Retour au répertoire du numéro de janvier 2016
Retour à l’ index des auteurs
Étiquette : Dessins
-
Pierre-Alain Tâche | Sous la Punta di Corbo
» Retour Incipit de Terres de femmes -
Stéphane Korvin | [le vent se bombe]
STÉPHANE KORVIN
Source
■ Stéphane Korvin
sur Terres de femmes ▼
→ [on déplace les muettes] (poème extrait de Noise)
■ Voir aussi ▼
→ le site de Stéphane Korvin
→ (sur le site des éditions Æncrages & Co) la page de l’éditeur consacrée à bas de casse de Stéphane Korvin
Retour au répertoire du numéro de décembre 2015
Retour à l’ index des auteurs
» Retour Incipit de Terres de femmes -
Françoise Ascal | [tu aurais voulu l’oublier][TU AURAIS VOULU L’OUBLIER]
Tu aurais voulu l’oublier
ou ne jamais l’entendre
mais tu tendais l’oreille stationnais près de la margelle guettais malgré l’interdit
tu guettes encore
tu ne veux pas manquer le moindre de ses murmures mélopées sanglots litanies bercements tout cela qui vacille dans l’ombre de jour comme de nuit tout cela qui coule et roule dans sa voix secrète sa voix d’eau souterraine sa voix cachée retirée du monde mutique volontaire campée dans un refus de forêt noire non pas de pacte avec la lumière pas d’étreinte avec le bleu du ciel toujours elle veillera le malheur
elle n’entend pas les vivants qui l’appellent elle a quitté leur table depuis longtemps elle est avec eux les morts ses morts pour eux seuls sa langue se délie elle leur parle les rassure ils sont nombreux ne vieillissent pas à celui en tenue de soldat elle confie qu’elle ne tardera pas à cet autre elle chant une comptine
tu cherches les morts tu te demandes si toi aussi tu as des morts partout dans la maison tu les cherches les siens les tiens tu crois les apercevoir entre les cloisons ajourées de la grange les surprendre dans le craquement du plancher il leur arrive de te frôler quand tu t’attardes dans les friches un soir de lune tu les devines terrés au fond du puits
est-ce que les morts parlent
tu lances tes mots dans l’énigme la peur te répond
la peur trace des cercles au centre tu perds ton nom
tu aurais aimé l’oublier
ou ne jamais l’entendre
mais tu guettes encore
tu ne l’entends plus
elle est devenue ton ombre
Françoise Ascal, Des voix dans l’obscur, Éditions Æncrages & Co, Collection Ecri(peind)re, 2015, s.f. Dessins de Gérard Titus-Carmel.
Retour au répertoire du numéro d’octobre 2015
Retour à l’ index des auteurs
» Retour Incipit de Terres de femmes -
Maram al-Masri | [elle a légué à ses enfants une mère qui rêve]
Ph., G.AdC
[ELLE A LÉGUÉ A SES ENFANTS UNE MÈRE QUI RÊVE]
Elle a légué à ses enfantsune mère qui rêvequi danse,qui sourit…
Une mère qui pleure,qui désire…
Une mère sans argent,
qui ne reprise pas les chaussettes
Une mère qui écrit des poèmes,
dans une langue qu’ils ne comprennent pas…
Perdante,
comme une pouliche
montée par un
mauvais cavalier…
Maram al-Masri, Je te regarde, Al Manar, Collection Méditerranées, 2007, pp. 75-76. Préface de Salah Stétié. Traduit de l’arabe (Syrie) par François-Michel Durazzo en collaboration avec l’auteur. Dessins de Youssef Abdelké.
Source
MARAM AL-MASRI
Ph. : angelepaoli
Morges, avril 2015
■ Maram al-Masri
sur Terres de femmes ▼
→ Un furesteru mi feghja (extrait de Cerise rouge sur un carrelage blanc)
→ Métropoèmes (lecture de Michel Ménaché)
■ Voir aussi ▼
→ (sur Babelmed) Rouge poétique sur grisaille quotidienne
→ (sur Interromania, Centru culturale Università di Corsica) plusieurs pages sur Maram al-Masri (+ vidéo)
Retour au répertoire du numéro de mai 2015
Retour à l’ index des auteurs
» Retour Incipit de Terres de femmes -
Jacques Moulin, Journal de Campagne
par Angèle PaoliJacques Moulin, Journal de Campagne,
Æncrages & Co, Collection voix de chants, 2015.
Dessins de Benoît Delescluse.
