Le regard et la voix, embrasures du corps,

    je voudrais leur connivence,

    que ce que je vois rougoie

    dans la braise des mots. »

    Le regard et la voix, « pierres dans le vide » ?

    Assurément non. Longtemps après que Perceval nous eut quittés, longtemps après que le chevalier errant eut laissé tomber sous le sabot de son cheval les dernières paroles, survient :

    « une lumière intime, comme deux couleurs

    côte à côte, et c’est l’air

    qui commence à vibrer. »

    Que dire d’autre ? Sinon que cet enchevêtrement des motifs de Perceval et du poète est d’une infinie et bouleversante beauté. Et que cette quête des signes est aussi la nôtre. Ne garder des mots que leur fièvre. Ce rougeoiement qui brûle, c’est cela qui demeure.



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli





    Emmanuel Merle, Dernières paroles de Perceval







    EMMANUEL  MERLE


    Vignette Emmanuel Merle




    ■ Emmanuel Merle
    sur Terres de femmes

    Dernières paroles de Perceval (lecture d’Isabelle Lévesque)
    [Le rouge] (extrait de Dernières paroles de Perceval)
    Amère Indienne
    [Cape Cod]
    Le Chien de Goya (lecture d’AP)
    Cet ancien lieu (poème extrait de Démembrements)
    Démembrements (lecture d’AP)
    Ici en exil (lecture de Sylvie Fabre G.)
    ils attendent ce qui (extraits du Grand Rassemblement)
    [Je me discerne davantage dans le miroir de la couleur](extrait des Mots du peintre)
    [Ramper sur la glace](extrait de Nord, seul point cardinal)
    [Tout est matière, sauf ma décision] (extrait de Olan)
    Tourbe (lecture d’AP)
    [Il n’y a plus d’arbres] (extrait de Tourbe)
    [Une promesse, dis-tu]
    Emmanuel Merle & Thierry Renard | La Chance d’un autre jour, Conversation (lecture de Sylvie Fabre G.)
    Emmanuel Merle & Thierry Renard | [Jour de pluie ici aussi]



    ■ Voir aussi ▼


    → (sur Terres de femmes)
    Sylvie Fabre G. | Une terre commune, deux voyages
    → (sur le site de la mél [Maison des écrivains et de la littérature])
    une fiche bio-bibliographique sur Emmanuel Merle





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  • Emmanuel Merle, Dernières paroles de Perceval

    par Isabelle Lévesque

    Emmanuel Merle, Dernières paroles de Perceval,
    L’Escampette Éditions, 2015.



    Lecture d’Isabelle Lévesque



    Il y a dans lire une attente qui ne cherche pas à aboutir.
    Lire c’est errer. La lecture est l’errance.
    (Méfiez-vous des chevaliers errants !
    Méfiez-vous des romanciers !)
    Chrétien de Troyes nommait le groupe
    de
    Ceux qui vont par les étranges terres
    les étranges aventures quérant.
    (Méfiez-vous des chevaliers errants !
    Ils cherchent l’aventure ; le malheur les attire.)

    Pascal Quignard
    1



    Avant la révélation de son nom, qui était-il ? Page vierge, pour quelle inscription ?

    Coda : ultime. Pour ce texte dont le stemma ne peut être établi, les quinze manuscrits conservés sont trop fragiles pour être réunis, comparés, seul ce qui sur le bord du gouffre sera révélé. Le roman de Chrétien de Troyes est inachevé, offert aux continuateurs. Figuration exacte de ce qu’Umberto Eco qualifiait d’« œuvre ouverte ».

    Du personnage de Perceval, on connaît la quête. Élevé loin de toute chevalerie dans la Gaste Forêt, protégé par sa mère qui veut lui éviter le destin et la mort de son père et de ses deux frères, Perceval apparaît d’abord en sa pureté naïve d’enfant. Ayant rencontré des chevaliers qu’il prend pour des anges, il décide de quitter sa mère et sa Gaste Forêt pour devenir lui-même chevalier. Son nom de Perceval ne lui viendra qu’après ce départ qui cause la mort de sa mère, son adoubement, sa découverte de l’amour et l’aventure du château du Roi Pêcheur. Perceval le Gallois, ou Perceval l’Infortuné.

    Emmanuel Merle donne la parole au héros d’abord trop bavard, puis trop silencieux, à celui qui fait l’expérience de la perte de la langue et doute de la réalité de la vie et du monde visible :

    « Je m’appelle Perceval.

    Je n’ai pas toujours su mon nom.

