| LOUISE L. LAMBRICHS Source ■ Voir aussi ▼ → (sur le site des éditions Pétra) la page de l’éditeur sur Bris & Collages |
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BLANCHE OU LA « FIGURE » OUBLIÉE Tout avait commencé là,
ce matin. Ainsi s’ouvrent Les Nuits et les Jours, dernier recueil de Déborah Heissler, récemment publié aux éditions Æncrages & Co. Par ces mots en italiques empruntés à La Montagne blanche, roman de Jorge Semprun. Où ? Quand ? Qui et qui ? Autant de questions que le lecteur se pose dès que s’amorce la lecture du récit. Questionnement qui déconcerte s’agissant d’un ouvrage de poésie. Et qui se posent pourtant dès que le lecteur se tient aux abords du poème de Déborah Heissler. Déconcertent aussi le fait que la poète ait choisi pour exergues, non pas des vers empruntés à des poètes, mais des extraits tirés de deux romans : L’Insoutenable légèreté de l’Être de Milan Kundera et La Montagne blanche de Jorge Semprun. D’autres échos existent, implicites. Entre le prénom Karol et le nom du traducteur de Kundera : François Kerel ; entre le prénom Karol et celui du metteur en scène Karel Kepela dans le roman de Jorge Semprun. Roman où les amours de Karel Kepela s’entrecroisent dans les lacis de la mémoire. Comme c’est aussi le cas pour Karol dans Les Nuits et les Jours. Quant au prénom de Blanche associé à l’oubli (prénom déjà présent dans un précédent recueil, Sorrowful Songs), comment ne pas songer au roman de Louis Aragon, Blanche ou l’oubli ? Alors ? Poésie ou éclats de romans ? L’un et l’autre genre sans doute se côtoient ici pour offrir une forme poétique nouvelle qui n’a pas encore trouvé son nom. Ainsi le souligne d’ailleurs la poète américaine Cole Swensen, à qui l’on doit une préface éclairante et cette remarque : « Dans ce dernier recueil, Les Nuits et le Jours, Déborah Heissler a su créer une forme nouvelle du récit poétique… ». Ce qui fait la complexité et l’originalité de ce recueil, mais aussi sa force et sa beauté, c’est la manière qu’a la poète d’appliquer à ses poèmes des interrogations qui sont propres à l’espace romanesque tout en les modelant et en les modulant à son gré. L’instabilité du temps (ses accélérations et ses ellipses) et de l’espace ainsi que celle des personnages plongent les menus événements et les mécanismes propres au récit dans une atmosphère floutée, indécise, qui bascule, en trois mots, de l’hiver au printemps, de la lumière à l’ombre, de la nuit au jour, modifiant les contours, les formes, le tremblé des feuilles, le regard. Les échanges. Pourtant, au fil des pages, des titres se détachent, certains en capitales. Des dates apparaissent Janvier quarante-sept / Février / Février MCMXLVII. Des noms de lieux identifiables, la Pologne, Cracovie, et des toponymes peu connus du lecteur. Wieliczka / Zakopane/ Podgorze…. On entre dans l’histoire. Au cœur d’un texte écrit un 18 juillet 2019, au Mocak, le Musée d’Art Contemporain de Cracovie. Le recueil est dédié à deux personnes : Ph. D. (doctor philosophiæ ?) et Pascal. Le lecteur ne saura rien des deux dédicataires. Il ne saura rien non plus, ou si peu de choses, de Blanche dont le nom revient pourtant de manière itérative, tantôt en majuscules, tantôt en caractères italiques ; tantôt en titre du poème, tantôt au sein même du poème… Des petits pavés textuels se détachent sur la page. Où alternent caractères en italiques et caractères romains. Des fragments de phrases reviennent, qui ponctuent le récit et ajoutent à son mystère : « Sur la première page » / « à la chute du jour » … S’agit-il d’un voyage ? D’une rencontre amoureuse entre Blanche et Karol ? Quand était-ce ? Quelque chose a eu lieu, il y a sans doute longtemps. Ailleurs. Quelque chose qui cherche sa voie/sa voix dans l’écriture. C’est cela que se dit la lectrice qui tâtonne au fil des phrases, hésite entre prose romanesque et poésie, entre mémoire et oubli, entre réel et rêve. La dernière phrase du recueil n’est-elle pas « TU TE RÉVEILLES » ? Le mystère prend corps dès le poème d’ouverture. Celui qui suit la citation en italiques : Tout avait commencé là,
