Étiquette : Dessins


  • Corse_3 Pierre-Alain Tâche | Sous la Punta di Corbo




    SOUS LA PUNTA DI CORBO




    J’irai, dans ce lit de fougères où bruissent des ruisseaux luisants comme des couteaux, traquer la trame d’un poème aux tons d’ambre, d’or brun, de tabac. J’irais si je savais comment entrer dans la tapisserie de l’automne, où ressortir avec, au creux des mains, la preuve vive que les nymphes n’ont pas fui.

    J’aurais pu, sans nul doute, aller ; mais j’ai vu les runes et les troncs coupés, l’écriture des fonds trahis, lorsque l’eau se retire et laisse des indiennes pourrissantes sur la plage d’un sable incertain. J’ai craint alors pour ma parole. L’hiver déjà guettait sur des lointains neigeux.



    Pierre-Alain Tâche, « Récits corses » in La Quête continue, Éditions de la Revue Conférence, Paris, 2016, page 28. Dessins de Martine Clerc.







    Pierre-Alain Tâche, La Quête continue 2





    PIERRE-ALAIN TÂCHE


    Pierre-Alain Tâche
    Source



    ■ Pierre-Alain Tâche
    sur Terres de femmes

    Je cherche un lieu (extrait du recueil Roussan)
    La mer, si vous voulez (poème extrait de Nouvel État des lieux)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur cultur@ctif) une
    notice bio-bibliographique sur Pierre-Alain Tâche + un entretien avec Pierre-Alain Tâche par Patrick Amstutz
    → (sur Dailymotion)
    un extrait d’un entretien conduit par la traductrice et critique littéraire Marion Graf. Cet entretien a été réalisé dans le cadre de l’exposition « Pierre-Alain Tâche – Une poétique de l’instant » (11 mai 2007 – 29 juin 2007), et commandité par la Médiathèque Valais-Sion à la Fondation Interface. Il s’est déroulé le 2 avril 2007 dans le chalet du poète (Ayer, Val d’Anniviers). Cet entretien existe dans une version courte de 22 min ou plus longue de 56 min. Pour plus d’informations sur la médiathèque Valais-Sion, cliquer ICI
    → (sur culturactif.ch)
    « Pierre-Alain Tâche: une poétique de l’instant » : Hommages, études et inédits réunis par Anne-Lise Delacrétaz [format PDF]





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    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Stéphane Korvin | [le vent se bombe]



    [LE VENT SE BOMBE]




    le vent se bombe, tous les oiseaux penchent
    ailleurs se renverse

    je bois très fort

    revenu au centre de ta foulée
    je parle le cyrillique des peu

    je tombe un peu, je t’aime un peu

    et toi larme, pente
    tu inventes un nouveau cours d’eau
    le récit d’une fois qui ne décolère pas



    Stéphane Korvin, bas de casse, Æncrages & Co, Collection Voix de chants, 2015, s.f. Dessins de Caroline Sagot-Duvauroux.






    Basdecasse






    STÉPHANE KORVIN


    Korvin_stephane
    Source



    ■ Stéphane Korvin
    sur Terres de femmes

    [on déplace les muettes] (poème extrait de Noise)



    ■ Voir aussi ▼

    le site de Stéphane Korvin
    → (sur le site des éditions Æncrages & Co)
    la page de l’éditeur consacrée à bas de casse de Stéphane Korvin





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    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Françoise Ascal | [tu aurais voulu l’oublier]



    [TU AURAIS VOULU L’OUBLIER]



    Tu aurais voulu l’oublier
    ou ne jamais l’entendre
    mais tu tendais l’oreille stationnais près de la margelle guettais malgré l’interdit

    tu guettes encore

    tu ne veux pas manquer le moindre de ses murmures mélopées sanglots litanies bercements tout cela qui vacille dans l’ombre de jour comme de nuit tout cela qui coule et roule dans sa voix secrète sa voix d’eau souterraine sa voix cachée retirée du monde mutique volontaire campée dans un refus de forêt noire non pas de pacte avec la lumière pas d’étreinte avec le bleu du ciel toujours elle veillera le malheur