    […]

    Mais mon nom est venu. Il est venu

    des lèvres de ma mère : c’est le nom

    de son dernier souffle.

    Il a traversé la terre veuve

    et s’est posé sur mes lèvres. »

    Par la bouche de sa mère, le nom révélé. Par celle du poète, la prosopopée. Nous lisons les dernières paroles du fils en une projection signifiante dont le « nom » semble être l’enjeu, affirmé et répété dans le poème liminaire.

    Celui-ci s’achève par :

    « Je veux écrire un visage

    Sur le blanc du silence. »

    Quel est ce visage ? Celui de Blanchefleur, celui de la mère ? Mais ne serait-ce pas plutôt la déclaration d’intention du poète Emmanuel Merle qui va composer ici le portrait écrit de Perceval ?

    L’écho préside au texte. « La Terre Veuve », il suffit d’en changer la première lettre pour entendre « mère », celle laissée sur le seuil lorsque son jeune fils décide de la quitter pour explorer le monde où vivent les chevaliers, celui-là précisément qui lui a ôté fils et mari. Veuve comme une terre-mère dévastée en hypallage, le Moyen Âge entré, droite file, dans le texte et l’entour devenu source d’énergie, force de symboles, relais vibrants des émotions humaines :

    « J’avais chevauché toute la nuit, et entre les bras des arbres

    je sentais la torche de la lune, froide et blanche […] ».

    Les signes se joignent, « alphabet / de quelques sabots », ce qu’il faut retrouver dans cette quête, celle du livre : une langue, incarnée dans la parole de Perceval. Le chevalier erre, parcourt et déchiffre la terre veuve, gaste ou foraine. En lui, constellée, la présence – l’espace, le temps :

    « J’avais lieu. »

    Destin qui aboutit à une convergence où retrouver Perceval ayant vécu déjà son errance, le voici gorgé d’expériences et de temps, épaissi par la traversée d’une vie, confronté enfin à l’existence, à la résistance d’une pierre :

    « Du granite qui s’ébréchait sous mes yeux, se séparait,

    devenait schiste. Le temps passait plus vite

    et mon cœur faisait des grands gestes. »

    « Granite » et « cœur », éloignés dans les vers, rapprochés par le sens et la personnification vivifiée du cœur : « avoir lieu » peut s’entendre dans un sens absolu, dans ce cas la tournure impersonnelle est requise et la locution verbale ayant pour sujet « je » révèle la possibilité pour le chevalier d’exister. On peut aussi envisager « avoir » dans son emploi transitif (avec ellipse du déterminant indéfini, « un lieu »). Le cœur ne devient-il pas alors ce lieu autant que cet être à l’identité menacée, identité enfin trouvée dans l’écoute du cœur qui, à l’instant ultime, se meut ? Voici une langue en construction, sur la page blanche d’une vie d’errance où la quête serait aussi celle de la parole.

    L’évolution du personnage par un déplacement léger du lieu figure le siège des sentiments comme donnée de l’énigme : paroles, dernières paroles, enfin délivrées par la grâce d’une intuition acceptée ? Tâtonnement pour que l’exacte diction d’une impression soit restituée. La langue est la même, mais légèrement autre déjà, l’ultime en perspective en serait l’amorce. Le personnage en effet se définit par ses déplacements, sa chevauchée, dans le silence qui « s’adressait à [lui] seul ». Il éprouve comme au premier jour chaque sensation, alerte pour ses sens.

    Quand passent devant lui, invité par le Roi Pêcheur à la blessure mystérieuse, la lance qui saigne, le graal, le tranchoir et les chandeliers, aucune question ne franchit ses lèvres pour éclairer les mystères. Silence.

    Lui qui parlait trop, et surtout de sa mère, est devenu silencieux, pensant suivre le conseil de Gornemant de Goort : « Qui parle trop tombe dans le péché. 2 » Passage d’un excès à l’autre, inverse :

    « En moi ça demandait,

    mais je me taisais.

    Je me taisais. »

    « Comment pouvait-on souffrir, étant roi ? »

    Comment le chevalier ignorant du monde aurait-il pu décider qu’il devait rompre le silence ? Au lieu de le faire, il imagine la plaie ouverte, les lèvres muettes « cherchant à dire / la douleur », devinant qu’une énigme supplémentaire est logée là. Supplique silencieuse d’une souffrance terrible, cause enfouie que la langue seule extirperait pour la rendre à la lumière de la guérison. Une salle de repas, à la confluence :

    « Chaque instant, un croisement, chaque mot. »

    Tout chemin mène à un carrefour. Chaque mot en est un. Comment choisir la bonne direction, la bonne formulation ? Le chevalier errant fait des erreurs – il s’égare.