ce matin. Des mots reviennent, qui se répètent d’une strophe à l’autre. Deux strophes très brèves. Répétitions surtout des assonances en [ã] propres à étirer le temps. « Moment » / « étonnement » / absolument / « cadence » / « tranquille » / « lenteur » … En même temps que la lenteur se pose la tonalité « à voix basse ». Tout commence avec ce quelque chose d’indéfinissable et d’incertain, en un lieu étrange – un « magasin » et son « sous-sol », des présences absentes anonymes. « On avait commencé à parler et demain
peut-être, on ne se dirait pas même bonjour. » Il semble pourtant qu’il y ait une histoire. Entre le narrateur et Karol. Entre Karol et Blanche. Et sans doute aussi avec la poète, Déborah Heissler. Une histoire déjà vécue, une histoire en train de s’écrire. Une autre récente qui prend forme sous nos yeux à travers le récit du narrateur. Les deux s’entrelacent subtilement de sorte que le lecteur s’égare, dans le temps, dans l’espace, en compagnie des personnages, pourtant si peu nombreux. Mise en abyme d’histoires. Vécues rêvées écrites en train de s’écrire… L’histoire qui est convoquée ici, dans ce sous-sol, sous la plume de Karol, sous la forme de textes-souvenirs, s’écrit en italiques. De Karol on apprend par le biais du narrateur qu’il est « étudiant en médecine » ; que le narrateur du récit et lui travaillent dans le « sous-sol » du magasin. Que Karol interrompt son travail d’écriture, lequel semble mêler notations personnelles prises sur le vif — « Rien que des choses silencieuses ce matin » – et prise de notes sur le livre qu’il était en train de lire. Blanche ou l’oubli ? « L’hiver arrivait lorsque Karol posa sa plume […] Un peu plus tard, dans ce livre que je lisais et que je quitte, l’une des figures de second plan m’apparut. Très nettement, celle de Blanche. De Blanche cet après-midi-là dans les jardins de « Stanislas ». L’importance de cette figure m’apparut d’autant plus nettement que cette figure, dans le récit, atteint sa plus grande force quand elle utilise les formes du juste et du raisonnable… ». S’agit-il de la même Blanche ? La Blanche romanesque et illusion, insaisissable d’Aragon ? La Blanche de la rencontre amoureuse de Karol, faite jadis en Pologne ? Déborah Heissler brouille à dessein les pistes, les choix du récit, multiplie les énigmes autour de Blanche et déjoue les attentes des lecteurs. Conformément à ce que la poète écrit dans le poème – BLANCHE, qui donne une définition en creux du recueil : « Ni tableau, ni théâtre, où les choses auraient
été engagées, pour figurer une vie autre que la
leur. » Ou bien, comme dans le poème – Puis vues : « Lieu de conversation, point
de rencontre, où se trouvent les contraires. » Ou encore, dans le même poème, cette strophe qui semble être un condensé du recueil de Déborah Heissler : « C’est ici la terre qui s’inverse – la lumière ad-
venant comme un miracle au sein de la durée
de l’hiver, irréelle, qui par l’atonalité de ses
formes, de leurs contours tremblés, favorise un
autre ordonnancement des lieux, la redécou-
verte de l’horizon — l’accord ancien du solide et de l’ajouré ».
