Étiquette : Dominique Sampiero


  • Dominique Sampiero, Où vont les robes la nuit

    par Marie-Hélène Prouteau

    Dominique Sampiero, Où vont les robes la nuit,
    éditions la Boucherie littéraire, Collection Sur le billot, 2018.
    Prix CoPo 2019.



    Lecture de Marie-Hélène Prouteau




    BLASON D’AMOUR



    Il y a des livres de cinquante pages qui, en peu de mots, ouvrent tout un monde. Où vont les robes la nuit est de ceux-là. Le livre se présente comme un poème en prose transparent et fluide. Il prend la forme d’une lettre écrite à la femme aimée, datée d’un 14 février, une nuit de la Saint-Valentin.

    Ce qui reste de cette femme ? Sa petite robe noire dans l’armoire de la maison. À lire les premières pages, il y a une hésitation, un doute discrètement entretenus sur cette femme qui n’est plus là. Est-elle partie ? Quelques signes pourraient le laisser penser. L’état d’esprit du poète pris d’une fatigue de vivre chaque printemps. L’évocation de la maison du couple rappelant la première « rencontre » avec la femme aimée. La présence de sa petite robe de soie si sensuellement vivante :

    « Mon souffle a défait une à une les boucles de tes cheveux. J’ai savouré tous mes manques dans le creux de ta nuque et j’ai senti ton sourire ouvrir ta joie de l’autre côté. »

    Le mot « mourir », imprononçable, ne peut qu’être différé à la trentième page du livre. Cette Lettera amorosa, Dominique Sampiero l’adresse à une morte.

    Mais dans la chambre vide, l’aimée n’est pas morte puisque le poète lui écrit :

    « Mon recueillement sera une conversation avec toi ».

    À chaque page se joue une bouleversante célébration. Cette écriture du tressaillement entre absence et présence livre un entrelacs d’émotions auxquelles on ne s’attend pas. « Chagrin » et « joie ». « Tendresse » et « fatigue sans fond », « Mourir » et « jouir ». Un chemin inattendu s’ouvre. Un souffle. Une danse. Car le livre n’est pas voué au malheur et au deuil.

    Il est empli de l’évidence d’une mystérieuse incarnation. Tant est forte « l’apparition » de l’aimée que le poète amoureux arrache à la nuit et à la disparition. Un corps de femme désirable, suggéré dans sa féminité sensuelle : « au bas de ton ventre », « Fleur de ton dos/syncope dévêtue de ta chair ». Le poète nomme sans fausse pudeur tous les gestes de l’amour, la caresse, le front qu’on pose sur l’autre, le baiser, la robe serrée contre soi, l’étreinte physique des corps. « J’ai fait l’amour à ton parfum ».

    Dans la lignée de la poésie d’amour du douzième siècle, c’est un blason du corps féminin qui s’écrit ici. Et Dominique Sampiero s’en fait l’ardent troubadour.

    Au fil de la coulée poétique du texte virevolte la petite robe noire, métonymie vive de la femme aimée. Objet d’élection et de fascination. Elle est le talisman qui, in absentia, permet au poète de renouer avec la disparue. Il nous semble la voir, cette robe de soie noire. Et, par là même, celle qu’elle habillait : le poète réussit le tour de finesse de mettre en scène ce qu’il appelle leurs « retrouvailles ». Manière de consacrer, de ritualiser ce lien à l’absente, par cette lettre, par le choix de cette fête symbolique.

    Un bonheur dans la grande lumière crue des corps épris, en cette nuit des amoureux. Écrire a ce pouvoir de ramener à la vie dans ce qu’elle a de plus intense.

    L’intime, le chagrin, le manque se disent sans pathos, avec une grande simplicité de moyens. C’est toute l’élégance de ce texte. L’émotion est là, mais déplacée. Exprimée indirectement dans les projections mentales de celui qui écrit. Telles « le corps froid de ma solitude dans le lit ». Ou le superbe final qui clôt le recueil sur ce cri : « l’âme des femmes / endormie dans le cri de l’herbe ».

