Étiquette : éditions Alcyone


  • Raymond Farina, La Gloire des poussières

    par Sabine Dewulf

    Raymond Farina, La Gloire des poussières, éditions Alcyone,
    Collection Surya, 2020.



    Lecture de Sabine Dewulf.


    Ce livre est le second que Raymond Farina a composé après le silence, long d’une dizaine d’années, qui suivit la publication d’Éclats de vivre, aux éditions Dumerchez, en 2006. Cependant, l’unité de l’œuvre est frappante, au point que son ensemble forme une sorte de long poème, marqué par l’attention accordée à l’infime – ailes d’oiseaux, coccinelles, papillons, traces légères ou lettres originelles, enfouies dans les sables… Au fil des recueils, les variations de la forme, pour une part, tributaires des péripéties vécues sur divers continents, n’occultent pas l’essentiel : le patient tissage de ces Liens si fragiles (Rougerie, 1995) qui conjurent l’absurde.

    Sur la scène de ce livre, Raymond Farina fait jouer des actrices étonnantes : les « poussières » en « gloire ». Pourquoi glorifier les poussières ? Loin de la pompe des rois vaniteux, elles sont, comme un rire de « bouffons » ou de « clowns », la preuve ailée, rythmée par le vent, que nous ne durons ni ne possédons ; qu’en revanche, nous désirons, rêvons, aimons : de l’atome à l’éclat d’une étoile, elles forment le substrat d’une énergie élémentaire et désintéressée, consubstantielle à l’univers. En même temps que notre fugacité dans le tourbillon des êtres et des choses, elles ravivent la saveur de chaque instant. Cette saveur qu’à chaque seconde nous piétinons, en nous comportant en « arrogants », en guerriers (« Que la guerre était belle »), en destructeurs de planète — « l’hiver s’égare dans l’août » —, en possesseurs d’une « vérité / jouet de troubles stratégies ».

    De fait, l’espace-temps que nous nous inventons n’est pas celui de ce « passant de l’Infini ». Le poète lui-même se dit d’emblée si proche des antiques rois mages, salués comme des voyageurs de l’«Éternel » ! La durée poétique forme un pont jaillissant entre un « présent » à goûter et le « futur simple », un bondissement perpétuel. Sa manière d’enchaîner les vers et de nous rendre le « sublime » familier correspond à ce frémissement qui suit tranquillement son cours : excédant rarement l’octosyllabe, le poète raconte une « fable sans fin », toujours mélodieuse, qui cherche à capturer dans son tissu calligraphique l’étrange lueur des « cendres », des « brindilles », des « lucioles », des « couleurs », de ce qui échappe aux formes définies pour s’envoler jusqu’aux étoiles. Tout en exerçant, sans relâche, sa lucidité sur le monde délirant où nous nous enfermons, le poète ranime nos «  possibles éteints », décrit le « tremblement de la main » ou la « pulsation des syllabes », convoque l’« ange vrai » qui chevauche les siècles et convertit « en millénaire / un lumineux instant d’avril ».

    Rien de plus profond que cette poésie : son apparente simplicité retient ces paradoxes dont manquent nos discours. Sans jamais se départir de son humilité, Raymond Farina reste le poète-philosophe

    de ce

    « Grand Tout, qui n’est pas rien,

    quelque chose d’insignifiant

    & de doux éternellement

    mais seulement pour un instant ».


    Sabine Dewulf
    D.R. Texte Sabine Dewulf
    pour Terres de femmes







    Raymond Farina  La Gloire des poussières 2




    RAYMOND FARINA


    Raymond Farina
    Source




    ■ Raymond Farina
    sur Terres de femmes


    [Dans ta maison sur les nuages] (extrait d’Anachronique)
    Que faire maintenant (extrait d’Éclats de vivre)
    Les papillons d’Apollinaire (extrait d’Hétéroclites)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions Alcyone)
    la page de l’éditeur sur La Gloire des poussières de Raymond Farina
    → (sur le site du Printemps des poètes)
    une fiche bio-bibliographique sur Raymond Farina
    → (sur le site de Guy Allix)
    une page sur Raymond Farina
    → (sur Terre à ciel)
    plusieurs pages consacrées à Raymond Farina
    → (sur Gattivi Ochja)
    un poème extrait d’Anecdotes de Raymond Farina, traduit en corse par Stefanu Cesari
    un entretien de Régis Louchaert avec Raymond Farina (PDF)
    → (sur L’Or des livres)
    La poésie de Raymond Farina : Anecdotes et Epitola Posthumus





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  • Marie Botturi | Printemps



    Jacques Saraben  Printemps
    Jacques Saraben, Printemps
    Dessin à l’encre de Chine, 2018
    in Haïkus le long de la Loire, page 11.
    Source









    PRINTEMPS
    (extrait)




    Tôt, dès ce matin,
    le fleuve lance ses feux,
    lumière sans nom.