    Entrelacs des vers : les mots, « vestiges », seront-ils enfin délivrés de leur muette obstination ? Comme sur une scène sur laquelle on se croise, les rôles distribués ne dérogent pas, ni les acteurs. Partition ou récit onirique, pour quelle incarnation ? Le questionnement aurait délivré la réponse humaine : signes vains enfin consacrés, trois gouttes de sang sur la neige qui réveilleront Perceval en lui révélant qu’il a failli. Quelque chose a manqué – la parole. « [T]erre veuve », nommée encore, pour désigner cette fois l’être qui ne l’a pas délivrée. Chevalier errant, sens ôté, le verbe manque. Le personnage, en un récitatif, entreprend de narrer son cheminement intérieur, ce que le sang sur la neige a dénoué dans son cœur, le liant au chemin, à la quête humaine et mystique, celle qui relie les âmes. L’identité exaucée par le nom accomplit l’existence humaine en la nouant à l’arbre, à l’herbe, à l’être qu’il forme avec la terre. Métonymie vibrante, tout battant, « ce qui est là, peau, bois, veine, nervure, / contient, dans son creux, dans les canaux / vides que fouillent le temps et la mort, / l’univers entier […] ». Manque, ontologique et sidérant. En cette béance, le sable toujours, devant l’inscription de l’être ineffaçable.

    Ainsi Pascal Quignard commence-t-il son roman Vie secrète : « Les fleuves s’enfoncent perpétuellement dans la mer. Ma vie dans le silence. Tout âge est aspiré dans son passé comme la fumée dans le ciel. 3 » Perceval, jeune homme enthousiaste et loquace, est devenu homme du silence et du secret. Secret de son identité, de sa famille. Secret du Roi Pêcheur. Aspiré par son passé, il pense sans cesse à sa mère, à Blanchefleur et aux questions non posées dont les réponses attendent.

    « On ne peut jamais revenir enfant

    pour poser la question,

    et rien n’aura traversé l’air,

    ni vol, ni parole. »

    Vers l’enfance se portent les vers : « et de façon magique, / rien n’est oublié, / puisque tout a lieu ». Locution verbale identique à celle précédemment commentée, elle ancre le temps, « avoir lieu » demeure une porte ouverte sur le château, une suspension qui seule garantit cette inscription. L’enfant, face au sang « sur la neige indéfaite », inverse le sort : contraste, oxymore neige/sang ainsi réduit à son sens (« En arrêt »). Scrupuleusement.

    Après avoir été adoubé par Gornemant de Goort, Perceval arrive au château de Beaurepaire, où il découvre l’amour avec Blanchefleur que Chrétien de Troyes décrit : « Sur son visage, la couleur vermeille contrastait avec le blanc mieux que sinople sur argent.2 » Plus tard, quittant le château du Roi Pêcheur et cherchant le roi Arthur, le jour de la Pentecôte4 , il voit trois gouttes de sang laissées sur la neige par une oie blessée. Perceval reste toute la matinée sidéré, médusé devant ces taches rouges sur la neige blanche qui évoquent intensément le visage de son aimée.

    « Trois trous rouges sur le côté de la neige

    et l’absence, deux cailloux dans les orbites.

    C’est l’éblouissement de l’absolu,

    la peau blanche, immense, et son grain. »

    Les gouttes de sang révèlent la blessure de l’absence mais, au-delà, celle de vivre. Ce Val que perce le nom du héros n’est-il pas aussi celui de ce « dormeur » qui « dort dans le soleil » et qui « a deux trous rouges au côté droit5 » ? Perceval pensif s’absente. Ce n’est que lorsque le rouge se sera estompé qu’il pourra revenir, mais où ?

    « Je reviens à moi, mais la langue est perdue. »