Lecture d’Angèle PaoliJUSQU’À L’ABRIL D’AVRIL
Journal de Campagne. Tel est le titre que Jacques Moulin a choisi pour son dernier recueil poétique. Je pense aussitôt à « campagne » d’Italie / d’Égypte / de Russie… Mais non, ce n’est pas cela. Il ne s’agit pas ici d’un énième récit rescapé de la vareuse de quelque grognard de l’armée napoléonienne. L’on pourrait aussi s’attendre, avec le terme « Journal », à une réflexion de diariste (comme le curé de Bernanos), écrite à partir d’un lieu donné et dûment daté. Ce n’est pas non plus tout à fait le cas. Pourtant la campagne existe bel et bien. Celle d’Alsace. Avec le village d’Uffholtz, dans le Haut-Rhin. Et son Abri Guerre, point de départ de l’écriture. Mais en place des dates, le poète en résidence dans son « Abri-mémoire » a choisi les mots. Des mots en rapport avec le thème proposé au résident. La « fortification ». Ces mots font figure d’entrées. Ouvertures vers un espace autre. L’espace du poème. Des poèmes pour se fortifier.
« Fortifiez-vous c’est commeUn chant pour soi une romance un peu d’histoireDes retrouvailles dans l’inconnu ».
À la fin du recueil, un petit lexique reprécise le sens exact de chacun des termes ― quatorze en tout ―, dans le contexte où ils sont employés. Celui de la Grande Guerre. 1914-1918. La terre d’Uffholtz est une terre de frontière avec tranchées, casemates, réduits, remparts. Et, partout, des brèches des fossés des abris. La découverte de cet univers se fait cependant sans heurt, en quatre temps. Et non sans plaisir, côté lecteur, ni sans curiosité. Cheminement / Approches / Meurtrières / Épaulements. Et la progression, par étapes ; ponctuée par les quatre dessins de Benoît Delescluse. Pour dire l’ombre et la lumière, pour dire leur trouée dans les feuillages. Ainsi découvre-t-on, en progressant dans ce curieux ouvrage, que le terme « cheminement » renvoie aux « travaux d’approche pour progresser à l’abri vers l’ennemi ». Dans le même temps, « approches » — au pluriel — désigne les « tranchées pour s’approcher d’une place sans s’exposer ».
Mais toujours « [l]e poème tient debout sans rempart ». Quant à l’abri, cet Abri Guerre que l’on rejoint au cours de l’avancée, c’est
« [t]out un chemin de voyelles pour toucher la fissureAgripper la paix ».
On l’aura compris, le poème s’écrit pour résister à. Partant, pour donner vie à. La source les saisons la vigne les vergers. La poésie. Et « le poème prend ». Jusqu’à la paix :
« Le pré en taupes cloque la terreLe rossignol gîte en murailleTout reprend paix devant l’abri ».
Le lexique du recueil s’approprie la coloration des abris chargés d’oubli et de mémoire :
« Un abri fortifié souterrainAbri pour la mémoireMémoire forte mémoire des fondsLa mémoire oublieuse sans abri ».
Et le poète joue, détourne, glisse, creuse, explore l’univers des tranchées, retourne la terre et les mots, les malaxe, de la bouche et des yeux, de l’oreille et des dents :
« Trachée réduite suffoquerPharynx perdu tu dis plus rienPoète casqué vers cadencés ».
Et, dans le poème suivant, sur la page en vis-à-vis :
« Tranchée guérite à terreToit à cochons caponnièreCou tordu sabots crottésFiente aux ergotsCreuser toujours ».
L’univers de l’abri abolit la notion habituelle d’espace, toutes directions confondues. S’abriter alors, nécessite de jongler avec les quatre coins du réduit, pentes talus boyaux :
« S’abriter sous dedans derrière à l’intérieurAu fond paroi par-dessusÉviter l’avant se mettre en crypteCultiver ses arrières à couvertConsolider son terme prendre asile ».
L’arrivée à Uffholtz donne naissance à un très beau texte en prose qui résonne comme un rappel des paysages vosgiens, vignes et Ballons, chemins de terre avec « le vent des consonnes dedans les branches », les échos entre les voyelles [u] et [o], entre « ligne de crête » et « ligne de front ». Vient l’emménagement dans l’abri, et la phrase s’adapte au décor dans lequel elle naît : elle se mêle à la terre, suit les courbes et les entailles, murs et collines ; forge et sculpte :
« La phrase galope la plaine le vers se pose en glaiseRencontre la tranchée comme un mot qui cisailleUne étendue de pagesZigzague un peu ».
