Étiquette : édition bilingue


  • Moncef Mezghanni | [On a tiré le poète de son recueil dans le but d’une autopsie]



    [ON A TIRÉ LE POÈTE DE SON RECUEIL DANS LE BUT D’UNE AUTOPSIE]


    1


    On a tiré le poète de son recueil dans le but d’une autopsie
    Scolaire
    Devant les élèves
    On a tiré le poète assassiné de sa tombe dans le but
    D’une autopsie médicale
    Devant les héritiers
    On a tiré le poète de sa tombe dans le but d’une autopsie
    Idéologique
    Au Parlement
    Le Ministère en chef s’est chargé
    De fouiller dans son recueil
    Pour édifier l’hymne national
    On a tiré le poète de sa tombe
    Sur ordre du Ministère du tourisme
    On a installé une statue à son effigie au cœur de la place centrale
    Pour réaliser des images d’Épinal
    Le commerce des roses a fleuri en son nom
    On a construit un jardin et une librairie autour de son tombeau
    Aussi les lecteurs et les amoureux ont-ils proféré
    On a tiré la tête du poète
    On l’a agrandie mille fois
    On a placé la statue sur le faîte de la montagne pour que
    Tout le monde puisse la voir







    2


    Les héritiers ont découvert que l’activité du poète s’est intensifiée
    Après sa mort
    Les enfants ne se sentaient plus orphelins
    Leur père est devenu vivant à sa mort
    Ils ont pitié pour lui tant il besogne dur
    Les chefs des partis les ont réconfortés :
    « Votre père n’est pas mort parce qu’il est vivant dans l’hymne national »
    L’épouse du poète
    A été convaincue :
    « Vous êtes la veuve du peuple »
    La télévision gouvernementale n’avait de cesse de
    Diffuser sa larme agrandie
    Qui se confondait avec l’image du poète
    Claire dans sa propre larme
    Dans son impossible agonie
    Et dans le souvenir du départ.



    Moncef Mezghanni, « Tombeau du poète de la nation » in Le Merle de la ville captive, édition bilingue, Éditions Fédérop, Collection Paul Froment, 2014, pp. 85-87. Poèmes traduits de l’arabe (Tunisie) et présentés par Aymen Hacen.







    Mezghanni






    MONCEF MEZGHANNI


    Moncef Mezghanni




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site du Festival Voix de la Méditerranée, Lodève)
    une page sur Moncef Mezghanni
    → (sur federop.free.fr)
    la page de l’éditeur sur Le Merle de la ville captive





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    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Jorge Luis Borges | Despedida



    A Marbre Paonazzo
    Ph., G.AdC







    DESPEDIDA



    Entre mi amor y yo han de levantarse
    trescientas noches como trescientas paredes
    y el mar será una magia entre nosotros.

    No habrá sino recuerdos.
    Oh tardes merecidas por la pena,
    noches esperanzadas de mirarte,
    campos de mi camino, firmamento
    que estoy viendo y perdiendo…
    Definitiva como un mármol
    entristecerá tu ausencia otras tardes.









    B Marbre Arabescato PianaPh., G.AdC







    ADIEUX



    Entre mon amour et moi se lèveront
    trois cents nuits comme trois cents murs
    et la mer entre nous sera une magie.

    Il n’y aura que des souvenirs.
    Ô soirs mérités par la tristesse,
    nuits dans l’espérance de te voir,
    champs de mon chemin, firmament
    que je perçois et que je perds…
    Définitive comme un marbre
    ton absence attristera d’autres soirs.



    Jorge Luis Borges, Poèmes d’amour, Éditions Gallimard, Collection Du monde entier, 2014, pp. 20-21. Édition bilingue. Avant-propos de María Kodama. Édité, préfacé et traduit de l’espagnol (Argentine) par Silvia Baron Supervielle.







    Borges amour
    JORGE LUIS BORGES


    ■ Jorge Luis Borges
    sur Terres de femmes

    24 août 1899 | Naissance de Jorge Luis Borges
    Labyrinthe (poème issu d’Éloge de l’ombre)
    Le Sud (poème issu de Ferveur de Buenos Aires [1923])






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    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • E. E. Cummings | [goodby Betty, don’t remember me]



    Tabarin By Paul Colin
    Source







    [GOODBY BETTY, DON’T REMEMBER ME]


    30.


