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  • Pierre Dhainaut, Ici

    par Isabelle Lévesque

    Pierre Dhainaut, Ici, éditions Arfuyen,
    Collection Les Cahiers d’Arfuyen n° 247, 2021.



    Lecture d’Isabelle Lévesque



    L’ÂGE D’OR




    Pour leur titre, deux livres récents de Pierre Dhainaut se limitent à des adverbes courts, comme deux clefs d’un trousseau secret que le poète nous tend : Après et Ici, deux syllabes pour chacun, le temps puis le lieu. Si le premier dérogeait au « hic et nunc » habituel, le second s’affirme au présent. Adverbe déictique nous situant précisément à l’endroit d’où parle le poète, ce mot-palindrome se referme sur lui-même avec le double « i » que nous retrouverons dans les titres des trois premières parties du poème. Sans doute a-t-il également valeur temporelle : voici où nous en sommes, semble-t-il indiquer.

    Dès le poème liminaire, le « i » qui colore (de rouge, dirait Rimbaud ?) tout le livre, se mêle à l’« or », qui peut s’inverser, comme dans le premier mot :

    « Parole », « parole », au fond des corridors

    le mot se tarira et avec lui

    nous ignorons quoi […]. »

    Cet appel répété pose un leitmotiv du livre. Les éclairages différents posés sur un même mot, une même sonorité, les détachent d’une chaîne verbale anodine. Ils portent le souffle dont on sait qu’il est la condition de vie du poème et du poète pour Pierre Dhainaut. Si nous voulons suivre sa voix, nous devrons nous montrer fidèles à ces signes. Les noms qui se répètent ne sont pas les mêmes, en entrant dans le poème ils ouvrent à la métamorphose incessante ou à la perception nouvelle et entière de ce qui a été perdu « au fond des corridors ».

    La première section, « Sorties de nuits », nous confronte à des poèmes assez longs. Elle se fonde sur une exhortation : nulle échappée, « ici » constitue la seule réponse et le « tu » peut s’entendre comme la voix extérieure, impérieuse, d’un lieu, l’hôpital, autant que celle de l’adresse à soi-même. Le narrateur est d’abord enfermé, soumis même à des portes, que seuls d’autres peuvent ouvrir, sur une forme de vide ou de soin, « ces portes / sont innombrables1 ». On pense au labyrinthe, au lieu mythique et sans issue, dont chaque nouvelle piste provoque une erreur de parcours. De ce lieu, on pourrait ne pas sortir et les négations, qui enserrent les premiers vers du poème initial à l’entrée du livre, confirment que le sujet, dans son absence de maîtrise du chemin suivi, pourrait en rester prisonnier – comme de lui-même. Les noms accumulés (portes, ascenseurs, salles, inscriptions), par leur pluriel, vouent celui qui passe ici au destin naufrageur de libre arbitre. Or l’acceptation est nécessaire pour que se modifie la perspective :

    « T’aurait-on expliqué où l’on te mène,

    c’est le moment de te dire :

    ta place est ici. »

    L’adverbe « ici » sera répété trois fois en tête du poème suivant, tout comme Hamlet répond « Words, words, words. » à Polonius lui demandant ce qu’il lit, ou comme Paul Valéry qui s’exhorte dans « Palme » : « Patience, patience, / Patience dans l’azur ! / Chaque atome de silence / Est la chance d’un fruit mûr ! Viendra l’heureuse surprise2 ». C’est comme une réponse à un cheminement douloureux, comme la promesse d’un poème aussi.

    Cet « ici » s’oppose à « l’autre monde », celui d’au-delà la dernière porte, comme à celui du passé qui voudrait ressurgir.

    On sait que dans cet espace jamais circonscrit l’écho suit une route féconde :

    « Tiens-toi face à l’instant qui vient, qui se

    dérobe à chaque instant, et ce monde enfin,

    tu le nommeras d’ici. »

    Il se peut donc qu’un titre, sésame infini, coure dans le texte pour permettre l’écoute et délivrer celui qui le prononce des entraves de l’instant. La limite du mot, « ici », autant que celle de la forme du poème reproduisent autrement les contraintes de l’hôpital. Elles fondent une poétique fragile de l’instant. S’évanouit alors la force carcérale du lieu : « ici » recèle des secrets, que nous ne découvrirons pas, une promesse, accomplie par le poème. Cette foi, récemment malmenée (Après en témoigne), jamais ne s’ébranle. Elle naît plus forte d’avoir été bousculée par les épreuves et le long passage par l’hôpital. Elle ne cède pas, le poète garde comme un viatique la parole nue du premier jour – du premier poème. La négation transcende alors l’esquisse sombre du labyrinthe, elle est soulevée par les vers périphériques qui descellent, force du vent, la pierre d’une stèle : « le ciel ne fut jamais aussi gris » ; ce constat, entre l’adverbe initial et final du second poème, donne au verbe le futur de l’accomplissement – « tu le nommeras d’ici ».

    Cette re-naissance prend corps par « [d]es mains d’enfant » : imaginées, elles toucheraient la poitrine, avant l’éveil de la bouche. C’est encore par le corps meurtri que passent les sensations, elles se cristallisent dans la rencontre, le « nous » possible des visages que l’on aime ou ceux inconnus, croisés dans les couloirs, avant que ne se lèvent ces corps pour retrouver l’humanité vivante dont le poème porte trace. Un « mot » attendu, qui ne vient pas, et d’autres, lorsqu’il est trop tôt, le silence prépare leur venue.

    La première section d’Ici livre cette quête et signe une prise de conscience : lorsque le corps est entravé et menacé, le souffle attend son heure. L’alchimie du poème dépasse l’existence limitée, contrainte, de celui qui écrit.

    L’anaphore « On en arrive à ne plus », par cinq fois, ouvrant les poèmes de « Sorties de nuits », complétée par des infinitifs, fonctionne comme une prise d’impulsion. L’essor peut se fonder sur la répétition qui rejette un constat, la parole le conjure. « [L]e dehors est ici », les morts ne s’éloignent pas, leurs fantômes nous hantent « si on leur parle en amis ».

    Les quatrains de la seconde section, « Prises d’air », redistribuent les mots avec lesquels la première partie a renoué, ceux de la nuit aujourd’hui, ici, rassemblés à la manière légère de haïkus.

    « Donner encore

    quand on a tout donné,

    confiance au temps,

    confiance. »

    Ce quatrain commence et finit « Prises d’air », qui semble donc se refermer sur elle-même comme le fait le mot « ici », épousant le mouvement d’un temps cyclique, celui de l’Éternel Retour et du « fil des saisons » : d’où peut-être le terme « confiance » si attendu dans les parties précédentes. S’agit-il du retour à la mémoire d’un temps de rires et de « pure ivresse » ou juste d’un « rêve à l’intérieur de tous nos rêves » ?