    elle n’entend pas les vivants qui l’appellent elle a quitté leur table depuis longtemps elle est avec eux les morts ses morts pour eux seuls sa langue se délie elle leur parle les rassure ils sont nombreux ne vieillissent pas à celui en tenue de soldat elle confie qu’elle ne tardera pas à cet autre elle chant une comptine

    tu cherches les morts tu te demandes si toi aussi tu as des morts partout dans la maison tu les cherches les siens les tiens tu crois les apercevoir entre les cloisons ajourées de la grange les surprendre dans le craquement du plancher il leur arrive de te frôler quand tu t’attardes dans les friches un soir de lune tu les devines terrés au fond du puits

    est-ce que les morts parlent
    tu lances tes mots dans l’énigme la peur te répond
    la peur trace des cercles au centre tu perds ton nom

    tu aurais aimé l’oublier
    ou ne jamais l’entendre
    mais tu guettes encore

    tu ne l’entends plus

    elle est devenue ton ombre



    Françoise Ascal, Des voix dans l’obscur, Éditions Æncrages & Co, Collection Ecri(peind)re, 2015, s.f. Dessins de Gérard Titus-Carmel.







    Ascal desvoixdanslobscur





    FRANÇOISE ASCAL


    Francoise Ascal par Michel Durigneux
    Ph. © Michel Durigneux
    Source





    ■ Françoise Ascal
    sur Terres de femmes


    [longtemps j’ai mâché | vos grains de grès](extrait d’Entre chair et terre)
    [Carnet, 2004] (extrait d’Un bleu d’octobre)
    [Carnet, 2011] (autre extrait d’Un bleu d’octobre)
    Des voix dans l’obscur (note de lecture d’AP)
    Levée des ombres (note de lecture d’AP)
    Lignées (note de lecture d’AP)
    [Je ferme les yeux et laisse le mot venir] (extrait de Lignées)
    Noir-racine précédé de Le Fil de l’oubli (note de lecture d’Isabelle Lévesque)
    Mille étangs
    L’Obstination du perce-neige et Variations-prairie (lectures d’AP)
    Rouge Rothko
    16 juillet 1796 | Françoise Ascal, La Barque de l’aube | Camille Corot
    5-10 août 2017 | Françoise Ascal, L’Obstination du perce-neige




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site de la mél)
    une fiche bio-bibliographique sur Françoise Ascal
    le site des éditions Æncrages & Co





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    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Maram al-Masri | [elle a légué à ses enfants une mère qui rêve]



    Une mere qui...
    Ph., G.AdC





    [ELLE A LÉGUÉ A SES ENFANTS UNE MÈRE QUI RÊVE]




    Elle a légué à ses enfants

    une mère qui rêve

    qui danse,

    qui sourit…

    Une mère qui pleure,

    qui désire…

    Une mère sans argent,
    qui ne reprise pas les chaussettes

    Une mère qui écrit des poèmes,
    dans une langue qu’ils ne comprennent pas…




    Perdante,
    comme une pouliche
    montée par un
    mauvais cavalier…




    Maram al-Masri, Je te regarde, Al Manar, Collection Méditerranées, 2007, pp. 75-76. Préface de Salah Stétié. Traduit de l’arabe (Syrie) par François-Michel Durazzo en collaboration avec l’auteur. Dessins de Youssef Abdelké.





    Maram al-Masri, Je te regarde
    Source





    MARAM AL-MASRI


    Maram Morges
    Ph. : angelepaoli
    Morges, avril 2015





    ■ Maram al-Masri
    sur Terres de femmes


    Un furesteru mi feghja (extrait de Cerise rouge sur un carrelage blanc)
    Métropoèmes (lecture de Michel Ménaché)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur Babelmed)
    Rouge poétique sur grisaille quotidienne
    → (sur Interromania, Centru culturale Università di Corsica)
    plusieurs pages sur Maram al-Masri (+ vidéo)



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    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Jacques Moulin, Journal de Campagne

    par Angèle Paoli

    Jacques Moulin, Journal de Campagne,
    Æncrages & Co, Collection voix de chants, 2015.
    Dessins de  Benoît  Delescluse.