Un monde d’entre-deux se dessine, fait de claies et d’interstices, de palissades et d’ajours, de rideaux de trouées de haies, couloirs de traverse du « vent coulis ». Qui conduisent jusqu’à « l’abril* d’avril » qui scande son refrain :
« Abri sous printempsLa fleur sous abri »
« Être à l’abri jusqu’à l’avrilLa fleur sous abri ».
Ailleurs, dans F.O.R.T.I.F.I.C.A.T.I.O.N., le poète se livre à tout un travail de creusement et d’approches du mot. Sens et sons. Mot hérissé de fortins avec son « i » central, à la fois « pivot » et « point de rupture ». Un « i » lui-même évocateur d’images sonores et d’assonances aigües :
« Un i comme on en voit dans la craie prêt à crisser fragile tendresse et calvaire des calcaires pour déliter sa forme et mourir poreux au pied du caillou dur écroulé lui aussi par la vertu du faible. Fort garde-toi de tes i qui ouvrent brèche dans le pli de la ligne. »
Quant au final de ce beau texte de prose, il prend appui sur la finale du mot pour ouvrir sur un autre espace :
« On entend la finale du mot comme un éboulement progressif jusqu’aux glacis. Oublieuse nasale qui s’ouvre à d’autres gestes. La vie voyage. L’écho des chutes s’entend longtemps. »
Ainsi, de fortifications en redoutes, de redoutes en plongées, parvient-on au rondel en trois strophes et en alexandrin ― construit sur deux rimes et comportant un refrain :
« On court sur la colline on traverse les fortsOn tombe sur des mots qu’on peut envisagerL’alexandrin revient pour chacun les nommerCanon bastion redoute archère et contrefort ».
Comment ne pas se laisser envoûter par le plaisir jubilatoire de cette belle jonglerie de la langue et des mots ?
« Le rondel bat la brèche et se joue des rebordsSur le chemin de ronde au plus près des fossésIl cueille l’hellébore à l’euphorbe associéePrend son temps de berme et aux pierres jette un sortIl court sur la colline pour un herbier des forts ».
Et comment ne pas sourire et s’interroger, se regarder en visière dans « For intérieur », texte plein d’humour :
« On mijote un donjon. D’aucuns le posent encore comme une truffe à l’angle du jardin palissé. Fortin ou fortelet avec l’armée de nains-céramique pour monter aux créneaux. »
Avec « Meurtrières », la poésie se durcit. La tranchée crache ses os et les quatre poèmes, dont HWK (1-2-3), disent les « Poilus dépecés », les chairs fragmentées, les gisants décapités.
La traversée de Journal de Campagne se clôt sur une section où dominent l’amitié et le partage. À l’arrière, dans l’abri de la « gorge », le poète fête la vigne avec les vignerons de toujours. Avec les marcheurs du jour, le poème se met « en campagne »
« Les mots dans le dosSur le sentier en file indienne ».
Au soir, sur la plate-forme de la « banquette », on se retrouve pour « bistroter ». « Abri café », « Pour faire tribu », « Stammtisch ici ». « Pour prendre mots relus ensemble ».
JACQUES MOULIN
Source
■ Jacques Moulin
sur Terres de femmes ▼
→ Écrire à vue (lecture d’AP)
→ [Partir à dos de feuilles ou d’arbres] (extrait d’Écrire à vue)
→ D 27 et D 28 (extrait de L’Épine blanche)
→ L’Épine blanche (lecture d’Isabelle Lévesque)
→ Portique (lecture d’AP)
→ Portique 2 (extrait de Portique)
→ [Sur le halage certains soirs] (extrait d’À vol d’oiseaux)
→ Un galet dans la bouche (extrait)
■ Voir aussi ▼
→ (sur le site des éditions Æncrages & Co) la fiche de l’éditeur consacrée à Journal de Campagne
Retour au répertoire du numéro d’avril 2015
Retour à l’ index des auteurs
Retour à l’ index des « Lectures d’Angèle »
» Retour Incipit de Terres de femmes -
Gabrielle Althen | L’isole
GABRIELLE ALTHEN
Source
■ Gabrielle Althen
sur Terres de femmes ▼
→ La Cavalière indemne (note de lecture d’AP)
→ Corps à corps (poème extrait de Soleil patient)
→ Sans titre
→ Soleil patient (lecture de Matthieu Gosztola)
→ Soleil patient (note de lecture d’Isabelle Lévesque)
→ Vie saxifrage (extrait)
→ (dans l’anthologie poétique Terres de femmes) Une fois le gris devenu l’autre versant du bleu
→ (dans la galerie Visages de femmes) un poème extrait de Vie saxifrage
■ Voir aussi ▼
→ (sur Le temps bleu) une recension de La Cavalière indemne par Roselyne Fritel
→ le site personnel de Gabrielle Althen
