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  • Mahshid Vatan-Doust | La liberté au prix du sang



    LA LIBERTÉ AU PRIX DU SANG



    le soleil d’été me gifle
    derrière le volant, apanage des hommes,
    dans les rues de Téhéran qui attendent
    une femme a crié : direction la liberté ! au plus vite !
    j’ai crié : un seul passager ! direction l’abattoir !






    CÉLÉBRATION DE LA VICTOIRE



    les moutons chaque jour
    paissent
    dans les prés qui ne sont à personne
    les agneaux gros et gras
    chaque jour gambadent
    parmi les tombes sacrées
    les tombes collectives
    les tombes anonymes
    et dans les prés qui ne sont à personne
    se moquent
    des loups restés dehors
    et dansent au rythme des chants puissants des bouchers






    CAFÉ GODOT



    tu humes tes mains
    après l’étreinte
    une odeur de poudre à canon
    un parfum de femme,
    je hume mes mains
    après l’étreinte
    de lourds effluves d’oubli
    un parfum d’homme




    Mahshid Vatan-Doust, Une fleur attend la pendaison, éditions Alidades, Collection Création, 2020, pp. 6-7. Poèmes traduits du persan et présentés par Katâyoun Sabzevâry et Franck Merger.






    Mahshid 1




    MAHSHID VATAN-DOUST


    Mahshid portrait NB
    Ph. Mohsen Bayat




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions Alidades)
    la fiche de l’éditeur sur Une fleur attend la pendaison





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  • Sylvie Fabre G. | Une terre commune, deux voyages

    Chroniques de femmes – EDITO

    Chronique de Sylvie Fabre G.




    UNE TERRE COMMUNE, DEUX VOYAGES
    _____________________




    En poésie avec Emmanuel Merle
    et François Rannou




    Où vont les poèmes qui nous sont donnés comme parole sans cesse commencée ? Où vont-ils ces adressés, si ce n’est au fond de nous-mêmes, dans ces rêves d’un réel qui nous hante, nous habite mais toujours nous échappe ? Nourris à la pointe de nos regards, au clair-obscur de notre mémoire, gravés dans la pierre du temps, ils nous appellent à les suivre dans l’espace résonnant des mots, vers ou prose, pour y rejoindre la vie vécue mais surtout la vie réinventée qu’offrent aux hommes les voix de l’écriture et de la lecture. Car les poèmes, s’ils comblent un instant l’immense fossé des siècles et la distance qui nous sépare les uns des autres, sont capables de nous conduire à l’orée de la contrée où se bâtissent nos destins, leurs légendes et leurs vérités.

    C’est ainsi que ces derniers mois de 2018, j’ai touché grâce à eux aux rives d’une île au nom d’Irlande, en découvrant deux livres, Tourbe d’Emmanuel Merle, publié aux éditions Alidades et La Pierre à 3 visages de François Rannou, publié aux éditions LansKine. Une terre commune, deux voyages extérieurs et intérieurs pour lesquels leurs auteurs nous orientent en mettant en exergue des citations du même grand poète irlandais, Seamus Heaney.



    Chacun de ces textes est construit en triptyque dont les volets vont l’un après l’autre nous proposer une initiation singulière.

    Dans la première partie de Tourbe, Emmanuel Merle évoque une longue marche dont le poème initial révèle le centre et la portée : « Être là. Toute une vie pleine ». Un être-au-monde vécu à travers le bouleversement que suscite en lui le paysage de l’ouest de l’Irlande, lieu de frontière où se rejoignent l’eau, la terre et « l’autre terre, la tourbe / cette pâte qui lève ». Entrer dans son temps cosmique et dans son espace peuplé d’une histoire souvent tragique, et tout devient signes pour celui qui les regarde et les interprète à la mesure d’un vécu-rêvé. L’empreinte des vies passées, les douleurs inscrites en ce sol et ses propres souvenirs du perdu font naître chez le poète le sentiment aigu de l’exil. Éprouvé tel un avant-dire, un avant-lieu, l’île devient le pays où l’enfance, « heureuse ou maudite », se rejoue. Car à défaut de nous sauver, celle-ci peut seule nous donner la force d’espérer malgré la mort : « Nous irons encore au bois vibrant », nous promet le poète. Et quand ses figures, père, mère et enfant, montagne, arbres et chien, ressurgissent dans leur gloire et dans leur poussière, nous avançons avec elles, « poussés dans le dos par la vie ».

    La marche dans le paysage ouvre la mémoire, la vision et la langue. En Irlande le poète la vit à la fois comme remontée vers le passé — les morts « qui se soulèvent » sont ces hommes et ces enfants victimes d’une des grandes famines du XIXe siècle ainsi que l’atteste l’évocation de la croix dressée au bord du lac Doo Lough — et descente dans le présent puisqu’elle le renvoie à toutes les autres victimes que charrie notre époque. Le lyrisme sobre de son écriture, les images récurrentes du sang et de « la tourbe qui l’aspire », affrontent les mystères de notre destinée, car, écrit-il, si « chaque nuit verse le sang du ciel / sur la terre », chaque jour aussi la lumière, la parole du monde, / qui prononce nos ombres passantes / et nous identifie nous est offerte.