    Lecture d’Angèle Paoli



    JUSQU’À L’ABRIL D’AVRIL



    Journal de Campagne. Tel est le titre que Jacques Moulin a choisi pour son dernier recueil poétique. Je pense aussitôt à « campagne » d’Italie / d’Égypte / de Russie… Mais non, ce n’est pas cela. Il ne s’agit pas ici d’un énième récit rescapé de la vareuse de quelque grognard de l’armée napoléonienne. L’on pourrait aussi s’attendre, avec le terme « Journal », à une réflexion de diariste (comme le curé de Bernanos), écrite à partir d’un lieu donné et dûment daté. Ce n’est pas non plus tout à fait le cas. Pourtant la campagne existe bel et bien. Celle d’Alsace. Avec le village d’Uffholtz, dans le Haut-Rhin. Et son Abri Guerre, point de départ de l’écriture. Mais en place des dates, le poète en résidence dans son « Abri-mémoire » a choisi les mots. Des mots en rapport avec le thème proposé au résident. La « fortification ». Ces mots font figure d’entrées. Ouvertures vers un espace autre. L’espace du poème. Des poèmes pour se fortifier.

    « Fortifiez-vous c’est comme

    Un chant pour soi une romance un peu d’histoire

    Des retrouvailles dans l’inconnu ».

    À la fin du recueil, un petit lexique reprécise le sens exact de chacun des termes ― quatorze en tout ―, dans le contexte où ils sont employés. Celui de la Grande Guerre. 1914-1918. La terre d’Uffholtz est une terre de frontière avec tranchées, casemates, réduits, remparts. Et, partout, des brèches des fossés des abris. La découverte de cet univers se fait cependant sans heurt, en quatre temps. Et non sans plaisir, côté lecteur, ni sans curiosité. Cheminement / Approches / Meurtrières / Épaulements. Et la progression, par étapes ; ponctuée par les quatre dessins de Benoît Delescluse. Pour dire l’ombre et la lumière, pour dire leur trouée dans les feuillages. Ainsi découvre-t-on, en progressant dans ce curieux ouvrage, que le terme « cheminement » renvoie aux « travaux d’approche pour progresser à l’abri vers l’ennemi ». Dans le même temps, « approches » — au pluriel — désigne les « tranchées pour s’approcher d’une place sans s’exposer ».

    Mais toujours « [l]e poème tient debout sans rempart ». Quant à l’abri, cet Abri Guerre que l’on rejoint au cours de l’avancée, c’est

    « [t]out un chemin de voyelles pour toucher la fissure

    Agripper la paix ».

    On l’aura compris, le poème s’écrit pour résister à. Partant, pour donner vie à. La source les saisons la vigne les vergers. La poésie. Et « le poème prend ». Jusqu’à la paix :

    « Le pré en taupes cloque la terre

    Le rossignol gîte en muraille

    Tout reprend paix devant l’abri ».

    Le lexique du recueil s’approprie la coloration des abris chargés d’oubli et de mémoire :

    « Un abri fortifié souterrain

    Abri pour la mémoire

    Mémoire forte mémoire des fonds

    La mémoire oublieuse sans abri ».

    Et le poète joue, détourne, glisse, creuse, explore l’univers des tranchées, retourne la terre et les mots, les malaxe, de la bouche et des yeux, de l’oreille et des dents :

    « Trachée réduite suffoquer

    Pharynx perdu tu dis plus rien

    Poète casqué vers cadencés ».

    Et, dans le poème suivant, sur la page en vis-à-vis :

    « Tranchée guérite à terre

    Toit à cochons caponnière

    Cou tordu sabots crottés

    Fiente aux ergots

    Creuser toujours ».

    L’univers de l’abri abolit la notion habituelle d’espace, toutes directions confondues. S’abriter alors, nécessite de jongler avec les quatre coins du réduit, pentes talus boyaux :

    « S’abriter sous dedans derrière à l’intérieur

    Au fond paroi par-dessus

    Éviter l’avant se mettre en crypte

    Cultiver ses arrières à couvert

    Consolider son terme prendre asile ».

    L’arrivée à Uffholtz donne naissance à un très beau texte en prose qui résonne comme un rappel des paysages vosgiens, vignes et Ballons, chemins de terre avec « le vent des consonnes dedans les branches », les échos entre les voyelles [u] et [o], entre « ligne de crête » et « ligne de front ». Vient l’emménagement dans l’abri, et la phrase s’adapte au décor dans lequel elle naît : elle se mêle à la terre, suit les courbes et les entailles, murs et collines ; forge et sculpte :

    « La phrase galope la plaine le vers se pose en glaise

    Rencontre la tranchée comme un mot qui cisaille

    Une étendue de pages

    Zigzague un peu ».