    Goodby Betty, don’t remember me
    pencil your eyes dear and have a good time
    with the tall tight boys at Tabari’
    s, keep your teeth snowy, stick to beer and lime,
    wear dark, and where your meeting breasts are round
    have roses darling, it’s all i ask of you —
    but that when light fails and this sweet profound
    Paris moves with lovers, two and two
    bound for themselves, when passionately dusk
    brings softly down the perfume of the world
    (and just as smaller stars begin to husk
    heaven) you, you exactly paled and curled

    with mystic lips take twilight where i know:
    proving to Death that Love is so and so.







    [GOODBY BETTY, NE TE SOUVIENS PAS DE MOI]


    30.


    Goodby Betty, ne te souviens pas de moi
    crayonne tes yeux et prends du bon temps
    au bal Tabarin serrée parmi les grands gars,
    conserve tes dents de neige, au citron-bière tiens-t’en,
    vets-toi de noir, et là où se touchent tes seins ronds
    porte des roses darling, c’est tout ce que je veux —
    surtout quand le jour baisse et que ce doux profond
    Paris marche avec les amoureux, deux à deux
    partant vers eux-mêmes, lorsque avec passion le soir
    fait descendre en douceur un parfum sur terre (juste
    comme de petites étoiles commencent à écailler
    le ciel) toi, exactement toi poudrée frisée

    entre tes mystiques lèvres attrape le crépuscule :
    prouvant à la Mort que l’Amour est ci et ça.



    E. E. Cummings, « Grands Boulevards, Pigalle », Paris, Éditions Seghers, 2014, pp. 108-109. Édition bilingue, traduit de l’anglais et présenté par Jacques Demarcq.






    E. E. Cummings, Paris






    E. E. CUMMINGS


    Vignette cummings
    Source



    ■ e.e. Cummings
    sur Terres de femmes

    Beautiful
    Memorabilia
    [my lady is an ivory garden]



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site American Poems) une
    bio-bibliographie d’e.e. Cummings (+ un choix de 153 poèmes)
    → (sur scribd.com)
    l’intégralité des poèmes d’e.e. Cummings
    → (sur le site de la revue de traduction Palimpsestes)
    Antoine Cazé, « E. E. Cummings : (dé)composition d’adjectifs, inventivité linguistique et traduction », Palimpsestes [En ligne], 19 | 2007, mis en ligne le 01 janvier 2009






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    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Tomi Kontio | [Tu portes ton manteau beige]



    Tu t'es détachée du cadre de la fenêtre
    Ph., G.AdC








    [SINULLA ON SE BEIGE TAKKISI]



    Sinulla on se beige takkisi,
    kopisevat korot,
    joita en kuule ikkunan läpi,
    aurinkoa pääskysten läpi.


    Sinä lähdit,
    keittiön ikkunassa on sormenjälkiä,
    auringossa pääskysten jälkiä.
    Pidän sinua lähelläni.


    Sinä lähdit
    irtosit ikkunan puitteista
    kuin auringon valo.
    Irtosit minuun.







    [TU PORTES TON MANTEAU BEIGE]



    Tu portes ton manteau beige,
    le bruit des talons,
    que je n’entends pas à travers la fenêtre,
    un peu de soleil à travers les pigeons.


    Tu es partie, il y a des traces de doigts sur la vitre de la cuisine,
    au soleil des traces des pigeons.
    Je te garde près de moi.


    Tu es partie
    tu t’es détachée du cadre de la fenêtre
    comme la lumière du soleil.
    Tu t’es détachée en moi.




    Tomi Kontio, Sans nom tu serais lumière | Ilman Nimeä Olisit Valoa, édition bilingue, Fédérop, 2013, pp. 74-75. Préface et traduction (du finnois) de Gabriel Rebourcet.