    La mort, ces retrouvailles avec l’aimée ne l’effacent pas. Par moments, elle se loge dans le sujet poétique avec une fulgurante brutalité :

    « Ta lumière est restée debout dans mes yeux. Et c’est comme si je te voyais pour la première fois. Ta beauté s’est couchée sur moi pour réchauffer mon corps. J’ai su que j’étais mort depuis longtemps ».

    Mais le trajet d’un chagrin a eu lieu :

    « Je me suis épuisé à penser à toi, à te parler jusqu’à m’apaiser ».

    La merveille dans ce recueil, c’est la petite robe noire, son glissement soyeux d’entre les pages. Elle finit par devenir personnage du récit sans que l’on s’en étonne. Elle nous fait entrer de plain-pied dans un monde à la Lewis Carroll. Où les objets parlent, la chaise vide de la cuisine, la petite robe. Le « nuage animal » et l’herbe qui crie complètent le tableau. La petite robe noire s’est effondrée au sol. Signe que l’apparition a eu lieu. Ne reste plus que « ta nudité restée dans la maison ». Aussi surréaliste que le sourire sans le chat d’Alice au pays des merveilles.

    Tout est possible dans la veille irréelle de cette nuit. La chambre mentale de Dominique Sampiero se nimbe de l’esprit d’enfance. Avec ses peurs, avec ses formules conjuratoires :

    « C’est éprouvant de jouer à croire que tu es morte ».

    Avec ses rituels, ainsi l’enterrement de la petite robe, accompagné de ce voeu :

    « Si tu laisses la robe

    dans le lit d’herbe de ton jardin

    elle va germer

    et les contours du paysage

    lui dessineront

    des seins

    des hanches ».

    Devant des images telles que « blotti comme un enfant au ventre des mères », comment ne pas associer les circonstances et penser aux émotions premières et lointaines de l’enfance ?

    L’interrogation apparemment légère du titre est reprise dans les tout derniers vers du recueil. Magnifiquement dédoublée en une variation sur ce qui touche à la condition humaine :

    « Où vont les robes la nuit […]

    Où va l’âme des femmes ».

    Quelque chose de l’insondable s’invente là. Comme si résistait une sorte de butée du sens. Dans ce subtil glissement de la petite robe singulière au pluriel, le poète embrasse l’universel. Des éléments simples, non situés, comme la maison du couple, la chambre, le lit, le jardin nous parlent de nous. C’est simple, terriblement simple. L’écriture a cette façon de poser ce qui est immanquablement le lot de tous. Le questionnement sur l’après, l’impossible savoir.

    Voici les fragments d’un discours lumineux et tout un monde se déploie. Le regard que Dominique Sampiero pose sur les êtres fait de ce livre un chant, sensuel et charnel. À la visiteuse du soir en robe noire à qui il fait sa déclaration. Un chant à la vie chaude, reconquise sur le vide.



    Marie-Hélène Prouteau
    D.R. Marie-Hélène Prouteau
    pour Terres de femmes








    Dominique Sampiero  Où vont les robes la nuit




    DOMINIQUE SAMPIERO


    Dominique Sampiero
    Source




    ■ Dominique Sampiero
    sur Terres de femmes

    [Certains livres se souviennent] (extrait du Maître de la poussière sur ma bouche)
    Chante-perce (lecture de Marie-Hélène Prouteau)
    Nos lèvres et leurs baisers (extrait de La vie est chaude)




    ■ Autres chroniques et lectures (25) de Marie-Hélène Prouteau
    sur Terres de femmes

    Chambre d’enfant gris tristesse
    La croisière immobile
    Anne Bihan, Ton ventre est l’océan
    Jean-Claude Caër, Alaska
    Jean-Louis Coatrieux, Alejo Carpentier, De la Bretagne à Cuba
    Marie-Josée Christien, Affolement du sang
    Yves Elléouët, Dans un pays de lointaine mémoire
    Guénane, Atacama
    Luce Guilbaud ou la traversée de l’intime
    Cécile Guivarch, mots et mémoire en double
    Denis Heudré, sèmes semés
    Jacques Josse, Liscorno
    Martine-Gabrielle Konorski, Instant de Terres
    Ève de Laudec & Bruno Toffano, Ainsi font…
    Jean-François Mathé, Prendre et perdre
    Philippe Mathy, l’ombre portée de la mélancolie
    Monsieur Mandela, Poèmes réunis par Paul Dakeyo
    Daniel Morvan, Lucia Antonia, funambule
    Daniel Morvan, L’Orgue du Sonnenberg
    Yves Namur, Les Lèvres et la Soif
    Jacqueline Saint-Jean ou l’aventure d’être au monde en poésie
    Dominique Sampiero, Chante-perce
    Ronny Someck, Le Piano ardent
    Pierre Tanguy, Ma fille au ventre rond
    Pierre Tanguy, Michel Remaud, Ici même