    « […] Notre âge d’or,

    tout s’appelait alors par des noms d’arbres

    ou des prénoms d’enfants. »

    Les mots s’incarnent, l’équivalence établie (arbres / enfants) rend compte d’une alliance mémorielle entre deux instances réunies par les noms qui traversent le poème. « [P]artis » ou « abattus », les enfants comme les arbres, trouvent en le pronom « nous » la réactualisation nécessaire à l’existence de la parole pour « les aimer sans faille ». Le « oui » restauré en l’ « ici » n’est pas vain, la mémoire l’affirme. D’ailleurs, le nom précis des arbres, entre guillemets, entrent dans le texte « aiguisant l’ouïe comme au sein des légendes ». Entre le poème et le mythe, les frontières sont poreuses, trois noms suffisent (« aulnes », « peupliers », « platanes ») et une ronde pour restaurer l’équilibre de la quête que le poème engendre. Le monde est redécouvert, la parole simple et pure se contente d’abord d’énoncer le verbe, simple copule dont l’attribut essentiel compose l’arc-en-ciel de notre vie :

    « Elle est verte,

    elle est rousse, la mine

    du crayon,

    couleur des fougères. »

    Les temps de conjugaison se succèdent, se complètent : du présent au passé composé, en passant par le futur simple dont on attend la réalisation sereine. Ce qui est découvert relève du miracle :

    « On n’en a pas fini

    avec « murmure »,

    il a bien plus

    que deux syllabes. »

    Ce qui est écrit déborde ce qui est dit : le poème détient ce pouvoir dont il n’abuse pas. La leçon n’est pas attendue, elle touche la surprise du regard qui s’attarde autrement sur un nom. Or ces murs de confrontation du début du livre sont changés en lettres vivantes dans un autre mot dont on reconnaît les deux syllabes qui se répètent et le transforment (murmures). « Ici », « éphémères » peuvent se joindre et tisser l’instant de la renaissance : elle est consacrée par ces poèmes.

    « S’ils tiennent

    debout, ces murs,

    c’est grâce

    aux herbes folles. »

    Dans les vers courts, la confirmation modeste d’un constat, en une phrase dont le point atteste la vérité comme l’on ferait proverbes de ces énoncés libres. Certains, sans verbe, affirment l’absence de clôture :

    « Un seuil

    en chaque strophe

    accomplie, incomplète,

    retentissante. »

    Le vent, la flûte, l’or, où « [r]ien ne s’achève » : on pense à un autre titre de livre du poète, Pour voix et flûte3. Ici paradoxalement restaure un temps ouvert, « tout est là ».

    Pour constituer le « Polyptique de novembre », trois longs poèmes : « le ciel parmi les branches » intègre les « figures, silhouettes / d’arbres, de falaises, de châteaux ». On reconnaît un paysage que les souffles font naître puisqu’ils accompagnent le poème, « tout est lumière », en novembre ; nul paradoxe en cette affirmation que l’arc-en-ciel voisine. Voici le fil tenu, la transmission à un « tu » qui n’est plus le même. L’adresse claire en ces pages établit une relation que fonde le poème : elle permet de s’affranchir du temps et du mot « fin » car elle dessine un « nous », promis depuis le début du livre. Des sons s’appellent et se trouvent (morsures, serrures) comme deux êtres qui permettent la rencontre en résolvant le défi de la nuit ou du temps « en hommage à novembre ».

    Comme pour beaucoup de livres de Pierre Dhainaut, des notes en prose forment la dernière partie du volume. Elles sont ici modestement intitulées « À portée de poèmes ». Il s’agit d’une suite de réflexions, d’aphorismes et de poèmes en prose. La première note indique un retour à la source : « Si tu as la clé, tu n’ouvriras rien. » C’est dire l’importance pour le poème du secret qui ne peut être dévoilé. S’agit-il de « notre secret commun » caché dans les phrases interrogatives des poèmes ?

    Philippe Jaccottet affirmait clairement : « Je crois ceci : en fin de compte, la meilleure réponse qui ait été donnée à toutes les espèces de questions que nous ne cessons de nous poser, est l’absence de réponse du poème […], quelque poème long ou bref, ce poème ne serait-il à son tour qu’une question, la question même, peut-être, que je me posais. Pourquoi ? Parce que dans le poème la question est devenue chant et s’est enveloppée dans un ordre sans cesser d’être posée.4 »

    Pierre Dhainaut, à son tour, nous prévient : « N’attendons de réponse / qu’après avoir oublié la question. » L’imprévu, l’inattendu, motif fondateur, est associé au poème. Pour le vivre, pour écrire, nul ailleurs. Le poète espère « un mot seulement, le mot unique / inspirant les poèmes, qui semble / à leur portée, qui n’est jamais venu ».

    Vers le titre simple et décisif, restant « à portée des poèmes », nous revenons, il sera aussi notre dernier mot :

    Ici.




    Isabelle Lévesque
    D.R. Isabelle Lévesque
    pour Terres de femmes




    ___________________________
    1. Elles nous rappellent celles d’un livre tout récent : Une porte après l’autre, après l’autre (éditions Faï fioc, 2020).
    2. Paul Valéry, « Palme », Charmes (éditions Gallimard, 1926).
    3.Pierre Dhainaut, Pour voix et flûte (éditions Æncrages & Co, 2020).
    4. Philippe Jaccottet, « Poursuite », Éléments d’un songe (éditions Gallimard, 1961).







    Pierre Dhainaut  Ici




    PIERRE  DHAINAUT

    Pierre dhainaut profil 3





    ■ Pierre Dhainaut
    sur Terres de femmes


    [Que respirent avant tout les mots] (poème extrait d’Ici)
    Après (lecture de Sylvie Fabre G.)
    Après (lecture d’Isabelle Lévesque)
    Voir de face (poème extrait d’Après)
    [Ne nous en prenons pas à l’invisible] (poème extrait d’État présent du peut-être)
    [Sortir sous l’averse] (poème extrait d’Et même le versant nord)
    Pour voix et flûte (lecture de Sabine Dewulf)
    D’abord et toujours, 4 (poème extrait de Pour voix et flûte)
    [Ce qu’est devenue la couleur] (poème extrait de Progrès d’une éclaircie)
    [Dès le seuil remercie] (poème extrait de Voix entre voix)
    Horizons, fontanelles… (poème extrait de Vocation de l’esquisse)
    [Nous étions seuls, de trop, dans nos miroirs] (poème extrait de De jour comme de nuit)
    [Orage, tempête, séisme] (poème extrait de La Nuit, la nuit entière)
    Passerelles
    Printemps dédié (poème extrait de L’Autre Nom du vent)
    Progrès d’une éclaircie suivi de Largesses de l’air (lecture d’Isabelle Lévesque)
    [Soudain la tête se redresse] (autre poème extrait de La Nuit, la nuit entière)
    [Où que tu ailles] (poème extrait de Rudiments de lumière)
    Rituel d’adoration (poème extrait de Transferts de souffles)
    Vocation de l’esquisse (lecture d’Isabelle Lévesque)
    Voix entre voix (lecture d’Isabelle Lévesque)
    Pierre Dhainaut | Caroline François-Rubino, Paysage de genèse, 10
    Pierre Dhainaut | Caroline François-Rubino | [Laissons les mots sourdre d’eux-mêmes] (autre extrait de Paysage de genèse)
    Pierre Dhainaut | Isabelle Lévesque | L’origine de l’écriture | [Si léger… tu cours] (extraits de La Grande Année)
    Pierre Dhainaut | Isabelle Lévesque, La Grande Année (lecture d’AP)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions Arfuyen)
    une page consacrée à Pierre Dhainaut