    TOMI KONTIO


    Vignette TOMI KONTIO




    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur le site des editions fédérop)
    une page sur Tomi Kontio
    → (sur Lyrikline)
    Plusieurs poèmes dits par Tomi Kontio (+ une notice bio-biblographique)






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    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Edoardo Sanguineti, Corollaire

    par Marie Fabre

    Edoardo Sanguineti, Corollaire,
    Éditions Nous, Collection Now, 2013.
    Édition bilingue.
    Traduit de l’italien par Patrizia Atzei et Benoît Casas.
    Préface de Jacques Roubaud.



    Lecture de Marie Fabre


    Cette serve Italie forzitaliénée . Genova 2005
    Ph., G.AdC







    [UNE POÉTIQUE FUNAMBULESQUE]




    Poursuivant leur travail salutaire de défrichage du territoire poétique italien, les éditions NOUS offrent aujourd’hui aux lecteurs français, après Zanzotto et De Angelis, l’occasion de découvrir l’une des figures majeures de la poésie contemporaine italienne, Edoardo Sanguineti. Né en 1930, Sanguineti a d’abord été l’un des chefs de file de la néo-avant-garde italienne du Gruppo ’63, aux côtés de Nanni Balestrini ou encore d’Antonio Porta, représentant d’une génération qui a voulu rompre les cadres d’une poésie italienne perçue comme trop provinciale et trop frileuse. Au cours des années, son travail poétique ne perd rien de sa radicalité formelle, s’arrondissant cependant au fil d’un travail plus autobiographique, où le poète tire le meilleur parti de l’anecdote et du mot d’esprit. Le recueil Corollaire (1997), traduit par Patrizia Atzei et Benoît Casas, se place dans la lignée de Postkarten (1978), appliquant la fameuse recette stendhalienne du « petit fait vrai »1. Le poète nous y convie à le suivre dans ses errances mondiales, nous livrant au fil de compositions numérotées un ensemble de poèmes oscillant entre la carte postale adressée, le sonnet revisité, la déclaration d’amour, le rébus et le testament.

    Le premier poème, programmatique, nous fournit l’introduction rêvée à l’œuvre entière de Sanguineti. « Acrobate » est le premier mot du recueil, qui s’ouvre par un autoportrait en forme de définition du dictionnaire :


    acrobate (n.m.) est celui qui marche tout en pointe (de pieds) : (tel, du moins,
    pour l’étymon) : mais ensuite il procède, naturellement, tout en pointe de doigts, aussi,
    de mains (et en pointe de fourchette) : et sur sa tête : (et sur les clous,
    en fakirant et funambulant) : (et sur les fils tendus entre deux maisons, par les rues
    et les places : dans un trapèze, un cirque, un cercle, sur un ciel) :
    il voltige sur deux cannes, flexiblement, enfilée dans deux verres, deux chaussures,
    deux gants : (dans la fumée, dans l’air) : pneumatique et somatique, dans le vide
    pneumatique : (dans de pneumatiques plastiques, dans des fûts et bouteilles) : et il saute mortellement :
    et mortellement (et moralement) il tourne :

    (ainsi je me tourne et saute, moi, dans ton cœur) :


    Nous voilà donc introduits à une poétique funambulesque, où le rythme se réinvente dans la ponctuation qui fait avancer le poème par précisions successives, sur la « pointe des doigts », en de gracieux sauts périlleux. Jacques Roubaud fait remarquer dans sa Préface la « cohérence formelle et sémantique » exceptionnelle de cette œuvre, forgée dans une constance que Sanguineti poursuit depuis ses premiers recueils. Notons donc la disposition du poème, avec ses marques « déposées » que sont : les deux points venant suspendre et rouvrir à tout moment le propos, ponctuation « pneumatique », signature invitant à poursuivre par-delà la conclusion, et les parenthèses incessantes qui enferment digressions, explications, gloses ironiques, understatements. Au fil des années, Sanguineti s’est forgé bien plus qu’un style : c’est un ton, une voix, une posture à la fois maladroite, pointilleuse et dégagée que l’on retrouve de recueil en recueil.