    À la façon d’une étoile rouge que porterait l’armure (vermeille) percée de Perceval, elle revient au présent hanter le poème. « C’est l’éblouissement de l’absolu », la parole inventée du poème délivrant Perceval de son mutisme. Le verbe « trancher » disséminé révèle son ambiguïté : séparant, il instaure une nouvelle ère, comme s’il fallait revivre la blessure pour écrire le poème. Ce que porte Perceval alors, le cri des mourants, entre dans son armure, le poème s’ouvre à cette profondeur de la « terre veuve », profération d’une parole énigmatique et nécessaire. Les armes du chevalier (lance, flèche et son carquois, épée) comme son armure deviennent réceptacle de ce mystère. Entre la mort et l’amour, « la parole tue, ce soir-là ». Ce silence nomme Perceval, le condamne par son nom, « Chevalier d’Effroi », « sans cordes vocales ». Devenu dans le poème celui dont le silence révèle l’être secret, « sa voix blanche, / on dirait que je ne suis chevalier / que par la neige », immaculée, qui tombe sans bruit et le flocon, autant que l’air, berce une parole absente du ciel. Trois gouttes de sang devenues « trois braises » d’un feu mourant, trois âmes prisonnières de n’avoir pas été révélées, « trinité / qui s’épuise » et le vers alors meurt sur ses trois syllabes, dans le souffle du –e faible qui ne sera pas prononcé.

    « Tout est séparé parce que je n’ai rien dit. »

    À cause de ses deux erreurs, Perceval reçoit la malédiction de la Laide Demoiselle : par sa faute, le monde sera dévasté. Pendant cinq ans, il oublie tout ou presque, il oublie Dieu. Chevalier errant, il combat et tue cinquante adversaires. Il erre en terre foraine et contribue à la dévastation générale. Ce monde n’est plus le sien. Chrétien de Troyes affirmait qu’« [i]l s’oriente mieux dans les bois que dans les plaines2 ». Le monde lui est étranger.

    « Il existe un ailleurs, je le désire violemment,

    un envers du monde, un lointain proche,

    un lieu où la vie n’impose pas de dire

    ce qu’on ne saurait dire. »

    Est-ce cet « envers » que Perceval entrevoit quand il reste sidéré devant les trois gouttes de sang ?

    « Ne plus rien voir. Percevoir ? »

    Cet ailleurs montre-t-il l’ombre de ce monde ou, derrière l’ombre de ce monde, le monde réel impossible à atteindre, avec des réponses qui n’exigent pas de questions ?

    Perceval « erre dans [sa] forêt mentale ». En silence.


    Périphrases pour nommer ce silence, son mystère ne se peut formuler en un nom –sauf à nommer Perceval. Paradoxe du titre puisque, par le poème, ces « dernières paroles » lui sont données : restitution de ce qui ne fut pas exprimé. La rencontre n’a pas eu lieu, un testament (le poème) porte la trace de cette faute. La langue fut ôtée comme l’armure, l’Occident agonisant gît là :

    « Qui peut tenir lieu ? Quel labour

    assez profond pour refonder une aube ? »

    « Tenir » en son sens littéral et concret : debout, ici. La parole absente a ouvert la brèche de la fin. Fatalité, fin d’un monde altéré qui se meurt en expiant par le silence des « fantômes », « vagues formes courbées ». Ils naissent au crépuscule et disparaissent aux premières heures, spectres « où nage notre secret ». La réponse se trouve trop loin de notre rive, « [t]out est dévasté », gâté. Les ailes condamnées ne peuvent traverser le nuage à la verticale du soleil où saigne « le rouge ». La neige n’est plus. Le gué semble passage vain, comme la voix sans les mots. Le lexique de la ressemblance (« semblables », « mêmes », « elle aussi ») croise alors celui de l’écart (« autre », « étrangère »). Ce dernier culmine dans l’expression de son aboutissement : terre « hérissée », « ravagée ». L’aboutissement du silence du chevalier creuse une blessure antérieure. Trois gouttes élargies deviennent ère de glaciation, terre « foraine », trois cavités dans la neige pour la profondeur douloureuse du silence meurtrissant la terre (la mère meurt et la terre la couvre).

    « Je suis Perceval, l’homme percé de cris,

    grevé de râles, comme des mains,

    par poignées. »

    Perceval porte et chante la douleur d’être. Comme Ulysse, il n’aspire qu’à retourner « chez lui », à retrouver le château du Roi Pêcheur et celui de Blanchefleur. Il aspire à une seconde chance. Pour tout. Comme Ulysse, il subit une malédiction, oublie puis retrouve la mémoire. Mais Ulysse, lui, est soutenu par une déesse et franchit tous les obstacles, il revoit sa mère morte et ses compagnons tués au combat ou noyés, et il rentre en son palais.

    « Patience, mon cœur, a dit l’aède.

    […] La nuit d’Ulysse fut brève

    ressac sur la mémoire. »

    Troie fut détruite il y a bien longtemps et aujourd’hui il ne reste plus trace d’Ithaque. Elles existent encore cependant dans le poème de l’aède.