    ■ Autres notes de lecture (54) d’Isabelle Lévesque
    sur Terres de femmes


    Max Alhau, Les Mots en blanc
    Marie Alloy, Cette lumière qui peint le monde
    Gabrielle Althen, Soleil patient
    Françoise Ascal, Noir-racine précédé de Le Fil de l’oubli
    Edith Azam, Décembre m’a ciguë
    Gérard Bayo, Jours d’Excideuil
    Mathieu Bénézet, Premier crayon
    Véronique Bergen, Hélène Cixous, La langue plus-que-vive
    Claudine Bohi, Mère la seule
    Paul de Brancion, Qui s’oppose à l’Angkar est un cadavre
    Laure Cambau, Ma peau ne protège que vous
    Valérie Canat de Chizy, Je murmure au lilas (que j’aime)
    Fabrice Caravaca, La Falaise
    Jean-Pierre Chambon, Zélia
    Françoise Clédat, A ore, Oradour
    Colette Deblé, La même aussi
    Loïc Demey, Je, d’un accident ou d’amour
    Sabine Dewulf, Et je suis sur la terre
    Pierre Dhainaut, Après
    Pierre Dhainaut, Progrès d’une éclaircie suivi de Largesses de l’air
    Pierre Dhainaut, Vocation de l’esquisse
    Pierre Dhainaut, Voix entre voix
    Armand Dupuy, Mieux taire
    Armand Dupuy, Présent faible
    Estelle Fenzy, Rouge vive
    Bruno Fern, reverbs    phrases simples
    Élie-Charles Flamand, Braise de l’unité
    Aurélie Foglia, Gens de peine
    Philippe Fumery, La Vallée des Ammeln
    Laure Gauthier, kaspar de pierre
    Raphaële George, Double intérieur
    Jean-Louis Giovannoni, Issue de retour
    Cécile Guivarch, Sans Abuelo Petite
    Cécile A. Holdban, Poèmes d’après suivi de La Route de sel
    Sabine Huynh, Les Colibris à reculons
    Sabine Huynh, Kvar lo
    Lionel Jung-Allégret, Derrière la porte ouverte
    Mélanie Leblanc, Des falaises
    Gérard Macé, Homère au royaume des morts a les yeux ouverts
    Béatrice Marchal, Au pied de la cascade
    Béatrice Marchal, Un jour enfin l’accès suivi de Progression jusqu’au cœur
    Jean-François Mathé, Retenu par ce qui s’en va
    Dominique Maurizi, Fly
    Dominique Maurizi, La Lumière imaginée
    Emmanuel Merle, Dernières paroles de Perceval
    Nathalie Michel, Veille
    Isabelle Monnin, Les Gens dans l’enveloppe
    Jacques Moulin, L’Épine blanche
    Cécile Oumhani, La Nudité des pierres
    Emmanuelle Pagano, Nouons-nous
    Hervé Planquois, Ô futur
    Sofia Queiros, Normale saisonnière
    Jacques Roman, Proférations
    Pauline Von Aesch, Nu compris





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  • Yves Namur, Dis-moi quelque chose, « Le Printemps »



    Collage pour Yves Namur
    Photocollage, G.AdC









    DIS-MOI QUELQUE CHOSE, « LE PRINTEMPS »
    (extraits)




    Dis-moi quelque chose
    Qui se tiendrait à côté de nos hésitations

    Inonderait ponts et chaussées
    Percerait de part en part le vide
    La voie lactée

    Et ta bouche déchirée


    Avec Israël Eliraz






    Dis-moi quelque chose
    Que je l’assoie maintenant sur le seuil

    Là-même
    Où le temps s’est posé
    Entre la vie les grains de blé

    Et les soupirs d’une inconnue





    […]






    Dis-moi quelque chose
    Qui réveille la ruche obscure

    Entrouvre portes et fenêtres
    Et lance soudain une flèche
    Vers le ciel

    Et ses amours bourdonnantes





    Dis-moi quelque chose
    Qui ne soit pas simplement

    Une bouche de fumée
    De terre oubliée et amère
    Qui soit un peu de lumière

    Malgré tout


    Avec Paul Celan




    Yves Namur, « Le Printemps », 65, 66, 69, 70, Dis-moi quelque chose, éditions Arfuyen, collection Les Cahiers d’Arfuyen, volume 248, 2021, pp. 81, 82, 85, 86.






    Yves Namur  Dis-moi quelque chose 2




    YVES NAMUR


    YVES NAMUR (1)
    Source




    ■ Yves Namur
    sur Terres de femmes


    [Aujourd’hui j’ouvre des livres] (extrait de Ce que j’ai peut-être fait)
    Les Lèvres et la Soif (lecture de Marie-Hélène Prouteau)
    [un oiseau s’est posé aujourd’hui sur tes lèvres] (extrait des Lèvres et la Soif)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions Arfuyen)
    la page de l’éditeur sur Dis-moi quelque chose d’Yves Namur
    → (sur le site de l’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique) une notice bio-bibliographique sur Yves Namur





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  • Pierre Dhainaut | [Que respirent avant tout les mots]



    DHAINAUT FENÊTRE
    Ph., G.AdC


    [QUE RESPIRENT AVANT TOUT LES MOTS]





    Que respirent
    avant tout les mots,
    ensuite
    ce sera notre tour.



    On égare une clé,
    les noms restent,
    des amis
    que l’on croit disparus.



    On n’en a pas fini
    avec « murmure »,
    il a bien plus
    que deux syllabes.



    Avec les ondes
    dès leur naissance
    apprendre
    à renaître éphémères.



    Libres, les enfants
    font mieux
    que nous rendre
    visite.



    S’ils tiennent
    debout, ces murs,
    c’est grâce
    aux herbes folles.



    Sonorités
    qui ne se fécondent
    que si l’on tient compte
    des intervalles.



    Elle résonne
    toute l’année, la sève,
    l’épaule
    en est certaine.



    Le front sans rides,
    l’averse est nue,
    les fenêtres
    sont ouvertes.





    Pierre Dhainaut, « Prises d’air », Ici, éditions Arfuyen, Collection Les Cahiers d’Arfuyen n° 247, 2021, pp. 46-48.






    Pierre Dhainaut  Ici




    PIERRE  DHAINAUT

    Pierre dhainaut profil 3





    ■ Pierre Dhainaut
    sur Terres de femmes


    Ici (lecture d’Isabelle Lévesque)
    Après (lecture de Sylvie Fabre G.)
    Après (lecture d’Isabelle Lévesque)
    Voir de face (poème extrait d’Après)
    [Ne nous en prenons pas à l’invisible] (poème extrait d’État présent du peut-être)
    [Sortir sous l’averse] (poème extrait d’Et même le versant nord)
    Pour voix et flûte (lecture de Sabine Dewulf)
    D’abord et toujours, 4 (poème extrait de Pour voix et flûte)
    [Ce qu’est devenue la couleur] (poème extrait de Progrès d’une éclaircie)
    [Dès le seuil remercie] (poème extrait de Voix entre voix)
    Horizons, fontanelles… (poème extrait de Vocation de l’esquisse)
    [Nous étions seuls, de trop, dans nos miroirs] (poème extrait de De jour comme de nuit)
    [Orage, tempête, séisme] (poème extrait de La Nuit, la nuit entière)
    Passerelles
    Printemps dédié (poème extrait de L’Autre Nom du vent)
    Progrès d’une éclaircie suivi de Largesses de l’air (lecture d’Isabelle Lévesque)
    [Soudain la tête se redresse] (autre poème extrait de La Nuit, la nuit entière)
    [Où que tu ailles] (poème extrait de Rudiments de lumière)
    Rituel d’adoration (poème extrait de Transferts de souffles)
    Vocation de l’esquisse (lecture d’Isabelle Lévesque)
    Voix entre voix (lecture d’Isabelle Lévesque)
    Pierre Dhainaut | Caroline François-Rubino, Paysage de genèse, 10
    Pierre Dhainaut | Caroline François-Rubino | [Laissons les mots sourdre d’eux-mêmes] (autre extrait de Paysage de genèse)
    Pierre Dhainaut | Isabelle Lévesque | L’origine de l’écriture | [Si léger… tu cours] (extraits de La Grande Année)
    Pierre Dhainaut | Isabelle Lévesque, La Grande Année (lecture d’AP)




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions Arfuyen)
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  • Alda Merini, La Folle de la porte à côté

    par Angèle Paoli

    Alda Merini, La Folle de la porte à côté
    (La pazza della porta accanto, Bompiani, 1995),
    suivi de La poussière qui fait voler,
    conversation avec Alda Merini,
    éditions Arfuyen, Collection « Les Vies imaginaires », 2020.
    Traduit de l’italien par Monique Baccelli. Préface de Gérard Pfister.