    Frappe dès l’abord, malgré les énigmes multiples et le goût de la cryptoréponse (poème 2 : « qu’est-ce que je te demande, si tu me le demandes, je te cryptoréponds ainsi : »), l’éminente sympathie de cette poésie enlevée, où le poète assume (ce n’est pas la première fois !) la posture du vieux, accumulant les bilans tout en soufflant sur les braises d’un désir encore juvénile, la morale de l’histoire poussant toujours vers le copulo ergo sum du poème 32. Un hédonisme dont le poète aura fait sa profession de mécréant : impossible de ne pas lire en miroir le testamentaire « je n’ai cru en rien : » de Postkarten (50) et l’épigraphique « j’en ai joui, moi, de ma vie : » de Corollaire (3). Ainsi le recueil marie volontiers la sophistication extrême à la quotidienneté dans ses plaisirs élémentaires :


    à la fin (comme madrigalaient ces presque aurorales voix mixtes d’Antioquia),
    c’est la tristesse qui est la muerte lenta :

    je laisse de côté les choses simples (las pequeñas, las queridas) :
    et j’en viens au point qu’elles recommandaient (tout comme Mercedes) : muchacho, no partas ahora :
    (entonces, c’est vrai que je ne peux pas le rêver, vieillard, el regreso) : mais c’est encore plus vrai, et bien
    plus effrayant, que l’amour est simple : (y las cosas simples las devora el tiempo) :
    (si la transcription Juan Diego est correcte) :

    c’est vrai, enfin, c’est vraiment vrai, que j’ai aimé
    ma vie : (la vie) : c’est ainsi, dans cette luz major, qu’aujourd’hui, les filles, je me meurs :



    Au bout du compte, même le mea culpa du poète « épouvantable encyclopédie de conneries encouillonnées, de semi-criminelles/supergaffes » se clôt dans la tendresse :


    ce que j’ai eu, je le garde ainsi : (pourvu que je te garde, moi je me garde, à l’identique) :


    L’acrobate ne se contente pas cependant de discussions graveleuses et de déclarations. La poésie de Sanguineti garde aussi toute sa vocation critique, dans l’enregistrement d’une réalité néocapitaliste mondialisée (ses 4×4, ses hôtels Hilton, ses pré-pubères en chaleur fans de Take That). Le tout dans un joyeux plurilinguisme babélico-bordélique, qui nous mène de residencia en retiro, d’aéroport (Tegel) en taxi, d’universitaires pisans sur une plage de Tibériade en macédoniens buvant du cognac à Alger. C’est tout le bric-à-brac culturel cosmopolite de nos sociétés qui apparaît alors, passant à travers les perceptions, le corps, la langue, les rencontres, les contradictions du poète, selon une méthode d’immersion chaotique jamais reniée. La dimension politique de sa poésie est à nouveau réaffirmée à travers l’incursion dans le territoire de la « poesia civile », là où le poète-sénateur (car l’acrobate a plus d’un tour dans son sac, et Sanguineti est aussi essayiste, traducteur, professeur, politicien), comme un Pétrarque ou un Leopardi de son temps, engage le « lecteur coélécteur » à libérer « cette serve Italie forzitaliénée », ce « pays bordélisé berlusconisé » par le « simple secours d’un bulletin sagace » (48). Et le clerc organique2, l’intellectuel toujours gramscien de conclure :


    cher camarade prolétaire,

    je sais bien que le Quatrième état a presque perdu, chemin faisant,
    sa conscience de classe, il y a de ça un moment (même si pas pour toujours, j’espère
    bien) — et pas le Tiers état, parce que le bourgeois c’est le bourgeois, avec un esprit encore fortement
    conscient de lui-même : et le capitalisme c’est le capitalisme (c’est le souverain — le suprême) :
    (et il n’y a pas forcément une grande envie de communisme, là, maintenant, par ici) :

    mais là
    — là il faut voter, pour commencer, contre les libertés et leurs seigneuries : contre nos
    servitudes et chaînes :

    il faut les relever, tous ensemble, tombés dans cette boue,
    à nouveau, ces quelques vieux drapeaux : (et nous réveiller, entre temps, à notre rêve)  :



    Pour l’Italie, on sait que cette année-là (1996) fut celle de l’élection de Prodi, mais on connaît aussi la suite jusqu’à aujourd’hui, sans un brin d’utopie.