    Un monde d’entre-deux se dessine, fait de claies et d’interstices, de palissades et d’ajours, de rideaux de trouées de haies, couloirs de traverse du « vent coulis ». Qui conduisent jusqu’à « l’abril* d’avril » qui scande son refrain :

    « Abri sous printemps

    La fleur sous abri »

    « Être à l’abri jusqu’à l’avril

    La fleur sous abri ».

    Ailleurs, dans F.O.R.T.I.F.I.C.A.T.I.O.N., le poète se livre à tout un travail de creusement et d’approches du mot. Sens et sons. Mot hérissé de fortins avec son « i » central, à la fois « pivot » et « point de rupture ». Un « i » lui-même évocateur d’images sonores et d’assonances aigües :

    « Un i comme on en voit dans la craie prêt à crisser fragile tendresse et calvaire des calcaires pour déliter sa forme et mourir poreux au pied du caillou dur écroulé lui aussi par la vertu du faible. Fort garde-toi de tes i qui ouvrent brèche dans le pli de la ligne. »

    Quant au final de ce beau texte de prose, il prend appui sur la finale du mot pour ouvrir sur un autre espace :

    « On entend la finale du mot comme un éboulement progressif jusqu’aux glacis. Oublieuse nasale qui s’ouvre à d’autres gestes. La vie voyage. L’écho des chutes s’entend longtemps. »

    Ainsi, de fortifications en redoutes, de redoutes en plongées, parvient-on au rondel en trois strophes et en alexandrin ― construit sur deux rimes et comportant un refrain :

    « On court sur la colline on traverse les forts

    On tombe sur des mots qu’on peut envisager

    L’alexandrin revient pour chacun les nommer

    Canon bastion redoute archère et contrefort ».

    Comment ne pas se laisser envoûter par le plaisir jubilatoire de cette belle jonglerie de la langue et des mots ?

    « Le rondel bat la brèche et se joue des rebords

    Sur le chemin de ronde au plus près des fossés

    Il cueille l’hellébore à l’euphorbe associée

    Prend son temps de berme et aux pierres jette un sort

    Il court sur la colline pour un herbier des forts ».

    Et comment ne pas sourire et s’interroger, se regarder en visière dans « For intérieur », texte plein d’humour :

    « On mijote un donjon. D’aucuns le posent encore comme une truffe à l’angle du jardin palissé. Fortin ou fortelet avec l’armée de nains-céramique pour monter aux créneaux. »

    Avec « Meurtrières », la poésie se durcit. La tranchée crache ses os et les quatre poèmes, dont HWK (1-2-3), disent les « Poilus dépecés », les chairs fragmentées, les gisants décapités.

    La traversée de Journal de Campagne se clôt sur une section où dominent l’amitié et le partage. À l’arrière, dans l’abri de la « gorge », le poète fête la vigne avec les vignerons de toujours. Avec les marcheurs du jour, le poème se met « en campagne »

    « Les mots dans le dos

    Sur le sentier en file indienne ».

    Au soir, sur la plate-forme de la « banquette », on se retrouve pour « bistroter ». « Abri café », « Pour faire tribu », « Stammtisch ici ». « Pour prendre mots relus ensemble ».

    Poème en campagne jusqu’à «&nbsp[l]’abril d’avril ».



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli





    _____________________________
    * Abril, chez Saint-François de Sales (1567-1622)






    Journal de Campagne







    JACQUES MOULIN


    Jacques-Moulin
    Source




    ■ Jacques Moulin
    sur Terres de femmes


    Écrire à vue (lecture d’AP)
    [Partir à dos de feuilles ou d’arbres] (extrait d’Écrire à vue)
    D 27 et D 28 (extrait de L’Épine blanche)
    L’Épine blanche (lecture d’Isabelle Lévesque)
    Portique (lecture d’AP)
    Portique 2 (extrait de Portique)
    [Sur le halage certains soirs] (extrait d’À vol d’oiseaux)
    Un galet dans la bouche (extrait)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions Æncrages & Co)
    la fiche de l’éditeur consacrée à Journal de Campagne





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  • Gabrielle Althen | L’isole



    L’ISOLE



    Le ciel sans offre jette son mur de maison nue devant ton front. En contrebas s’agitent des nœuds d’oiseaux labiles et la charité des hommes qui glisse sur leurs mains d’échange. Le paysage que tu as tant aimé s’est déversé ailleurs où s’achève le pain et les paroles à saisir au vol sur la sinuosité vive des lèvres.