    Lecture d’Angèle Paoli


    Alda Merini  portrait Guidu
    Image, G.AdC







    « LA GRANDE OBSESSION DES MOTS »





    « J’ai toujours écrit dans un état somnambulique », affirme Alda Merini dans La Folle de la porte à côté. Entre éveil et sommeil ? Sous l’emprise des drogues ? Ou de la douleur ? Sans doute. Mais peut-être aussi sous l’emprise d’un état inné d’exaltation permanent. La parole d’Alda Merini, ombrée par les volutes de fumée de ses cigarettes Marlboro, est celle d’une pythie.

    Foncièrement rebelle, contradictoire, survoltée, oscillant entre l’appel de la vie conventuelle et les fulgurances amoureuses, la poète milanaise proclame haut et fort ce qui lui tient à cœur et ce qu’elle pense. Cruelle, violente, passionnée, l’infatigable Alda Merini s’insurge. Contre la misère, contre la folie, la sienne et celle des autres, contre les convenances et les paillettes imposées par une société qui refuse les antagonismes, qui impose à chacun des voies uniques, des surfaces lisses et planes. Des itinéraires dont la Merini n’a que faire et auxquels elle ne se plie pas. Dans le récit intime qu’elle livre en 1995 — La pazza della porta accanto, Bompiani, Milan (La Folle de la porte à côté) — l’effrontée de soixante-quatre ans présente d’elle un portrait lucide, authentique, dérangeant. Émouvant et drôle. Plein d’humour et d’invectives ! Celui d’une femme débordante. Au physique et au moral. Une femme hors norme. Alda Merini est insaisissable. Insaisissable le personnage qui s’émeut, se défend, accuse, s’insurge. Insaisissable aussi l’écriture, qui demeure souvent énigmatique et échappe à une classification immédiate. Ainsi la poète se tient-elle à l’écart de toute tentative d’enfermement. « Je ne suis pas une femme domesticable », écrit-elle dans Aphorismes et magies. Il est certes possible de tracer à la volée quelques traits dominants. Innombrables et tourmentées, les amours d’Alda Merini firent couler beaucoup d’encre ; la naissance des quatre filles, suivie de l’expérience douloureuse de l’arrachement des deux dernières, Barbara et Simona ; la folie et les séjours répétés en hôpital psychiatrique. La torture de l’internement, électrochocs et hystérectomie. La douleur. De cette expérience « infernale, humaine et déshumanisante » naîtront les quarante poèmes de La Terra Santa, œuvre majeure d’Alda Merini, publiée chez Scheiwiller en 1984. Ainsi la poète écrit-elle, dans le poème qui donne son titre au recueil, ces vers terribles et tellement puissants [Ho conosciuto Gerico]&nbsp:

    « J’ai connu Jéricho,

    j’ai eu moi aussi ma Palestine,

    les murs de l’hôpital psychiatrique

    étaient les murs de Jéricho

    et une mare d’eau infectée

    nous a tous baptisés.

    Là-dedans nous étions Hébreux

    et les Pharisiens étaient tout en haut

    et il y avait aussi le Messie

    perdu au milieu de la foule :

    un fou qui hurlait au Ciel

    tout son amour en Dieu. » *

    Et pourtant, paradoxalement, Alda Merini affirme que « la folie est l’une des choses les plus sacrées qui existent sur terre. » Un paradoxe qui prend tout son sens à la lumière de l’explication qu’elle donne.

    « C’est un parcours de souffrance purificatrice, une souffrance comme quintessence de la logique. »

    La Folle de la porte à côté se déploie sur quatre chapitres d’une prose éblouissante : L’amour/La séquestration/La famille/La douleur. Chacun de ces chapitres est introduit par un poème en lien étroit avec la thématique abordée. À quoi vient s’ajouter une « Conversation avec Alda Merini », « La poussière qui fait voler ». C’est sur cette image inattendue, si belle et si émouvante, que se clôt la confession non impudique et magnifique de la poète :

    « Je ne sais pas si le papillon a des ailes, mais c’est la poussière qui le fait voler.

    Tout homme a les petites poussières de son passé, qu’il doit sentir sur lui et qu’il ne doit pas perdre. Elles sont son chemin. »

    Cigarette à la bouche, bouteilles de Coca-Cola à portée de main, Alda Merini préside. Dans son appartement milanais du Naviglio Grande où règne un désordre indescriptible et où s’amoncellent en piles instables livres et documents, elle reçoit. Journalistes, éditeurs, amis, poètes. Couverte de bijoux et colifichets, colliers de perles en sautoir, bagues énormes aux doigts et ongles peints, œil pétillant et langue acérée, elle reçoit. Pose nue, poitrine abondante et ventre rebondi, elle reçoit et se livre. Odalisque au regard de braise. Provocatrice et tendre. Elle évoque, intarissable, ses deux maris, celui de sa jeunesse, Ettore Carniti, père de ses filles et boulanger de son état ; celui de sa maturité, Michele Pierri, médecin et poète de Tarente qu’elle épouse en 1984. Elle évoque ses chers amants, tous plus beaux et plus fous les uns que les autres. L’étrange Titano, clochard vagabond, « grand personnage du Naviglio » qui suivait la poète dans ses « longues et complexes pérégrinations mentales ». Le père Richard, « impérieux, jeune, agressif et superbe », qu’Alda Merini aime d’un amour absolu. Alberto Casiraghi, éditeur des Aforismi (« Aphorismes ») de Merini ; et le grand-prêtre de la nouvelle avant-garde Giorgio Manganelli. Pour ne citer que quelques noms. Évoquant sa relation avec Manganelli, Alda Merini écrit :

    « Tous deux spécialistes du Trecento, et tous deux ardents dans la passion comme dans l’existence, nous avons toujours poussé à l’extrême notre amitié. Jusqu’à la faire devenir comme le chant de la neige. Un élément d’une élection visionnaire qui aurait fait envie à Gabriele D’Annunzio. »

    Ardente, Alda Merini l’est en toutes circonstances et dans tous les domaines. Y compris dans celui de sa folie. Elle est du côté des extrêmes. Troubles bipolaires ? Schizophrénie ? Alda Merini se définit comme telle. Ainsi explique-t-elle sa double personnalité antithétique :

    « Il y a en moi l’âme de la putain et de la sainte.

    Parce que je peux changer quand je veux et, comme une schizophrène, je peux aller me promener, dormir, faire mes courses comme si tout était normal. Il m’est facile de tromper mon prochain.

    Le fait d’être une histrionne est aussi un élément positif, car, derrière le masque aux mille apparences, il y a un inconnu qui ne veut pas être reconnu. »

    Troubles de la personnalité et dédoublements ? Alda Merini semble être à elle-même son propre bourreau comme en témoignent ces lignes extraites d’une lettre qu’elle adresse à l’éditeur Armando Curcio :

    « La fièvre. J’ai eu de très fortes températures que je n’ai jamais prises, mais c’était davantage une grande rébellion, et avant tout une conspiration contre moi seule, très ardente, contre l’unique barreau du souvenir. J’ai beaucoup aimé ce barreau, tu sais, et il m’a semblé la puissante tige d’une fleur. »

    Dans la même lettre, elle se dit prisonnière « de la folle de la porte à côté. » Est-ce d’elle qu’elle parle ? Est-ce d’une voisine ? D’une autre ? Le fou est toujours l’autre. Mais pour les autres, pour les habitants du Naviglio, pour ceux qui la croisent dans la rue, l’observent, la lisent, l’écoutent, la folle, c’est bien elle. Il lui arrive de lancer à ceux qui la reconnaissent :

    « Alda Merini, ce n’est pas moi, je suis son sosie ».