    Reste à saluer le travail à la fois précis et créatif des deux traducteurs-éditeurs (qu’on pourrait donc qualifier de passeurs organiques, sinon d’acrobates) pour ce volume soigné, mais surtout pensé jusqu’au format et à la mise en forme originale du recueil bilingue, où le lecteur italianophile pourra trouver, après la traduction française, l’intégralité du texte italien.



    Marie Fabre
    D.R. Texte Marie Fabre
    pour Terres de femmes




    _________
    NOTES
    1. Voir la célèbre recette de Postkarten (49). Le recueil fait partie des rares ouvrages traduits en français, aux éditions L’Âge d’Homme, 1990 (trad. Vincent Barras).
    2. C’est le titre d’un recueil d’essais de Sanguineti : Il chierico organico, Scritture e intellettuali (Milan, Feltrinelli, 2000), lui-même tiré d’un article écrit par Sanguineti en 1988 sur « Gramsci et la figure de l’intellectuel organique ».






    Sanguineti





    ________
    NOTE d’AP : ancienne élève de l’École normale supérieure (Lettres et Sciences humaines), Marie Fabre est agrégée d’italien. Après un « master 2 » à l’université de Bologne sur Italo Calvino et Elio Vittorini, elle a soutenu en décembre 2012 (sous la direction de Christophe Mileschi, à l’Université Stendhal – Grenoble 3) une thèse de doctorat sur les rapports entre utopie et littérature chez ces mêmes auteurs. Marie Fabre est aujourd’hui maître de conférences en études italiennes à l’École normale supérieure de Lyon.






        EDOARDO SANGUINETI


        Edoardo Sanguineti
        
    Source




        ■ Edoardo Sanguineti
        sur Terres de femmes


    [ma come siamo, poi, noi ?] (poème extrait de Corollaire)
    Ballade des femmes
    je t’explore, ma chair
    Laborintus II (extrait)
    Wirrwarr
    18 mai 2010 | Mort d’Edoardo Sanguineti
    4 juillet 1969 | L’Orlando Furioso mis en scène par Luca Ronconi (interview d’Edoardo Sanguineti)




        ■ Voir aussi ▼


    → (sur cairn.info) Edoardo Sanguineti (1930-2010). Niva Lorenzini, Jacqueline Risset, traduit de l’italien par Martin Rueff, in Po&sie 2010/1-2 (N° 131-132), pp 3-11.






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  • Paulina Vinderman | [Il n’y a pas de frontières au pays de la mémoire]





    Parfum Platino de Dana







    [NON HAY FRONTERAS EN EL PAÍS DE LA MEMORIA]


    15


    No hay fronteras en el país de la memoria ;

    hasta puedo tachar el horizonte, palpar el cielo oscuro
    como carbón de minas que me ensucia las manos.

    El poema es una tierra sin distinción, donde marzo
    es tan prometedor como noviembre y donde las hojas
    huelen a “Platino de Dana” en el ropero materno.

    Sin embargo, cuando anochece, anochece también
    en mis palabras.
    Cierro el cuaderno y parto hacia una habitación
    con ventana, donde poseo el presente borroneado
    como si nunca dejara de llover.

    (Los bolsillos llenos de palabras para una luna futura.)






    [IL N’Y A PAS DE FRONTIÈRES AU PAYS DE LA MÉMOIRE]


    15


    Il n’y a pas de frontières au pays de la mémoire ;
    je peux même rayer l’horizon, palper le ciel obscur
    comme du charbon de mine qui me salit les mains.

    Le poème est une terre indistincte, où mars
    est aussi prometteur que novembre et où les feuilles
    sentent « Platino de Dana* » dans la penderie maternelle.

    Pourtant, lorsqu’il fait nuit, il fait aussi nuit
    dans mes mots.
    Je ferme mon cahier et je vais vers une chambre
    avec fenêtre, où je possède un présent griffonné
    comme s’il ne cessait jamais de pleuvoir.

    (Les poches pleines de mots pour une lune future.)


    *Marque de parfum. (N.d.t)


    Paulina Vinderman, Barque noire | Bote Negro, édition bilingue, Éditions Lettres Vives, Collection Terre de Poésie, 20213 Castellare di Casinca, 2013, pp. 40-41. Traduit de l’espagnol (argentin) et présenté par Jacques Ancet.