    Et toi, pauvre de toi, qui te sens si souvent fils d’une maison vide, et qui t’es tu, jusqu’à ce que l’absence de messages d’un ciel lavé de ses figures ne délimite plus le temps, tu ne sais si tu pourras longtemps habiter plus haut parce que ton âme, que tu voulais retenir, à demeurer trop silencieuse s’est gonflée de son bruit naturel et de tonnerre, et que nous nous plaignons de supporter très mal ce rapt d’ententes et d’horizons.




    Gabrielle Althen, La Cavalière indemne, Al Manar | Alain Gorius, 2015, page 49. Dessins de Philippe Hélénon.






    Gabrielle Althen, La Cavalière indemne



    GABRIELLE ALTHEN


    Gabrielle Althen
    Source



    ■ Gabrielle Althen
    sur Terres de femmes

    La Cavalière indemne (note de lecture d’AP)
    Corps à corps (poème extrait de Soleil patient)
    Sans titre
    Soleil patient (lecture de Matthieu Gosztola)
    Soleil patient (note de lecture d’Isabelle Lévesque)
    Vie saxifrage (extrait)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    Une fois le gris devenu l’autre versant du bleu
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    un poème extrait de Vie saxifrage



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Le temps bleu) une recension de La Cavalière indemne par Roselyne Fritel
    le site personnel de Gabrielle Althen
    → (dans la Poéthèque du site du Printemps des poètes) une fiche bio-bibliographique sur Gabrielle Althen
    → (sur La Pierre et le Sel)
    Gabrielle Althen, entre splendeur et écharde




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    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Luis Mizón | [Derrière la garde-robe]



    Philippe Hélénon
    Philippe Hélénon, « Tout est écrit dans le corps »








    [DERRIÈRE LA GARDE-ROBE]


    I


    Derrière la garde-robe il y a une ville
    à tiroirs
    où personne n’habite
    draps oreillers couvertures
    dessus dessous
    trousseau d’un fantôme
    enfermé dans l’armoire
    nappes et serviettes en abondance
    brodées d’initiales énigmatiques
    d’étonnants objets théâtraux

    tout est écrit par le corps
    sans que la main droite sache
    ce que fait la main gauche
    le linge immaculé raconte
    des histoires cryptées

    près de la flamme
    les taches deviennent visibles
    on voit la trace de la machinerie
    les effets spéciaux

    la scène sombre du balcon
    les aveux des amoureux
    les hésitations des comédiens
    les soupirs des jeunes poètes
    les traces de l’amour et de la haine

    l’oubli n’a rien effacé

    je respire dans les draps
    un parfum de falaise
    je vois les vagues se briser
    dans les criques et les anses muettes

    je caresse en toute liberté
    la peau sensuelle de l’oubli
    ses secrets dégagent
    une odeur de mousse
    grotte
    lumière et vide

    les mystères des genoux
    le coin de la chambre où le soleil
    cache ses bijoux

    le soleil

    je respire la nudité de l’oubli

    son odeur monte à mes narines
    et
    il
    m’est
    délectable

    le linge danse à la fenêtre
    l’armoire danse avec le vent

    j’écrase sur le mur
    le minuscule corps du délit
    où se cache le temps



    Luis Mizón, Corps du délit où se cache le temps, Éditions Æncrages & Co, Collection « voix de chants », 2014, s.f. Dessins de Philippe Hélénon.






    Luis Mizon, Corps du délit où se cache le temps.jpg 2





    LUIS  MIZÓN


    Luis Mizón
    Source



    ■ Luis Mizón
    sur Terres de femmes

    L’exil
    La Maison du souffle
    Un troupeau de vaguelettes



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (dans la poéthèque du site du Printemps des poètes)
    une fiche bio-bibliographique sur Luis Mizón
    → (sur le site de France Culture)
    Luis Mizón dans Ça rime à quoi de Sophie Nauleau (émission du 23 novembre 2014)
    → (sur le site des éditions Æncrages & Co)
    la fiche de l’éditeur sur Corps du délit où se cache le temps de Luis Mizón
    → (sur Images de la poésie)
    une lecture de Corps du délit où se cache le temps, par Laurent Albarracin





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    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Christophe Grossi | [Mi ricordo]




    Lettera 22 (g)
    Source







    [MI RICORDO]



    145. Mi ricordo

    de la bouche de Silvana Mangano.