    Ailleurs, elle se défend en se définissant comme « normale ». La clochardise était un choix de Titano. Le sien était la folie. La folie est son piège, sa cage, son labyrinthe cerné de murs. Et c’est du Naviglio, ce quartier de Milan hanté par la drogue, où Alda Merini a choisi de « poser » ses « ailes fatiguées », qu’émane la « calomnie » de sa folie.

    La Folle de la porte à côté est son double métaphorique, comme l’est aussi le concierge de son immeuble qui lui cause « d’effroyables insomnies ». Personnage inquiétant mais bien réel, il a pris une signification secrète dans l’esprit d’Alda Merini.

    « C’était moi, mon moi le plus obscur. Une figure magique, jamais identifiable parce qu’elle était la peur même. La peur de l’injustice, de l’hôpital psychiatrique, de la misère. »

    Dans cette narration qui tient de la confession – publique/privée —, le flux de la parole se libère. Chaque page rend compte de cet état de transe permanent.

    Ainsi de ce paragraphe emprunté à la section « Séquestration » :

    « Je commence à comprendre qu’il y a eu un malentendu ; je n’étais pas poète, j’ai dû être un grand fakir, un sage. J’ai supporté des choses ignobles sans piper, en cherchant les raisons du mal. J’ai compris que le mal n’existe pas, comme le bien n’existe pas. C’est alors que je suis devenue nihiliste : le matin je prends ma tension, je me tâte le pouls et je me demande combien il me reste d’heures avant de monter sur cet échafaud qu’est la vie. J’offre ma tête à mes éditeurs pour qu’ils me laissent tranquille encore une fois.»

    Et l’écriture ? Et la poésie ? Elles ont à voir avec la passion amoureuse. Ainsi de sa passion amoureuse pour le père Richard (« un prêtre qui avait touché les cordes de [s]on âme »), Alda Merini confie-t-elle :

    « C’était l’une de ces passions qui déchirent, avec la peau écorchée qui vous tombe du corps, mais des passions qui font écrire. »

    La passion de l’écriture et des poèmes a elle-même très tôt commencé pour Alda Merini. La violence de son père, Nemo Merini, envers sa fille, déchirant sous ses yeux la critique élogieuse du critique Spagnoletti, aurait pu briser dans l’œuf l’élan créatif de la jeune fille. Le père a sans doute été un premier obstacle. Qu’Alda Merini a surmonté, mettant le geste paternel sur le compte du bon sens. Il y eut sans doute beaucoup d’autres obstacles. Devant lesquels elle ne recula pas. Car « pour le poète les obstacles sont inévitables, cette grande obsession des mots est devenue un chemin. » Comme l’amour et comme la folie :

    « Tu ne sais pas combien de fois je baise les grilles de ma maison qui ne s’ouvrent que si j’appelle à l’interphone la folle de la porte à côté. Et elle me laisse dehors comme une mendiante. Mais moi je sers sa nudité, son avarice et son évangile assassin. » (Incipit de La Folle de la porte à côté).



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli



    _________________
    * Alda Merini, La Terra Santa, Oxybia éditions, 2013, page 91. Traduction française de Patricia Dao.






    Alda Merini  La Folle de la porte à côté




    ALDA MERINI


    Alda Merini portrait 1 couleur
    Source





    ■ Alda Merini
    sur Terres de femmes


    [È un petalo la tua memoria] (extrait de La Folle de la porte à côté)
    Après tout même toi | Dopo tutto anche tu
    Ma poésie est vive comme le feu
    Mare
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    Il mio primo trafugamento di madre




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions Arfuyen)
    la fiche de l’éditeur sur La Folle de la porte à côté d’Alda Merini
    le site officiel Alda Merini, créé par les quatre filles d’Alda Merini
    → (sur Fine Stagione)
    plusieurs poèmes d’Alda Merini (avec leur traduction en français)





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  • Alda Merini | [È un petalo la tua memoria]


    Alda Merini  portrait Guidu
    Image, G.AdC







    [È UN PETALO LA TUA MEMORIA]



    È un petalo la tua memoria
    che si adagia sul cuore,
    e lo sconvolge.
    Addio, come ogni sera,
    oltre le fratture c’è un cadavere
    eretto di discorso,
    sembra un frammento di un’eutanasia
    ma tu mi uccidi come sempre, amore,
    e riapri i miei eterni giacimenti.
    I sepolcri del Foscolo, gli addii
    di certe mani che non sono sepolte
    ed emergono futili dal nulla
    a chiedere giustizia di parole.







    [TON SOUVENIR EST UN PÉTALE]



    Ton souvenir est un pétale
    qui se couche sur mon cœur
    et le ravage.
    Adieu, comme chaque soir,
    au-delà des fractures il y a un cadavre
    érigé de parole,
    on dirait le fragment d’une euthanasie,
    mais tu me tues comme toujours, amour,
    et tu rouvres mes éternels gisements.
    Les sépulcres de Foscolo, les adieux
    de certaines mains qui ne sont pas ensevelies
    et émergent futilement du néant
    pour demander justice aux mots.




    Alda Merini, « L’amore | L’amour », La Folle de la porte à côté [La pazza della porta accanto, Bompiani, Milano, 1995 ; rééd. 2019], suivi de La poussière qui fait voler, conversation avec Alda Merini, éditions Arfuyen, Collection « Les vies imaginaires », 2020, pp. 24-25. Traduit de l’italien par Monique Baccelli. Préface de Gérard Pfister.






    Alda Merini  La Folle de la porte à côté




    ALDA MERINI


    Alda Merini portrait 1 couleur
    Source





    ■ Alda Merini
    sur Terres de femmes


    La Folle de la porte à côté (lecture d’AP)
    Après tout même toi | Dopo tutto anche tu
    Ma poésie est vive comme le feu
    Mare
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    Il mio primo trafugamento di madre




    ■ Voir aussi ▼


    le site officiel Alda Merini, créé par les quatre filles d’Alda Merini
    → (sur Fine Stagione)
    plusieurs poèmes d’Alda Merini (avec leur traduction en français)





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  • Marie-Claire Bancquart | [Ces gants anciens]


    [CES GANTS ANCIENS]



    Ces gants anciens sentent l’iris
    et la prière
    d’une jeune femme à qui Dieu indiffère
    mais non pas le jour qui verrait le calme entrer
    dans son cœur.

    Dieu, cet inconnu,
    pourrait être l’arbre du jardin
    ou tel nuage
    traversé d’oiseaux.

    Mais Dieu
    n’est-il pas le nom le plus connu, le plus probable,
    donné à nos désirs ?




    Marie-Claire Bancquart, De l’improbable, précédé de Mo(r)t, éditions Arfuyen, collection Les Cahiers d’Arfuyen, volume 242, 2020, page 38. Postface d’Aude Préta-de Beaufort.





    Bancquart  improbable





    MARIE-CLAIRE BANCQUART


    Marie-Claire Bancquart
    Image, G.AdC





    ■ Marie-Claire Bancquart
    sur Terres de femmes


    Intervalle (extrait d’Avec la mort, quartier d’orange entre les dents)
    Buis
    Liturgique (poème extrait de Dans le feuilletage de la terre)
    Ressac (autre poème extrait de Dans le feuilletage de la terre)
    [Habiter l’herbe et le trèfle] (poème extrait de Figures de la Terre)
    Figures de la Terre (lecture d’AP)
    Impostures (lecture d’AP)
    [Comment vivre dans une maison sans jardin] (extrait de Qui vient de loin)
    [Qu’avez-vous fait] (extrait de Terre énergumène)
    [Il y a du jeu] (poème extrait de Tracé du vivant)
    [Une ville aimée luit et crie] (autre poème extrait de Tracé du vivant)
    [Toi, l’herbe] (poème extrait de Violente vie)
    Violente vie (lecture d’AP)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    En Angleterre
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    le Portrait de Marie-Claire Bancquart (+ un poème issu du recueil La Mort, quartier d’orange entre les dents)



    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions Arfuyen)
    la page de l’éditeur sur De l’improbable de Marie-Claire Bancquart
    le site personnel de Marie-Claire Bancquart
    → (sur La Pierre et le Sel)
    Marie-Claire Bancquart, vers une incertitude sereine, par Roselyne Fritel






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  • Claude Vigée | L’amandier sous la lune



    L’AMANDIER SOUS LA LUNE




    La semence nocturne a mûri dans ma tête,
    dans mon nom j’ai scellé l’inconnu sans visage.
    Croyant saisir le fruit, l’insecte, l’arc-en-ciel,
    et sucer dans le roc l’huile vierge ou le miel,
    j’ai glissé vers la nuit sur le miroir des sons :
    l’écureuil encagé tourne seul sur sa roue,
    au fond du puits rit le silence
    où l’abîme s’ébroue.