    Paulina Vinderman...





    PAULINA VINDERMAN


    Vignette PAULINA VINDERMAN
    Source



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    le site de Paulina Vinderman
    → (sur A media voz)
    plusieurs poèmes de Paulina Vinderman dits par leur auteure





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  • Sarah Kirsch | Grünes Land



    Le kaki sera la seule couleur qui reste
    Ph., G.AdC






    GRÜNES LAND



    Die Koppeln die verstreuten zusammen-
    Gewürfelten Höfe zusammengezimmerten
    Schuppen kunstlos schmucklos nach Jahren
    Erkennt man den Stil Anbauten an
    Anbauten herzloses nützliches Blech
    Vollgestopft derzeit mit mannshohen Rollen
    Blendenden Strohs allenthalben geschleppt
    Aus der fruchtbaren Marsch noch sind die
    Tore geöffnet durchsichtig liegt alles
    Vor mir ich werde winterlang wissen
    Was die grüngestrichenen Kästen verbergen
    Wenn mein Kirchspiel in Regen und Sclamm fällt
    Feldgrau die einzige Farbe noch ist.







    VERT PAYS



    Les enclos et dispersées jetées
    De bric et de broc les fermes et construites à la diable
    Les hangars sans art et sans luxe des années après
    On découvre le style appentis ajoutés
    Aux appentis utile tôle sans cœur
    Bourrée par ces temps jusqu’à la gueule de balles de paille aveuglante
    Et de la taille d’un homme remorquées partout
    Dans les polders fertiles pour l’instant encore les
    Portes sont ouvertes tout est transparent
    Devant moi je saurai la longueur d’hiver
    Ce que cachent les grands caissons peints en vert
    Quand ma paroisse succombera à pluie et gadoue
    Et que le kaki sera la seule couleur qui reste.




    Sarah Kirsch, Chaleur de la neige | Schneewärme [Schneewärme, Deutsche Verlags-Anstalt GmbH, Stuttgart, 1989], édition bilingue allemand/français, Le dé bleu, Collection planète bleue, 1993, pp. 18-19. Poèmes traduits par Jean-Paul Barbe.




    ______________________
    NOTE d’AP : Jean-Paul Barbe a reçu le Prix Gérard de Nerval 1993 (Prix de traduction littéraire de la Société des gens de lettres de France) pour sa traduction du recueil Schneewärme.





    SARAH  KIRSCH (1935-2013)


    KIRSCH (1)
    Source




    Sarah Kirsch est née en 1935 à Limlingerode dans le Harz. Après des études de biologie à Halle, elle entre au Literatur-Institut de Leipzig où, de 1963 à 1965, elle est l’élève du grand poète de l’ex-RDA Georg Maurer. Elle publie dans les années soixante — souvent en collaboration avec son mari le poète Rainer Kirsch — reportages, livres pour enfants et poèmes. Son œuvre poétique manifeste, dès cette époque, un style très particulier et une prédilection pour certains thèmes tels que l’amour et la nature. Au cours des années soixante-dix, sa vision du monde se problématise et son originalité se renforce, en particulier — mais pas seulement — à cause de la conjoncture politique : en novembre 1976, elle co-signe la lettre de protestation rédigée par les intellectuels connus de l’ex-RDA à la suite de la mesure de déchéance de sa citoyenneté prise à l’encontre du poète et chanteur Wolf Biermann ; en janvier 1977, elle est exclue du SED (Parti Communiste de l’ex-RDA) ; en août, elle gagne Berlin-Ouest où elle séjournera ensuite avant de se fixer à la campagne au bord de la Mer du Nord. Le recueil de 1973 Zaubersprüche (Formules magiques) révèle déjà les qualités qui s’affirmeront ensuite dans Rückenwind (Vent arrière) (1976), Drachensteigen (Cerf-volant) (1979), La Pagerie (1980), Erdreich (Terre) (1982), […] Schneewärme paru en 1989, […] Erlkönigs Tochter (Fille du Roi des Aulnes), paru en 1992. Dans ces poèmes, comme dans les recueils de prose impressionniste, cynique et tendre à la fois, que Sarah Kirsch publie par ailleurs, on trouvera une attention au monde faite de retenue et de ferveur, de fusion et de déréliction, d’assomption et de rébellion face aux grandes inquiétudes du siècle, telles la nature qui bascule, la paix qui chancelle, l’amour qui pâlit. […]

    Jean-Paul Barbe, Chaleur de la neige | Schneewärme, Préface (extrait), Le dé bleu, Collection planète bleue, 1993, pp. 7-8.