    Dans le court poème central du recueil, il semble pourtant que la mélancolie gagne sur toute confiance. Et en même temps que le pas du poète, son souffle vital, ralentit, les vers libres se raccourcissent et se groupent en tercets sans ponctuation. L’Irlande devient une terre improbable, « désamarrée », « une île des morts » qui finit elle-même par disparaître et la traversée de sa lande « un embourbement ». Le corps du narrateur contaminé se transforme à son tour, « pourrissant » et « tourbeux ». L’île des enfances paraît s’éloigner à jamais et c’est sur l’image, saisissante, d’un homme « dos au soleil / dans un cercueil ouvert comme une barque » que se clôt cette partie à la tonalité tragique, toujours à mi-chemin entre rêve et réalité.

    La mort qui vient d’être évoquée dans la concrétude du vivant devenant cadavre est bien l’absolu réel pour Emmanuel Merle, pour qui nulle île, nul ailleurs, n’existe : à l’homme, seule « Reste la terre », intitulé de la troisième partie dont les vers libres retrouvent plus d’amplitude et une ponctuation mais sans italiques, la tonalité n’étant plus la même, presque apaisée, comme au-delà du désespoir. Le voyage reprend dans une Irlande au « ciel enroché », mais d’une lumière où les morts et les vivants dansent et pleurent, ensemble pour cette éternité humaine dont parlait Jankélévitch. Le poète établit les liens entre les âges et les cultures en mettant en relation les anciens récits, les légendes celtes et la mythologie grecque qui offrent aux hommes leurs fables et leurs sagesses. Les noms de lieux et de dieux essaiment dans les vers et font lever en nous l’imaginaire et la puissance sonore de la nomination : Aran, Inis Môr, Moher, Cliften, Burren… L’humanité est Une : « La guerre de Troie a eu lieu en Irlande aussi », nous dit le poète, et le royaume des morts d’Ulysse est une « waste land ». Si les anciens dieux partout « ont émigré », si la terre est parfois « comme le fond d’un tableau abandonné », nos mots pourtant continuent à résonner et « l’enfance reparle ». La beauté terrible, magique, du paysage réinvestit le poème. Le poète, qui avance à nouveau dans le présent de sa « plaine de tourbe », de ses montagnes sous le ciel changeant, nous en brosse un tableau primitif et vivant. En peintre lettré, il note les variations de la lumière : sans fin, comme sont sans fin les migrations des hommes et des arbres sur cette île. En ce royaume voué aux eaux, à l’air et à la pierre il nous fait croire que les mots, plus nus, y circulent mieux, et que l’écart entre soi et le monde, entre soi et l’autre s’y amenuise jusque dans l’amour et la langue. La violence du vent force à « être deux pour rester debout », nous confie-t-il. Et il remarque que là-bas, comme ici, les hommes qui se savent dans le passage dressent des cairns pour indiquer la direction à ceux qui viendront après. Tourbe, c’est autant l’aube que le crépuscule du monde.






    Emmanuel Merle  Tourbes 4
    Emmanuel Merle, Tourbe, Éditions Alidades,
    Collection Création, 2018.






    Car la tourbe, comme la langue, est matière d’origine, conservation de mémoire, embrasement de vie et de mort, tous les poètes en Irlande le sentent. Dans « La Femme de la tourbière blanche », première partie de La Pierre à 3 visages (d’Irlande) de François Rannou, livre construit autour de trois visages de femmes, le poète évoque lui aussi le sud-ouest de l’île mais dans un temps encore plus ancien. La première qui parle dans ses vers est une autre victime, non de la faim mais d’un châtiment infligé pour une faute qu’elle a oubliée : « Aurais-je volé ou bien / pire encore à leurs yeux sales ? / M’ont enfermée là… ». La tourbe qui l’a engloutie, digérée, « momi fiée », a donc conservé son corps, il est aujourd’hui arraché par des ouvriers « à forts coups de bêche », et c’est sa voix surgie des ténèbres qui révèle sa longue attente d’un « baiser » ressuscitant. Symbole d’une nouvelle naissance, aussi brutale que miraculeuse, le poète restitue son long monologue à la première personne où l’amour devient éveil du sommeil primordial, conscience brûlante. La parole poétique, chez François Rannou comme chez Emmanuel Merle, nous unit à ceux qui nous ont précédés en en prolongeant l’histoire. Mais la typographie en double colonne du poème de François Rannou, mots et phrases scindés par la gouttière qui sépare les deux colonnes, va plus loin, elle entretient l’écho d’une écriture oghamique jadis gravée sur les pierres verticales de l’Irlande ancienne. L’empathie du poète, passée dans le discours imaginé de la femme, double le point de vue interne et introduit dans son texte une oralité plus théâtralisée que purement lyrique.