    Sur l’infime épaisseur des mots nous patinons
    à reculons depuis l’enfance ;
    nous chantons, nous dansons
    vers l’infini sans regard et sans nom.
    À peine un éclair sur la glace,
    dans une poésie est inscrite la trace
    de l’oiseau qui raya la fragile surface.




    Germant au cœur vieilli de la terre mortelle,
    clarté de la mi-nuit, rends mon âme nouvelle !
    Sorti vainqueur du temps avant d’être créé,
    à soixante-dix ans je commence ma vie :
    l’air de Jérusalem est doux à la mémoire,
    je m’y sens plus léger qu’un poulain nouveau-né.
    Si j’ai les cheveux blancs, c’est qu’ils sont pleins d’étoiles,
    la musique est joyeuse encore à l’approche de l’ombre.
    Ivre de refleurir au plus noir de l’hiver,
    l’amandier sous la lune écoute l’invisible
    rouge-gorge caché sous le buisson de givre.




    Claude Vigée, Apprendre la nuit, éditions Arfuyen, 1991, pp. 23-25.





    Claude Vigée  Apprendre la nuit




    CLAUDE VIGÉE


    Claude Vigée 2
    Source




    ■ Claude Vigée
    sur Terres de femmes


    Soufflenheim (extrait de Pâque de la parole)
    Rien n’est jamais perdu (extrait de Poèmes de l’Été indien)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur Esprits Nomades)
    une page sur Claude Vigée
    un site sur Claude Vigée





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  • Michèle Finck, Sur un piano de paille

    par Angèle Paoli

    Michèle Finck, Sur un piano de paille,
    éditions Arfuyen, Collection Les Cahiers d’Arfuyen,
    volume 243, 2020.



    Lecture d’Angèle Paoli



    PIANO
    Image, G.AdC
    « Poésie et musique     là où neige     un peu de paille. »









    V[ARIA]TIONS COMME ESSENCE DU POÉTIQUE




    Les ouvrages de Michèle Finck, qu’il s’agisse d’essais, de recueils de poésie ou de livres d’artistes, ont tous un lien étroit — intimement vécu, dans les profondeurs de la chair — avec la musique. Récemment paru aux éditions Arfuyen, le dernier recueil, Sur un piano de paille, sous-titré Variations Goldberg avec cri, s’inscrit dans la lignée des précédents ouvrages et prolonge cette lignée, représentée par L’Ouïe éblouie, Balbuciendo, La Troisième Main, Connaissance par les larmes…

    Ainsi, dès la lecture du titre et du sous-titre, ce dernier opus de la poète strasbourgeoise met-il d’emblée le lecteur sur la bonne voie et l’oriente, implicitement et exclusivement, vers un compositeur privilégié et de prédilection : Jean-Sébastien Bach. À qui nous devons les Variations Goldberg. Pourquoi Bach ? Sans doute parce que, comme l’écrit Joseph Brodski, cité en exergue :

    « Dans chaque musique

    Bach

    Dans chaque homme

    Dieu ».

    Dès la première de couverture, deux détails, voire trois, de l’illustration mettent en éveil l’attention du lecteur : colorée et dansante mais abstraite, cette illustration fait songer à des volutes et spirales de parfums ou fumées. Mais c’est en réalité une macrophotographie d’un détail du piano de Michèle Finck peint en 1994 par Laury Aime (Laurie Granier). L’expression « piano de paille », qui revient régulièrement par la suite sous la plume de la poète, demeure mystérieuse. Même si le lecteur comprend très vite qu’il s’agit du « piano d’enfant » de Michèle Finck. Piano d’enfant dont les résonances et les harmoniques ne cessent de poursuivre l’adulte :

    « J’entendais, dans tes images, le piano de paille, Peter Pan. » (in Variation 13)

    L’autre détail (qui s’avère ne pas en être un), c’est la mention du « cri » dans l’intitulé du sous-titre : « avec cri ».

    Aux trente variations qui composent le recueil correspondent en effet trente cris. Chaque cri est ainsi en contrepoint d’une variation spécifique. Depuis Variation 1/Cri 1 à Variation 30/Cri 30. Ce qu’entérine la « table » en fin de volume.

    Ces trente variations, poétiques et musicales, sont en phase avec la structure musicale créée par Jean-Sébastien Bach pour les Variations Goldberg. Introduites par une Aria, elles se clôturent par la répétition de cette même Aria. Aria Da Capo. De sorte qu’au texte d’incipit répond en miroir le texte d’excipit. Les indices textuels – « Pierre pour un tombeau » pour le titre ; « À Yves Bonnefoy » pour la dédicace ; (Hôpital Cochin, 26 mai 2016) pour le lieu et la date – laissent à penser que ce recueil a été en grande partie inspiré par la vie du poète Yves Bonnefoy. Comment ne pas signaler par ailleurs, pour parachever cette approche para-textuelle, la traversée verticale du poème par ces trois mots écrits en caractères gras : La / Caresse / Sait ?

    Le motif vertical de la « caresse » revient bien dans chaque « variation », constituant avec les mots qui l’accompagnent et jouant avec la place qu’ils occupent, une véritable broderie, une variation au sein même de la variation. Par-delà ces premières observations, une question se pose. Quels liens la poète tisse-t-elle donc entre Bach et Bonnefoy ? Entre musique et poésie ? Entre vie et mort ? L’enjeu de cet ouvrage passionnant semble être de mettre en œuvre une réflexion très aboutie sur l’écriture contrapuntique, et de conjuguer de manière très élaborée les différentes composantes des thèmes, rythmes et formes. Pour autant, la composition exemplaire du recueil n’apparaît en rien comme une contrainte. L’alternance prose et poésie, l’air de liberté et la liberté de(s) ton(s) qui se dégagent des textes, vont de pair avec inventivité, émotion et beauté.

    En atteste, par exemple, la beauté qui déroule son chant dans les cinq strophes de « La Mer devant Soi » de la Variation 11. Comme dans les autres Variations, le poème est traversé verticalement par deux mots en gras qui encadrent chaque strophe ! Une… Caresse / Et… La / Mer… coule / En… Nous.

    Ou encore, comme dans une sextine, construite sur le retour de certains vers repris en écho à divers endroits d’un sizain, les strophes de ce poème sont construites sur la reprise de quatre vers :

    « La vie est     une histoire de caresses     entre somnambules.

    Racontée     par qui joue à chat perché     avec la mort.

    Et c’est soudain la nuit.

    […]

    La mer     a une rumeur     de piano de paille. »

    L’ordre des vers varie d’une strophe à l’autre. Une façon pour la poète de jouer à la fois sur le semblable et sur le différent. Les mots mort / mot / caresse / rumeur / histoire / mer reviennent tour à tour dans l’espace des cinq strophes. Ces disséminations renforcent l’impression de flux et de reflux créée par la répétition des quatre vers. Le lecteur, provisoirement égaré, se laisse rouler/enrouler dans les spirales du chant des sirènes.