La poète démultiplie les ramifications de son rêve comme le fait aussi Joanna Kaiser dans les deux dessins qui accompagnent les poèmes oniriques du recueil de Déborah Heissler. La mémoire s’est effacée au fil du temps, emportant avec elle, dans ses replis de silence, la « figure » de Blanche oubliée. Karol et Blanche. Une histoire d’amour où les amants |
| DÉBORAH HEISSLER Image, G.AdC ■ Déborah Heissler sur Terres de femmes ▼ → Je ne peux oublier (poème extrait des Nuits et des Jours) → Près d’eux, la nuit sous la neige (lecture d’AP) → La protection des pierres (poème extrait de Près d’eux, la nuit sous la neige) → Sorrowful Songs (lecture d’AP) → « Des pas dans la neige » (poème extrait de Sorrowful Songs) → sur l’herbe sèche ce jour (poème extrait de Chiaroscuro) → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes) loin (poème extrait de Comme un morceau de Nuit, découpé dans son étoffe) → (dans la galerie Visages de femmes) « Errance » (poème extrait de Près d’eux, la nuit sous la neige) ■ Voir aussi ▼ → (sur le site des éditions Æncrages & Co) la fiche de l’éditeur sur Les Nuits et les Jours → (sur le site de la mél, Maison des écrivains et de la littérature) une notice bio-bibliographique sur Déborah Heissler |
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| PATRICIA COTTRON-DAUBIGNÉ
→ [Je marche seul avec mon fils](extrait de Ceux du lointain) → Visage roman (lecture de Sylvie Fabre G.) ■ Autres lectures de Gérard Cartier sur Terres de femmes ▼ → Jean-Pascal Dubost, & Leçons & Coutures II → Alain Guillard, Quête du nom → Cécile Guivarch, Vous êtes mes aïeux → Emmanuel Moses, Ivresse → Muriel Pic, Élégies documentaires |
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| RUTGER KOPLAND Source ■ Voir aussi ▼ → (sur le site des éditions érès) une notice biographique sur Rutger Kopland → (sur le site des éditions érès) la page de l’éditeur sur Cette vue |
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| FRANCESCO SCARABICCHI
■ Voir aussi ▼ → (sur le site des éditions érès) la fiche de l’éditeur sur Un oubli de neige → (sur Terre à ciel) une lecture d’Un oubli de neige par Hervé Martin |
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Citadelle d’Alep Source LE VOYAGE D’ALEP, XII Sur les plateaux, le printemps grave est d’herbe pure. Nul arbre, ici, pour limiter le rêve. Les lignes douces des collines me brûlent. Une noirceur gagne les dunes mauves.
La terre est rousse et mal verdie souvent. Trésor du géologue. Elle est grosse de mystère et de clés. Elle échappe à sa toison domestique. Qu’elle est belle de couleur intégrale !
Les villages de la paix dorment dans la lumière fraîche. Nul bruit n’en vient. Nul prophète ne les a dénoncés. L’homme même est accordé au silence.
Partout l’œil touche une pensée prochaine. Et la lumière est toute pénétrée d’ombre…
Des nuages me traversent, pleins d’oiseaux. Une fraîcheur débouche de la nuit. Les forces nues du monde chantent.
Ici, tout pousse l’homme à partir. Tout l’incite à ne jamais s’attacher.
Cela commence.
Le jour se referme à regret sur l’origine. Salah Stétié, Le Voyage d’Alep, XII, éditions Fata Morgana, 2002 ; 2017 (nouvelle édition), pp. 29-30. Dessins de Jean Capdeville. In En un lieu de brûlure, éditions Robert Laffont, Collection Bouquins, 2009, page 807. Citadelle d’Alep Source [ALEP EXISTE-T-IL ENCORE ?] Alep existe-t-il encore ? J’entends parler de la vieille, très vieille ville autour de son cœur de grès doré et de merveilleuse pierre grise et rosâtre, cette hautaine citadelle, que le soleil et la lune, puissants messagers astraux, venaient chaque jour et chaque nuit lécher de leur langue immatérielle comme une chatte son chaton préféré sous la main suzeraine des divinités d’antan, du Dieu d’après. […] Alep a reçu des tonnes d’obus, des tonneaux débordant de roquettes tous les jours pendant des années plus nocives et dévastatrices que les siècles. Des avions syriens ont rasé la ville, la tendre ville des hommes, des femmes et des enfants autant qu’ils ont pu le faire. Combien d’années ces siècles ? Sept, bientôt huit. […] Je pleure désormais en relisant ces quelques pages que j’ai écrites jadis dans le bonheur de vivre l’Orient et Alep en particulier dans leur splendeur. La splendeur n’est rien, rien, si elle ne signifie pas en son sein le beau et possible rayonnement de l’homme.