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  • Dominique Sampiero, Chante-perce

    par Marie-Hélène Prouteau

    Dominique Sampiero, Chante-perce,
    Éditions Apogée, 2015.



    Lecture de Marie-Hélène Prouteau



    ARDEUR DU POÈME



    Le recueil de Dominique Sampiero (Chante-perce, éditions Apogée) est le fruit d’une résidence d’écrivain dans le Coglais, près de Fougères. Terre de poésie s’il en est, puisque Saint-Brice-en-Coglès est devenu premier « village en poésie » du Printemps des poètes. Avec ce titre, Dominique Sampiero prend à pleines mains l’outil utilisé en Bretagne par les ouvriers du granit pour creuser la pierre. Et le geste métaphorique du poète qui creuse lui aussi, mais dans un autre matériau, s’inscrit dans ce réseau d’images :

    « Nommer autrement et creuser sont une tentative pour faire vivre cet héritage et dessinent dans ce livre les deux veines d’une ardeur au poème ».

    Le « génie du lieu » a joué à plein sur cet enfant de l’Avesnois élevé sous un ciel bas, non loin des puits miniers et des hauts fourneaux. Dominique Sampiero est sensible à la puissance des lieux du bocage breton : les fougères, les eaux et les pierres qu’il nomme des « dormeuses ». Celui qui vit à double hauteur, celle de ces terres du Nord dont les hommes travaillent les soutes noires, celle des nuages où il ne cesse de rêver depuis l’enfance, entre ici en résonance avec « cette terre de sel et de cidre » :

    « pays de pierre entre les murs d’une patience cherchant à frôler les sources accroupies dans le creux de l’instant et que les mains reconnaissent, en écartant la bruyère des carrières ouvertes ».

    Le poète sait le pouvoir de la nomination poétique : il y a d’abord la musique des noms propres, Saint-Marc-le-Blanc, Saint-Hilaire, Coglès, Tiercent. Et aussi la longue liste qu’il égrène des prénoms de granitiers. Ou le sous-titre à l’image suggestive, « Haleine du pain ».

    La parole poétique, ici, fait monde : elle a ce pouvoir magique de susciter la vie dure, douloureuse, de ces « petites gens ». Poésie évocatoire au sens premier du terme, qui évoque, rappelle les esprits des disparus grâce au regard émerveillant du poète. Ce qui frappe chez Dominique Sampiero, c’est cette « ardeur » de l’écriture poétique ― le mot revient à plusieurs reprises.

    Le recueil se divise en six moments où alternent prose et poèmes, illustrés par six gravures épurées de Maya Mémin. Le premier moment, long poème en prose, s’attache aux légendes et aux traces qu’elles laissent dans nos vies :

    « Les légendes sont vraies. Aussi vivantes que nos rêves. Elles nous tiennent debout comme des arbres, nos racines puisant dans l’humus d’une mémoire qui se souvient de nous. »

    Comment mieux dire que l’imaginaire, cette fabrique de mystère et d’inconnu, est vital, qu’il prenne la forme du rêve, de l’art, de la poésie en particulier ? Pour le poète, « les légendes sont notre humanité sensible, un héritage de pure haleine, de premier mot et de premier soupir ». Voilà la nécessaire respiration qui nous ouvre à un autre monde, de liberté, de créativité, d’altérité. Il y a là une superbe méditation sur les légendes. L’approche de celles-ci est aux antipodes d’une vision folklorisée. Elle met à nu l’universel de ces récits mythiques qui est la part langagière de l’homme.