    Passage et entremêlement des temps, « Next Station », deuxième partie de La Pierre à trois visages, va renforcer la différence des écritures par un retour au présent inscrit dans l’incantation d’un chant jazzy où nous reconnaissons le souffle haletant de notre modernité : « Ce sont les falaises de notre âme qui / s’enfoncent dans le rythme du temps Beat Beat Beat ces lignes re- / pliées délivrées quelles en sont / les épiphanies ? », écrit François Rannou qui trouve une langue, une prose aux effets sonores pour épouser l’énigme de la vie et le foisonnement des voix qui se croisent. Moins de lyrisme, du quotidien et une tout autre rythmique, ajoutés à peu de nature et un espace urbain absent chez Emmanuel Merle. La déambulation du narrateur entre rêve et réalité se fait dans une Irlande où le voyage est d’abord saisie d’un réel familier qui surgit, file, craque, se dérobe, noie « les mots dans la tête ». Stations, trains et taxis, ponts, rues et bâtiments glissent ou se télescopent, des dialogues se doublent s’attrapent, les silhouettes des passants, les amants s’y fondent, et dans la baie de Dublin la mer au loin se perçoit « comme une lanterne magique ». La rencontre sensuelle et mélancolique de la femme et du narrateur, vécue ou imaginée, sauve-t-elle « quelque chose de l’oubli du rêve » quand les mots de chacun luttent contre la solitude et la séparation, contre le vide et la fin de l’enfance dont parle le poème en italiques de Brian Lynch ? Il fournit en tout cas quelques clefs sur les métamorphoses de l’être et les portes laissées battantes. L’entièreté du chant central s’apparente alors à la pierre dressée « sous le vent » où est gravée l’histoire de notre humaine présence.

    La dernière partie du livre (« La pierre à trois visages »), comme déjà la première, est la mise en œuvre d’une écriture avec la lecture « dans son mouvement », ce à quoi François Rannou nous a habitués dans d’autres textes. Il aère la verticalité des vers en augmentant l’interlignage, encadre celle-ci par deux proses horizontales (l’une en romain en tête de page, l’autre en italique en pied de page) pour que le poème mette en branle ensemble les différentes modalités de sa parole et la manière de les déployer dans la polyphonie. Trois visages, trois voix s’y déroulent, celle du narrateur, celle du poète qui réfléchit sur le poème en train de s’écrire — « notre bouche, dit-il, nous prononce mais notre parole est toujours de l’autre côté, dehors toujours » — et celle de la femme, la vivante, qui elle se réclame « d’une mémoire plus ancienne et plus fraîche que celle de nos gestes ». Sur l’échelle de la beauté et de l’amour en leur quête, la voix poétique et amoureuse, nous souffle le poète, se tient un instant au moins hors « des flux économiques », hors du temps circonscrit. La femme attend « la lumière » quand le poète espère la création, « les fraîches algues syntaxiques », et s’invente la « chorégraphie intérieure » où les mots seraient ses alliés, de l’autre côté du gouffre où le monde, la langue et la mort les retiennent. Et c’est comme si, en cette Irlande de tourbe et de vent, se trouvaient réunis en chacun des personnages les conditions pour « rassembler le puzzle », passer « la porte » grande ouverte cette fois, et toucher ensemble un instant « le point sublime » où il ne peut être pourtant question de demeurer toujours.

    Terre d’Irlande, dans ses lieux où se manifestent les morts, où se remémorent, aiment, souffrent et disparaissent les vivants ; dans ses paysages où les éléments se conjuguent avec les voix pour faire entendre ce qui hante, illumine ou fait créer les hommes ; au cœur de son histoire, passée présente, et de ses mythes, deux poètes : Emmanuel Merle, François Rannou. Avec leurs différences langagières et pensives, ils écrivent l’enfance de la vie et de l’écriture, nous invitant à un voyage vécu comme une initiation. Leur poésie, proche pour l’un de la peinture et pour l’autre de la musique, utilise toutes les ressources du vers et de la prose poétique, toute l’intensité de leurs images et de leur chant pour nous ramener à l’essentiel dont chacun porte les preuves et les traces : la beauté violente d’un monde mortel et la nécessité d’une parole pour le dire, l’abîme du temps, l’énigme du mal, l’amour et la douleur inaliénables.


    Sylvie Fabre G.
    D.R. Texte Sylvie Fabre G.
    pour Terres de femmes






    François Rannou  La Pierre à 3 visages (d'Irlande)
    François Rannou, La Pierre à 3 visages (d’Irlande),
    Éditions LansKine, 2018.