    Retour sur l’Aria. Une lecture attentive de l’incipit de l’Aria met en évidence trois instants. Séparation/réparation/obstination. Celui de la séparation, ici la séparation définitive qu’est la mort, draine à sa suite son lot de souffrances et d’incompréhension :

    « La douleur    devant soi    comme une question. »

    Douleur du mourant ; douleur du vivant. De la douleur du mourant vient la première ébauche de « réparation ». Celle que ses lèvres versent en un murmure caressant :

    « J’accepte »     dit-il     « je consens. »

    Douleur du vivant « réparée » par la musique de Bach. Le compositeur volant au secours de la poète lorsqu’elle chavire envahie par l’angoisse, la détresse ou la douleur, et glissant sa caresse dans l’oreille de la musicienne :

    « Pourquoi est-ce que j’écoute     dans ses yeux d’outre-enfance

    L’Aria des Variations Goldberg par Glenn Gould ? »

    Voici donc établi comme un lien charnel entre musique et poésie :

    « Piano :     où musique     est enceinte     de poésie ? »

    Un lien entre les Variations Goldberg interprétées par Glenn Gould (le Gould de 1981) et le poète Yves Bonnefoy.

    Michèle Finck noue intimement ce lien dans l’acrostiche qu’elle insère dans ce poème :

    « Y ruissellent     comme dans le bleu regard du poète     au

    Visage si doux     des caresses d’eau de source     ou de mer :

    Eau baptismale     qui enlève une à une     les peaux mortes

    Sanglantes de la langue     pour donner naissance     à la parole. »

    Séparation/Réparation. D’un mot à l’autre, seule une syllabe fait la différence. La douceur des mots du mourant, la caresse de son regard suscitent les caresses de la poète au chevet du mourant. L’histoire du trèfle à trois feuilles, que narre Yves Bonnefoy dans L’Écharpe rouge, conduit Michèle Finck à se remémorer cette phrase du poète :

    « J’aurais voulu     vous apporter     un trèfle à trois feuilles

    Avec une quatrième     collée à l’aide de la salive « dis-je ». »

    Musique et poésie s’apparient pour rendre espoir à l’un et à l’autre. Peut alors advenir « l’obstination », « combinaison de la patience, de l’endurance, de l’insistance et de la résistance… »

    « « Tant qu’il te reste encore     une caresse     à donner

    À recevoir     tu n’es pas perdue »    dit la basse obstinée

    Tandis que     je caresse de la main     la main du mourant. »

    Tandis qu’elle caresse la main du poète, « le souvenir étranglé » de la mort du père étreint à nouveau Michèle Finck. Par-delà les dissemblances entre les deux hommes, une même souffrance. Et, de « la main du mourant » à la main du père, une même caresse.

    Le poème d’ouverture de l’Aria semble donc bien prendre appui sur les trois vocables que Michèle Finck met en évidence dans sa contribution au numéro spécial de la revue Europe consacré à Yves Bonnefoy. Séparation/réparation/obstination. Une « triade » dans laquelle s’inscrit l’ensemble du présent recueil. Dans cet incipit magistral du recueil, Michèle Finck aborde en effet en un seul poème les problématiques qui traversent son ouvrage et qui occupent celui-ci tout entier.

    « Poésie     dire ce que c’est :     la condition humaine.

    Musique     est l’autre face     de la mort. »

    L’une et l’autre se rencontrent dans une même phrase :

    « Poésie et musique     là où neige     un peu de paille. »

    À la lecture de ce vers, on peut soupçonner une once de douceur. Pourtant l’angoisse et le doute bousculent ce fragile équilibre et des questions lancinantes s’insinuent dans le chemin de faille. La musique et la poésie permettent-elles de toujours apporter la « réparation » tant espérée par la poète ? « La compassion poétique » peut-elle toujours répondre aux désastres auxquels l’humanité malmenée est confrontée et soumise ?

    Dans les « Variations » comme dans les « Cris », des noms surgissent qui tissent leurs liens avec les Variations Goldberg. Noms de compositeurs (Bach, Scarlatti, Berg, Luigi Nono, Scriabine, Purcell), noms d’interprètes (Glenn Gould versus Gustav Leonhardt, Murray Perahia, Tatiana Nikolaïeva, Wanda Landowska…), mais aussi de peintres et de sculpteurs (Munch, Velasquez, Bacon, Rodin, Marino Marini, Giacometti), d’écrivains et de poètes (Blake, Trakl, Rilke, Dante, Ungaretti), de metteurs en scène (Antonioni, Bergman, Duras, Jean Rouch…), « voix-entraille » « éraillée gutturale entaillée vaginale » de Billie Holiday qui crie sa solitude, cris de femmes violées ou assassinées – Cologne, 31 décembre 2015 ; Paris, Bataclan, 13 novembre 2015 ; « Cris-Femmes » de poètes suicidées –…

    Comment répondre ? Que répondre à la solitude ? Que répondre aux solitudes ? Aux désastres ? Guerres viols chaos ? Dans des textes en italiques au phrasé elliptique et mutilé, la poète dit l’humanité déchirée, déshumanisée. Prise de saisissement à la vue du tableau de Munch (Cri 1), elle ne peut que bégayer son texte, pris dans les répétitions qui le ponctuent : « Sans rien voir » (4 fois) ; « cri sismique » ; … « Cri cosmique » ; « cri-spasme » ; « cri mental »…

    Et de ce cri universel surgit son propre cri couperet : « Non, Dieu n’existe pas ! »

    Qu’est-ce alors que la poésie ? Qu’est-ce que la musique ? Revenant sur sa souffrance et sur ses désarrois, la poète écrit :

    « Peux plus     écouter     les Variations Goldberg

    Sans entendre     entre chaque variation     un cri effrayant.

    C’est ça     pour moi     la vie maintenant :     Choc.

    Choc     du rêve selon Bach     et du cri.

    Ce qu’on appelle     condition humaine     c’est ça :

    Chair     prise au piège :     choc     de musique

    Contre cri     et de cri     contre musique.

    Vie : Variations Goldberg avec cri. »

    Peut-être faut-il remonter aux traumatismes de l’enfance pour suivre l’évolution de la poète ? La comprendre. Partager avec elle ce qui la déchire. Saisir au plus près ce qui constitue failles et restaurations. Les quinze premières « Variations », d’essence autobiographique, ouvrent des pistes d’analyse. Anorexie/insomnie ; antagonisme père/mère… Michèle Finck confie dans ces pages – outre ses petits bonheurs et découvertes, les « quarante couleurs Caran d’Ache » – ses peurs d’enfance et ses premières confrontations avec la mort. De l’histoire de la « Femme-au-Plâtre-de-Mort », l’enfant apprend qu’il lui faudra désormais apprendre à composer. Elle s’invente des talismans, mots de passe et chansons. Pour se consoler du « casser », elle s’arrime à « caresser ». De « Kasser » à « Karesser ». Ka[re]sser. Une seule syllabe suffit — ainsi en est-il aussi de « séparer » / « réparer » — pour apprivoiser ce qui fait mal. Et faire reculer ce mal. C’est la leçon de piano du père alsacien – « alingue » (de langue alsacienne, puis allemande mais jamais vraiment française) – à sa fille sur son « piano de paille » :

    « D’un seul doigt, il joue sur ce piano de paille la mélodie de l’Aria des Variations Goldberg, qui se trouve dans le Klavierbüchlein d’Anna Magdalena, dit-il : « Sol Sol La Sol La Si La Sol Fa dièse Mi Ré. » Puis, posant ma main sur le petit clavier, il murmure à voix très douce chuchotante et en faisant lui-même le geste : « Karesser, karesser. » »

    « Casser caresser », chantonne l’enfant pour guérir ses peurs dans la lallation des deux mots. Sensible au « grand corps organique de la musique », la poète l’est aussi à la musique des mots. À leur musicalité davantage qu’à leurs images. Le « Gold » de « Goldberg » ne concentre-il pas à lui seul toute l’essence de la musique ?