    Suit le second moment du recueil, une réflexion sur le travail d’écriture du livre en train de se faire. Le poète est celui qui est traversé par les formes :

    « Écrire commence quand tu effaces les mots en trop, puis ton corps, ton visage et ce qui continue de se manifester n’est pas toi, même si tu dis je, tu ne sais pas d’où ça monte, ni qui est celui qui trace les signes entre tes paumes ouvertes ».

    Le mouvement de l’écriture, chez lui, est mouvement d’allègement venu de l’entre-deux de la conscience. Écrire, une haute exigence qui rappelle l’escalade avec pitons et crochets et où l’on progresse au-dessus du vide. Il y a de l’inaccessible dans cette expérience de « la neige du papier ». Expérience toute en tensions et questionnements. Car écrire « souffre d’entendre les blessures se briser les ailes contre la mort […] installe un doute pire que vivre ».

    Commence le moment du recueil intitulé « Comme une pierre dans la main ». Le poète met en parallèle le travail des mots et celui des pierres, et la reprise de ces quatre vers, tout simples, plus loin dans le texte, fait l’effet de paroles de chanson qui reviennent :

    « C’est ici

    C’est dans ce pays

    Que m’est venue l’envie

    De poser les mots comme des pierres ».

    Dans ce jeu de miroirs entre ces deux labeurs, le poète saisit au vol la beauté de ces gestes d’hommes, peu bavards, dont il se sent proche. Bel hommage à cet autre ouvrage, celui qui s’attache aux pierres, « ces dormeuses [qui] envoûtent la légèreté de nos corps dans la traversée des prairies ».

    Le moment suivant, « Tendresse du châtaignier », s’attache à la légende particulière de la dame blanche. Elle est figure de légende, irréelle, dans ses voiles de brume, entre mystère et rêve. Corps de toujours, venu d’un très vieux temps. Mais elle fait aussi partie de la mythologie personnelle du poète : il y voit la femme, « l’anima » chère à Jung, dont la lecture lui est familière. Archétype de l’inconscient collectif qui représente l’aspect féminin en chaque homme. C’est dire si le souci de l’universel est bien présent ici.

    Vient ensuite la lettre-poème à Xavier Grall. Un ami poète, Yvon Le Men, lui a donné l’œuvre de celui-ci dans l’édition Rougerie à la couverture caractéristique. Avec l’allusion à la « maigreur de prince » plane soudain la haute silhouette du poète breton. Cette adresse-hommage, le plus souvent en distiques, prend l’allure d’une chanson de geste :

    « Je viens d’un pays qui n’est plus un pays

    Xavier ».

    Ce vers reviendra avec des variantes par la suite. Ainsi va se dérouler, par-delà la mort, un échange en amitié entre les « pays » respectifs, « aber et varech » de l’un et « flaques et fougères » de l’autre. Entre le « Je » du poète et le « Tu » de Xavier :

    « Donne-moi la force

    De dire […]

    De dire d’écrire comme toi ».

    Dominique Sampiero n’invente pas, il laisse remonter un détail, et voici que renaît la culture ouvrière qui est la sienne. Il lui suffit d’un trait, des « frottements [de] sempiternelles serpillères » des grands-mères, des « baisers au goût de houblon », des « corons classés à l’Unesco », pour faire vivre les lieux, les gestes, les luttes et les fêtes. La voix singulière de Dominique Sampiero est dans l’attention tendre, et coriace à la fois, qu’il porte aux êtres et aux choses. Son regard transfigure le quotidien et nous oblige à changer de point de vue :

    « On a tellement « mouru »

    Dans les coulées d’acier

    Tellement « mouru »

    Dans les galeries qui s’effondraient […]

    Tellement bu pour oublier

    Tellement prié en votant communiste

    Que tout aujourd’hui

    Nous semble triste et fade »

    Le sixième et dernier moment est un « Petit traité des hautes herbes en Coglais ». On retrouve à nouveau le rythme d’un long poème en prose, étonnant texte houle, comme l’herbe qui le suscite :

    « L’empreinte des corps laissée dans l’herbe est le visage de Dieu quand il s’oublie. Dieu n’existe pas dit l’herbe mais je suis son rire. »

    Poser le regard au ras des hautes herbes, c’est pour lui toucher à l’os des choses. Par moments, ces accordailles avec les hautes herbes atteignent au sentiment océanique de la vie.