    Errance, le chevalier ne sort ni de la forêt ni de la douleur, son nom sur les lèvres reste inavoué, « pas un lieu », toujours les pierres muettes, « un visage aux plis profonds ». Le pli cache, couvre « le sol indéfait ». Rouge et noir confondus, le sang. Pèlerin, pieds nus, Perceval sans armure parcourt-il de son souffle ce qu’il n’a pu formuler ? Mot tu, il équivaut à un geste, une tension vers un sens ou une délivrance alors que la langue lutte en deux directions que le soleil noue ou dénude sur la neige. Mère veuve, la terre orpheline de l’enfant « froissant son propre avenir ».

    Que peut attendre désormais Perceval ?

    « Je n’attends rien d’autre de ce qui m’entoure,

    pas d’autre rêve, dans ce qu’il me reste à vivre,

    que ce jour dont la beauté n’est que d’être. »


    Trois gouttes vermeilles, langue de cendre et d’enfance : le poème, Dernières paroles de Perceval. Le nom propre cerclé de sang s’est clos, l’effroi meurt pour que le cri comme une flamme perce le poème du nouvel aède.



    Isabelle Lévesque
    D.R. Isabelle Lévesque
    pour Terres de femmes





    ________________________________________
    1. Pascal Quignard, Les Ombres errantes, Éditions Gallimard, 2002.
    2. Chrétien de Troyes, Perceval ou Le Conte du Graal, texte établi et traduit par Daniel Poirion, in Œuvres complètes, Éditions Gallimard, Bibliothèque de La Pléiade, 1994.
    3. Pascal Quignard, Vie secrète, Éditions Gallimard, 1998.
    4. La Pentecôte étant célébrée en mai ou juin, la chute de neige ne peut que surprendre. Ce jour commémore la descente sur les disciples de Jésus de « langues qu’on eût dites de feu. […] Tous furent alors remplis de l’Esprit Saint et commencèrent à parler en d’autres langues […] » (La Bible de Jérusalem, Éditions du Cerf, 1974). Les disciples deviennent ainsi polyglottes et vont parcourir le monde en parlant. Perceval est immobile et se tait.
    5. Arthur Rimbaud, « Le Dormeur du Val », in Œuvres Complètes, Éditions Gallimard, Bibliothèque de La Pléiade, 1974.






    Emmanuel Merle, Dernières paroles de Perceval







    EMMANUEL  MERLE


    Vignette Emmanuel Merle




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    Ici en exil (lecture de Sylvie Fabre G.)
    ils attendent ce qui (extraits du Grand Rassemblement)
    [Je me discerne davantage dans le miroir de la couleur](extrait des Mots du peintre)
    [Ramper sur la glace](extrait de Nord, seul point cardinal)
    [Tout est matière, sauf ma décision] (extrait de Olan)
    Tourbe (lecture d’AP)
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    Sylvie Fabre G. | Une terre commune, deux voyages
    → (sur le site de la mél [Maison des écrivains et de la littérature])
    une fiche bio-bibliographique sur Emmanuel Merle




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  • Emmanuel Merle | [Le rouge]




    ROUGE
    Ph., G.AdC







    [LE ROUGE]


    Le rouge. Un halo de rouge, un mal aux yeux.
    Mon regard saigne-t-il, qui rejoint
    la lumière, qui s’écorche sur elle ?

    Comme dans un rêve, le corps est immobile,
    seuls les yeux. Rêver comme un cheval,
    paupières ouvertes, pupilles brûlées
    qui peignent un sol ourlé de sang.

    Ne plus rien voir. Percevoir ? En esprit
    je traversais un fleuve là où la roche mère,
    surgissant soudain, accueillait mon regard.

    Guéer un drap immense et blanc
    dans les eaux du passé, pâlir dans l’eau
    du paysage trois taches rouges.



    Emmanuel Merle, « L’Homme percé de cris » in Dernières paroles de Perceval, L’Escampette Éditions, Collection Poésie, 2015, page 34.






    Emmanuel Merle, Dernières paroles de Perceval





    EMMANUEL  MERLE


    Vignette Emmanuel Merle





    ■ Emmanuel Merle
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    Dernières paroles de Perceval (lecture d’Isabelle Lévesque)
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    Emmanuel Merle & Thierry Renard | La Chance d’un autre jour, Conversation (lecture de Sylvie Fabre G.)
    Emmanuel Merle & Thierry Renard | [Jour de pluie ici aussi]




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur Terres de femmes)
    Sylvie Fabre G. | Une terre commune, deux voyages
    → (sur le site de la mél [Maison des écrivains et de la littérature])
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