→ (dans la Poéthèque du site du Printemps des poètes) une fiche bio-bibliographique sur Gabrielle Althen
→ (sur La Pierre et le Sel) Gabrielle Althen, entre splendeur et écharde
Retour au répertoire du numéro d’avril 2015
Retour à l’ index des auteurs
» Retour Incipit de Terres de femmes -
Luis Mizón | [Derrière la garde-robe]
LUIS MIZÓN
Source
■ Luis Mizón
sur Terres de femmes ▼
→ L’exil
→ La Maison du souffle
→ Un troupeau de vaguelettes
■ Voir | écouter aussi ▼
→ (dans la poéthèque du site du Printemps des poètes) une fiche bio-bibliographique sur Luis Mizón
→ (sur le site de France Culture) Luis Mizón dans Ça rime à quoi de Sophie Nauleau (émission du 23 novembre 2014)
→ (sur le site des éditions Æncrages & Co) la fiche de l’éditeur sur Corps du délit où se cache le temps de Luis Mizón
→ (sur Images de la poésie) une lecture de Corps du délit où se cache le temps, par Laurent Albarracin
Retour au répertoire du numéro de janvier 2015
Retour à l’ index des auteurs
» Retour Incipit de Terres de femmes -
Christophe Grossi | [Mi ricordo]
Source
[MI RICORDO]
145. Mi ricordode la bouche de Silvana Mangano.
146. Mi ricordode « si ton métier est de t’intéresser à tous,commence donc par t’intéresser à l’un d’eux,rien qu’un seul ». (Silvio D’Arzo)
147. Mi ricordode jambes nues sous les robes et de jambescoupées, de gens bons, fumés ou brutaux, degens mal armés, d’enjambées entamées.
148. Mi ricordode villes et de soldats détruits, de voleursde cadavres et de bicyclettes, de gens qui neparvenaient plus à se sentir.
149. Mi ricordoquand les candidates devaient montrerqu’elles avaient un beau sourire parcequ’elles utilisaient une nouvelle pâtedentifrice.
150. Mi ricordoque pour Silvio D’Arzo s’intéresser àquelqu’un c’est s’y intéresser « jusqu’aubout, au bas mot : jusqu’à la racine ».
151. Mi ricordoque parfois nous aimerions savoir à quelmoment précis notre vie a basculé.
152. Mi ricordod’un soir doux et de cette rue raide oùberner les âmes, lécher les larmes, flamberles armes, sécher les lames.
153. Mi ricordodes branches qui enlaçaient la maison etdes ombres à midi derrière les volets : desmèches de cheveux sur des yeux baissés.
154. Mi ricordoquand il zigzaguait entre les hypothèses dupassé familial, des pointillés sur sa route.
155. Mi ricordod’une phrase jaune dans la nuit : On avaitlâché les fauves d’anciens frères devenus desphares ennemis.
156. Mi ricordoDe la machine à écrire mécanique portativeLettera 22 créée par Marcello Nizzoli pourOlivetti.
157. Mi ricordode la tempête bien plus violente dedansdehors quand il a appris qu’un ancienbourreau était devenu conseiller municipal.
158. Mi ricordod’une langue pendue au bout d’un non vousne saurez rien.
159. Mi ricordoque les vieux Fenoglio étaient « sans métieret sans religion, tous impudents et tousamoureux d’eux-mêmes. »
160. Mi ricordodu très beau portrait que Natalia Ginzburg
CHRISTOPHE GROSSI
Source
■ Christophe Grossi
sur Terres de femmes ▼
→ Ricordi (note de lecture d’AP)
■ Voir aussi ▼
→ la fiche de l’éditeur sur Ricordi
→ (sur [déboîtements]) une présentation de Ricordi lors d’un entretien de Christophe Grossi avec Delphine Japhet
→ (sur Les Carnets d’Eucharis) une note de lecture de Nathalie Riera sur Ricordi
→ (sur Liminaire) une lecture de Ricordi par Pierre Ménard
→ (sur lelitteraire.com) une recension de Ricordi par Jean-Paul Gavard-Perret
→ (sur remue.net) une recension de Ricordi par Sébastien Rongier
→ (sur [déboîtements]) une recension de Ricordi par Serge Martin (revue Europe, n° 1032, avril 2015, pp. 333-335)
Retour au répertoire du numéro d’octobre 2014
Retour à l’ index des auteurs
» Retour Incipit de Terres de femmes -
Sylvie Nève | [Bacchus cœur nu]
Source
[BACCHUS CŒUR NU]
Bacchus cœur nu que
j’aime
lèvre-pied griffes chues
gemmes
faste ses fesses que
j’aime
faune mon faune si
lène
seiche aeschne chat sans
gêne
ses griottes en mes grottes
siennes
ses abricots sur ma motte
s’y frottent m’y pique
dard-dard
nuques à cru mon cœur
queuu queuu que
j’aime
glauconies et rubis
germent
louve grenouille loutre
chienne
gémir acquiesce hoque
tant j’aime
tête bêche dard-dard nos
bête tête arbre ardre nos
gemmes
Sylvie Nève, Érotismées, Atelier de l’Agneau, 2006, pp. 19-20. Dessins de Mireille Désidéri.