    146. Mi ricordo

    de « si ton métier est de t’intéresser à tous,

    commence donc par t’intéresser à l’un d’eux,

    rien qu’un seul ». (Silvio D’Arzo)


    147. Mi ricordo

    de jambes nues sous les robes et de jambes

    coupées, de gens bons, fumés ou brutaux, de

    gens mal armés, d’enjambées entamées.


    148. Mi ricordo

    de villes et de soldats détruits, de voleurs

    de cadavres et de bicyclettes, de gens qui ne

    parvenaient plus à se sentir.


    149. Mi ricordo

    quand les candidates devaient montrer

    qu’elles avaient un beau sourire parce

    qu’elles utilisaient une nouvelle pâte

    dentifrice.


    150. Mi ricordo

    que pour Silvio D’Arzo s’intéresser à

    quelqu’un c’est s’y intéresser « jusqu’au

    bout, au bas mot : jusqu’à la racine ».


    151. Mi ricordo

    que parfois nous aimerions savoir à quel

    moment précis notre vie a basculé.


    152. Mi ricordo

    d’un soir doux et de cette rue raide où

    berner les âmes, lécher les larmes, flamber

    les armes, sécher les lames.


    153. Mi ricordo

    des branches qui enlaçaient la maison et

    des ombres à midi derrière les volets : des

    mèches de cheveux sur des yeux baissés.


    154. Mi ricordo

    quand il zigzaguait entre les hypothèses du

    passé familial, des pointillés sur sa route.


    155. Mi ricordo

    d’une phrase jaune dans la nuit : On avait

    lâché les fauves d’anciens frères devenus des

    phares ennemis.


    156. Mi ricordo

    De la machine à écrire mécanique portative

    Lettera 22 créée par Marcello Nizzoli pour

    Olivetti.


    157. Mi ricordo

    de la tempête bien plus violente dedans

    dehors quand il a appris qu’un ancien

    bourreau était devenu conseiller municipal.


    158. Mi ricordo

    d’une langue pendue au bout d’un non vous

    ne saurez rien.


    159. Mi ricordo

    que les vieux Fenoglio étaient « sans métier

    et sans religion, tous impudents et tous

    amoureux d’eux-mêmes. »


    160. Mi ricordo

    du très beau portrait que Natalia Ginzburg

    fait de Pavese peu de temps après sa mort

    sans jamais le nommer une seule fois.




    Christophe Grossi, Ricordi, L’Atelier Contemporain | François-Marie Deyrolle Éditeur, Strasbourg, 2014, s.f. Dessins de Daniel Schlier.







    Grossi







    CHRISTOPHE GROSSI


    Christophe Grossi
    Source



    ■ Christophe Grossi
    sur Terres de femmes

    Ricordi (note de lecture d’AP)



    ■ Voir aussi ▼

    la fiche de l’éditeur sur Ricordi
    → (sur [déboîtements])
    une présentation de Ricordi lors d’un entretien de Christophe Grossi avec Delphine Japhet
    → (sur Les Carnets d’Eucharis)
    une note de lecture de Nathalie Riera sur Ricordi
    → (sur Liminaire)
    une lecture de Ricordi par Pierre Ménard
    → (sur lelitteraire.com)
    une recension de Ricordi par Jean-Paul Gavard-Perret
    → (sur remue.net)
    une recension de Ricordi par Sébastien Rongier
    → (sur [déboîtements])
    une recension de Ricordi par Serge Martin (revue Europe, n° 1032, avril 2015, pp. 333-335)






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  • Sylvie Nève | [Bacchus cœur nu]




    Gemmes
    Source







    [BACCHUS CŒUR NU]



    Bacchus cœur nu que
    j’aime
    lèvre-pied griffes chues
    gemmes
    faste ses fesses que
    j’aime
    faune mon faune si
    lène
    seiche aeschne chat sans
    gêne
    ses griottes en mes grottes
    siennes
    ses abricots sur ma motte
    s’y frottent m’y pique
    dard-dard

    nuques à cru mon cœur
    queuu queuu que
    j’aime
    glauconies et rubis
    germent
    louve grenouille loutre
    chienne
    gémir acquiesce hoque
    tant j’aime
    tête bêche dard-dard nos
    bête tête arbre ardre nos

    gemmes



    Sylvie Nève, Érotismées, Atelier de l’Agneau, 2006, pp. 19-20. Dessins de Mireille Désidéri.