    Une thématique traverse les six moments du recueil, comme d’autres textes antérieurs de Dominique Sampiero. Il s’agit de la mort qu’il évoque sous divers aspects. Mort des ouvriers dans les accidents de la mine, lien entre mort et légendes, présence des tombes, et, surtout, la mort du poète lui-même qui revient tel un troublant leitmotiv :

    « Ah quand je mourrai

    Enterrez-moi sous un pommier

    Dans un cercueil de bois le plus tendre

    Avec mes flaques mon ciel en aubier ».

    Avec ce Chante-perce, le poète polit le granit des mots qui donne sa saveur forte et fulgurante d’humanité à ce recueil. Son originalité est de promener son regard en altitude, à hauteur de nuages, sans renier la terre. Tendre et ardent, le cœur du poète vibre pour le présent. Engagé dans sa praxis rebelle de « buveur de ciel »*.



    Marie-Hélène Prouteau
    D.R. Marie-Hélène Prouteau
    pour Terres de femmes





    _____________________________
    * Dominique Sampiero, Carnet d’un buveur de ciel, Lettres vives, 2007.






    Chante-perce 5





    DOMINIQUE SAMPIERO


    Dominique Sampiero
    Source



    ■ Dominique Sampiero
    sur Terres de femmes

    [Certains livres se souviennent] (extrait du Maître de la poussière sur ma bouche)
    Où vont les robes la nuit (lecture de Marie-Hélène Prouteau)
    Nos lèvres et leurs baisers (extrait de La vie est chaude)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de la Maison des écrivains et de la littérature)
    une notice bio-bibliographique sur Dominique Sampiero
    → (sur Esprits Nomades)
    une page sur Dominique Sampiero
    → (sur le site de Jean-Michel Maulpoix)
    « La fièvre lyrique de Dominique Sampiero », par Jean-Michel Maulpoix



    ■ Autres chroniques et lectures (25) de Marie-Hélène Prouteau
    sur Terres de femmes

    Chambre d’enfant gris tristesse
    La croisière immobile
    Anne Bihan, Ton ventre est l’océan
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    Jean-Louis Coatrieux, Alejo Carpentier, De la Bretagne à Cuba
    Marie-Josée Christien, Affolement du sang
    Yves Elléouët, Dans un pays de lointaine mémoire
    Guénane, Atacama
    Luce Guilbaud ou la traversée de l’intime
    Cécile Guivarch, mots et mémoire en double
    Denis Heudré, sèmes semés
    Jacques Josse, Liscorno
    Martine-Gabrielle Konorski, Instant de Terres
    Ève de Laudec & Bruno Toffano, Ainsi font…
    Jean-François Mathé, Prendre et perdre
    Philippe Mathy, l’ombre portée de la mélancolie
    Monsieur Mandela, Poèmes réunis par Paul Dakeyo
    Daniel Morvan, Lucia Antonia, funambule
    Yves Namur, Les Lèvres et la Soif
    Jacqueline Saint-Jean ou l’aventure d’être au monde en poésie
    Dominique Sampiero, Où vont les robes la nuit
    Ronny Someck, Le Piano ardent
    Pierre Tanguy, Ma fille au ventre rond
    Pierre Tanguy, Michel Remaud, Ici même



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  • Dominique Sampiero | Nos lèvres et leurs baisers









    Nuit ne ressemble à rien mais regrette le mystère
    Ph., G.AdC








    NOS LÈVRES ET LEURS BAISERS (extrait)



         Mourir donc attend un regard qui s’ouvre et un regard qui se ferme. L’un est le bourgeon de l’autre. Sans ces yeux pour la mort, il n’y a rien. La mort n’existe pas. Sans ce regard du mourant sur le guetteur, le deuil est impossible. Fermer les yeux du mort ne tourne pas la page. Au contraire. Le livre reste grand ouvert. Il est tous les livres à lui seul. L’encombrer de paroles bibliques est juste un frisson à la surface du ciel. Il faut laisser dans son cœur le livre ouvert. S’inquiéter lorsque l’on trouve des réponses. Rester nu pour s’attacher un jour des eaux de vivre, ébloui par l’autre corps. Que notre dernier cri ne soit qu’un souffle pour remercier sur l’autre berge tout ce qui nous fut précieux.