Le Tremblay-sur-Mauldre, le 11 août 2017. Salah Stétié, avant propos de la nouvelle édition (2017) du Voyage d’Alep, pp. 10-11. |
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L’INFIME BRUISSEMENT DU TEXTE Je lis un ouvrage dont l’auteur est actuellement hors d’atteinte. Les textes rassemblés sous le titre L’oubli est une tache dans le ciel sont pourtant bien les siens. De très belles proses poétiques qu’accompagnent des dessins de Joël Leick. Des dessins comme des bulles. Des bulles d’air ou d’eau, d’une légèreté translucide, traversées de branches brindilles feuilles et traces. Traversées de silence. Comme les proses. Poète et peintre sont en symbiose parfaite. Tout vibre dans ce très bel ouvrage édité par Fata Morgana. Il n’est qu’à parcourir les titres que le poète a choisis pour ces proses et de les relier aux titres des nombreux ouvrages déjà écrits et publiés pour reconnaître une présence. Discrète. Lovée à travers quelques mots fondateurs, des mots très simples, souvent les mêmes. Maison / Jardin / Sous-bois / Libellule / Merle / Mante religieuse / Lézard / Papillon / Chat / Tilleul / Herbes / Lumière / Noir / Neige / Silence / Oubli / Rumeur / Lettre / Signe / Sable… Des mots qui parlent déjà du poète. De Joël Vernet. Qui, en quelque sorte, le résument. Je lis ces proses, je les savoure. Je me perds dans les chemins, je me perds dans les hautes herbes. M’interromps un instant au seuil d’une maison isolée, livrée à la lumière éclatante de l’été et scintillante de neige l’hiver. Et je l’imagine, lui, le poète. Je le retrouve tel que je l’ai laissé après ma lecture des Carnets du lent chemin. Je le retrouve à l’identique. Pourtant ici, dans ce nouveau recueil qui vient de me parvenir en son absence, il n’y a ni dates ni noms de lieux. Tout ancrage spatio-temporel s’est estompé. Demeurent les collines et les crêtes, les sentes que le marcheur arpente, méditant sur le temps qui passe et sur ce qui le fait vivre, lui, le rêveur, le nomade infatigable. Ce qui le fait vivre ? Presque rien. Trois fois rien. Une mante religieuse, un papillon élégiaque, un chat paresseux et doux, un lézard égaré dans la maison et dont il se sent si proche : « N’es-tu pas ce frêle lézard pris au piège, celui qui est allé ici et là, abandonnant son père, sa mère, ses paysages par idiotie pour se lancer dans l’aventure ? Un piège s’est refermé sur toi… ». « Je me suis émerveillé d’un rien », écrit le poète. Et de ce rien surgit un « alphabet nouveau », que le poète s’est approprié de longue date et qu’il a fait sien. Autant de menues choses, compagnes du silence et de la solitude qui l’absorbent des heures durant et n’ont de sens que pour lui qui sait s’en saisir dans leur profondeur. Et puis il y a les mots, et puis il y a les phrases. La vie même. Sa vie de poète. C’est dans cette proximité avec le minuscule, le minime, l’infime, qu’il peut « commencer à vivre, à écrire, ce qui est la même chose, le même chemin pas plus épais qu’une aile de libellule, qu’un serment ancien. Ce serment, je l’ai prononcé enfant sans même ouvrir la bouche, dans un silence indestructible. » Ce sont ces mots de toujours, et le serment de faire silence, qui remettent le poète en lien avec l’enfance, avec la lointaine disparition du père, si brutale et si cruelle ; avec la disparition récente de la mère dont il retrouve la présence/absence à la vue du chemisier bleu abandonné au dos d’une chaise. Une tache de ciel, à peine. Mais