    ■ Sarah Kirsch
    sur Terres de femmes

    → (dans la galerie Visages de femmes)
    le Portrait de Sarah Kirsch (+ deux autres poèmes : un poème extrait de Terre | Erdreich et un autre de Chaleur de la neige | Schneewärme)



    ■ Voir aussi ▼

    Sarah Kirsch, une grande voix poétique s’éteint
    la fiche de l’éditeur sur Chaleur de la neige
    → (sur pip [project for innovative poetry] blog)
    une notice bio-bibliographique (en anglais) sur Sarah Kirsch
    → (sur fr.wikipedia)
    une notice bio-bibliographique sur Sarah Kirsch





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  • Lucio Mariani | Quali barbari



    QUALI BARBARI


    Che aspettiamo, raccolti nella piazza?
    Oggi arrivano i barbari.
                                  

    COSTANTINO KAVAFIS


    Non calano dai monti dei Balcani
    tracce umane ignorate dalla storia
    né abbandonano più remote sponde
    per affrontare il mare, aggrovigliati
    come resti dell’ultimo pescame
    su carrette sospinte dai respiri.
    Se appena a terra vanno praticando
    costumi ignoti e differenti riti
    se balbettano per idiomi astrusi
    se hanno altri colori della pelle
    e ti chiedono pane per la strada
    trascinando le lacere creature
    a cui ogni cane abbaia,
    non sono quelli i barbari, puoi credermi.



    I barbari
    vivono in sonno dentro ad ogni uomo
    latenti e armati abitano anche in voi
    se ne stanno acquattati in mezzo al cuore
    dei più miti compagni e dei fratelli
    dei miei adorati figli e dei nipoti.
    La barbarie s’accartoccia nei corpi
    nascosta fra grovigli e gangli oscuri
    langue nel nostro sangue e al primo nulla
    punge e ispina sia l’osso che la vena
    esce rabbiosa e va rasente i muri
    a procurare pena con la mossa
    d’una violenza appresa nella culla
    quando impastiamo l’anima nel buio
    coltivando il talento da rapace
    sull’esempio di pessimi maestri.


    Barbara è questa carne universale
    che nasce al male dalla nostra carne.







    QUELS BARBARES


    Qu’attendons-nous, rassemblés sur la place ?
    On dit que les barbares seront là aujourd’hui.


    CONSTANTIN CAVAFIS


    Ils ne descendent pas des montagnes des Balkans
    traces humaines ignorées par l’histoire
    ils n’abandonnent pas de lointains rivages
    pour affronter la mer agglutinés
    comme les restes de la dernière pêche
    sur les charrettes poussées par des halètements.
    S’ils ont la peau d’une autre couleur
    et pratiquent dès qu’ils ont touché terre
    des coutumes inconnues et des rites différents
    s’ils balbutient d’obscurs idiomes
    et te demandent du pain dans la rue
    en traînant des créatures en guenilles
    derrière lesquelles aboie le premier chien venu,
    ce ne sont pas eux les barbares, crois-moi.



    Les barbares
    sommeillent à l’intérieur de chaque homme
    latents et armés ils logent aussi en vous
    ils se blottissent dans le cœur
    des plus doux compagnons et des frères
    chez mes enfants adorés et chez mes neveux.
    La barbarie se love dans les corps
    elle se glisse dans les tissus et les ganglions
    elle languit dans la lymphe et au premier néant
    elle dresse son dard et fore les veines et les os
    toute à sa rage elle rase les murs
    et s’en va répandre l’affliction avec les gestes
    d’une violence apprise au berceau
    quand l’âme que l’on pétrit dans le noir
    cultive un talent de rapace
    selon l’exemple des plus exécrables maîtres.