    Nuit alors n’en revient pas
    de se souvenir


    Nuit ne ressemble
    à rien
    mais regrette
    le mystère


    Dos au mur
    nuit se lasse
    d’être en haut


    Les ombres raccommodent
    la nuit à l’ourlet
    des robes et du monde


    Nuit ne doit pas durer
    sans crier
    un jour de plus


    Si tu ne veux pas la nuit
    tu ne pourras plus
    sortir de toi


    Nuit est mouvement
    qu’on fixe dans l’élan
    de la récolte

    […]



    Dominique Sampiero, La vie est chaude, Éditions Bruno Doucey, Collection Embrasures, 2013, pp. 38-39-40.







    DOMINIQUE SAMPIERO


    Dominique Sampiero
    Source



    ■ Dominique Sampiero
    sur Terres de femmes

    [Certains livres se souviennent] (extrait du Maître de la poussière sur ma bouche)
    Chante-perce (lecture de Marie-Hélène Prouteau)
    Où vont les robes la nuit (lecture de Marie-Hélène Prouteau)



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur Ici et Là, le blog de la Maison de la Poésie de Saint-Quentin-en-Yvelines)
    une note de lecture de Jacques Fournier sur La vie est chaude de Dominique Sampiero
    → (sur le site de l’Université de Nantes)
    un entretien entre Bruno Doucey et Dominique Sampiero (22 janvier 2013)
    → (sur le site de la Maison des écrivains et de le littérature)
    une notice bio-bibliographique sur Dominique Sampiero
    → (sur Esprits Nomades)
    une page sur Dominique Sampiero
    → (sur le site de Jean-Michel Maulpoix)
    « La fièvre lyrique de Dominique Sampiero », par Jean-Michel Maulpoix





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  • Dominique Sampiero | [Certains livres se souviennent]



    Et j'ai besoin de leur secret.
    Ph., G.AdC






    [CERTAINS LIVRES SE SOUVIENNENT]



    Certains livres se souviennent du galop de leur feuillage, des bruissements et des hennissements nocturnes. De leur corps de foudre ruant sous l’éclair. Des stries du grand gel ou de la sécheresse dans leur aubier. Et j’ai besoin de leur secret. Les lignes de leur écorce inclinent la phrase vers un œil, un centre caché dont celui qui lit ou écrit ne sait rien. Certains livres oscillent entre leur existence d’avant papier et leurs racines ouvrant des grottes nouées sous la terre. Les pendus fleurissent. Dans l’herbe, la foudre tombée du toit dessine des chèvres. De larges forêts restées calmes se jettent dans le trou d’une serrure. La nuit ouvre grand sa bouche et mange les pierres une à une puis se dresse de tout son ventre pour tenir tête à la pluie sur les arbres en avalant toute la lumière.

    C’est pour ce feuillage et cette nuit dévorante que je soulève mon écorce, ici.




    Dominique Sampiero, Le Maître de la poussière sur ma bouche, Éditions Lettres Vives, Collection Entre 4 yeux, 20213 Castellare-di-Casinca, 2009, pp. 27-28. Frontispice de José Pini.







    José Pini
    José Pini, Série Ancrages,
    frontispice du Maître de la poussière sur ma bouche





    DOMINIQUE SAMPIERO


    Dominique Sampiero
    Source




    ■ Dominique Sampiero
    sur Terres de femmes


    Chante-perce (lecture de Marie-Hélène Prouteau)
    Nos lèvres et leurs baisers (extrait de La vie est chaude)
    Où vont les robes la nuit (lecture de Marie-Hélène Prouteau)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de la Maison des écrivains et de la littérature)
    une notice bio-bibliographique sur Dominique Sampiero
    → (sur Esprits Nomades)
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    → (sur le site de Jean-Michel Maulpoix)
    « La fièvre lyrique de Dominique Sampiero », par Jean-Michel Maulpoix





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