    EMMANUEL MERLE


    Vignette Emmanuel Merle





    ■ Emmanuel Merle
    sur Terres de femmes

    Tourbe (lecture d’AP)
    [Il n’y a plus d’arbres] (extrait de Tourbe)
    Amère Indienne
    [Cape Cod]
    Le Chien de Goya (lecture d’AP)
    Cet ancien lieu (poème extrait de Démembrements)
    Démembrements (lecture d’AP)
    [Le rouge] (extrait de Dernières paroles de Perceval)
    Dernières paroles de Perceval (lecture d’Isabelle Lévesque)
    Dernières paroles de Perceval (lecture d’AP)
    Ici en exil (lecture de Sylvie Fabre G.)
    ils attendent ce qui (extraits du Grand Rassemblement)
    [Je me discerne davantage dans le miroir de la couleur](extrait des Mots du peintre)
    [Ramper sur la glace](extrait de Nord, seul point cardinal)
    [Tout est matière, sauf ma décision] (extrait d’Olan)
    Tourbe (lecture d’AP)
    [Il n’y a plus d’arbres] (extrait de Tourbe)
    [Une promesse, dis-tu]
    Emmanuel Merle & Thierry Renard | La Chance d’un autre jour, Conversation (lecture de Sylvie Fabre G.)
    Emmanuel Merle & Thierry Renard | [Jour de pluie ici aussi]



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de la mél [Maison des écrivains et de la littérature])
    une fiche bio-bibliographique sur Emmanuel Merle






    ___________________________________

    FRANÇOIS RANNOU


    François Rannou
    Source




    ■ François Rannou
    sur Terres de femmes

    [Voix tombées derrière le mur] (extrait de La Pierre à 3 visages (d’Irlande) )



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions LansKine)
    la fiche de l’éditeur sur La Pierre à 3 visages (d’Irlande)






    ___________________________________

    SYLVIE FABRE G.


    Sylvie Fabre G.
    Source



    ■ Sylvie Fabre G.
    sur Terres de femmes


    Lettre des neiges éternelles (extrait de La Maison sans vitres)
    Piero, l’arbre (autre extrait de La Maison sans vitres)
    Le rêveur d’espace [hommage à Claude Margat] (autre extrait de La Maison sans vitres)
    [À l’orée] (poème issu du recueil L’Intouchable)
    L’Approche infinie (note de lecture d’AP)
    Sylvie Fabre G. par Sylvie Fabre G. (auto-anthologie poétique comprenant plusieurs extraits de L’Approche infinie)
    [C’est un matin doux et amer](poème issu du recueil L’Autre Lumière)
    Trouver le mot (autre poème issu du recueil L’Autre Lumière)
    Dans l’attente d’un prolongement qui se meurt (note de lecture d’AP sur Corps subtil)
    Corps subtil (poème issu du recueil Corps subtil)
    La demande profonde
    Frère humain (note de lecture d’AP)
    Frère humain (note de lecture d’Isabelle Raviolo)
    [La pensée va, et vient à ce qui revient] (poème issu du recueil Frère humain)
    Celle qui n’était pas à sa fenêtre (extrait issu du recueil Le Génie des rencontres)
    L’Intouchable (note de lecture d’Isabelle Raviolo)
    Quelque chose, quelqu’un (note de lecture d’AP)
    Tombées des lèvres (note de lecture d’AP)
    Tombées des lèvres (note de lecture d’Isabelle Raviolo)
    [Plus forte que la forêt] (poème issu du recueil Tombées des lèvres)
    [Bien sûr le chant s’apaise dans le soir] (poème issu du recueil La Vie secrète)
    Maison en quête d’orient (poème issu du recueil Les Yeux levés)
    Jean-Pierre Chambon, Le Petit Livre amer, par Sylvie Fabre G.
    Jean-Pierre Chambon, Tout venant, par Sylvie Fabre G.
    Jean-Pierre Chambon | Michaël Glück, Une motte de terre par Sylvie Fabre G.
    Patricia Cottron-Daubigné, Visage roman, par Sylvie Fabre G.
    Alain Freixe, Vers les riveraines, par Sylvie Fabre G.
    Emmanuel Merle, Ici en exil, par Sylvie Fabre G.
    Emmanuel Merle & Thierry Renard, La Chance d’un autre jour, Conversation (lecture de Sylvie Fabre G.)
    Angèle Paoli, Lauzes
    Pierre Péju, Enfance obscure, par Sylvie Fabre G.
    Pierre Péju, L’État du ciel, par Sylvie Fabre G.
    Pierre Péju, L’Œil de la nuit, par Sylvie Fabre G.
    Fabrice Rebeyrolle, un peintre gardien du feu, par Sylvie Fabre G.
    Erwann Rougé, Passerelle, Carnet de mer, par Sylvie Fabre G.
    Fabio Scotto, La Peau de l’eau, par Sylvie Fabre G.
    Roselyne Sibille, Entre les braises, par Sylvie Fabre G.
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    L’au-dehors
    → (dans les Chroniques de femmes)
    L’Amourier | Le Jardin de l’éditeur par Sylvie Fabre G.
    → (dans les Chroniques de femmes)
    Anne Slacik par Sylvie Fabre G. : Anne, la sourcière
    → (dans les Chroniques de femmes)
    Ludovic Degroote | Retisser la trame déchirée, par Sylvie Fabre G.
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    le Portrait de Sylvie Fabre G. (+ poème issu du recueil L’Approche infinie)





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  • Emmanuel Merle, Tourbe

    par Angèle Paoli

    Emmanuel Merle, Tourbe,
    éditions Alidades, Collection Création, 2018.