    « La musique empêche de tomber », dit le père. Et la poète d’ajouter :

    « Cette phrase décisive, combien de fois me l’être rappelée, dans les moments de l’existence où tout l’être semble chanceler, chavirer par-dessus bord ! »

    Si, « derrière     toute caresse    il y a     un cri », ne doit-on pas, réciproquement, derrière tout cri, tenter de débusquer une caresse. C’est ainsi que, sous les modulations tragiques de l’air de Purcell Ô Solitude, la présence continue de la basse obstinée agit comme un baume, une présence caressante et consolatrice.

    Obstination, dit-elle. « Comme essence du poétique ». Et de la musique.

    « La caresse le cri.

    Caresse     et musique de Bach    savent.     Sauvent. »

    Tels sont les mots ultimes du dernier « Cri ». 30 : Bergman, Cris et chuchotements. Qui précède l’Aria finale dédiée à Yves Bonnefoy. Où l’on découvre cette leçon bouleversante – confiée au poète mourant :

    « Même     votre  mort     est une leçon     de    vie. »

    Sur un piano de paille, Variations Goldberg avec cri : une poésie « sous haute tension ».



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli





    Michèle Finck  Sur un piano de paille 2






    MICHÈLE FINCK


    Michèle Finck  portrait
    Image, G.AdC





    ■ Michèle Finck
    sur Terres de femmes


    Variation 9 :: À Glenn Gould 1981 (poème extrait de Sur un piano de paille)
    Connaissance par les larmes (lecture d’AP)
    [Pier Paolo Pasolini, Mamma Roma] (poème extrait de Connaissance par les larmes)
    [Chostakovitch, Tsvetaïeva, Akhmatova] (poème extrait de La Troisième Main)
    La Troisième Main (lecture d’Isabelle Raviolo)
    Pitié (poème extrait de L’Ouïe éblouie)
    [Cette fois nous parvenons à travailler] (poème extrait de Poésie Shéhé Résistance)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions Arfuyen)
    une notice bio-bibliographique sur Michèle Finck
    → (sur le site des éditions Arfuyen)
    la page de l’éditeur sur Sur un piano de paille de Michèle Finck
    → (sur le site du Nouveau recueil)
    une lecture de Sur un piano de paille de Michèle Finck, par Jean-Michel Maulpoix
    → (sur En attendant Nadeau)
    « Variations de la caresse et du cri », une lecture de Sur un piano de paille par Alain Roussel (13 mai 2020)





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  • Michèle Finck | Variation 9 :: À Glenn Gould 1981



    Gould 1981
    Glenn Gould interprétant la Variation 9 des Variations Goldberg (1981)
    Source








    VARIATION 9

    À GLENN GOULD 1981



    Variation 9. &nbsp  Canon
    Sur la tierce.     Écoute :
    Toute interprétation     est    un songe.
    Voici     deux coquillages     sonores     vivants.
    Pose     ton     oreille     contre chacun d’eux.
    Font entendre     les mêmes notes
    Mais     racontent     à l’ouïe
    Deux     histoires     de musique.
    Deux     songes     de    sons.



    Gustav Leonhardt
    Grand paon     au clavecin.
    Fait     la roue.
    Toutes plumes     superbes     déployées.
    Aristocratie     du     toucher     scintille.
    Orfèvrerie sonore. Offrande d’orpailleur.
    Monde     passé à l’or     le plus fin.
    Horlogerie     musicale     savante     brillante
    Règle l’univers.     Miniaturiste     des sons.
    Chaque ornement     flamboie.     Impeccable.
    Révérence devant     les conventions     d’époque.
    Transmission     d’un savoir     séculaire.
    D’une vision de l’univers     rêvé
    Ordre.     Orgueil.     Élitisme du grand Prêtre
    Perruqué poudré     dans le film de Straub-Huillet.
    Virtuosité.     Perfection.     Dévotion.
    Ce songe     ne désaltère     pas     la soif de l’oreille.
    « La musique     savante
    Manque     à notre désir. »
    Gustav Leonhardt :     interpréter
    C’est     répondre.

    Glenn

    Gould

    Changer     d’interprétation :
    Changer – de vision.
    Glenn Gould : interpréter
    C’est     questionner.
    Songe de Gould     apaise soif de l’oreille.
    Comète Gould :     Commotion.
    Mais pas commotion
    Qui donne
    La mort.
    Commotion
    Qui donne
    La vie.
    1955 :     Glenn Gould     grave     Goldberg
    À 23 ans.     Gaya scienza.
    Mais déjà     quitte la scène     à 32 ans.
    « Tu as bien fait de partir »    Glenn Gould.
    1981 :    Glenn Gould grave     Goldberg.
    « Retour amont. »     Mort à 50 ans.     Gaya scienza.




    Michèle Finck, « Variation 9 : À Glenn Gould 1981 », Sur un piano de paille, Variations Goldberg avec cri, éditions Arfuyen, Collection Les Cahiers d’Arfuyen, volume 243, 2020, pp. 55-57.





    Michèle Finck  Sur un piano de paille 2






    MICHÈLE FINCK


    Michèle Finck  portrait
    Image, G.AdC





    ■ Michèle Finck
    sur Terres de femmes


    Sur un piano de paille (lecture d’AP)
    Connaissance par les larmes (lecture d’AP)
    [Pier Paolo Pasolini, Mamma Roma] (poème extrait de Connaissance par les larmes)
    [Chostakovitch, Tsvetaïeva, Akhmatova] (poème extrait de La Troisième Main)
    La Troisième Main (lecture d’Isabelle Raviolo)
    Pitié (poème extrait de L’Ouïe éblouie)
    [Cette fois nous parvenons à travailler] (poème extrait de Poésie Shéhé Résistance)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions Arfuyen)
    une notice bio-bibliographique sur Michèle Finck
    → (sur le site des éditions Arfuyen)
    la page de l’éditeur sur Sur un piano de paille de Michèle Finck




    ■ Écouter aussi ▼


    → (sur YouTube)
    Glenn Gould interprétant la Variation 9 des Variations Goldberg (1981)





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  • Denise Desautels | [ça dit grand]




    Aquatinte la regardeuse regardée l’océan dans la peau
    la regardeuse regardée

    l’océan dans la peau
    Aquatinte, G.AdC






    [ÇA DIT GRAND]



    ça dit grand
    la regardeuse regardée

    l’océan dans la peau
    assise, mortelle sans condition

    mon œil droit devant mord
    la moitié encore du tableau
    son pan d’écume et d’histoire
    juste au bas de l’autre, l’ocre
    l’agitée
    tachée d’objets tranchants qui volent

    voyez de près le va-et-vient
    je pars mais ne quitte pas



    Denise Desautels, « Rose désarroi » in L’Angle noir de la joie, éditions Arfuyen/éditions du Noroît, 2011, page 60. Prix de Littérature Francophone Jean-Arp 2010.






    Denise Desautels  L'Angle noir de la joie





    DENISE DESAUTELS


    Denise-desautels
    Ph. Rémy Boily
    Source





    ■ Denise Desautels
    sur Terres de femmes

    La dernière rivière (autre poème extrait de L’Angle noir de la joie)
    D’où surgit parfois un bras d’horizon (lecture d’AP)
    Pour dire nous voici (extrait de D’où surgit parfois un bras d’horizon)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de la Mél [Maison des écrivains et de la littérature])
    une fiche bio-bibliographique sur Denise Desautels
    → (sur Mediapart)
    « Denise Desautels ou la résistance à l’écriture », par Pascal Maillard





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