    Sylvie Nève, Erotismées







    SYLVIE NÈVE


    Sylvie Nève
    Source



    ■ Sylvie Nève
    sur Terres de femmes<

    Le Désert (extrait de Bande de Gaza)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    Ode à Oum Kalthoum



    ■ Voir aussi ▼

    le blog de Sylvie Nève





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  • Antoine Graziani | La lumière



    De toutes parts, les versants boisés des montagnes nous entourent.
    Ph., G.AdC







    LA LUMIÈRE




    Nous avons sept ans et nous sommes dévêtus de nos noms.

    Un figuier, un champ, un torrent, des montagnes, la mer.

    Notre champ est très petit. Nous nous tenons toujours auprès du figuier, dans sa torsion ombreuse tendue depuis le mur de pierre isolant la prairie. Nous y avons installé un campement. Nous sommes des nomades ne sachant pas d’où ils viennent et pourquoi soudain ils se trouvent encerclés par les choses et nus.

    D’autres champs descendent de terrasses en terrasses jusqu’au torrent. Il y a des chênes sombres poussés dans les rochers en surplomb des précipices, la douceur de ce champ de paille et de chardons, de grosses pierres mouchetées de noir comme la dispersion d’une ossature démesurée. De toutes parts, les versants boisés des montagnes nous entourent.

    Nous sommes des nomades empêchés de repartir, réduits à la spirale, et, cependant, gagnés à la conviction que tout y rencontre son aboutissement. Tout nous est rivage, et c’est la raison, qui nous apparaît, d’être ainsi assemblés comme un seul corps reconstitué.

    Notre commencement nous fait signe au-delà de géniteurs ne formant plus obstacle. Leur temps et leur image perdent en opacité à mesure que nous nous rapprochons l’un de l’autre, et c’est chaque jour. Nous apportons des ombres mouvantes dans une peinture, et la lumière nous suit.

    Comme la terre se prive du soleil chaque nuit, nous mourons, nous sommes morts, nous avons déjà été morts. Nous avons fait le commencement se souvenir de lui-même. Nous sommes un souvenir. Nous nous traduisons l’un l’autre comme le rêve se traduit par les périodes du souffle jusqu’au gémissement et au cri. Nous avons l’équilibre des fleurs nées du même bulbe, par couple, et dont le vent, parfois, a compassion. Nous passons la ténèbre que le ciel envoie, et les saisons qui voyagent alentour. Notre disparition est nous-mêmes.


    Antoine Graziani, Nuit nue, récit, Atelier des Grames, 2014, pp. 25-26. Dessins d’Émile Bernard Souchière.






    Antoine Graziani, Nuit nue






    ________________________________
    NOTE d’AP : dans Une fenêtre sur la mer/une anthologie de la poésie corse actuelle (décembre 2014), une anthologie que j’ai coordonnée pour Recours au poème éditeurs, on retrouvera un autre poème d’Antoine Graziani.






    ANTOINE GRAZIANI


    Antoine Graziani
    Source



    ■ Antoine Graziani
    sur Terres de femmes

    Le jour (poème extrait de Coïncidences)
    La mort Jean-Baptiste (poème extrait de Saint Jean-Baptiste)
    [L’ombre des frondaisons] (poème extrait de Fugue)
    v e r a n o (poème extrait de Translations)



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (dans l’Espace Corse de la revue québécoise Mouvances, coordonné par AP)
    le poème « liber »
    → (sur YouTube)
    une rencontre-lecture avec Antoine Graziani (Versu Corti, Convergence de poètes vers Corte, 3 avril 2013)
    → (sur Wikipedia)
    une notice bio-bibliographique sur Antoine Graziani





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