    Lecture d’Angèle Paoli




    « IL Y A AUSSI UNE BARQUE »



    Si le titre monosyllabique Tourbe ne laisse rien pressentir de l’univers vers lequel veut nous conduire Emmanuel Merle, l’exergue, lui, est plus explicite. Empruntés au prix Nobel de poésie Seamus Heaney, les trois vers de Creuser qui le composent, évoquent « la terre remuée » et « la tourbe détrempée » d’un paysage auquel le poète irlandais nous a accoutumés.

    Composé de trois volets, le recueil d’Emmanuel Merle forme un triptyque. C’est d’abord « La longue marche », lente composition poétique en italiques qui inscrit le poème dans le passé ; vient ensuite le volet intermédiaire « L’île des morts », poème onirique. Intitulé « Reste la terre », le troisième volet inscrit le poète dans le temps présent de son voyage.

    Quelques lignes d’ouverture situent le contexte historique dans lequel s’inscrit Tourbe. La grande famine qui a meurtri l’Irlande du XIXe siècle et l’exode qui s’est ensuivi. Il reste, là-bas, de la longue marche tragique, une stèle en pierre en forme de croix. Les mots choisis par le poète pour évoquer cette tragédie de l’autre siècle éveillent en nous, lecteurs, comme un écho en demi-teinte, les images des tragédies d’aujourd’hui, non pas encore réduites à l’état de souvenirs incertains, mais terriblement vivantes, brûlantes et angoissantes. Longues errances de populations affamées, malmenées, épuisées. Ainsi, d’une époque à une autre se perpétuent les exils, qui jalonnent l’histoire en files interminables de morts anonymes. Seuls diffèrent les cieux et les eaux. Dans la lointaine Irlande, les eaux miroitantes du lac Doo Lough, dans le comté de Mayo, gardent en mémoire les noms de ceux qui périrent affamés sur ses rives.

    La longue marche, telle que l’évoque le poète, s’inscrit sur « l’horizon ». Et l’horizon se décline avec le temps. Ensemble ils tissent un décor « déjà peint », une trame d’où surgissent parfois les oiseaux. C’est au commencement, dans quelque chose comme « un avant-dire ». Dans cet espace pourrait s’instaurer un dialogue. C’est aussi dans cet espace qu’apparaît soudain un « Je ». Ce « je » anonymisé a pourtant une histoire. Un passé et un père. C’est avec ce « je » que débute la marche. « Je pars » / « Je rejoins ». Il entraîne à ses côtés d’autres hommes :

    « Nous partons le dos à la nuit, drossés

    vers l’ouest ».

    Partir, c’est se départir de. Se défaire de. Et laisser derrière soi. C’est abandonner une part de soi et ne garder que l’essentiel.

    « Je pars sans emporter la terre,

    juste le bruit sourd des coups de pioche,

    la rugosité de la pelle sur les pierres. »

    Ne rien emporter. Se défaire. Peut-être pour ne pas alourdir la marche, peut-être aussi pour garder l’esprit en éveil. Pour permettre au marcheur d’accueillir ce que le monde recèle de part secrète, sa rumeur invisible, cachée dans les arbres ; son clignotement d’étoiles « froides » :

    « …et nous sommes partis,

    attentifs aux esprits des pierres

    et des arbres croisés. »

    Le temps rythme la marche et l’accompagne. Vient d’abord le temps cosmique, comme celui de la Genèse. Puis s’instaure un ordre. Il y a un avant, il y a un après. Un seuil qu’il faut franchir, espace et temps. Le seuil est délimité par la « porte cochère ». D’un côté la « cour intérieure », de l’autre « l’autre monde », « la terre foraine ». « Je passe la porte cochère » et le monde qui surgit est « une plaine désarbrée », plantée de « pierres échevelées ». Peut-être des humains que l’histoire a figés dans la terre. Avec le départ et l’exil, il a fallu abandonner son nom :

    « Nous sommes partis,

    nos noms sont restés en arrière ».

    Quelque chose de poignant étreint, qui suit le lecteur dans sa propre pérégrination à travers le poème. Dans la simplicité naturelle des notations qui en précisent les contours, le poème déroule sous nos yeux ses étapes. Le voyage s’étire jusqu’au soir, dans l’obscurité du ciel et de la Terre, avec ses attentes, ses visages, ses lucioles. Le monde se réduit à un tremblé de sensations, «  filament tiède », « chuchotis d’insectes ». Pourtant les corps sont lourds et recrus de fatigue. Et les morts jalonnent la route. La montagne soudain s’anime. Dans son humanité, elle accueille la solitude du marcheur. Son empathie avec lui passe par le langage. De leur connivence naît la définition de ce qui se joue dans ce déplacement éprouvant et dans ce qui se joue ici, dans le récit poétique qui le narre :

    « C’est une longue phrase, ta marche,

    Un mantra sur la roche gravée, sur les os

    brisés qui fouillent l’air

    et demandent ton nom. »

    Est-ce toujours du marcheur anonyme qu’il est question ou bien du poète lui-même, absorbé à son tour dans cet anonymat et dans ses interrogations ?