un bleu qui persiste au plus fort de l’oubli. La mère ? Une disparition, un retrait discret, un effacement qui reste sur le seuil, un silence qui voit. Et qui entraîne le poète sur la voie d’une perception irréversible : « Quand ma mère est morte, je me suis senti très vieux, glissant dans un autre temps, sur une autre pente. » Face au désarroi, une seule chose possible. Écrire. « Écrire permet peut-être de retrouver une forme de grâce, une échappée, une espérance. » Ce que le poète entreprend, fidèle à lui-même et fidèle à ses choix. Marcher écrire sentir méditer. « Les carnets sont mon seul espoir », écrit-il dans « La maison où vivre avec le silence. » Et, quelques lignes plus loin : « les poèmes sont des compagnons inestimables. » Les poèmes, la maison. Le tilleul. La petite table sous la fenêtre. Tout cela forme un tout. Un ermitage. Un lieu unique d’observation du monde. Mais un lieu détaché, à l’abri des innombrables nuisances. Avec l’arbre géant comme compagnon fidèle avec qui converser, afin d’affiner et de poursuivre la quête de l’inatteignable : « J’ai cherché une écriture ayant la pureté d’un diamant, la souplesse d’une herbe, la force d’un torrent. Un souffle. Cela m’a pris une vie… ». Là où d’autres, connaissances et amis, s’acharnent à poursuivre les biens-de-ce-monde, lui, le poète, travaille à leur effacement. Être dans l’observation d’un escargot ou dans l’oubli momentané du monde. L’oubli de son insoutenable bavardage et de son fracas. De son « grondement » sourd. Que seul le silence de la maison, un « silence ravageur », rend véritablement audible. Paradoxe du silence. À la fois jalousement courtisé et jalousement craint. Oublier aussi les livres lus qui n’ont fait qu’obscurcir le monde. Ne s’en tenir qu’à ce qui existe autour de soi, au plus près. Éclaircir le paysage, mettre au jour, donner de la lumière à ce peu qui existe encore. « L’amour du monde serait là, devant nous, nu. Les pages vibreraient dans l’azur, comme ce ne fut jamais le cas, jusqu’à ce jour. » Il y a pourtant, dans cette mémoire nomade à la recherche de l’oubli, des noms qui reviennent et qui hantent durablement. Des noms de poètes aimés sur qui le marcheur se penche et à qui il écrit, par-delà les nuages. Khlebnikov et Mandelstam. Ou encore Marina : « Je pose cette lettre sur ton âme endormie. Je vois une boîte, à Elabouga, qui le recevra. C’est la boîte du ciel […] Tout poème n’est qu’une simple lettre que la vie a tachée d’un peu de sang. D’un peu de joie. » |
JOËL VERNET Source ■ Joël Vernet sur Terres de femmes ▼ → Les petites routes (extrait de L’oubli est une tache dans le ciel) → Carnets du lent chemin, Copeaux (1978-2016) [lecture d’AP] → Décembre 2010 | Joël Vernet, Carnets du lent chemin, Copeaux (1978-2016) [extrait] → [De Rimbaud […] tu n’auras jamais rien su] (extrait de Mon père se promène dans les yeux de ma mère) → 30 août 1994 | Joël Vernet, Le Regard du cœur ouvert ■ Voir aussi ▼ → (sur remue.net) Joël Vernet /marcher vers un ciel de pierre → (sur Le Nouveau Recueil) Joël Vernet, ou l’esthétique de la trace, par Sylvie Besson (fichier Word) |
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| VÉRONIQUE DAINE Source ■ Véronique Daine sur Terres de femmes▼ → Amoureusement la gueule (lecture de Sabine Dewulf) ■ Voir aussi ▼ → (sur le site des éditions L’herbe qui tremble) la page de l’éditeur sur Amoureusement la gueule |
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