    La beauté du ciel
    déploie son immense gloire,
    bondit sur la Loire.



    Des couleurs nouvelles,
    avril s’habille et se dore,
    et ces chemins d’herbes !



    Le long de la Loire
    j’interromps ma course à pied,
    la mésange chante.



    Entre les tilleuls
    l’eau miroitante palpite,
    lumière d’extase.



    Tantôt sur le sable,
    tantôt dans l’eau, jouent les chiens,
    pleins instants de paix.




    Marie Botturi, « Printemps », Haïkus le long de la Loire, Éditions Alcyone, Collection Surya, 2019, pp. 16-17. Dessins de Jacques Saraben.





    Marie Botturi  Haïkus





    MARIE BOTTURI


    Marie Botturi
    Source




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions Alcyone)
    la fiche de l’éditeur sur Haïkus le long de la Loire
    le site de Marie Botturi
    le site de Jacques Saraben






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  • Jean-Louis Bernard | [Ailleurs est une éclaircie que je cultive]



    [AILLEURS EST UNE ÉCLAIRCIE QUE JE CULTIVE]





    Ailleurs est une éclaircie que je cultive. J’aimerais y donner couleur à des paysages de perte, dans le doux épuisement de lieux désaccordés. Escorté par un feu glacé rendant mes empreintes habitables.

    Ailleurs, mes foulées se taisent en cadence sur les prairies tourbeuses et les feuilles d’oubli. Il neige des légendes et des vaisseaux brûlés. Sous l’emprise du soir, le long coulis des vagues grises. Dans la nuit illimitée, le pas forcé des nostalgies. Envie de faire halte pour peindre le vent, pas les herbes qu’il couche ou les branches qu’il brise, juste en lui sa nudité sauvage. Peut-être faudrait-il faire l’offrande d’une ellébore pour pouvoir tracer son nom secret, comme il faut le rire des ponts pour étancher la soif des fleuves.

    Ailleurs trouvent refuge nos bienveillances recrues de siècles, nos défaites nettoyeuses d’effigies. Pour moi qui suis de l’autre rive, le dit de l’eau y est fable aux lèvres lentes. On y échange une grappe, une ombre, une amnésie, quelques gestes fantômes arqués sur nos sommeils.

    Protégé par la pellicule invisible du songe, reprendre sans se retourner le chant pérenne des origines et des exils.



    Jean-Louis Bernard, Cahiers des chemins qui ne mènent pas, éditions Alcyone, Collection Surya, 17102 Saintes, 2019, page 45. Encre de Silvaine Arabo.





    Jean-Louis Bernard  Cahiers des chemins qui ne mènent pas





    JEAN-LOUIS BERNARD


    Jean-Louis Bernard 3
    Source




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions Alcyone)
    la fiche de l’éditeur sur Cahiers des chemins qui ne mènent pas





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  • Michel Diaz | clair-obscur




    CLAIR-OBSCUR





    aller
    du crépuscule à l’inconnu
    dans un cortège de présences
    et de souffles

    ces souffles
    d’au-delà des âges
    charrieurs des limons du temps
    portant leur jarre d’ombre
    sur l’épaule

    ces passeurs d’une voix
    toujours à l’aube d’elle-même
    dans les frissons du sable
    et l’attente de l’eau

    comme une lampe dans la nuit
    met en scène son clair-obscur
    en bord de monde et de regard
    mais toujours à la proue
    de la terre

    on écoute pour voir
    et l’on regarde pour entendre
    cette clé d’un songe qui fouille

    les serrures de la lumière



    Michel Diaz, « I. Chemin sans retour, à Walter Benjamin » in Lignes de crête, Éditions Alcyone, Collection Surya Poésie, 2019, page 18.







    Lignes de crête





    MICHEL DIAZ


    Michel Diaz portrait
    Source




    ■ Michel Diaz
    sur Terres de femmes


    Comme un chemin qui s’ouvre (lecture d’AP)
    Ce qui gouverne le silence (extrait de Comme un chemin qui s’ouvre)
    [de tourbe] (extrait d’Offrandes Olivia Rolde)
    Le Verger abandonné (lecture d’AP)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions Alcyone)
    la fiche de l’éditeur sur Lignes de crête
    le site de Michel Diaz




    ■ Notes de lecture de Michel Diaz
    sur Terres de femmes


    Jeanne Bastide, La nuit déborde
    Alain Freixe, Contre le désert
    Françoise Oriot, À un jour de la source





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  • Laurence Chaudouët | [Je rêve de mots geysers]





    Laurence Chaudouet
    « l’envie de courir de plonger dans l’eau vive »
    Ph., G.AdC







    [JE RÊVE DE MOTS GEYSERS]



    Je rêve de mots geysers
    de mots creusant mes veines
    me redonnant le lièvre bondissant dans l’aube
    l’envie de courir de plonger dans l’eau vive
    portant mon corps au ciel
    et ma peau à l’écorce
    enjambant les montagnes
    escaladant l’abîme
    et portant sur ma langue
    la graine imperceptible de chaque instant défait.