    Plus loin, plus avant dans le poème, surviennent les enfants tout à leurs jeux « au rebord des ravins. » Plus loin encore « un chien de rencontre » fait son apparition. Mais la marche devient fuite. Dérive des hommes peuplée d’inquiétude. Il faut poursuivre et peut-être laisser un peu de part au rêve. Par trois fois convoqué :

    « Nous irons encore au bois,

    le vrai lieu, le seul, habillé par l’enfance

    et par l’être du monde

    […]

    Nous irons au bois, je le promets

    […]

    Nous irons au bois vibrant. »

    L’enfance ? C’est dans le regard que l’on porte sur elle que se trouve la réponse à l’exil. C’est peut-être en elle qu’il faut puiser pour résister à l’enlisement. Car les « terres gastes et veuves » guettent le marcheur, prêtes à l’engloutir s’il n’y prend garde :

    « Marcher n’est rien, mais s’enfoncer.

    La terre baveuse suce tes chevilles

    tu es là où tu ne dois pas être. »

    Est-ce toujours du marcheur anonyme qu’il est question ici ou bien du poète lui-même qui l’a rejoint dans son exil ? Ou bien de chacun de nous ? Réduit à des « ombres passantes », vidées de leur être et de leurs affects ?

    « Je n’appartiens plus qu’à mon pas », confie le marcheur.

    Au terme de cette « longue marche » poétique, émouvante et belle, presque lancinante tant elle habite la lecture, le marcheur —  mais est-ce encore lui — parvient à « L’île des morts. » On pense bien sûr tout aussitôt à Arnold Böcklin, à la barque lente qui fend l’eau froide, au rivage sombre qui se rapproche. On entre dans le monde onirique dans lequel coexistent dans un temps très resserré des actions contraires. Comme dans ces tercets : « La pâte visqueuse… ralentit mon pas » … / « la barque des mots s’enfonce… j’écope ».

    Le poème qui constitue cette seconde partie est d’une facture toute différente. Avec la disparition des italiques, des majuscules et de la ponctuation, toute forme de lyrisme s’est estompée. Strophes et vers sont brefs — parfois réduits à un seul mot. Mise à part une strophe de six vers, le poème déroule ses tercets avec des termes en échos au volet précédent. Le sol est bien cette « pâte visqueuse, spongieuse » dans laquelle la barque s’englue. « Tourbe » et « pourriture », « succion » et « embourbement » caractérisent encore la terre insulaire. Mais la mort accompagne désormais le marcheur, pris entre dérive de l’île, cercueil et linceul. La mort de l’île elle-même est proche, qui bascule dans l’errance. La vision funèbre gagne qui enveloppe tout de sa présence. Elle se précise avec son lot de formes inquiétantes noyées dans un paysage de brume tourbeuse qui envahit jusqu’au corps du voyageur :

    « mon corps est tourbeux

    gonflé des serpents

    ont remplacé mes entrailles

    mes os de balsa humide

    se désagrègent ».

    Que reste-t-il au terme de l’errance ? « Reste la terre », troisième et dernier volet du recueil. Une terre aux noms étranges qui en évoquent d’autres plus anciens, comme flottants dans la mémoire. Achill, Aran. « Moher, Troie éternelle ».

    Est-ce toujours la terre d’Irlande ? Les frontières se brouillent. Dans les cieux se mélangent horizons et cultures. Ainsi dans ces deux vers :

    « On dirait le royaume des morts, le septentrion

    d’un Ulysse égaré, waste land sans paroles. »

    Outre le patronyme de T.S. Eliot, d’autres noms plus conformes à la langue celtique nous confirment que oui, c’est bien de l’Irlande qu’il s’agit. Le poète déambule d’une région à l’autre, d’une île à l’autre, présent au ciel qui l’emplit et qui pourrait devenir sien :

    « Le ciel d’Irlande, enroché par endroits,

    où tu pourrais habiter la lumière… ».

    Il voyage à travers temps et espace, renoue avec la vie, la sienne et celle de tous ceux qui ont bataillé sur ces terres rugueuses. Bordées de falaises noires battues par les vagues et hérissées de tours. C’est l’Irlande du poète qui reprend pied dans la glèbe sombre et reprend souffle avec l’espace. Les strophes se suivent qui deviennent plus amples. Le poème respire.

    « C’est l’aube du monde ».