    Barbare est cette chair universelle
    qui s’éveille au mal en notre propre chair.




    Lucio Mariani, Restes du jour, édition bilingue, Cheyne Éditeur, Collection D’une voix l’autre dirigée par Jean-Baptiste Para, 2012, pp. 70-71-72-73. Traduit de l’italien par Jean-Baptiste Para. Préface de Dominique Grandmont.






    Lucio Mariani, Restes du jour





    LUCIO MARIANI


    Lucio Mariani
    Source



    ■ Lucio Mariani
    sur Terres de femmes

    Il sigaro toscano (+ une notice bio-bibliographique)



    ■ Voir aussi ▼

    le site (en italien) de Lucio Mariani (dont un entretien avec Jean-Baptiste Para)
    → (sur Recours au poème)
    Notes pour une poésie des profondeurs [9] par Paul Vermeulen (recension de Restes du jour)





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  • Allen Ginsberg | Kenji Myazawa






    Alan Ginsgberg by  Jan Herman








    KENJI MYAZAWA
    (extrait)



    All is Buddhahood
    to who has cried even once
    Glory be? ”
    So I said glory be
                        looking down at a pine
                                           feather
    risen beside a dead leaf
    on brown duff
    where a fly wavers an inch
                        above ground
    midsummer.


    Could you be here?
    Really be here
                  and forget the void?
    I am, it’s peaceful, empty,
    filled with green Ponderosa
          swaying parallel tops
    fan like needle circles
    glittering haloed
    in sun that moves slowly
          lights up my hammock
                       heats my face skin
                                                  and knees.


    Wind makes sound
                 in tree tops
    like express trains like city
                                machinery
    Slow dances high up, huge
                 branches wave back &
                                            forth sensitive
                 needlehairs bob their heads
    — it’s too human, it’s not
                 human
    It’s treetops, whatever they think,
    It’s me, whatever I think,
    It’s the wind talking.



    […]







    BOUDDHA
    Ph., G.AdC







    KENJI MYAZAWA
    (extrait)



    « Tout est Bouddha
    Pour qui s’est écrié même une seule fois
    Que soit la Gloire ? »
    Je dis donc que soit la gloire
                        regard posé sur une aigrette
                                              de pin
    s’élevant près d’une feuille morte
    sur le terreau noir
    où une mouche oscille tout
                        près du sol
    plein été.


    Pourriez-vous être là ?
    Vraiment là?
                  et oublier le vide ?
    Moi je suis là, c’est paisible, vide,
    empli de pins verts
          agitant leurs cimes parallèles
    cercles d’aiguilles en éventail
    halo étincelant
    dans le soleil qui bouge lentement
          éclaire mon hamac
                       réchauffe mon visage
                                                 mes genoux.


    Le vent bruisse
                 à la cime des arbres
    comme des trains rapides comme les machines
                                des villes
    Tout là-haut des danses lentes, des branches
                 énormes se balancent d’avant
                                            en arrière, sensibles
                 des têtes remuent leur chevelure d’aiguilles
    — c’est trop humain, ce n’est pas
                 humain
    Ce sont les cimes des arbres, quoi qu’elles en pensent
    C’est moi, quoi que j’en pense,
    C’est le vent qui parle.



    […]



    Allen Ginsberg, Souffles d’Esprit [Mind Breaths, 1972-1977], in Poèmes, édition bilingue, Christian Bourgois éditeur, 2012, pp. 444-447. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Claude Pélieu et Mary Beach et par Yves Le Pellec et Françoise Bourbon.








    ALLEN GINSBERG


    Ginsberg
    Source



    ■ Allen Ginsberg
    sur Terres de femmes

    3 juin 1926 | Naissance d’Allen Ginsberg
    11 octobre 1961 | Allan Ginsberg, Journal 1952-1962
    Sabine Huynh, Avec vous ce jour-là / Lettre au poète Allen Ginsberg (note de lecture d’AP)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de Christian Bourgois éditeur)
    une fiche descriptive d’Allen Ginsberg
    the website of the Allen Ginsberg Estate







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