    Ouvrez-vous arbres ensevelis
    Par le soleil vous éveillez au cœur
    Le bruit inconsolable du vent.




    Laurence Chaudouët, La Présence de l’aube, Éditions Alcyone, Collection Surya, 2018, pp. 54-55.






    Laurence Chaudouët  La Présence de l'aube





    LAURENCE CHAUDOUËT


    Laurence Chaudouët
    Source



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions Alcyone)
    la page de l’éditeur sur La Présence de l’aube de Laurence Chaudouët
    → (sur Recours au Poème)
    une page sur Laurence Chaudouët





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  • Marie-Josée Desvignes | [La langue m’a perdue]




    [LA LANGUE M’A PERDUE]




    La langue m’a perdue au jour de ma naissance
    au milieu de décembre
    la nuit s’est levée sur le seuil de ma vie
    au socle des limons creusés dedans la terre
    la lumière s’infiltre et je suis confondue




    […]




    Je ne parle pas la langue de ma mère
    et par-dessus la lagune
    c’est celle qu’on dit maternelle
    pourtant qui me parvient.




    […]




    Dans l’exil de la langue
    dans l’épaisseur des songes
    dans la nasse des mots
    puiser au puits du temps
    réconciliation et silence.



    Marie-Josée Desvignes, « I- L’exil de la langue , A-Mère » in Langue interdite, langue a-mère, éditions Alcyone, Collection Surya, 17102 Saintes, 2018, pp. 3, 4, 19.







    Marie-Josée Desvignes





    MARIE-JOSÉE DESVIGNES


    Marie-Josée Desvignes (1)
    Source




    ■ Marie-Josée Desvignes
    sur Terres de femmes

    [au-dessus du vide] (extrait de Requiem)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions Alcyone)
    la page de l’éditeur sur Langue interdite, langue a-mère
    → (sur La Cause Littéraire)
    une fiche bio-bibliographique sur Marie-Josée Desvignes





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    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Olivier Bastide | S’asseoir, debout, marcher




    Exploration minutieuse des recoins
    « Cela passe par l’exploration minutieuse des recoins »
    Ph., G.AdC







    S’ASSEOIR, DEBOUT, MARCHER



    Cela fait un certain temps déjà que bruissent autour de moi mondes et contredanses. Je le sais quand mon front s’alourdit, quand s’affirme avant toute autre chose le sentiment de chute. Je me repère alors aux yeux de cette femme, qui valse seul et qui, tour après tour, semble dicter ma conduite de son regard direct.
    Elle n’existe pas ! Elle n’existe pas ! Je dois frotter fort mon front de mes mains ; je dois circonscrire ce petit mal avant de trébucher les pieds gourds de peur.
    Cela passe par l’exploration minutieuse des recoins, le soin apporté au remue-ménage. Quelle est cette question qui se pose sans cesse, revient, s’oublie, revient, s’oublie mais laisse son souffle déposé un peu partout ?



    Olivier Bastide, « Néanmoins funèbre » in La Figure et l’Élan, Éditions Alcyone, Collection Surya, 2016, page 15.






    Olivier Bastide, La Figure et l’Élan






    OLIVIER BASTIDE


    Olivier Bastide
    Ph. angèlepaoli



    ■ Olivier Bastide
    sur Terres de femmes

    BestiAire



    ■ Voir aussi ▼

    Dépositions (le site d’Olivier Bastide)
    → (sur le site des éditions Alcyone)
    la page de l’éditeur sur La Figure et l’Élan





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  • Hélène Vidal | [Tout voyageur charrie cet ensoleillement]


    [TOUT VOYAGEUR CHARRIE CET ENSOLEILLEMENT]



    Tout voyageur charrie
    cet ensoleillement
    ce mélange
    de grève
    de lagons
    le cal sur les paumes
    sur la rétine
    la migration
    ce tabac
    sur la voix
    qui transmet les prières





    L’homme seul
    qui traverse les paysages
    souffle la ferveur
    le froid aussi
    muet à nos questions
    il marche
    vers ce qui semble le mystère





    Marcher
    épuiser l’obsession qui dévore




    Hélène Vidal, Olivine, Éditions Alcyone, Collection Surya, 2016, pp. 11-12-13.






    Hélène Vidal, Olivine





    HÈLÈNE VIDAL


    Hélène Vidal
    Source



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions Alcyone)
    la page de l’éditeur sur Olivine d’Hélène Vidal





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