    Et c’est toujours la même terre gorgée d’eau et de silence. Peuplée d’idéogrammes gravés dans les pierres. « Que reste-t-il ? » Un « avant-paysage » qui glisse ses couleurs entre le poète et sa langue. Un très beau poème qui se clôt sobrement et mystérieusement sur ces quelques mots :

    « Il y a aussi une barque ».



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli






    Emmanuel Merle  Tourbes 4






    EMMANUEL MERLE


    Vignette Emmanuel Merle






    ■ Emmanuel Merle
    sur Terres de femmes


    [Il n’y a plus d’arbres] (extrait de Tourbe)
    Sylvie Fabre G. | Une terre commune, deux voyages (chronique de Sylvie Fabre G. sur Tourbe)
    Amère Indienne
    [Cape Cod]
    Le Chien de Goya (lecture d’AP)
    Cet ancien lieu (poème extrait de Démembrements)
    Démembrements (lecture d’AP)
    Dernières paroles de Perceval (lecture d’Isabelle Lévesque)
    Dernières paroles de Perceval (lecture d’AP)
    [Le rouge] (extrait de Dernières paroles de Perceval)
    Ici en exil (lecture de Sylvie Fabre G.)
    ils attendent ce qui (extraits du Grand Rassemblement)
    Migrant (extrait d’Habiter l’arbre)
    [Je me discerne davantage dans le miroir de la couleur](extrait des Mots du peintre)
    [Ramper sur la glace](extrait de Nord, seul point cardinal)
    [Tout est matière, sauf ma décision] (extrait d’Olan)
    [Une promesse, dis-tu]
    Emmanuel Merle & Thierry Renard | La Chance d’un autre jour, Conversation (lecture de Sylvie Fabre G.)
    Emmanuel Merle & Thierry Renard | [Jour de pluie ici aussi]




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site de la mél [Maison des écrivains et de la littérature])
    une fiche bio-bibliographique sur Emmanuel Merle





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  • Emmanuel Merle | [Il n’y a plus d’arbres]



    [IL N’Y A PLUS D’ARBRES]



    Il n’y a plus d’arbres,
    on se demande s’il y en a jamais eu.
    C’est l’autre royaume.

    C’est vrai, l’espace était simple
    Comme le fond d’un tableau abandonné
    – on avait vu trop grand, on avait cru
    qu’il faudrait tout remplir – , c’est vrai,
    l’air appelait de plus loin, semblait
    prendre de la vitesse, rester peu
    dans les poumons.

    On comprend à présent : les arbres
    ont quitté l’ouest de l’Irlande. Des migrants.
    Beaucoup de bois flotté sans doute.

    Reste la terre. Reste l’eau qu’on sent proche,
    glissant son bras sous l’île, la secouant
    comme un parent inquiet réveille son enfant,
    l’eau, possessive même invisible.





    Car la plaine de tourbe et les montagnes
    – on cherche vainement les marches des plateaux –
    sont l’abscisse et l’ordonnée du monde.
    Beaucoup de brun. Du vert. Le cerne du ciel.

    On voudrait du rouge pour se rappeler son propre sang.
    Il faut s’agenouiller devant les blocs
    de tourbe pour en trouver, striant
    la terre comme un persillé. Une viande à sécher,
    et à cuire. Du sang dilapidé.




    Emmanuel Merle, Tourbe, Éditions Alidades, Collection Création, 2018, pp. 32-33.






    Emmanuel Merle  Tourbes 4






    EMMANUEL MERLE


    Vignette Emmanuel Merle




    ■ Emmanuel Merle
    sur Terres de femmes

    Tourbe (lecture d’AP)
    Sylvie Fabre G. | Une terre commune, deux voyages (chronique de Sylvie Fabre G. sur Tourbe)
    Amère Indienne
    [Cape Cod]
    Le Chien de Goya (lecture d’AP)
    Cet ancien lieu (poème extrait de Démembrements)
    Démembrements (lecture d’AP)
    Dernières paroles de Perceval (lecture d’Isabelle Lévesque)
    Dernières paroles de Perceval (lecture d’AP)
    [Le rouge] (extrait de Dernières paroles de Perceval)
    Ici en exil (lecture de Sylvie Fabre G.)
    ils attendent ce qui (extraits du Grand Rassemblement)
    [Je me discerne davantage dans le miroir de la couleur](extrait des Mots du peintre)
    [Ramper sur la glace](extrait de Nord, seul point cardinal)
    [Tout est matière, sauf ma décision] (extrait d’Olan)
    [Une promesse, dis-tu]
    Emmanuel Merle & Thierry Renard | La Chance d’un autre jour, Conversation (lecture de Sylvie Fabre G.)
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  • Massimiliano Damaggio | Retour à Athènes




    RITORNO AD ATENE



    E’ la mia notte del ritorno.
    Per favore, siate educati.
    Fate silenzio.

    E’ la notte di molti per le strade
    cioè la solita, cioè
    una delle tante.

    E’ anche la sua notte del ritorno
    in questo buio pieno di cassonetti bruciati.