SYLVIE NÈVE
Source
■ Sylvie Nève
sur Terres de femmes< ▼
→ Le Désert (extrait de Bande de Gaza)
→ (dans l’anthologie poétique Terres de femmes) Ode à Oum Kalthoum
■ Voir aussi ▼
→ le blog de Sylvie Nève
Retour au répertoire du numéro de juillet 2014
Retour à l’ index des auteurs
» Retour Incipit de Terres de femmes -
Antoine Graziani | La lumière
Ph., G.AdC
LA LUMIÈRE
Nous avons sept ans et nous sommes dévêtus de nos noms.Un figuier, un champ, un torrent, des montagnes, la mer.Notre champ est très petit. Nous nous tenons toujours auprès du figuier, dans sa torsion ombreuse tendue depuis le mur de pierre isolant la prairie. Nous y avons installé un campement. Nous sommes des nomades ne sachant pas d’où ils viennent et pourquoi soudain ils se trouvent encerclés par les choses et nus.D’autres champs descendent de terrasses en terrasses jusqu’au torrent. Il y a des chênes sombres poussés dans les rochers en surplomb des précipices, la douceur de ce champ de paille et de chardons, de grosses pierres mouchetées de noir comme la dispersion d’une ossature démesurée. De toutes parts, les versants boisés des montagnes nous entourent.Nous sommes des nomades empêchés de repartir, réduits à la spirale, et, cependant, gagnés à la conviction que tout y rencontre son aboutissement. Tout nous est rivage, et c’est la raison, qui nous apparaît, d’être ainsi assemblés comme un seul corps reconstitué.Notre commencement nous fait signe au-delà de géniteurs ne formant plus obstacle. Leur temps et leur image perdent en opacité à mesure que nous nous rapprochons l’un de l’autre, et c’est chaque jour. Nous apportons des ombres mouvantes dans une peinture, et la lumière nous suit.Comme la terre se prive du soleil chaque nuit, nous mourons, nous sommes morts, nous avons déjà été morts. Nous avons fait le commencement se souvenir de lui-même. Nous sommes un souvenir. Nous nous traduisons l’un l’autre comme le rêve se traduit par les périodes du souffle jusqu’au gémissement et au cri. Nous avons l’équilibre des fleurs nées du même bulbe, par couple, et dont le vent, parfois, a compassion. Nous passons la ténèbre que le ciel envoie, et les saisons qui voyagent alentour. Notre disparition est nous-mêmes.
Antoine Graziani, Nuit nue, récit, Atelier des Grames, 2014, pp. 25-26. Dessins d’Émile Bernard Souchière.
________________________________
NOTE d’AP : dans Une fenêtre sur la mer/une anthologie de la poésie corse actuelle (décembre 2014), une anthologie que j’ai coordonnée pour Recours au poème éditeurs, on retrouvera un autre poème d’Antoine Graziani.
ANTOINE GRAZIANI
Source
■ Antoine Graziani
sur Terres de femmes ▼
→ Le jour (poème extrait de Coïncidences)
→ La mort Jean-Baptiste (poème extrait de Saint Jean-Baptiste)
→ [L’ombre des frondaisons] (poème extrait de Fugue)
→ v e r a n o (poème extrait de Translations)
■ Voir | écouter aussi ▼
→ (dans l’Espace Corse de la revue québécoise Mouvances, coordonné par AP) le poème « liber »
→ (sur YouTube) une rencontre-lecture avec Antoine Graziani (Versu Corti, Convergence de poètes vers Corte, 3 avril 2013)
→ (sur Wikipedia) une notice bio-bibliographique sur Antoine Graziani
Retour au répertoire du numéro de juin 2014
Retour à l’ index des auteurs
» Retour Incipit de Terres de femmes