    (I piccioni immobili sui fili.
    I drogati immobili sui semafori.
    I semafori immobili sul suolo.)

    E’ anche la notte di molti
    uomini che urlano dalle finestre.

    Ma in silenzio, per favore.

    Perché questa è la notte
    che mi riporta la sua bocca
    come un frutto maturo.

    Ma io non ho più denti.







    RETOUR À ATHÈNES



    C’est ma nuit du retour.
    Soyez polis, s’il vous plaît.
    Ne faites pas de bruit.

    C’est la nuit de tant de gens dans les rues
    c’est-à-dire la même, c’est-à-dire
    une parmi tant d’autres.

    C’est aussi sa nuit du retour
    dans cette obscurité remplie de conteneurs brûlés.

    (Les pigeons immobiles sur les fils.
    Les drogués immobiles sur les feux tricolores.
    Les feux tricolores immobiles sur le sol).

    C’est aussi la nuit de bien des hommes
    Qui hurlent aux fenêtres.

    Mais sans bruit, s’il vous plaît.

    Parce que c’est la nuit
    qui me ramène sa bouche
    comme un fruit mûr.

    Mais je n’ai plus de dents.



    Massimiliano Damaggio [poème extrait de Poesia come pietra, Edizioni Ensemble, Roma, 2014], in Gente che beve il caffè davanti al mare | Ceux qui prennent un café face à la mer, Éditions Alidades, Collection ‘Bilingues’, 2017, pp. 8-9-10-11. Traduit de l’italien par Olivier Favier.






    Massimiliano Damaggio  Gente che





    MASSIMILIANO  DAMAGGIO


    Massimiliano Damaggio 2
    Ph. Olivier Favier
    Source




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions Alidades)
    la page de l’éditeur sur Massimiliano Damaggio
    → (sur L’Obs Rue 89)
    « Promenade dans Athènes avec Damaggio, poète et libertaire », par Olivier Favier





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  • Tatiana Daniliyants | Dédicace



    ПОСВЯЩЕНИЕ




    Полюби, как то, что ты любишь:
    как камень, как лист, как ноябрь,
    как холоднь ый лист y хоподного дыхания,
    как оставленный на yтро глоток вина.
    Неyжели ты никогда не станень пной?
    Тoй чacтью мeня, что ты так любишь, как
    Песᴏк. Boлнy. Огᴏнь.







    DÉDICACE




    Aime comme ce que tu aimes :
    comme une pierre, une feuille, novembre,
    comme feuille froide au souffle froid,
    gorgée de vin laissée pour le lendemain.
    Se peut-il que tu ne deviennes jamais moi ?
    Cette part de moi que tu aimes comme
    Le sable. La vague. Le feu.




    Tatiana Daniliyants, Blanc | Белое [Moscou, 2006], édition bilingue, Éditions Alidades, Collection Petite bibliothèque russe, 2015, pp. 14-15. Poèmes traduits du russe par Irène Imart.






    TATIANA DANILIYANTS


    Tatiana
    Source



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Wikiwand)
    une fiche bio-bibliographique sur Tatiana Daniliyants
    → (sur le site des éditions Alidades)
    la fiche de l’éditeur sur Blanc / Белое de Tatiana Daniliyants





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  • Nizâr Qabbânî, Notes dans le cahier de la défaite (extraits)




    Syria_in_ruins_02
    Source






    NOTES DANS LE CAHIER DE LA DÉFAITE *



    1


    Amis, je vous annonce la mort de la vieille langue,
    des vieux livres.
    Je vous annonce la mort…
    de notre parole percée, aussi percée que vieille godasse…,
    celle des lexiques de la débauche, de la satire et de l’injure.
    Je vous annonce…, vous annonce
    la fin de la pensée qui a produit la défaite



    2


    Aigres les poèmes dans notre bouche,
    aigres les tresses des femmes,
    la nuit, les rideaux, nos lits,
    aigre ce qui nous attend…



    3


    Triste pays !
    Du poète que j’étais, Amour et Tendresse,
    tu as fait en un instant
    poète écrivant au couteau…



    […]



    Nizâr Qabbânî, Notes dans le cahier de la défaite in Ma vie avec la poésie (extraits) suivi de Notes dans le cahier de la défaite, Éditions Alidades, Collection Création, 74200 Thonon-les-Bains, 2015, page 31. Traduit de l’arabe (Syrie) par Claude Krul.




    _______________
    * « Hawâmich ‘alâ daftar an-naksa », tiré de Œuvres politiques («Al- a’mâl as-siyâssiya»), éditions Nizâr Qabbânî, Beyrouth, 1974, pp. 5-15.







    NIZÂR  QABBÂNÎ


    Nizar
    Source



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions Alidades)
    une fiche sur Ma vie avec la poésie (extraits) suivi de Notes dans le cahier de la défaite de Nizâr Qabbânî
    le site Nizâr Qabbânî
    → (sur le site des éditions Arfuyen)
    une fiche sur Nizâr Qabbânî [Kabbani]





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